La lettre juridique n°422 du 6 janvier 2011 : Procédures fiscales

[Chronique] Chronique de procédures fiscales - Janvier 2011 (spéciale lois de finances)

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N0304BRP

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par Thierry Lambert, Professeur à l'Université Paul Cézanne Aix Marseille III

le 24 Janvier 2011

Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose de retrouver la chronique d'actualités en procédures fiscales réalisée par Thierry Lambert, Professeur à l'Université Paul Cézanne Aix Marseille III. Au sommaire de cette chronique : un arrêt rendu le 9 novembre 2010, publié au Bulletin, par lequel la Chambre commerciale de la Cour de cassation revient sur la solidarité fiscale au regard d'une demande d'annulation d'une inscription aux hypothèques (Cass. com., 9 novembre 2010, n° 09-69.316, F-P+B). Puis, l'auteur revient sur l'obligations déclaratives et le lieu d'imposition d'un contribuable possédant plusieurs résidences en France à la suite d'un arrêt du Conseil d'Etat rendu le 10 décembre 2010 et publié au recueil Lebon (CE 9° et 10 s-s-r., 10 décembre 2010, n° 307322, publié au recueil Lebon). Enfin, cette chronique mentionne deux circulaires du 2 novembre 2010, l'une relative aux principes d'organisation du contrôle fiscal et l'autre relative à l'évocation des situations fiscales individuelles auprès du ministre du Budget.
  • Solidarité fiscale et demande d'annulation d'une inscription aux hypothèques (Cass. com., 9 novembre 2010, n° 09-69.316, F-P+B N° Lexbase : A9057GGK)

A l'époque des faits chacun des époux était tenu solidairement responsable du paiement de l'impôt sur le revenu, y compris les acomptes ou les versements mensuels, quel que soit le régime matrimonial retenu. La solidarité jouait, également, pour le paiement de la taxe d'habitation. Ce principe valait pour les personnes liées par un PACS, sauf disposition expresse contraire.

La doctrine administrative précise que la solidarité fiscale trouve à s'appliquer pendant l'instance de divorce, après le divorce et en cas de rupture de vie commune, s'il reste des sommes à payer au titre de l'imposition commune (instruction du 20 avril 2009, BOI 5 B-13-09 N° Lexbase : X6615AEQ). En conséquence, le fait que la mise en recouvrement des impositions intervienne après le divorce est sans influence sur l'exigibilité de la dette à laquelle est tenue un époux, dès lors que les impositions sont relatives à l'impôt sur le revenu dû au titre des années antérieures au divorce (CAA Versailles, 1ère ch., 5 juin 2008, n° 06VE02848 N° Lexbase : A4330D9A).

L'article 6-4 du CGI (N° Lexbase : L1025HLK) prévoit trois cas d'impositions distinctes. Le premier cas vise les époux séparés de biens et ne vivant plus sous le même toit. Le deuxième cas concerne ceux qui, en instance de divorce ou de séparation de corps, ont été autorisés par le juge à avoir des résidences séparées. Le troisième cas a trait à la situation d'abandon du domicile conjugal, par l'un ou l'autre des époux, chacun disposant de revenus distincts. L'administration supporte la charge de la preuve de la cessation de toute vie commune pendant l'année ou les années d'imposition concernées, lorsque l'administration veut soumettre à des impositions distinctes des époux non séparés de biens et disposant de revenus distincts.

Il a été jugé que n'est pas responsable solidaire la personne qui n'habite pas sous le même toit que son conjoint, quand bien même les deux conjoints ont gardé des intérêts communs et se rendent visite à l'occasion de séjours en France (CE 3° et 8° s-s-r., 9 février 2005, n° 263640 N° Lexbase : A6778DG7, RJF, 2005, 5, comm. 503).

Il ne fait aucun doute que deux époux qui, au regard de la loi, sont divorcés, ce qu'attestent des actes d'état civil opposables à tous les tiers lorsqu'ils sont régulièrement établis et publiés, doivent être imposés séparément alors même qu'ils s'étaient présentés comme mariés devant l'administration fiscale (CE 3° et 8° s-s-r., 8 mars 2004, n° 248094 N° Lexbase : A5704DBU, RJF, 2004, 1, comm. 62).

En l'espèce, la Cour de cassation retient que l'établissement, avant divorce, d'avis distincts d'impôt sur le revenu n'est pas de nature à exonérer les époux de la solidarité (CGI, art. 1685-2 ancien N° Lexbase : L3269HMZ), au motif qu'ils n'étaient pas dans l'un cas des cas visé par l'article 6-4 précité.

