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N4897BRS
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par Christophe De Bernardinis, Maître de conférences à l'Université de Metz
le 20 Octobre 2011
La jurisprudence "Jean Bouin" (1) avait apporté une nouvelle pierre à l'édifice toujours renouvelé des critères de distinction des contrats publics. La décision d'espèce reprend en tous points cette jurisprudence, tout en l'illustrant. Il ressort des faits de l'espèce que la CCI de Pointe-à-Pitre a publié un appel à projet en vue de la conclusion d'une convention d'occupation du domaine public portant sur l'aménagement et l'exploitation d'une boutique hors taxes dans l'aérogare de l'aéroport. Une société, dont l'offre a été rejetée, a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Basse-Terre qui a annulé la procédure au motif qu'en raison des obligations imposées à l'exploitant, s'agissant, notamment, de la promotion des produits locaux et des activités d'animation, ainsi que des modalités du contrôle exercées par l'établissement consulaire sur l'activité de la boutique, de la possibilité de retrait de l'autorisation pour motif d'intérêt général, et de l'existence d'une rémunération substantiellement liée à l'exploitation, la convention litigieuse constituait une délégation de service public se rattachant à la mission statutaire de développement et d'animation économique de la CCI. Pour le Conseil d'Etat, le juge des référés a commis une erreur de droit en ne recherchant pas si la convention en cause avait, en l'espèce, pour effet de déléguer au cocontractant la gestion d'un service public. Un contrat ne peut être qualifié de délégation de service public que s'il opère effectivement une telle dévolution.
Or, si l'autorisation d'occupation du domaine public est assortie de prescriptions tenant à la qualité du service, à l'aménagement des horaires d'ouverture et à l'insertion du commerce dans la réalité locale, notamment par la réalisation d'une vitrine de promotion des produits locaux et la création d'un espace guadeloupéen et d'une case à rhum, la convention ne saurait être regardé ainsi, pour le Conseil d'Etat, comme une délégation de service public. A supposer même que ces obligations puissent être regardées comme relevant d'une mission de service public, elles n'auraient pas pour objet de confier à ce cocontractant la gestion d'un service public mais seulement la création et l'exploitation d'un équipement commercial affecté à ce service.
Le Conseil d'Etat a tranché en l'espèce un problème bien connu : celui de la distinction entre les délégations de service public et les conventions d'occupation du domaine public (2). Si la question est traditionnelle, l'originalité de la solution adoptée mérite d'être soulignée. S'agissant de la détermination de l'objet de la convention, il appartenait au juge de rechercher si la CCI avait eu pour intention de rentabiliser et de valoriser l'équipement commercial concédé en laissant à son cocontractant la plus grande liberté de gestion -auquel cas il s'agit bien une convention d'occupation du domaine public- ou a entendu confier à son cocontractant la gestion, sous son contrôle, d'un équipement commercial afin de promouvoir les produits locaux et des activités d'animation sur la Guadeloupe -la convention doit alors être requalifiée de délégation de service public-.
La délégation de service public se définit principalement à partir d'un critère matériel, la dévolution effective de la gestion d'un service public, et d'un critère économico-financier, une rémunération substantiellement assurée par les résultats de l'exploitation qui doit s'accompagner du transfert d'une part significative du risque d'exploitation (3). Il y a bien, en l'espèce, des obligations imposées au cocontractant s'agissant, notamment, de la promotion des produits locaux et des activités d'animation, des modalités du contrôle exercées par l'établissement consulaire sur l'activité de la boutique, ou encore de la possibilité de retrait de l'autorisation pour motif d'intérêt général. Il existe, de même, une rémunération substantiellement liée à l'exploitation. Pour la cour administrative d'appel, la convention litigieuse constituait, en ce sens, une délégation de service public se rattachant à la mission statutaire de développement et d'animation économique de la CCI.
