La lettre juridique n°433 du 24 mars 2011 : Avocats/Responsabilité

[Chronique] La Chronique de responsabilité des avocats de David Bakouche, Agrégé des Facultés de droit, Professeur à l'Université Paris-Sud (Paris XI) - Mars 2011

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le 24 Mars 2011

Lexbase Hebdo - édition professions vous propose, cette semaine, la Chronique de responsabilité des avocats de David Bakouche, Agrégé des Facultés de droit, Professeur à l'Université Paris-Sud (Paris XI). Au sommaire de cette nouvelle chronique seront présentés, d'une part, un arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 15 février 2011 qui rappelle les limites du devoir d'information et de conseil de l'avocat tirées de la mission qui lui a été confiée (CA Paris, 15 février 2011, Pôle 2, 1ère ch., n° 09/28528). D'autre part, l'auteur a choisi de s'arrêter sur une décision de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 14 février 2011, qui revient sur la faute de l'avocat dans l'appréciation de l'opportunité d'exercer une voie de recours (CA Bordeaux, 1ère ch., sect. A, 14 février 2011, n° 10/05690).
  • Les limites du devoir d'information et de conseil de l'avocat tirées de la mission qui lui a été confiée et de ce qu'il n'est pas tenu de vérifier les déclarations d'ordre factuel faites par les parties en l'absence d'éléments permettant de douter de leur exactitude (CA Paris, 15 février 2011, Pôle 2, 1ère ch., n° 09/28528 N° Lexbase : A1950GXI)

L'occasion est fréquemment donnée, dans le cadre de cette chronique, d'évoquer les conditions de mise en oeuvre de la responsabilité de l'avocat. A ce titre, l'accent est souvent mis sur la relative sévérité de la jurisprudence, qui se montre, à son égard, rigoureuse. Encore faut-il tout de même relever que cette responsabilité n'est pas sans limites. Un récent arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 15 février 2011, rendu sur renvoi après cassation, mérite, sous cet aspect, d'être signalé.

Les faits à l'origine du litige étaient les suivants. Le groupe X était détenu principalement par Messieurs P.-J. et Ch. X, fils de Monsieur Pierre X, dont le cabinet Y était le conseil en droit fiscal. A la suite du décès de Monsieur P.-J. X, intervenu le 12 avril 1991, les représentants des deux branches de la famille se sont entendus pour confier à Madame Renée Z, veuve de Monsieur P.-J. X, des responsabilités dans le groupe. C'est ainsi qu'au cours de l'assemblée générale du 2 octobre 1991 de la société holding du groupe, la société Agropar, Madame Renée Z a été désignée en qualité de directeur général. La société Agropar a fait l'objet en 1999 et 2000 d'une vérification de comptabilité qui a abouti à l'envoi par l'administration fiscale d'une notification de redressement, l'administration fiscale ayant considéré que la fonction de Madame Renée Z dans l'entreprise était fictive et qu'elle ne pouvait, par conséquent, donner lieu à une déductibilité des frais de personnel y afférents. Madame Z s'étant finalement acquittée de la somme de 2 592 553 euros auprès du trésor public, elle a engagé une action en responsabilité civile à l'encontre du cabinet Y lui reprochant d'être à l'origine du redressement dont elle avait ainsi fait l'objet.

Le tribunal de grande instance de Paris, par jugement du 16 mars 2006, a fait droit à cette demande et a jugé que la société d'avocats avait effectivement manqué à ses obligations contractuelles à l'égard de Madame Renée Z. Mais cette décision devait ensuite être infirmée par la cour d'appel de Paris par un arrêt en date du 6 novembre 2007 (CA Paris, 1ère ch., sect. A, 6 novembre 2007, n° 06/08639 N° Lexbase : A8235DZZ).

La Cour de cassation ne l'a cependant pas entendu ainsi et, par un arrêt en date du 13 octobre 2009, a cassé l'arrêt de la cour d'appel (Cass. com., 13 octobre 2009, n° 08-10.430, F-D N° Lexbase : A0823EMG). Le motif de l'arrêt mérite d'être ici reproduit : "Attendu que pour écarter le grief de Mme [Z] sur l'absence d'information donnée par la société [Y] sur l'obligation d'exercer effectivement les fonctions de directeur général de la société dont elle détenait des actions, pour maintenir leur statut de biens professionnels exonérés de l'impôt de solidarité sur la fortune, l'arrêt retient que Mme [Z] n'établit pas la connaissance, par la société [Y], de son incapacité à occuper lesdites fonctions ; attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'avocat, conseiller juridique et fiscal, est tenu d'une obligation particulière d'information vis-à-vis de son client, laquelle comporte le devoir de s'informer de l'ensemble des conditions de l'opération pour laquelle son concours est demandé, et qu'il lui incombe de prouver qu'il a exécuté cette obligation, la cour d'appel a violé le texte susvisé". La cour d'appel de Paris, statuant donc sur renvoi après cassation, a cependant résisté et écarté la responsabilité de la société d'avocats.