Dans l'hypothèse où une ordonnance de non-conciliation autorisant les époux à avoir des résidences séparées est postérieure à la perception par l'épouse de sommes sur lesquelles ont été assises les impositions en litige, la décision de rejet de la réclamation présentée par l'époux est régulièrement notifiée à "Monsieur et Madame", à l'adresse qui est uniquement celle de l'époux quand bien même l'administration connaît le domicile de l'épouse (CE 9° et 10° s-s-r., 20 octobre 2010, n° 312461 N° Lexbase : A4482GCY, Droit fiscal, 2010, 48, comm. 582, concl. Lieber). En conséquence, cette notification fait courir le délai du recours contentieux à l'égard de l'épouse.

Dans l'affaire qui nous occupe, le divorce par consentement mutuel des époux a été prononcé par un jugement du 11 juin 2004. En garantie d'impôts sur le revenu et de contributions sociales dus par l'ex-époux, au titre de 2002 et 2003, le trésorier avait inscrit le 13 juillet 2006 une hypothèque légale du trésor sur un bien immobilier attribué à l'ex-épouse lors du divorce.

Quand bien même l'imposition distincte serait obligatoire, et la solidarité écartée, la contribuable resterait débitrice de la moitié de l'impôt sur le revenu et contributions sociales dus par son ancien mari. En effet, l'article 1483 du Code civil (N° Lexbase : L1621ABN) dispose que "chacun des époux ne peut être poursuivi que pour la moitié des dettes qui étaient entrées en communauté du chef de son conjoint".

Par conséquent, le Chambre commerciale de la Cour de cassation a jugé que celle-ci demandait, à tort, l'annulation de cette inscription.

Devant des situations souvent difficiles et toujours douloureuses, le législateur a fait évoluer les choses. En effet, l'article 9 de la loi de finances pour 2008 (loi n° 2007-1822, 24 décembre 2007 N° Lexbase : L5488H3N) a modifié ce dispositif.

Il a abrogé, à compter du 1er janvier 2008, les articles 1685 et 1685 bis (N° Lexbase : L3270HM3) du CGI et maintenu à l'article 1691 bis (N° Lexbase : L3330IAL) du même code, le principe de la solidarité fiscale en matière d'impôt sur le revenu et de taxe d'habitation. Chacun des époux ou des partenaires d'un PACS peut être recherché pour le paiement du montant total de l'imposition, sans qu'il y ait lieu de procéder entre eux à une répartition préalable de la dette fiscale du foyer (instruction du 20 avril 2009, BOI 5 B-13-09). Le nouveau dispositif institue corrélativement une nouvelle procédure légale de décharge de responsabilité solidaire applicable en matière d'impôt sur le revenu, de taxe d'habitation et d'impôt de solidarité sur la fortune pour les personnes divorcées ou séparées.

Il est mis en place un droit automatique à décharge de responsabilité solidaire, sous réserve de respecter certaines conditions, pour le paiement de l'impôt sur le revenu, de la taxe d'habitation et de l'impôt de solidarité sur la fortune.

En outre, le dispositif prévoit le bénéfice de la remise gracieuse pour les personnes divorcées ou séparées ayant déjà bénéficié de la décharge de responsabilité solidaire prévue au II de l'article 1691 bis du CGI.

  • Obligations déclaratives et lieu d'imposition d'un contribuable possédant plusieurs résidences en France (CE 9° et 10 s-s-r., 10 décembre 2010, n° 307322, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A7162GM9)

La présente décision nous donne l'occasion de faire le point sur les obligations déclaratives et le lieu d'imposition d'un contribuable possédant plusieurs résidences en France, mais aussi, sur ce qu'il est convenu d'appeler la prise de position formelle de l'administration.

En l'espèce, la contribuable dispose d'une double résidence dans l'Eure et en Corse. L'administration, pensant qu'elle résidait dans l'Eure, lui a adressé une mise en demeure de produire ses déclarations de revenus des années 1996 et 1998. Ne l'ayant pas fait la contribuable a été taxée d'office.

Devant la cour administrative d'appel (CAA Douai, 3ème ch., 2 mai 2007, n° 06DA00640 N° Lexbase : A2577DXQ), l'administration a décidé un dégrèvement des impositions au titre de l'année 1996. Tirant argument de cette situation, la contribuable a considéré que l'administration avait pris une position formelle, au sens de l'article L. 80 B du LPF (N° Lexbase : L9343IER), et qu'elle devait en tirer les conséquences. Observons que la cour administrative d'appel n'a pas répondu à ce moyen.