Mais, pour rechercher si la convention confie au cocontractant la gestion d'un service public et, plus précisément, pour déterminer l'existence d'obligations de service public à la charge du délégataire et d'un pouvoir de contrôle au profit du délégant, le juge ne s'arrête pas aux stipulations de la convention, mais s'attache à la "réalité des intentions des parties et leur pratique" dans le droit fil de la jurisprudence "Jean Bouin". Le contrat ne peut être qualifié de délégation de service public que s'il opère "effectivement" une telle dévolution. Le juge est étroitement lié par l'intention commune des parties. Il doit la respecter et la préserver. Mais il peut requalifier le contrat lorsque les stipulations de celui-ci, voire des éléments extérieurs au contrat permettent d'établir que la qualification donnée par les parties à la convention ne correspond pas à la réalité de leur intention. En revanche, il ne lui appartient pas de rechercher l'intention, réelle ou supposée, des parties par-delà les stipulations du contrat
Faisant application de cette méthode, le Conseil d'Etat avait ainsi rejeté dans la jurisprudence "Jean Bouin" l'argument tenant à la présence du club de rugby professionnel, laquelle ne caractérisait pas "à elle seule" une mission de service public, dès lors qu'elle n'était pas accompagnée d'autres contraintes (4). Il est impossible de qualifier le service public par la simple prise en considération de la qualité de l'occupant des dépendances de la personne publique et de la nature de son activité (5).
Le Conseil d'Etat fait de même, en l'espèce, en affirmant que l'exploitation, même après création, d'un équipement commercial affecté à un tel service ne suffit pas. Des prescriptions étaient imposées relativement à la qualité du service, à l'aménagement des horaires d'ouverture et à l'insertion du commerce dans la réalité locale. Toutefois, ces prescriptions ne suffisent pas à caractériser une délégation de service public, car elles n'ont pas pour objet de confier au cocontractant la gestion d'un service public, mais seulement la création et l'exploitation d'un équipement commercial affecté à ce service.
Le contrat est, au final, regardé comme ayant principalement pour objet l'occupation du domaine public aéroportuaire. Le gestionnaire du domaine est donc totalement libre d'organiser ou non une procédure de publicité et/ou de mise en concurrence. Le contrat ne peut donc donner lieu à une procédure de référé précontractuel. Et dans tous les cas, l'absence d'une telle procédure dans le cadre de la passation d'une convention domaniale n'entache pas d'irrégularité cette convention. Il y a là confirmation de la jurisprudence classique en la matière quant à la non-soumission des conventions d'occupation du domaine public aux règles de publicité et de mise en concurrence, même s'il faut encore rappeler les nombreux arguments contraires permettant de fonder le principe de la soumission des conventions domaniales à l'obligation générale de publicité préalable et de mise en concurrence (6). Il existe, certes, des exceptions posées par le législateur pour certains contrats, en accord avec la jurisprudence européenne (7), mais l'on peut se poser la question de savoir si la politique actuelle de promotion d'une gestion domaniale plus efficiente n'implique pas obligatoirement des obligations procédurales de publicité et de mise en concurrence.
Par principe, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, il appartient au juge du contrat de régler le litige qui lui est soumis dans un cadre contractuel. Il doit faire application du contrat et se placer, ainsi, sur le terrain de la responsabilité contractuelle. Par exception, néanmoins, il peut se trouver obligé de se prononcer sur le terrain extracontractuel lorsqu'il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, "tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif, notamment, aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement" (8). La formule employée par le juge dans l'arrêt "Commune de Béziers" était, néanmoins, source d'interrogations quant à l'identification des vices d'une particulière gravité. Comme peut le noter François Brenet, "l'emploi de l'adverbe 'notamment' [...] pouvait plaider dans le sens de la mise à l'écart du contrat en cas d'irrégularité au cours de la procédure de passation. En sens inverse, on pouvait tout à fait soutenir que le juge n'avait pas pu ne pas envisager le cas de telles irrégularités au moment de rendre l'arrêt 'Commune de Béziers' [...]" (9). Certaines juridictions avaient pu conclure sur le fait que la violation des règles de mise en concurrence ou de passation du contrat ne faisait pas partie de ces deux catégories. Les juges du fond, jugeant que la violation des règles de mise en concurrence, dès lors qu'elle "a eu pour effet d'évincer de la totalité de la commande les entreprises" susceptibles d'être intéressées par elle, justifie que le principe de loyauté contractuelle soit ainsi écarté (10).
