La lettre juridique n°430 du 3 mars 2011 : Procédure civile

[Textes] La réforme de la représentation devant les cours d'appel

Réf. : Loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011, portant réforme de la représentation devant les cours d'appel (N° Lexbase : L2387IP4)

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par Cédric Tahri, Directeur de l'Institut Rochelais de Formation Juridique (IRFJ), Chargé d'enseignement à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

le 03 Mars 2011

En ce début d'année 2011, une page de l'histoire judiciaire française se tourne non sans émotion. La loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011, portant réforme de la représentation devant les cours d'appel, vient de mettre un terme définitif au monopole de l'avoué auprès de ces juridictions. 433 professionnels sont concernés au sein de 231 offices (177 sociétés civiles professionnelles SCP, 53 offices individuels, 1 société d'exercice libéral à responsabilité limitée SELARL). Ces offices emploient 1 850 salariés et sont répartis en 28 compagnies, soit une par ressort de cour d'appel sauf en Outre-mer et en Alsace-Moselle. Il faut savoir que jusqu'à présent, les avoués près les cours d'appel étaient des auxiliaires de justice, des officiers ministériels qui exerçaient une activité monopolistique devant les cours d'appel dans les procédures avec représentation obligatoire (1). Ce monopole recouvrait deux dimensions : d'une part, un monopole de la représentation du mandant et, d'autre part, un monopole géographique qui se caractérisait par le fait que les avoués ne pouvaient agir que devant la cour d'appel auprès de laquelle ils étaient établis. Ce privilège est le fruit d'une longue évolution. La fonction d'avoué remonte à 1620, date à laquelle est rendu obligatoire le ministère des procureurs royaux. Ceux-ci sont déjà des titulaires d'office pour la représentation en justice. Ces charges sont supprimées sous la Révolution ; les décrets des 29 janvier et 20 mars 1791 instituent alors une profession libre, celle d'avoués, pour représenter les parties en justice. Cette fonction, de même que celle d'avocat, est supprimée par le décret du 3 brumaire an II (24 octobre 1793). Avocats et avoués sont rétablis dès 1800. Surtout, la loi du 28 avril 1816 sur les finances restaure la patrimonialité des offices. Cette situation ne va guère évoluer jusqu'en 1971. A cette date, la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques , supprime les offices d'avoués au tribunal de grande instance (TGI). Elle supprime également les avoués près les cours d'appel dans les départements d'outre-mer. Les titulaires de ces charges deviennent avocats. Ainsi, ne sont maintenus que les avoués établis auprès des cours d'appel métropolitaines. Ces officiers ministériels jouissent alors d'un monopole de postulation en appel pour lequel ils perçoivent des émoluments tarifés, monopole qui va perdurer jusqu'au début du XXIème siècle.

Jusqu'à la loi du 25 janvier 2011, la règle veut donc qu'en matière civile, la nouvelle profession d'avocat détient le monopole de la postulation et de la plaidoirie en première instance, tandis que celle d'avoué détient ce même monopole en appel. Cela dit, cette affirmation ne vaut que pour les procédures avec représentation obligatoire. En effet, pour les procédures sans représentation obligatoire, l'article 931 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1003H4W) prévoit que les parties, se défendant elles-mêmes, peuvent se faire assister ou représenter selon les règles applicables devant la juridiction dont émane le jugement ainsi que par un avoué. Il peut notamment s'agir de l'appel de certaines décisions rendues par les conseils de prud'hommes, les juridictions contentieuses de Sécurité sociale, les tribunaux paritaires de baux ruraux, les tribunaux en matière criminelle ou correctionnelle. Aujourd'hui, ces considérations sont teintées d'anachronisme si l'on considère que la suppression des avoués est programmée pour le 1er janvier 2012.