1. Pour justifier sa solution, la cour d'appel s'efforce d'abord de démontrer l'absence de faute de l'avocat au regard de la mission qui lui avait été confiée. L'arrêt relève ainsi que la lettre adressée par la cliente à l'avocat prenant acte de sa mission révélait qu'il était chargé du règlement de la succession de P.-J. X, et en déduit que "même si le concours demandé à l'avocat est de nature fiscale, son devoir d'information est limité aux conséquences fiscales de l'opération envisagée, appréciée au regard de la mission qui lui a été confiée et au but poursuivi par le client".

Sans doute faut-il ici redire qu'il est acquis que l'avocat, tenu, en tant que rédacteur d'acte, de prendre toutes dispositions utiles pour assurer la validité et l'efficacité de l'acte pour lequel son concours est sollicité (1), doit se renseigner sur les éléments de droit et de fait qui commandent les actes qu'il prépare ou les avis qu'il doit fournir, et informer ses clients sur la portée de l'acte et sur la conduite à tenir (2). Mais il est parfaitement entendu que la caractérisation d'un éventuel manquement de l'avocat à ses obligations suppose de déterminer l'étendue de la mission qui lui a été confiée : la jurisprudence décide d'ailleurs, classiquement, que la responsabilité de l'avocat ne peut valablement s'apprécier qu'au regard de son mandat (3). La solution, qui vaut bien sûr dans l'hypothèse dans laquelle l'avocat agit en vertu d'un mandat ad litem, a naturellement vocation à s'appliquer non seulement lorsqu'il agit en vertu de mandats ad negotia qui peuvent n'avoir aucun lien avec une procédure judiciaire, mais aussi à toutes les hypothèses dans lesquelles il interviendrait en tant que conseil, et ce en dehors de tout mécanisme de représentation propre au mandat. Ce qui est déterminant dans l'appréciation de la responsabilité de l'avocat ne tient pas tant à la qualification juridique de son intervention (mandat ou autre) qu'à la détermination de la mission qu'il accepte d'assumer, le mandat n'étant d'ailleurs à vrai dire qu'un instrument permettant, précisément, de déterminer le contenu de cette mission. Au demeurant, la jurisprudence décide, sans qu'il soit nécessaire de recourir à la théorie du mandat, que l'exécution par l'avocat de son obligation d'information et de conseil s'apprécie au regard de la mission qui lui a été confiée, jugeant ainsi que "le devoir de conseil et d'information du conseil juridique qui s'exerçait préalablement à la conclusion de l'acte pour assurer son efficacité ne s'étend pas, sauf mission particulière confiée à celui-ci [...] à la réalisation de formalités extrinsèques à l'acte qui ne relevaient que de la seule initiative des parties" (4).

Ainsi délimitée, on comprend bien que, en l'espèce, la société Y n'ait eu à préconiser aucun montage sur le mode de gouvernance au sein de la société Agropar et que la désignation de Madame Z au poste de directeur général résultait uniquement d'un choix des administrateurs de la société qui avaient souhaité lui accorder des responsabilités au sein du groupe X. Il était dès lors bien évident qu'il n'incombait pas au cabinet d'avocats de s'immiscer dans la négociation entreprise entre les actionnaires du groupe X en vue du remplacement de Monsieur P.-J. X au poste de directeur général, une telle décision relevant du choix souverain des actionnaires de la société. En tout état de cause, c'est l'absence d'activité réelle de Madame Z dans l'entreprise qui était à l'origine du redressement et non sa nomination au poste de directeur général. Or, au regard de la mission qui était la sienne, il n'incombait pas au cabinet Y d'informer sa cliente de la nécessité d'une activité réelle dans l'entreprise pour bénéficier de certains avantages fiscaux.

La solution doit être approuvée : contrairement à ce que semblait avoir considéré la Cour de cassation dans cette affaire, ce n'est pas la nature (fiscale, civile, commerciale, sociale, etc.) de l'opération pour laquelle le concours de l'avocat est sollicité qui détermine le domaine de son obligation d'information et de conseil, mais bien la teneur de l'opération elle-même, autrement dit le contenu de la mission de l'avocat. C'est du reste ce qui explique que, même lorsque l'opération pour laquelle le concours de l'avocat est demandé est de nature fiscale, son obligation d'information et de conseil ne s'étende pas à toutes les conséquences fiscales de ladite opération : son obligation est circonscrite aux seules conséquences de l'opération, appréciée au regard de la seule mission qui lui a été confiée et aux mobiles poursuivis par son client.