Le Conseil d'Etat est venu récemment répondre à cette interrogation à travers l'arrêt "Manoukian" (11), puisqu'il y a été jugé clairement que les vices relatifs au déroulement de la procédure de passation ne sont pas assimilés à des vices d'une particulière gravité relatifs aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement. La violation du Code des marchés publics ne permet pas (ou plus) d'écarter le principe de loyauté contractuelle. Le Conseil d'Etat censurant la cour administrative d'appel de Paris (12) pour s'être "bornée à relever que le marché avait été passé en méconnaissance du seuil de 700 000 francs (TTC) [107000 euros] fixé par les dispositions du 10° du I de l'article 104 du Code des marchés publics alors en vigueur (N° Lexbase : L4327DAI), sans rechercher si, eu égard d'une part à la gravité de l'irrégularité et d'autre part aux circonstances dans lesquelles elle avait été commise, le litige ne pouvait être réglé sur le fondement du contrat". Le Conseil d'Etat poursuit, ainsi, l'évolution qui permet au juge administratif de mieux prendre en compte les objectifs de sécurité juridique et de stabilité des relations contractuelles. Le litige contractuel doit être réglé sur le terrain contractuel, même lorsque le contrat a été conclu sur le fondement d'une procédure irrégulière. En d'autres termes, le contrat est illégal pour un vice de forme, mais il doit malgré tout, nonobstant sa nullité, continuer à recevoir application. L'exigence de loyauté des relations contractuelles permet de juger que le vice n'est pas d'une gravité telle que la loi du contrat devrait finalement être écartée par la juridiction.
Pour autant, l'arrêt "Manoukian" a apporté une exception notable à la règle ainsi définie, une exception présentant "tous les traits d'une soupape de sécurité" (13) permettant aux parties et au juge, par exception, de se placer sur le terrain extracontractuel lorsque "eu égard, d'une part, à la gravité de l'illégalité et, d'autre part, aux circonstances dans lesquelles elle a été commise, le litige ne peut être réglé sur le fondement de ce contrat". Le Conseil d'Etat n'exclut donc pas, par principe, les règles de mise en concurrence des normes dont la violation ne pourrait être opposée au principe de loyauté contractuelle. Il engage simplement le juge à se livrer à une appréciation circonstanciée des violations. Il fournit même la méthode à suivre pour cette appréciation à travers les deux éléments figurant déjà dans la jurisprudence "Commune de Béziers" dont le juge devra tenir compte : la "gravité de l'irrégularité" et les "circonstances dans lesquelles elle a [...] été commise".
La décision d'espèce amène à cibler progressivement les hypothèses qui recouvriront à l'avenir cette exception. Un syndicat mixte a délégué par convention à des sociétés d'équipement l'exploitation d'une unité de traitement et de valorisation de déchets ménagers. Ce syndicat a porté devant la juridiction administrative un litige à propos de la réparation d'un préjudice qui résulterait des dysfonctionnements et de la fermeture de l'unité de traitement. Le tribunal administratif a donné satisfaction au syndicat pour un montant mineur mis à la charge d'une seule des sociétés d'équipement, et a rejeté toutes ses autres prétentions. Rejetant, également, les moyens du syndicat, la cour administrative d'appel de Lyon (14) a, toutefois, précisé que la convention d'exploitation était une délégation de service public, conclue sans mise en concurrence préalable, et qu'ainsi, cette convention était entachée de nullité. La cour retenant que, si cette convention n'avait pu faire naître d'obligations à la charge des parties, le fait, pour l'exploitant, de méconnaître les règles de l'art justifiait qu'il supporte l'intégralité du coût d'évacuation du compost et des lixiviats. L'indemnisation, à nouveau mise à la charge de la même société d'équipement, a, ainsi, été réévaluée.