Le projet de loi de fusion des professions d'avocat et d'avoué près les cours d'appel a été délibéré en Conseil des ministres le 3 juin 2009. Il a été adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 6 octobre 2009. Devenu "projet de loi de réforme de la représentation devant les cours d'appel", il a ensuite été adopté par le Sénat le 8 décembre 2009. Adopté en seconde lecture par l'Assemblée nationale le 13 octobre 2010, il a été repris en termes conformes par le Sénat le 21 décembre 2010. Une fois voté, le texte a été déféré au Conseil constitutionnel par plus de soixante sénateurs. Les requérants faisaient grief à l'article 13 de la loi relatif à l'indemnisation des avoués, d'une part, d'avoir été adopté selon une procédure contraire à la Constitution et, d'autre part, sur le fond, d'être contraire à celle-ci en tant qu'il ne comportait pas les précisions nécessaires à l'affirmation du caractère préalable de l'indemnisation et à la définition de son régime fiscal. Cependant, dans sa décision n° 2010-624 DC du 20 janvier 2011 (N° Lexbase : A1518GQB), le Conseil constitutionnel a rejeté l'ensemble de ces griefs. Il a, en revanche, soulevé d'office la question de la compatibilité de l'article 13 de la loi au principe d'égalité devant les charges publiques et a, sur ce fondement, censuré une partie de cet article.

Dans ces conditions, il convient de revenir sur les deux aspects essentiels de la réforme, à savoir la suppression (I) et l'indemnisation des avoués (II).

I - La suppression des avoués

Depuis l'annonce de la suppression des avoués par la Garde des Sceaux de l'époque, le 9 juin 2008, la doctrine a proposé une alternative : la création d'une "profession d'avocat d'appel", à l'image du fonctionnement des cours d'appel d'Alsace et de Moselle. Toutefois, cette option n'a pas été retenue par le Gouvernement puisqu'elle obligeait à indemniser les avoués tout en nécessitant le recours à un second professionnel en cas d'appel. La suppression des avoués a donc été entérinée. Il convient d'en étudier la raison d'être (A) et les modalités (B).

A - La nécessité d'une suppression

La modernisation de la justice. La réforme poursuit principalement un objectif de modernisation de la justice, il s'agit, selon l'exposé des motifs du projet de loi, de "simplifier la démarche du justiciable et de réduire le coût du procès en appel". A la suite des rapports "Attali" et "Darrois", il est avancé que : "Aujourd'hui, la dualité d'intervention qui existe en pratique est difficilement compréhensible pour le justiciable. A l'issue de la réforme, celui-ci pourra s'adresser à un professionnel unique, habilité à le conseiller, à la représenter en justice et à plaider son dossier devant les deux degrés de juridiction".

Le respect par la France de ses engagements européens. En outre, la transposition de la Directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur (N° Lexbase : L8989HT4), rend cette réforme nécessaire. Ce texte ne permet pas de maintenir en l'état le statut des avoués, titulaires d'un office, nommés par le Garde des Sceaux et soumis à un tarif, les entraves à la libre circulation des services ne pouvant être justifiées que pour les activités participant à l'exercice de l'autorité publique. En particulier, la liberté d'établissement est incompatible avec le régime des offices ministériels.

Or, les avoués exercent une fonction qui, en première instance, est remplie par les avocats et ne sont délégataires d'aucune autorité publique qui permettrait de les exclure du champ de la Directive.

B - Les modalités de la suppression

L'intégration des avoués dans la profession d'avocat. L'article 1er de la loi intègre les avoués dans la profession d'avocat en les inscrivant au tableau de l'Ordre du barreau près le TGI dans le ressort duquel leur office est situé (ou pour tous les TGI dans le ressort de la cour d'appel de Paris). Une spécialisation en procédure d'appel, dont les avoués bénéficient de plein droit, est créée. L'article 26 de la loi permet, par ailleurs, aux avoués de renoncer à entrer dans la profession d'avocat ou de choisir un autre barreau que celui du ressort dans lequel sont établis leurs offices. En conséquence, l'article 2 pose le principe de la suppression des offices d'avoués près les cours d'appel. Il modifie l'article 2 de la loi du 31 décembre 1971 pour procéder exactement comme pour la suppression des offices d'avoués près les TGI.