L'article 10 du CGI (N° Lexbase : L1045HLB) pose deux principes assez simples. Le premier principe est d'affirmer que, si le contribuable a une résidence unique en France, l'impôt est établi au lieu de cette résidence. Le second principe est de considérer que, si le contribuable possède plusieurs résidences en France, il est assujetti à l'impôt au lieu où il est réputé posséder son principal établissement.

La contribuable fait valoir que le siège social de la société de promotion et de distribution touristique, dont elle est la gérante, est en Corse. A cette occasion, elle indique une adresse qui, en fait, est celle d'une résidence de tourisme destinée aux locations saisonnières. Par ailleurs, elle ne conteste pas le fait d'occuper un poste de technicien supérieur à la direction départementale de l'équipement de l'Eure, d'occuper un logement dans ce même département et d'y acquitter la taxe d'habitation. En outre, elle-même mentionne, sur les pièces de procédure, sa domiciliation dans l'Eure.

Tous ces éléments permettent de conclure que le centre des impôts situé dans l'Eure était parfaitement compétent pour lui adresser une mise en demeure de souscrire sa déclaration de revenus et, par suite, d'établir l'imposition suivant la procédure de taxation d'office.

En effet, l'article L. 66 du LPF (N° Lexbase : L7601HEA) dispose que sont taxés d'office, à l'impôt sur le revenu, les contribuables qui n'ont pas déposé dans le délai légal la déclaration d'ensemble de leurs revenus. Rappelons à cet égard qu'il appartient au contribuable d'apporter la preuve que sa déclaration a été déposée dans les délais légaux (CE, 3 juillet 1974, n° 83243, Droit fiscal, 1975, comm. 383, concl. Latournerie), et que la production d'une photocopie de la déclaration ne suffit pas à justifier que celle-ci a été adressée dans les délais au service compétent (CE Contentieux, 15 avril 1988, n° 58907 N° Lexbase : A7029APZ, RJF, 1988, 6, comm. 689). En l'absence de déclarations les contribuables défaillants encourent des pénalités et amendes.

Il ne faut pas négliger que, lorsque un contribuable est en situation d'être taxé d'office, faute d'avoir déclaré son revenu global dans les délais légaux, les moyens tirés des irrégularités qui auraient entaché une seconde mise en demeure envoyée par l'administration et une vérification personnelle sont inopérants (CE Contentieux, 16 juin 1993, n° 78695 N° Lexbase : A0087ANK, RJF, 1993, 9, comm. 1194).

Reste la question de savoir si en accordant un dégrèvement au titre d'une année l'administration a pris formellement position au sens de l'article L. 80 B du LPF. L'article précité implique que la prise de position soit formelle, le silence de l'administration ne peut être tenu pour une position formelle (Cass. com., 7 janvier 1997, n° 95-11.685 N° Lexbase : A8829CNC, RJF, 1997, 4, comm. 397). Le Conseil d'Etat observe que l'administration a accordé un dégrèvement sans que ce dernier soit motivé, ce que nous pouvons regretter car la contribuable aurait pu ainsi comprendre les raisons qui ont motivé cette attitude bienveillante. En conséquence, cette situation ne constitue pas une prise de position formelle sur l'appréciation d'une situation de fait, au sens de l'article L. 80 B du LPF. Cette position du Conseil d'Etat est conforme à sa jurisprudence (CE 9° et 10° s-s-r., 8 mars 2002, n° 221667 N° Lexbase : A2564AYM, RJF, 2002, 6, comm. 681 ; CE 3° et 8° s-s-r., 18 mai 2005, n° 264718 N° Lexbase : A3480DIQ, RJF, 2005, 8-9, comm. 879).

  • Circulaires du 2 novembre 2010, relatives aux principes d'organisation du contrôle fiscal (N° Lexbase : L3137INI, Droit fiscal, 2010, 45, comm. 14368) et à l'évocation des situations fiscales individuelles auprès du ministre du Budget (N° Lexbase : L0187IPM, Droit fiscal, 2010, 45, comm. 14369)

Le contrôle fiscal regroupe plus de 40 000 vérifications de comptabilité et plus de 4 500 examens de situation fiscale personnelle (ESFP), chaque année. Mais, c'est aussi 1 160 décisions annuelles de justice avec 653 peines de prison dont 594 sont assorties de sursis. Seules 59 décisions sont des peines de prison fermes. Mais, c'est aussi 15,6 milliards d'euros de droits et pénalités rappelés (cf. www.impot.gouv.fr).