Au cas d'espèce, il est ainsi cohérent d'avoir considéré que, au regard de la mission qu'il avait acceptée et qui seule permettait d'apprécier un éventuel manquement, le cabinet Y n'était pas tenu d'informer sa cliente de la nécessité d'une activité effective dans l'entreprise pour bénéficier de certains avantages fiscaux, dès lors qu'il était établi que le cabinet Y était intervenu dans le cadre d'une mission qui lui avait été confiée en matière de fiscalité personnelle et n'était donc chargé d'aucune mission relevant du droit des sociétés.

2. Ensuite, la cour relève, pour écarter toute faute imputable à l'avocat, qu'il n'avait aucune raison de se douter du caractère fictif de l'activité exercée par sa cliente dans la société. La cour a en effet constaté que, jusqu'au 17 décembre 1999, date de la première notification de redressement, le cabinet d'avocats ignorait la nature des activités de Madame Z dans la société Agropar et qu'il avait toutes les raisons de penser qu'elle exerçait réellement des fonctions dans l'entreprise, d'autant que l'URSSAF avait réalisé des contrôles en 1996, 1999 et 2002, pour les années allant de 1993 à 2001, et que ces contrôles n'avaient révélé aucune anomalie. Aussi bien, le contexte faisait-il apparaître que l'avocat avait légitimement pu croire à la réalité des fonctions exercées par sa cliente dans l'entreprise telles qu'elles lui avaient été exposées par celle-ci.

La motivation est bien connue : cette circonstance est, évidemment, de nature à restreindre le champ de l'obligation d'information et de conseil de l'avocat, qui n'est pas absolu. Il est, en effet, des circonstances qui libèrent le débiteur. Ainsi, en dehors même du fait que le devoir de conseil ne s'applique pas aux faits qui sont de la connaissance de tous (5) ou, inversement, qui sont ignorés de tous, rendant du même coup l'erreur invincible (6), la jurisprudence décide que le professionnel n'est pas tenu de vérifier les déclarations d'ordre factuel faites par les parties, du moins dans les hypothèses dans lesquelles aucun élément ne permettait de douter de leur exactitude. Ainsi a-t-elle jugé que "l'avocat ne saurait être tenu, dans le cadre de son obligation de conseil, de vérifier les informations fournies par son client s'il n'est pas établi qu'il disposait d'informations de nature à les mettre en doute ni d'attirer son attention sur les conséquences d'une fausse déclaration" (7). Un arrêt en date du 25 mars 2010 a repris cette solution en énonçant que "le devoir de conseil auquel est tenu le rédacteur d'actes s'apprécie au regard du but poursuivi par les parties et de leurs exigences particulières lorsque, dans ce dernier cas, le praticien du droit en a été informé ; que si le professionnel doit veiller, dans ses activités de conseil et de rédaction d'actes, à réunir les justificatifs nécessaires à son intervention, il n'est, en revanche, pas tenu de vérifier les déclarations d'ordre factuel faites par les parties en l'absence d'éléments de nature à éveiller ses soupçons quant à la véracité des renseignements donnés" (8).

  • La faute de l'avocat dans l'appréciation de l'opportunité d'exercer une voie de recours (CA Bordeaux, 1ère ch., sect. A, 14 février 2011, n° 10/05690 N° Lexbase : A1166GXH)

La mise en oeuvre de la responsabilité civile de l'avocat suppose, bien entendu, qu'une faute puisse lui être imputée. La faute de l'avocat peut, ainsi, consister dans un manquement à l'une quelconque des obligations découlant du mandat qui le lie à son client (9) : chargé de représenter son client en justice, il agit, en effet, au nom de ce dernier en vertu, en principe, d'un mandat ad litem, c'est-à-dire d'un mandat général, en ce sens qu'il oblige l'avocat, dans le cadre de l'activité judiciaire, à accomplir tous les actes et formalités nécessaires à la régularité de forme et de fond de la procédure, étant entendu que la détermination de la responsabilité de l'avocat suppose d'apprécier l'étendue du mandat qui lui a été confié (10).