En l'absence de condamnation des sociétés in solidum, ou subsidiairement chacune pour leur part, ou l'une à défaut de l'autre, la condamnation de la seule société ne présentait, malheureusement, aucun intérêt pour le syndicat, cette société ayant fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire achevée par un jugement de clôture pour insuffisance d'actif. Le pourvoi en cassation n'étant plus que seul à même de laisser espérer au syndicat une issue plus favorable sous réserve que l'examen au fond conduise à étendre la responsabilité recherchée au-delà des seuls moyens jusqu'alors admis et, surtout, au-delà de la seule société jusque là mentionnée. Le Conseil d'Etat permet, en l'espèce, cette issue favorable au syndicat en annulant la décision de la cour administrative d'appel pour erreur de droit. Le motif qu'elle avait été conclue sans la mise en concurrence préalable ne pouvait seul faire obstacle à ce que les stipulations du contrat soient invoquées dans le cadre du litige dont elle était saisie. Il aurait fallu, au surplus, vérifier, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, si ce vice était d'une gravité telle que le juge doive écarter le contrat, et que le litige qui oppose les parties ne doive pas être tranché sur le terrain contractuel.
Le juge applique ici "la soupape de sécurité" précédemment décrite à propos, cette fois, d'une délégation de service public mais comme il l'avait fait dans l'arrêt "Manoukian", c'est-à-dire sans rechercher si les deux conditions précitées étaient réunies. Il est encore trop tôt pour imaginer avec certitude, les éléments de faits susceptibles d'être retenus : urgence, difficulté à définir le besoin, complexité du contrat ou du marché... Mais si l'on peut saluer cette nouvelle vision pragmatique du juge, on peut s'interroger, une nouvelle fois, sur l'application à géométrie variable du principe de légalité, et sur la difficulté qui en résultera pour les parties d'établir un pronostic sur l'arbitrage, que devrait désormais établir le juge administratif, entre le degré supposé de gravité d'une illégalité et l'atteinte excessive à l'intérêt général, le tout confronté à la notion de loyauté. La jurisprudence devra encore départager les irrégularités graves et les autres.
Le principe de résiliation unilatérale permettant à l'administration de mettre fin de façon unilatérale aux contrats administratifs sans faute du contractant, dès lors qu'un motif d'intérêt général le justifie est aujourd'hui bien établi (15). Il en est, notamment, ainsi des conventions d'occupation du domaine public, lesquelles présentent un "caractère précaire et révocable" (16). Il n'en est, cependant, pas de même des règles d'indemnisation des occupants du domaine public, le régime des conventions d'occupation du domaine public présentant une certaine singularité au sein de l'ensemble des contrats administratifs.
En l'espèce, une commune a autorisé une société à édifier dans l'enceinte du golf municipal appartenant au domaine public communal un complexe d'hôtellerie restauration, et à l'exploiter moyennant le versement d'une redevance annuelle de 12 000 francs (1850 euros) pour une durée de cinquante-cinq ans. Par deux délibérations du même jour, le conseil municipal a, d'abord, décidé de résilier pour motif d'intérêt général la convention d'occupation domaniale dont était titulaire la société au titre de son activité d'hôtellerie et de restauration et a, ensuite, approuvé le principe d'une délégation de service public pour l'exploitation de cette même activité, tout en autorisant le maire à lancer la procédure prévue aux articles L. 1411-1 (N° Lexbase : L0551IGI) et suivants du Code général des collectivités territoriales. La société demande réparation des préjudices subis du fait de la perte de son fonds de commerce qu'elle juge avoir constitué sur le domaine public.
Le pouvoir de résiliation dont dispose l'administration, s'il est discrétionnaire, n'est pas arbitraire. Une décision de résiliation doit toujours être motivée par l'intérêt général mais, si le juge accepte de contrôler le motif d'intérêt général invoqué par l'administration, c'est, en général, pour reconnaître largement son existence. C'est, notamment, le cas dans les exemples bien connus d'abandon d'un projet, de meilleure utilisation de l'ouvrage, et de nécessité de prendre en compte les règles de concurrence (17) et aussi, comme en l'espèce, dans les cas de réorganisation du service public. L'exigence est ici facilement satisfaite puisque la commune avait justifié sa résiliation par son intention de soumettre le futur exploitant de l'activité d'hôtellerie et de restauration à des obligations de service public tenant, notamment, aux horaires et jours d'ouverture de l'établissement. Ce souci d'une meilleure utilisation du domaine et la volonté d'ériger l'activité en service public constituant, en ce sens, un motif d'intérêt général suffisant pour décider la résiliation de la convention d'occupation du domaine public (18). En outre, le juge se refuse, sauf exception, à annuler cette mesure d'exécution du contrat.