Il n'est pas fréquent que le ministre du Budget, des Comptes publics et de la Réforme de l'Etat fixe la doctrine d'emploi de l'organisation du contrôle fiscal, y compris dans l'évocation des situations fiscales individuelles auprès du ministre du Budget.

Dans une première circulaire relative aux principes d'organisation du contrôle fiscal, le ministre rappelle qu'il lui appartient de définir la politique de contrôle fiscal, mais son application en revient aux services de la Direction générale des finances publiques (DGFIP). Il appartient à l'administration de faire des propositions de vérifications. Le ministre prend un engagement qui ne semble supporter aucun aménagement : "je m'abstiendrai de toute intervention, que ce soit dans le choix des contrôles, le cours des investigations où les éventuelles décisions de poursuites pénales".

La circulaire rappelle les trois finalités du contrôle fiscal, qui figuraient déjà dans les contrats de performance de la Direction générale des impôts, à savoir une finalité dissuasive en étant présent auprès de l'ensemble des catégories de contribuables, sans laisser se créer des zones de non-droit, une finalité budgétaire dont l'objectif est de recouvrer rapidement l'impôt éludé et une finalité répressive visant à faire sanctionner les comportements délibérément frauduleux.

Le ministre fixe les orientations stratégiques du contrôle fiscal pour la période 2011-2012.

L'objectif est clairement de lutter, au nom du civisme fiscal, contre les différentes formes de fraude. Il s'agit de fédérer tous les moyens des administrations ; ce qui n'est pas totalement nouveau, mais qui mérite d'être signalé, pour lutter contre la fraude individuelle mais aussi celle mise en oeuvre par des bandes organisées. A cet égard, il souligne que la qualité d'officier de police judiciaire (OPJ) donnée à certains agents de la DGFIP (C. proc. pén., art. 28-2 N° Lexbase : L3331IGH) doit permettre d'améliorer l'efficacité de l'action pénale. Parmi les priorités tracées, l'amélioration de la couverture du tissu fiscal est clairement identifiée. Les personnes physiques et les entreprises, notamment les plus petites, ne doivent pas échapper au contrôle. Enfin, l'amélioration des relations avec "les usagers de bonne foi" reste une priorité.

La DGFIP est chargée de mettre en oeuvre, de façon opérationnelle, le contrôle fiscal. Celle-ci fait une programmation déconcentrée des contrôles en faisant une analyse "risque" des dossiers et en recherchant des informations. La circulaire précise qu'"aucune dénonciation anonyme ne sera prise en considération d'aucune façon, quel que soit le support utilisé à cet effet (oral, écrit, internet, blog...)". Il est recommandé aux agents de faire preuve de professionnalisme, notamment en respectant les procédures et les droits du contribuable. Enfin, il est demandé aux agents de mettre en oeuvre les procédures qui permettent de saisir le juge pour les fraudes les plus graves. La circulaire précise que "la finalité répressive peut également induire des sanctions qui relèvent du juge pénal". La mise en oeuvre pour des raisons d'efficacité et de rapidité de la responsabilité des services opérationnels.

Enfin, dans la lutte contre les paradis fiscaux, le ministre rappelle que la procédure d'enquêtes fiscales, mise en place à compter de la fin de l'année 2010, peut être utilisée en présence d'éléments de présomptions de fraude complexe basée sur le recours à des paradis fiscaux ou à des procédés de falsification qui sont soumis à l'avis de la Commission des infractions fiscales qui apprécie leur caractère suffisant.

Chaque année, le Directeur général des finances publiques rendra compte au ministre des résultats obtenus.

Dans une seconde circulaire relative à l'évocation des situations fiscales individuelles auprès du ministre, celui-ci prend l'engagement de s'"abstenir de toute intervention dans le cours des procédures individuelles de contrôle", il veillera "simplement à ce qu'elles soient mises en oeuvre avec l'efficacité, la compétence, le souci déontologique" nécessaires.

Les demandes adressées au ministre seront transmises et instruites par les services compétents, suivant les règles en vigueur. Il appartiendra aux services territoriaux de faire usage de leurs délégations de signatures, "ou s'il est plus opportun que la décision porte la signature du ministre lui-même".

Le ministre ne prend l'engagement de statuer qu'une fois qu'il aura été saisi d'un projet de décision motivée préparé par les services. En cas de doute sur la solution, le Comité du contentieux fiscal, douanier et des changes pourra être saisi pour avis.

Ces deux circulaires traduisent un souci de transparence, d'impartialité et de neutralité.

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