La faute susceptible d'engager la responsabilité de l'avocat peut également consister dans un manquement de celui-ci à son obligation d'information et de conseil, étant entendu que le devoir de conseil est plus étendu que la simple obligation d'information et implique aussi que l'avocat soit tenu de donner des avis qui reposent sur des éléments de droit et de fait vérifiés, en assortissant ses conseils de réserves s'il estime ne pas être en possession d'éléments suffisants d'appréciation une fois effectuées les recherches nécessaires (11). Il lui incombe encore, à ce titre, d'informer son client de l'existence de voies de recours, des modalités de leur exercice et de lui faire connaître son avis motivé sur l'opportunité de former une voie de recours. La solution est bien connue. Aussi peut-on ici se contenter d'évoquer un arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 14 février 2011, qui en constitue une nouvelle illustration.

En l'espèce, faisant état de dégradations ayant affecté leur mobilier lors d'un déménagement réalisé le 25 janvier 2001 par une société spécialisée, des époux avaient, par ordonnance du juge des référés en date du 14 mars 2001, obtenu l'organisation d'une mesure d'expertise ayant donné lieu au dépôt d'un rapport le 18 octobre 2001. Le 22 janvier 2003, les époux ont assigné en responsabilité la société devant le tribunal de grande instance de Bayonne par l'intermédiaire de leur avocat. Par jugement en date du 2 février 2004, le tribunal a déclaré leur demande irrecevable comme prescrite au regard de l'article 15 des conditions générales du contrat de déménagement stipulant que les actions en justice pour avarie perte ou retard doivent être intentées dans l'année qui suit la livraison du mobilier. Cette décision a, ensuite, été confirmée par un arrêt de la cour d'appel de Pau du 31 octobre 2005 aux motifs qu'est de nature interprétative et d'application immédiate aux instances en cours l'article 26 de la loi n° 2003-495 du 12 juin 2003 (N° Lexbase : L5334BHZ) qui, mettant un terme à une controverse juridique persistante, dispose que sont considérées comme des transports de marchandises, et de ce fait soumises à la prescription annale de l'article L. 133-6 du Code de commerce (N° Lexbase : L4810H9Z), les opérations de transport effectuées dans le cadre d'un déménagement. Le pourvoi formé contre cet arrêt ayant été rejeté, les époux ont fait assigner leur avocat en responsabilité en lui reprochant d'avoir tardé à agir après expertise et d'avoir engagé des voies de recours disposant de chance de succès limité.

Sur cette question relative à la responsabilité de l'avocat, la cour d'appel de Bordeaux, après avoir certes relevé que l'action introduite sur les conseils de l'avocat à l'encontre de l'entreprise de déménagement avait été initialement diligentée avant la promulgation de la loi du 12 juin 2003, décide tout de même qu'avant cette intervention législative, une résistance des juridictions du fond admettait déjà la validité de la clause enfermant les actions pour avaries, pertes ou retard dans le délai d'un an à compter de la livraison. Aussi bien en déduit-elle que l'avocat, en retardant au delà d'une année l'introduction de l'action au fond de ses clients, avait favorisé, par son manque de diligences personnelles, la perte de chance de voir aboutir leur action en réparation. Et, en tout état de cause, les magistrats bordelais ne manquent pas de faire valoir que la défaillance de l'avocat dans son devoir de conseil résulte encore de ce que, postérieurement à la promulgation de la loi du 12 juin 2003, il incitait encore ses clients à poursuivre une instance vouée à l'échec dans le cadre d'une procédure d'appel puis d'un pourvoi en cassation.

On redira rapidement que l'avocat est tenu d'accomplir, dans le respect des règles déontologiques, toutes les diligences utiles à la défense des intérêts de son client. Et s'il est parfaitement acquis qu'il ne peut lui être imputé à faute de n'avoir pas anticipé une évolution imprévisible du droit positif, il est en revanche évident qu'il se doit de faire valoir une évolution jurisprudentielle acquise dont la transposition ou l'extension à la cause dont il a la charge a des chances sérieuses de la faire prospérer (12). Ainsi, la responsabilité de l'avocat doit-elle être engagée lorsqu'il aura intenté l'action tardivement et en méconnaissance d'une nouvelle jurisprudence de la Cour de cassation (13). C'est que, en tout état de cause, et comme le retient d'ailleurs la cour d'appel de Bordeaux dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt du 14 février dernier, l'existence d'une incertitude juridique ne dispense pas l'avocat de son devoir de conseil, et l'oblige en tout cas à se montrer particulièrement prudent dans le choix des voies de recours qu'il décide de mettre en oeuvre (14). Et s'il est évident qu'engage sa responsabilité l'avocat qui omet d'exercer un recours, contrairement aux instructions écrites de son client qui contestait une décision qui avait de sérieuses chances d'être réformée en appel (15), il n'est pas davantage discutable que sa responsabilité est également susceptible d'être retenue s'il engage une procédure manifestement vouée à l'échec et contraire aux intérêts de son client alors qu'il aurait dû l'avertir des risques prévisibles auxquels il s'exposait (16), compte tenu du droit positif ou des incertitudes de celui-ci (17). Par où l'on voit que l'avocat est tenu d'un devoir de contrôle qui consiste notamment à vérifier que l'action de son client est fondée et que les conditions de recevabilité de celle-ci sont réunies.