L'adaptation des structures en vue de l'exercice de la profession d'avocat. De manière inexorable, la réforme entraînera l'adaptation des structures en vue de l'exercice de la profession d'avocat. A titre indicatif, un avocat emploie en moyenne 0,8 salarié alors qu'un avoué en emploie en moyenne 4,5. Les perspectives de reclassement des salariés licenciés dans les cabinets d'avocat sont donc limitées. Il y a donc fort à parier que de nombreuses études d'avoués seront conduites à licencier une grande partie de leurs 1 850 salariés. C'est pourquoi des mesures particulières sont prévues en faveur de ces derniers. Le montant des indemnités de licenciement est fixé au double des indemnités légales, telles que les prévoit l'article L. 1234-9 (N° Lexbase : L8135IAK) du Code du travail. Un accompagnement social individualisé, organisé dans le ressort de chaque cour d'appel, sera mis en oeuvre, en application d'une convention de reclassement en cours de négociation. La part non prise en charge par le Fonds national pour l'emploi, normalement prise en charge par les employeurs, le sera par l'Etat. En outre, les collaborateurs des avoués, qui disposent d'une qualification juridique importante, bénéficieront de facilités pour devenir avocats ou officier public ou ministériel.

La préservation du fonctionnement des cours d'appel. Enfin, il est prévu que le fonctionnement des cours d'appel ne soit pas trop affecté par l'extension à tous les avocats de leur ressort de la faculté de s'adresser à elles. Dans cette perspective, l'introduction de l'instance par voie électronique devant ces juridictions sera rendue obligatoire par voie réglementaire, généralisant ainsi les expérimentations actuellement conduites. La réforme intervient, en effet, à un moment où les techniques de communication ouvrent la voie à la dématérialisation des actes de procédure, de même qu'à la possibilité, dans certaines circonstances, de tenir des audiences à distance.

En revanche, la loi ne règle pas la question de la gestion et de la transmission des dossiers des avoués. Dans une réponse ministérielle (2), le Garde des Sceaux se montre particulièrement évasif. Plusieurs situations sont envisagées : si l'avoué choisit d'entrer dans la profession d'avocat, il conserve la suite de la procédure, et par conséquent, le dossier afférant ; s'il renonce à devenir avocat, il en informera la partie concernée qui choisira alors un avocat habilité à se constituer devant la cour d'appel et l'avoué sera rémunéré pour les actes accomplis avant. Il reste que le financement de la transmission du dossier n'est pas précisé.

Ce silence de la Chancellerie nous amène à nous interroger sur les moyens alloués à cette réforme et, corrélativement, sur son opportunité en période de crise économique. Selon une réponse ministérielle du Garde des Sceaux (3), la loi du 25 janvier 2011 simplifie l'accès à la justice en appel, en diminue le coût et, assure le respect de la Directive du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur. Cependant, le coût global de la réforme est passé sous silence. Selon les estimations du Gouvernement, il serait de 201,8 millions d'euros, dont 166,1 millions alloués à l'indemnisation des avoués. Ces coûts seront normalement assumés par un fonds d'indemnisation, créé par la loi de 2011, et alimenté par une taxe de 85 euros par affaire civile et des emprunts et avances consentis par la Caisse des dépôts et consignations. La taxe, qui sera assise sur les affaires civiles avec représentation obligatoire devant les tribunaux de grande instance, les cours d'appel et la Cour de cassation, sera instituée par la loi de finances. Il n'est pas certain que ce dispositif satisfasse les détracteurs de la réforme en cette période de restrictions budgétaires.

II - L'indemnisation des avoués

Les débats entourant la réforme sur la représentation devant les cours d'appel révèlent que la question de l'indemnisation est le principal cheval de bataille des avoués. Ces derniers ont obtenu -non sans mal- un assouplissement du régime d'indemnisation (A), régime partiellement censuré par le Conseil constitutionnel (B).

