La lettre juridique n°699 du 18 mai 2017 : Urbanisme

[Jurisprudence] Application de la jurisprudence relative à la réouverture des débats à l'hypothèse de la production d'un permis de construire modificatif après la clôture de l'instruction

Réf. : CE 1° et 6° ch.-r., 28 avril 2017, n° 395867, 396238, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3243WBQ)

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N8216BW9

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par Arnaud Le Gall, Maître de conférences en droit public, Université de Caen Normandie et Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Droit de l'urbanisme"

le 18 Mai 2017

Dans un arrêt rendu le 28 avril 2017, la Haute juridiction apporte des éléments nouveaux portant sur l'articulation entre le permis modificatif, la procédure contentieuse et l'article L. 600-5 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L4354IXK). Au titre des faits, on rappellera que la commune de Bayonne avait délivré, le 2 décembre 2013, à la société X un permis de construire portant sur un projet d'envergure puisqu'il concernait la réalisation de quatre bâtiments comprenant, au total, 96 logements. Un premier permis modificatif avait été délivré le 8 avril 2014. Le recours gracieux formé par les requérants contre le permis initial ayant été rejeté par une décision du maire du 12 mars 2014, ceux-ci avaient donc saisi le tribunal administratif de Pau d'un recours dirigé contre les deux autorisations. Le tribunal administratif n'a pas eu de difficulté à reconnaître l'intérêt pour agir des requérants et à écarter la première fin de non-recevoir soulevée, bien inutilement il faut le dire, par le pétitionnaire. En effet, après avoir rappelé les termes de l'article L. 600-2 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L7651ACD) et la jurisprudence rendue au sujet de la limitation de l'intérêt pour agir en matière d'autorisation d'urbanisme (CE, 10 juin 2015, n° 386121 N° Lexbase : A6029NKI), le tribunal n'a pu que constater que le terrain des requérants étant à proximité immédiate du terrain d'assiette du projet, celui-ci affecterait les conditions d'occupation, d'utilisation et de jouissance de leur bien : d'une part, la construction, d'une importance certaine, aurait une vue directe sur leur propriété ; d'autre part, la réalisation de l'opération impliquait la démolition préalable d'une clinique située sur le terrain d'assiette du projet et la construction d'un parc de stationnement souterrain de 109 places dont la réalisation nécessitera d'importants affouillements du sol. En revanche, les premiers juges n'ont pu que constater que le recours dirigé contre le permis modificatif du 8 avril 2014 n'avait pas été notifié dans le délai de quinze jours et selon les modalités définies par l'article R. 600-1 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L7749HZZ). Ce recours a donc été déclaré irrecevable, décision que les requérants n'ont pas contesté devant le Conseil d'Etat.

Après avoir jugé que le permis était entaché de multiples irrégularités, tenant notamment à l'implantation des bâtiments et à la hauteur des façades, le tribunal a estimé que le permis initial n'était pas susceptible de faire l'objet d'une régularisation dans le cadre de l'article L. 600-5 du Code de l'urbanisme. En conséquence, il a considéré que la production d'un second permis modificatif, le 16 octobre 2015, soit trois jours après l'audience de jugement, ne constituait pas une circonstance nouvelle de nature à le contraindre à prononcer la réouverture de l'instruction. Saisi d'un pourvoi dirigé contre ce jugement, le Conseil d'Etat annule la décision des premiers juges et profite de l'occasion pour préciser le régime du permis modificatif. L'arrêt fait ainsi prévaloir le permis modificatif sur des considérations générales relatives à la loyauté du débat (I) et ouvre une voie de droit concurrente à celle de l'article L. 600-5-1 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L4350IXE) (II).

I - Permis modificatif et loyauté du débat contentieux

L'arrêt du 28 avril 2017 applique la jurisprudence relative à la réouverture des débats à l'hypothèse de la production d'un permis de construire modificatif après la clôture de l'instruction.

