Les pouvoirs publics français sont fondés à ordonner la démolition des maisons édifiées sur le domaine public maritime. Telle est la solution de deux arrêts rendus par la Cour européenne des droits de l'Homme le 29 mars 2010 (CEDH, 29 mars 2010, Req. 34044/02, Depalle c/ France
N° Lexbase : A2354EUQ et Req. 34078/02, Brosset Triboulet c/ France
N° Lexbase : A2355EUR). Le litige concerne deux maisons bâties sur un terrain en bord de mer appartenant au domaine public maritime. A l'époque de l'acquisition, le terrain faisait l'objet d'une autorisation d'occupation du domaine public, mais, en 1993, le préfet refusa de renouveler l'autorisation d'occupation du domaine public en raison de l'entrée en vigueur de la loi "littoral " (loi n° 86-2 du 3 janvier 1986, relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral
N° Lexbase : L7941AG9). Les deux affaires furent définitivement tranchées en 2002 par le Conseil d'Etat, qui considéra que les biens litigieux faisaient effectivement partie du domaine public maritime, que les requérants ne pouvaient donc se prévaloir d'aucun droit réel sur ces biens, et que, par conséquent, l'obligation de remise en l'état sans indemnisation préalable ne constituait pas une mesure prohibée par l'article 1 du Protocole n° 1 à la CESDH (
N° Lexbase : L1625AZ9) (CE 3° et 8° s-s-r., 6 mars 2002, n° 217646, Triboulet
N° Lexbase : A2508AYK, et n° 217647, Depalle
N° Lexbase : A2509AYL). Les juges de Strasbourg confirment cette position. La Cour rappelle, tout d'abord, que la Convention reconnaît aux Etats contractants le pouvoir de réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général (ici encourager le libre accès au rivage), à condition de respecter le droit de propriété. Elle estime que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les autorités ont, au fil du temps, laissé se développer l'incertitude quant au statut des maisons, puisqu'ils savaient que les autorisations d'occupation du domaine public étaient précaires et révocables. Ensuite, ces mêmes requérants ont refusé les offres du préfet de poursuivre l'occupation des maisons sous conditions. Or, ces offres, qui n'apparaissaient pas déraisonnables, auraient pu constituer une solution conciliant les intérêts en présence. Enfin, l'absence d'indemnisation ne saurait passer pour une mesure disproportionnée à la réglementation de l'usage des biens des requérants, opérée dans un but d'intérêt général. Elle résulte, en effet, des règles concernant le domaine public, et le principe en était clairement indiqué dans toutes les autorisations d'occupation temporaire du domaine public consenties aux requérants durant des décennies. Les requérants ne supporteraient donc pas une charge spéciale et exorbitante en raison de la démolition de leurs maisons sans indemnisation.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable