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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
le 27 Mars 2014
Finalement, l'affaire n'est pas vraiment neuve : "comment penser librement à l'ombre d'une chapelle ?" Et, pourtant, c'est à l'ombre d'une chapelle que les premiers érudits français ont forgé la pensée et la contestation, d'abord théologiques, puis universitaires, dans toutes les matières, sciences exactes comme sciences humaines. Qui se souvient que La Sorbonne tire son origine dans le collège fondé en 1253 au sein de l'Université de Paris par Robert de Sorbon, chapelain et confesseur du roi Saint Louis. Qui se souvient, également, que cette noble institution mère de tant d'autres fleurons universitaires -bien que les Universités de Toulouse et d'Orléans puissent revendiquer une antériorité- est parée d'une Chapelle où gît le tombeau du plus illustre de ses proviseurs : le Cardinal Duc de Richelieu. Tombeau qui rappelle, ainsi, qu'à l'ombre de la confession, l'Etat moderne, centralisateur et dispensateur des savoirs sût marquer l'équilibre entre la société ecclésiastique, la société laïque, la diversité syndicale, comme demain la société marchande.
Enfin quoi ! Allez dire à Platon et à ses adeptes de l'Académie que l'indépendance de la pensée, fondement même de l'Université, a trait à une question de gestion et d'entretien immobiliers ! Eux qui fondaient la pensée philosophique sur les ruines d'une eukia !
Alors, lorsque le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche signe, le 24 juillet 2009, deux contrats de partenariat d'un montant global de 226 millions d'euros, en vue de rénover les Universités de Paris IV-Sorbonne et de Paris VII-Diderot, deal sur lequel Lexbase Hebdo - édition publique revient, cette semaine, à l'occasion d'un entretien avec Maître Marc Fornacciari, avocat associé du cabinet Salans et co-auteur du Guide opérationnel des PPP et Maître Dorothée Griveaux, conseils de l'Etat dans le cadre de la signature du contrat de partenariat relatif à l'Université Paris IV, qu'il ne s'agisse pas de réveiller de vieilles querelles de chapelle, mais d'entrevoir toute l'efficacité d'une telle démarche novatrice pour l'Etat comme pour le monde enseignant, sans occulter les inconvénients inhérents à ce type de contrat administratif.
Car, si l'efficacité des solutions globales construction-maintenance immobilière et la fiabilité des délais d'exécution sont à l'honneur, le surcoût d'un recours aux acteurs privés et la dissémination de la dette publique ainsi amortie sur des dizaines d'années, mais bien présente dans le budget de l'Etat à la charge des générations futures, en constituent les pendants qu'il est nécessaire d'évaluer pour porter un regard objectif sur une technique contractuelle encore balbutiante ; l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 ayant marqué le coup d'envoi des PPP, mais la loi n° 2008-735 du 28 juillet 2008 en ayant considérablement simplifié et étendu les conditions de recours.
"Ce projet est une arlésienne, qui enfin ne l'est plus grâce à une opération de magie [du ministre] qui ressuscite un mort", se réjouissait le président de Paris-IV, lors de la signature. Et, Valérie Pécresse de préciser que deux autres partenariats public-privé de ce type sont en cours pour accélérer deux projets : la rénovation de l'UFR de médecine de l'Université de Versailles-Saint-Quentin... et celle du Zoo de Vincennes.
"Quoi que tu rêves d'entreprendre, commence-le. L'audace a du génie, du pouvoir, de la magie", nous rappelait Goethe... Les PPP relèvent d'une volonté gouvernementale forte, ont les attraits de la magie résolvant d'un coup de baguette le problème de la gestion immobilière universitaire... Quant à savoir s'il s'agit d'une idée de génie, attendons de juger sur pièce dans quelques années, à l'heure du bilan coût/avantage... Nul doute qu'il s'agit d'avoir toujours de l'audace, même à l'ombre d'une chapelle.
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