L'article R. 613-3 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L9949LAQ) pose une règle de principe destinée à discipliner les parties. Il précise en effet que "les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction". Toutefois, la rigidité d'une telle règle, dont les atouts ne sont pas négligeables, a conduit le Conseil d'Etat à poser un régime dérogatoire à l'absence d'effets des écrits produits après la clôture de l'instruction. L'arrêt commenté reprend donc à son compte les termes d'une jurisprudence désormais bien établie. Il dispose que, "devant les juridictions administratives et dans l'intérêt d'une bonne justice, le juge a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci ; qu'il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser ; que, s'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser ; que, dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision".

En plus du commentaire précédemment fait au sujet de cette jurisprudence (1), on soulignera plusieurs détails.

Tout d'abord, le rappel que le juge administratif est le seul maître de l'instruction, ce qui lui permet, par exemple, de prononcer une mesure d'instruction en cours d'instance lorsqu'il s'estime insuffisamment informé pour prendre sa décision. Ensuite, la généralité du terme de "production" permet de considérer que celle-ci recouvre, à la fois des mémoires ou des écrits mais également des pièces nouvelles. Enfin, on notera que la date d'audience importe peu : seule compte la date de clôture. L'extrême limite du délai qui est ouvert aux parties pour profiter, en tant que de besoin de cette opportunité, est celle de la lecture de la décision. Ce qui a pu se dérouler à l'audience, et notamment, les conclusions prononcées par le rapporteur public est sans influence sur le droit des parties à communiquer un élément nouveau et sur l'obligation faite au juge d'en tirer les conséquences.

Le respect du débat contradictoire est donc au centre de ce régime : que le juge décide de tenir compte de la production nouvelle ou qu'il y soit tenu à cause du contenu de cette production, celle-ci devra être soumise à un débat contradictoire, y compris, si besoin est, après le déroulement de l'audience.

L'arrêt rapporté fait donc application de ce régime à la matière très spécifique des permis de construire modificatifs. Il énonce "que, lorsque le juge est saisi d'un recours dirigé contre un permis de construire et qu'est produit devant lui, postérieurement à la clôture de l'instruction, un permis modificatif qui a pour objet de modifier des éléments contestés du permis attaqué et qui ne pouvait être produit avant la clôture de l'instruction, il lui appartient, sauf si ce permis doit en réalité être regardé comme un nouveau permis, d'en tenir compte et de rouvrir en conséquence l'instruction".

Il s'agit donc d'une hypothèse correspondant au "cas particulier" dans lequel le juge se trouve dans l'obligation de rouvrir les débats. L'arrêt appelle plusieurs observations.

Le critère selon lequel seul un permis qui "ne pouvait être produit" avant la clôture de l'instruction doit conduire à sa réouverture n'est pas aussi clair qu'il y paraît au premier abord. En effet, l'impossibilité de la production est susceptible d'une appréciation plus ou moins rigoureuse. Si l'on s'en tient exclusivement à la compétence de l'auteur de l'acte, il est bien entendu que le pétitionnaire n'est pas maître de la délivrance d'un permis de construire modificatif : il ne peut donc le produire que lorsque celui-ci lui a été notifié.

En revanche, si l'on prend en compte la procédure d'instruction du permis, le critère de l'impossibilité change d'aspect et le pétitionnaire apparaît alors comme disposant d'un certain pouvoir sur la date d'édiction de l'acte. En effet, les délais d'instruction de droit commun de deux mois pour les maisons individuelles et trois mois fixés par l'article R. 423-23 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L7505HZY) sont significativement inférieurs au délai moyen d'instruction d'un recours contentieux devant les tribunaux administratif. Dès lors que la communication de la requête permet au défendeur de connaître, dès le début de la procédure contentieuse, la nature des moyens soulevés contre le permis, il se trouve donc en mesure d'apprécier la valeur de ces moyens. Si l'un d'entre eux lui apparaît fondé, il peut donc présenter une demande de permis de construire modificatif afin de parer une éventuelle annulation. Celui-ci sera instruit dans le délai réglementaire et donnera lieu à une décision de l'autorité administrative avant la date de la clôture de l'instruction.