Aussi, la véritable limite de l'exercice du pouvoir de résiliation unilatérale réside dans le droit, pour le cocontractant, d'obtenir indemnisation intégrale de son préjudice. Or, le législateur n'a expressément instauré un droit à être "indemnisé du préjudice direct, matériel et certain né de l'éviction anticipée" que dans le cas des conventions constitutives de droits réels (19). Pour les autres contrats d'occupation du domaine public, la jurisprudence est d'interprétation plus délicate et incertaine. Le juge exige l'indemnisation par l'administration dès lors qu'aucune stipulation contractuelle n'y fait obstacle (20). Il n'est donc pas nécessaire que les stipulations du contrat fassent mention de ce droit. Son origine est indépendante de la volonté des parties. Les personnes publiques ont, toutefois, la possibilité d'insérer dans leurs contrats des clauses visant à aménager les causes et les conditions d'exercice du pouvoir de résiliation. Dans ce cas, tant les parties que le juge n'ont alors d'autre choix que d'appliquer les stipulations contractuelles pour l'évaluation du préjudice, alors même que le montant de l'indemnisation allouée en vertu des principes jurisprudentiels aurait été différent (21). Mais, en l'absence de stipulations contractuelles, le principe est bien l'indemnisation de l'occupant évincé du domaine public, ce que confirme la décision d'espèce.
Restait alors à déterminer l'étendue du préjudice pouvant être indemnisé, notamment par rapport à la question de la perte du fonds de commerce consécutivement à la résiliation de la convention d'occupation du domaine public dont la société requérante était titulaire. Si plusieurs décisions du Conseil d'Etat avaient tranché dans le sens de l'impossibilité de constituer un fonds de commerce sur le domaine public (22), la solution ainsi dégagée pouvait parfois être contredite (23), voire discutée par une partie de la doctrine (24). Il n'en demeure pas moins qu'à travers la décision d'espèce, le Conseil d'Etat réitère son rejet de tout droit au titre de la perte d'un prétendu fonds de commerce exploité sur le domaine public. Il en est, ainsi, dans la mesure où l'occupation privative du domaine public ne peut, en principe, "donner lieu à la constitution d'un fonds de commerce dont l'occupant serait propriétaire". En cela, le Conseil confirme sa jurisprudence traditionnelle selon laquelle "eu égard, notamment, au caractère précaire et révocable de ladite autorisation dont le retrait pourrait contraindre le requérant à mettre fin sans indemnité à l'exploitation de l'établissement litigieux, celui-ci ne saurait être regardé comme un fonds de commerce" (25).
Le juge administratif ne s'attache donc pas, comme le juge judiciaire, à rechercher si l'occupant est titulaire d'une clientèle propre (26). Il ne tient compte que des conditions juridiques de l'occupation et considère que les caractères précaires et incessibles de celle-ci font obstacle à l'existence d'un fonds de commerce. Pour autant, et comme peut le relever Pascal Caille, évoquant la jurisprudence européenne en la matière, "sans doute un titre autorisant l'occupation du domaine public peut-il ne pas être considéré comme un bien au sens du Premier protocole de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L1625AZ9) [...] cependant, à supposer même que cette exclusion des titres publics du champ des biens soit compatible avec les stipulations de la Convention, il est douteux que l'existence d'un fonds de commerce puisse ne pas être considéré comme un bien dont la privation appelle indemnisation, et ce alors même que le fonds de commerce est situé sur le domaine public" (27).
Christophe De Bernardinis, Maître de conférences à l'Université de Metz
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