A - Un régime d'indemnisation profondément remanié

La fixation du montant de l'indemnisation. Le régime d'indemnisation des avoués est prévu au chapitre II de la loi du 25 janvier 2011, qui comprend les articles 13 à 20. A dire vrai, l'article 13 a, à lui seul, cristallisé les passions de sorte que son contenu a été profondément modifié aux cours des débats parlementaires. En effet, le texte du projet de loi initial fixait l'indemnité due aux avoués aux deux tiers de la valeur de l'office. La valeur de l'office était très classiquement calculée en prenant pour base la méthode utilisée lors de l'instruction des dossiers de cession des offices par la Chancellerie. Cette valeur est obtenue en ajoutant à la valeur des immobilisations la moyenne entre les recettes nettes des cinq derniers exercices comptables et trois fois le bénéfice net fiscal des mêmes exercices. Par ailleurs, le Gouvernement avait prévu un minimum, bénéficiant surtout aux jeunes avoués, l'indemnité ne pouvant être inférieure au montant de l'apport personnel ayant financé l'acquisition de l'office ou des parts de la société, majoré, le cas échéant, du montant du capital restant dû au titre de prêt contracté pour le financement de cette acquisition, à la date du 1er janvier 2010.

En première lecture, l'Assemblée nationale a porté à 100 % de la valeur de l'office l'indemnité due aux avoués. Le Sénat a retenu un dispositif doublement différent. D'une part, il a considéré que devaient également être indemnisés d'autres préjudices : carrière, économique, moral... D'autre part, il a renvoyé au juge de l'expropriation de Paris la fixation de l'indemnité. Les raisons qui ont présidé à ce choix sont nombreuses. La référence au juge de l'expropriation est adaptée s'agissant de la perte complète du droit de présentation, qui se distingue de la perte seulement partielle qu'ont connue les commissaires-priseurs lors de la suppression de leur monopole en matière de ventes volontaires intervenue en 2000. En outre, le juge de l'expropriation doit apprécier concrètement le préjudice subi, ce qui permet, d'une part, de distinguer suivant les différents chefs de préjudice, et, d'autre part, de moduler le montant de l'indemnité versée, en raison de la situation spécifique de certains professionnels.

L'Assemblée nationale a confirmé le dispositif retenu par le Sénat. Son rapporteur a notamment fait valoir que la fixation de l'indemnité par le juge de l'expropriation permettrait de réparer l'intégralité du préjudice subi par les avoués et que l'application "mécanique" d'un dispositif d'indemnisation forfaitaire, tel que le projet de loi le prévoyait initialement, ne présente pas les mêmes garanties que le recours au juge, cette dernière mesure lui apparaissant "raisonnable".

La création d'une commission tripartite. L'article 16 de la loi du 25 janvier 2011 met en place une commission présidée par un magistrat hors hiérarchie de l'ordre judiciaire. D'une part, cette commission est chargée de statuer sur les demandes d'indemnisation des personnels des avoués (présentées en application des articles 14 et 15). D'autre part, elle propose à l'avoué une offre d'indemnisation (article 13) sur laquelle le juge de l'expropriation de Paris statuera en cas de désaccord. En outre, l'article 17 reconnaît à chaque avoué le droit de demander au président de cette commission un acompte sur les indemnités qui lui sont dues, dans la limite de 50 % de la dernière recette nette réalisée. L'acompte est versé dans les trois mois de sa demande. Il s'impute sur le montant de l'indemnité liée à la valeur de l'office.

Le traitement fiscal des indemnités. De manière assez surprenante, la loi du 25 janvier 2011 ne comporte aucune disposition en matière de taxation des plus-values et laisse par conséquent s'appliquer les règles de droit commun. En effet, la commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté deux amendements du Gouvernement supprimant les exonérations fiscales et sociales prévues par le Sénat. Cette suppression rend compte de la volonté du Gouvernement de régler l'ensemble des difficultés soulevées par la suppression de la profession d'avoué en restant, comme c'est le cas avec le juge de l'expropriation, dans le cadre du droit commun. Néanmoins, le silence de la loi suscite une grande inquiétude chez les représentants de la profession d'avoués. Et cette inquiétude se double d'une incertitude sur le traitement fiscal des différentes indemnités que percevront les avoués. Il faut dire que le traitement fiscal des indemnités versées aux avoués est une question cruciale : pour l'avoué qui a acheté les parts d'un office créé depuis plusieurs années, calculer la plus-value réalisée à partir de la date de création plutôt que de la date d'achat des parts n'est pas neutre. De la même manière, il n'est pas indifférent pour l'intéressé que l'acompte qui lui sera versé soit fiscalement rattaché à l'indemnité versée pour la perte du droit de présentation et donc soumis à la fiscalité de la plus-value, ou qu'il soit conçu comme une facilité de trésorerie, soumis à la fiscalité sur le revenu.