On peut donc se demander si la jurisprudence à venir va prendre en compte ces considérations pour apprécier si le permis modificatif pouvait, ou non, être produit avant la clôture de l'instance. Si le pétitionnaire a tardé à présenter une demande de permis modificatif, celui-ci, s'il est rendu après cette clôture, sera-t-il considéré comme un permis "qui ne pouvait être produit avant la clôture de l'instruction" ?

La solution énoncée par l'arrêt impose également de vérifier la qualification de permis modificatif. En effet, le permis modificatif n'est délivré qu'après une procédure dont le champ d'application est limité aux modifications opérées par le permis. Le pétitionnaire est donc dispensé de présenter une demande complète. Un permis modificatif considéré comme un nouveau permis se trouve d'office entaché d'une illégalité qui touche la procédure puisqu'il a été délivré sur la base d'un dossier incomplet.

Un arrêt du 30 mars 2015 pose le principe de la régularisation des vices du permis initial par le permis modificatif dans ces termes : "lorsqu'un permis de construire a été délivré en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance des permis de construire, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'un permis modificatif dès lors que celui-ci assure les respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédé de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises ; que les irrégularités ainsi régularisées ne peuvent plus être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis initial" (CE, 30 mars 2015, n° 369431 N° Lexbase : A1157NGX).

Le juge administratif vérifie donc la légalité intrinsèque d'un permis présenté comme modificatif mais qui vise, pour tenter de couvrir le non-respect des règles de prospects, à édifier une véranda (CE, 23 septembre 1988, n° 72387 N° Lexbase : A8265APS). Le critère mis en oeuvre par la jurisprudence réside dans l'ampleur des modifications apportées au projet (CE, 21 décembre 2001, n° 211663 N° Lexbase : A9769AX4). Le permis modificatif ne doit donc pas porter atteinte à la conception d'ensemble du projet, laquelle n'incluait pas initialement nécessairement l'implantation de l'immeuble sur le terrain (CE, 16 octobre 1992, n° 115337 N° Lexbase : A8004ARU), la jurisprudence ultérieure ayant adopté une position différente sur la question de l'implantation (CE, 28 juillet 1999, n° 182167 N° Lexbase : A5086AXN ; CE, 21 décembre 2001, n° 211663 N° Lexbase : A9769AX4). Un permis modificatif qui se borne à changer la destination de volumes déjà construits et à modifier la répartition entre surface hors oeuvre brute et surface hors oeuvre nette ne porte donc pas atteinte à la conception initiale du projet (CE, 27 avril 1994, n° 128478 N° Lexbase : A0566ASR), de même qu'un permis qui apporte des modifications relatives aux aménagements des abords extérieurs du site et à l'accroissement du nombre d'arbres de haute tige à planter (CE, 13 juillet 2006, n° 269720 N° Lexbase : A6477DQX).

La question qui se pose, au regard de l'arrêt du 28 avril 2017, est de savoir dans quelle mesure le juge doit mentionner, pour la rejeter, la production d'un permis faussement modificatif et donc nouveau. Dès lors que la qualification juridique est contrôlée par le juge d'appel et, en la matière par le juge de cassation également, la décision de ne pas tenir compte de cette production et, par voie de conséquence, de ne pas rouvrir l'instruction repose sur une analyse du juge qui ne figure pas implicitement dans le jugement, puisque précisément, il n'a pas à tenir compte du permis modificatif au motif qu'il constitue un permis nouveau. Par conséquent, dès lors que l'appelant ou l'auteur du pourvoi dispose toujours de la possibilité de contester la procédure suivie par le juge précédent, le juge d'appel et le juge de cassation vont devoir exercer un contrôle sur une qualification juridique qui n'a pas été explicitée par la décision attaquée et qui ne transparaît qu'au travers d'un moyen de procédure. La chose est suffisamment originale pour être soulignée.

