Aux termes d'un arrêt de Grande chambre très attendu, rendu le 29 mars 2010, la Cour européenne des droits de l'Homme condamne la France et confirme sa sentence à l'égard du procureur de la République (cf. CEDH, 10 juillet 2008, Req. 3394/03
N° Lexbase : A5462D98), estimant que ce dernier n'est pas une autorité judiciaire (CEDH, 29 mars 2010, req. 3394/03, Medvedyev c/ France
N° Lexbase : A2353EUP). La Cour de Strasbourg précise, dans le cadre de l'affaire du
Winner, un cargo arraisonné par la Marine française au large des îles Canaries en juin 2002 alors qu'il transportait de la cocaïne, que les normes juridiques françaises n'offraient pas une protection adéquate contre les atteintes arbitraires au droit à la liberté, dès lors qu'aucune de ces normes ne vise expressément la privation de liberté des membres de l'équipage du navire intercepté et n'encadre les conditions de la privation de liberté à bord. Elles omettent, en outre, de la placer sous le contrôle d'une autorité judiciaire. Sur ce dernier point, la Cour rappelle que, si les mesures prises en application de la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994, relative aux modalités de l'exercice par l'Etat de ses pouvoirs de contrôle en mer (
N° Lexbase : L8283IGU), avaient été placées sous le contrôle du procureur de la République, ce dernier n'était pas une "
autorité judiciaire" au sens que la jurisprudence de la Cour donne à cette notion (CEDH, 4 décembre 1979, Req. 7710/76, Schiesser c/ Suisse §§ 29-30
N° Lexbase : A9608ELG). Ainsi, la privation de liberté subie par les requérants à compter de l'arraisonnement et jusqu'à l'arrivée du navire à Brest n'était pas "régulière", au sens de l'article 5 § 1, de la Convention (
N° Lexbase : L4786AQC), faute de base légale ayant les qualités requises pour satisfaire au principe général de sécurité juridique. A l'heure où le projet de loi réformant la procédure pénale prévoit la suppression du juge d'instruction et la prédominance du Parquet dans l'enquête pénale, cet arrêt jette un pavé dans la marre, et ne pourra qu'attiser les craintes quant à l'indépendance du ministère public au regard des canons démocratiques et, surtout, de la CESDH.
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