Une fois la faute établie, il reste encore à déterminer le préjudice réparable. Celui qui est causé par l'exercice d'une voie de recours manifestement vouée à l'échec ne pose pas de réelle difficulté : il consistera dans les dépenses inutilement engagées par le client et, éventuellement, dans le préjudice moral qui en est résulté. Plus complexe est sans doute la détermination du préjudice lorsque la faute de l'avocat a consisté à ne pas exercer ou à exercer trop tard une voie de recours. Le préjudice consiste alors dans une perte de chance. L'occasion a, à plusieurs reprises, été donnée d'y insister dans le cadre de cette chronique. On rappellera, sous cet aspect, que le juge doit alors, pour évaluer le préjudice pouvant résulter de la faute de l'avocat, reconstituer fictivement la discussion qui aurait pu s'instaurer entre les parties (18).

David Bakouche, Agrégé des Facultés de droit, Professeur à l'Université Paris-Sud (Paris XI)


(1) Cass. civ. 1, 5 février 1991, n° 89-13.528 (N° Lexbase : A4419AH7), Bull. civ. I, n° 46.
(2) Cass. civ. 1, 27 novembre 2008, n° 07-18.142, F-P+B sur la première branche (N° Lexbase : A4608EBB), Bull. civ. I, n° 267.
(3) Voir encore, récemment, Cass. civ. 1, 17 juin 2010, n° 09-15.697, F-P+B (N° Lexbase : A1017E33).
(4) Cass. civ. 1, 23 mars 2004, n° 01-03.903, F-D (N° Lexbase : A6177DBE).
(5) Cass. civ. 3, 20 novembre 1991, n° 90-10.286 (N° Lexbase : A2944ABN), Bull. civ. III, n° 284 ; Cass. civ. 1, 28 mars 2000, n° 97-18.737 (N° Lexbase : A3478AUD), Bull. civ. I, n° 101.
(6) Cass. civ. 1, 21 novembre 2000, n° 98-13.860 (N° Lexbase : A9344AHK), Bull. civ. I, n° 300.
(7) Cass. civ. 1, 30 octobre 2007, n° 05-16.789, F-D (N° Lexbase : A2275DZB).
(8) Cass. civ. 1, 25 mars 2010, n° 09-12.294, F-P+B+I (N° Lexbase : A1345EUD).
(9) Cass. civ. 1, 18 janvier 1989, n° 86-16.268 (N° Lexbase : A8645AAG), Bull. civ. I, n° 17.
(10) Cass. civ. 1, 17 juin 2010, n° 09-15.697, F-P+B (N° Lexbase : A1017E33).
(11) Voir, sur cette question, la note précédente.
(12) Cass. civ. 1, 14 mai 2009, n° 08-15.899, FS-P+B (N° Lexbase : A9822EGU), Bull. civ. I, n° 92.
(13) Cass. civ. 1, 15 octobre 1985, n° 84-12.309 (N° Lexbase : A5508AAA), Bull. civ. I, n° 257.
(14) Comp., s'agissant du notaire, Cass. civ. 1, 9 décembre 1997, n° 95-21.407 (N° Lexbase : A0784ACZ), Bull. civ. I, n° 362 ; rappr. Cass. civ. 1, 7 mars 2006, n° 04-10.101, FS-P+B (N° Lexbase : A4958DNX), Bull. civ. I, n° 136, à propos d'une évolution juridique en cours devant conduire le notaire à mettre en garde son client.
(15) CA Paris, 1ère ch., sect. B, 17 novembre 1995, Gaz. Pal., 1996, 1, somm. p. 13.
(16) Cass. civ. 1, 29 avril 1997, n° 94-21.217 (N° Lexbase : A0136ACZ), Resp. civ. et assur., 1997, chron. n° 19, note H. Groutel ; add. P. Michaud, Les avocats sont-ils des canards de foire ?, JCP éd. G, 1997, IV, 1240.
(17) Cass. civ. 1, 9 juillet 1996, n° 94-14.341 (N° Lexbase : A7831BQ4).
(18) Cass. civ. 1, 2 avril 2009, n° 08-12.848, F-P+B (N° Lexbase : A5253EEB), Bull. civ. I, n° 72.

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