Le Conseil d'Etat annule donc le jugement de première instance qui avait estimé que la seule production d'un permis modificatif destiné à couvrir les irrégularités soulevées par le rapporteur public lors de l'audience portait atteinte à la loyauté du procès qui constitue une composante du procès équitable. Le Conseil écarte l'argument de la loyauté en faisant prévaloir d'une manière absolue la primauté du droit à obtenir un permis modificatif. Il annule le jugement pour erreur de droit au motif que "la circonstance liée au déroulement du procès qu'il a relevée étant sans incidence sur la possibilité de régulariser des vices affectant un permis initial par un permis modificatif".

Le tribunal administratif avait donc fait prévaloir une certaine conception de la loyauté dans le procès sous-tendue par l'idée que l'on ne peut régulariser après coup les irrégularités qui ont été soulevées contre la décision attaquée. Le Conseil d'Etat fait prévaloir sur ces considérations de principe la règle selon laquelle un permis modificatif peut toujours venir régulariser un permis de construire défaillant. En ce sens, le juge de cassation fait application de l'idée selon laquelle l'action de l'administration ne connaît d'autres bornes que le juge et la loi et qu'en dehors de ces hypothèses, rien ne peut s'opposer à ce qu'elle puisse modifier une décision antérieure.

II - Le permis modificatif et les articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du Code de l'urbanisme

L'arrêt conduit à préciser l'articulation du principe énoncé par le Conseil d'Etat avec l'application de l'article L. 600-5 du Code de l'urbanisme.

Le tribunal administratif avait estimé que les vices qui entachaient le permis n'étaient pas susceptibles d'être régularisés. Il en avait conclu que la délivrance d'un permis modificatif ne pouvait constituer une circonstance nouvelle au sens de la jurisprudence récente du Conseil d'Etat et ce, après avoir rappelé les termes de l'arrêt du 30 mars 2015 précité, lequel avait considéré que la délivrance du permis modificatif constituait une circonstance nouvelle susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire (CE, 30 mars 2015, n° 369431, préc.).

Le tribunal administratif s'est probablement mépris sur la portée exacte de cet arrêt en estimant qu'il lui donnait le droit d'opérer un lien entre la procédure et le fond. Le jugement précise que "les illégalités internes qui entachent le permis en litige ne sont pas au nombre de celles qui peuvent être régularisées au moyen d'un simple permis de construire modificatif ; que, par suite, la délivrance du permis de construire modificatif du 16 octobre 2015 ne constitue pas une circonstance nouvelle obligeant le tribunal à rouvrir l'instruction".

En l'occurrence, le tribunal administratif avait fait application de l'article L. 600-5 du Code de l'urbanisme qui dispose que "le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé par un permis modificatif, peut limiter à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixer le délai dans lequel le titulaire du permis pourra en demander la régularisation".

Après avoir analysé les illégalités entachant le permis, il en avait conclu que celui-ci avait été notamment délivré en méconnaissance des règles du plan local d'urbanisme régissant l'implantation et la hauteur des bâtiments et que le cumul de ces illégalités ne pouvait, eu égard à leur nature et à leur ampleur, être régularisé par un simple permis modificatif sans que soit remise en cause la conception générale du projet. En ce sens, le jugement avait suivi la jurisprudence la plus récente relative au champ d'application du permis modificatif qui exclut que l'implantation puisse faire l'objet d'une décision modificative (CE, 28 juillet 1999, n° 182167 [LXB=] ; CE, 21 décembre 2001, n° 211663 [LXB=]).

S'appuyant sur la mise en oeuvre de l'article L. 600-5 qui l'avait conduit, devant l'impossibilité de la régularisation, à ne pas appliquer les pouvoirs qu'il tient de cet article, le tribunal a donc étendu cette conclusion, relative au fond de la décision attaquée, à la procédure.