Face à ces inquiétudes, il a été rétorqué que des dispositifs d'exonérations de charges sociales existaient déjà, dispositifs qui pourront bénéficier, dans les conditions du droit commun, aux avoués qui prolongeront leur activité professionnelle. Pareillement, les avoués qui prendront leur retraite pourront bénéficier des mêmes avantages fiscaux que les entrepreneurs placés dans la même situation, ceux qui continueront leur activité étant soumis aux mêmes règles que les entrepreneurs en activité. Là aussi, il n'est pas sûr que ces réponses du garde des Sceaux suffisent à apaiser les tensions...

B - Un régime d'indemnisation partiellement censuré

Dans sa décision n° 2010-624 DC du 20 janvier 2011, le Conseil constitutionnel a opéré un contrôle de l'indemnisation des avoués prévus à l'article 13 de la loi au regard de l'égalité devant les charges publiques. Cet article 13 distinguait différents chefs de préjudice.

Les préjudices indemnisés. S'agissant de la réparation du préjudice résultant de la perte du droit de présentation, elle est non seulement en adéquation avec le préjudice patrimonial causé par la loi, mais elle constitue une exigence du principe d'égalité devant les charges publiques. Le Conseil a donc rappelé que la réparation intégrale de ce préjudice était conforme à la Constitution, en précisant qu'il appartiendrait à la commission prévue par l'article 16 de la loi ou, le cas échéant, au juge de l'expropriation de fixer le montant de l'indemnité correspondante dans la limite de la valeur de l'office. En tout état de cause, il ne s'agit pas d'une cession d'office de sorte que la valeur des immobilisations, qui restent en possession des professionnels, sera retirée du calcul de l'indemnisation de la perte du droit de présenter son successeur.

S'agissant du "préjudice de carrière", introduit à l'article 13 de la loi, le Conseil l'a jugé sans lien avec les fonctions d'officier ministériel supprimées. En effet, un officier ministériel ne fait, par définition, pas carrière. Il ne progresse pas dans une hiérarchie qui lui donnerait vocation à une meilleure situation. Indépendamment de la question du caractère certain ou non de ce préjudice, le Conseil a donc estimé que l'allocation d'indemnités pour ce motif était contraire à la Constitution.

Les préjudices écartés. La loi a prévu la réparation du "préjudice économique" et des "préjudices accessoires toutes causes confondues". Cependant ces préjudices sont purement éventuels. En effet, les anciens avoués pourront exercer l'ensemble des attributions réservées aux avocats. Dès lors, le Conseil a jugé que ces dispositions de l'article 13 de la loi déférée méconnaissaient l'exigence de bon emploi des deniers publics et créaient une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. Il les a censurées.

En définitive, le Conseil constitutionnel a jugé que l'allocation d'indemnités en réparation des préjudices de carrière, économique ou annexes créaient une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques et méconnaissaient le principe de bon emploi des deniers publics. Il a donc censuré l'allocation d'indemnités pour ces préjudices en ne laissant que la réparation du préjudice pour perte du droit de présentation.

Il va sans dire que cette solution a fait l'effet d'une bombe chez les avoués qui ne s'y attendaient pas. Monsieur François Grandsard, Président de la Chambre nationale des avoués, a d'ores et déjà annoncé qu'une requête serait prochainement déposée devant la CEDH. Autant dire que les débats sur la représentation en appel sont loin d'être clos...


(1) Au-delà de leur activité monopolistique, les avoués peuvent ainsi plaider devant la cour d'appel, donner des consultations juridiques et rédiger des actes sous seing privé.
(2) QE n° 57777 de M. François Vannson, JOANQ 1er septembre 2009 p. 8352, réponse publ. 14 septembre 2010 p. 10062, 13ème législature (N° Lexbase : L4156IPM).
(3) QE n° 60865 de M. Yvan Lachaud, JOANQ 13 octobre 2009 p. 9638, réponse publ. 14 septembre 2010 p. 10063, 13ème législature (N° Lexbase : L4157IPN).

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