Le Conseil d'Etat a présenté au Premier ministre, le 30 mars 2010, son
étude relative aux possibilités juridiques d'interdiction du port du voile intégral. Dans ce document, le Conseil indique qu'une interdiction générale et absolue du port du voile intégral en tant que tel ne pourrait trouver aucun fondement juridique incontestable. Il précise que la dissimulation du visage est déjà interdite, pour les agents publics, dans l'exercice de leurs fonctions, au nom du principe de laïcité, et dans les établissements d'enseignement public (loi n° 2004-228 du 15 mars 2004
N° Lexbase : L1864DPQ), là encore au nom du principe de laïcité. En outre, certains dispositifs, reposant déjà sur des considérations de sécurité publique ou de lutte contre la fraude, imposent, également, l'identification ponctuelle des personnes et impliquent donc que celles-ci découvrent leur visage. Tel est le cas, notamment, des contrôles d'identité et des vérifications d'identité prévus par le Code de procédure pénale et des règles propres à la réalisation des documents d'identité. Cependant, une interdiction dans l'ensemble de l'espace public se heurterait encore à des risques juridiques sérieux au regard des droits et libertés garantis constitutionnellement et conventionnellement. Par ailleurs, le principe de dignité de la personne humaine et celui de l'égalité entre les femmes et les hommes, même s'ils trouvent tous les deux des fondements constitutionnels solides et des applications jurisprudentielles très fortes, pourraient difficilement s'appliquer en l'espèce. De même, la sécurité publique ne pourrait pas fonder une interdiction générale du seul voile intégral, aucun trouble spécifique ne lui étant associé en tant que tel. Enfin, une interdiction limitée au voile intégral serait fragile au regard du principe de non discrimination, et vraisemblablement délicate à mettre en oeuvre. En revanche, le Conseil d'Etat est d'avis que la sécurité publique et la lutte contre la fraude, renforcées par les exigences propres à certains services publics, seraient de nature à justifier des obligations de maintenir son visage à découvert, soit dans certains lieux, soit pour effectuer certaines démarches. S'agissant des personnes qui dissimuleraient leur visage en méconnaissance des interdictions édictées, le Conseil d'Etat propose de créer une injonction de se soumettre à une médiation organisée par un organisme agréé, à titre de peine principale ou, si le juge l'estime nécessaire, de peine complémentaire à une amende. Quant aux instigateurs, le Conseil a envisagé une incrimination pénale spécifique qui porterait sur le fait d'imposer à autrui par violence, menace, contrainte, abus de pouvoir ou abus d'autorité, de se dissimuler le visage en public, en raison de son appartenance à une catégorie de personnes, notamment à raison du sexe (communiqué de presse du 30 mars 2009) (lire
N° Lexbase : N1608BNU).
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