C'est en cela que réside la censure prononcée par le Conseil d'Etat qui peut, apparaître, dans un premier temps, un peu surprenante. Parce que l'article L. 600-5 soulève une question de fond et que les règles relatives au respect du contradictoire formulées par le considérant de principe relèvent de la procédure administrative contentieuse, sa mise en oeuvre ne dépend absolument pas de la légalité du permis modificatif produit par le pétitionnaire après la clôture de l'instruction.

Le raisonnement du tribunal peut se résumer ainsi : les illégalités entachant le permis interdisant au juge de faire application de l'article L. 600-5, dès lors qu'un permis modificatif ne peut, en l'espèce, légalement régulariser l'autorisation initiale, la production d'un tel permis, nécessairement illégal, ne constitue pas une circonstance nouvelle de nature à imposer au juge de rouvrir les débats. On peut comprendre que les premiers juges aient été motivés par le fait qu'il leur ait apparu absurde et inutile de rouvrir l'instruction pour soumettre au débat contentieux un permis modificatif qu'ils avaient jugé, par anticipation, illégal dans son principe même, indépendamment de ses prescriptions.

La censure du Conseil d'Etat vient remettre les choses dans l'ordre. Dès lors que la production d'un permis modificatif est toujours possible, indépendamment de sa légalité, cette production justifie de le soumettre à un débat contentieux. La réouverture des débats ne préjuge donc aucunement de la légalité du permis ni de l'exercice, par le juge de la procédure prévue par l'article L. 600-5.

Les juges du fond peuvent donc mettre en oeuvre cette procédure comme le Code de l'urbanisme leur en donne le droit et conclure à l'impossibilité de régulariser le permis initial, mais la production d'un permis modificatif après la clôture de l'instruction doit les conduire à rouvrir le débat contentieux. Les deux procédures sont donc indépendantes : la décision du juge de ne pas appliquer l'article L. 600-5, décision qui apparaît dans le jugement, est entièrement dissociée de la décision de rouvrir le débat. Une telle solution est parfaitement logique, dès lors que la production d'un permis modificatif ne préjuge jamais de la décision d'utiliser l'article L. 600-5, laquelle n'apparaît qu'à la date du prononcé du jugement.

Sans que la procédure de l'article L. 600-5-1 ne soit évoquée par l'arrêt, celui-ci ouvre néanmoins une voie de droit concurrente à celle instituée par cette disposition.

L'article L. 600-5-1 dispose que "le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par un permis modificatif peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si un tel permis modificatif est notifié dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations".

Celui-ci permet au juge surseoir à statuer s'il estime que l'un des vices entachant le permis peut être régularisé par un permis modificatif. La production de cette autorisation par le pétitionnaire conduit à un débat sur cette nouvelle autorisation. Le juge ne peut être contraint par le pétitionnaire de recourir à cette procédure.

L'arrêt du 28 avril 2017 offre à ce dernier un moyen détourné d'aboutir à un résultat similaire puisque la production du permis modificatif, délivré à son initiative, conduira à la réouverture des débats et pourra, en principe, sauver le permis initial. Si le juge ne prend pas l'initiative de recourir à l'article L. 600-5-1, le pétitionnaire pourra tenter de sauver son permis initial, dans la limite des incertitudes qui ont été rappelées précédemment relatives à la notion de "nouveau permis" et aux conditions tenant à l'impossibilité de production du permis modificatif,

Cette décision, qui confirme l'importance du permis modificatif dans son rôle d'acte de régularisation, contribue donc à sécuriser les autorisations d'urbanisme : il s'agit d'un nouvel outil que les titulaires d'autorisation contestées vont pouvoir mettre à profit.


(1) Voir nos obs., Le périmètre de protection des monuments historiques ou la quadrature du cercle ? (N° Lexbase : N1289BWN), Lexbase éd. pub., n° 404, 2016.

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