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par Anne Lebescond, Journaliste juridique
le 07 Octobre 2010
Lexbase : Dans quel cadre s'inscrit la signature des deux contrats de partenariat en vue de la rénovation des Universités Paris IV et Paris VII ?
Dorothée Griveaux et Marc Fornacciari : Les contrats de partenariat portant sur la rénovation des Universités Paris IV et Paris VII sont, en réalité, des contrats pilotes préalables à la mise en oeuvre de l'opération "Campus", annoncée début 2008 par Valérie Pécresse et qui s'accélère aujourd'hui.
Il s'agit, face au lourd bilan de l'état de l'immobilier universitaire, de financer massivement -soit, à hauteur de cinq milliards d'euros- et de façon ciblée le développement et la rénovation de celui-ci. Cet effort financier est rendu possible par la cession d'une partie de la participation de l'Etat dans le capital d'EDF et par les moyens consacrés par le budget 2008, qui dédie, notamment, un milliard d'euros aux investissements, mises en sécurité et maintenance des facultés françaises.
Dix projets, qui répondaient aux quatre critères requis -une ambition pédagogique et scientifique du projet, l'urgence de la situation immobilière, le développement d'une vie de campus et le caractère structurant et innovant du projet pour le territoire- ont été sélectionnés courant 2008 par un comité dédié (4), et sont sur le point d'être mis en oeuvre. Ils concernent les Universités de Bordeaux, Toulouse, Grenoble, Lyon, Montpellier, Strasbourg, Aix-Marseille, Condorcet-Paris-Aubervilliers, Plateau de Saclay et plus d'une dizaine de campus prometteurs et innovants (5). Pour l'ensemble de ces opérations, le Gouvernement a affiché sa volonté de recourir aux partenariats publics-privés et, en particulier, aux contrats de partenariat. Ceux-ci porteront sur l'investissement, mais, également, sur la conception et la maintenance des bâtiments, et seront conclus pour une longue durée avec paiement d'un loyer dont le montant sera lié aux objectifs de performance.
Lexbase : Le recours au contrat de partenariat implique que l'on se trouve en présence d'un des cas prévus par la loi. Qu'en est-il en l'espèce ?
Dorothée Griveaux et Marc Fornacciari : Les contrats de partenariat conclus le 24 juillet 2009 dans le cadre de la rénovation des Universités Paris IV et Paris VII sont régis par les dispositions de l'ordonnance du 17 juin 2004, sur les contrats de partenariat (ordonnance n° 2004-559 sur les contrats de partenariat N° Lexbase : L2584DZQ), dans leur version antérieure à la loi du 28 juillet 2008 (loi n° 2008-735, relative aux contrats de partenariat N° Lexbase : L7307IAU).
Aux termes de l'article 2 du texte, ces contrats ne peuvent être conclus qu'en cas de complexité du projet telle que la personne publique n'est pas en mesure de définir les moyens techniques ou le montage juridico-financier permettant de répondre à ses besoins, ou encore en cas d'urgence.
La personne publique doit, en outre, justifier avec précision des raisons économiques, financières, juridiques et administratives "qui l'ont conduite, après une analyse comparative de différentes options (notamment en termes de coût global, de performance et de partage des risques), à retenir le projet envisagé et à décider de lancer cette procédure" : c'est l'objet de ce que l'on appelle l'évaluation préalable.
Par la suite, la loi du 28 juillet 2008 a prévu un nouveau cas de recours aux contrats de partenariat, celui dit du "bilan" favorable. Un contrat de partenariat pourra, ainsi, être conclu lorsque, "compte tenu, soit des caractéristiques du projet, soit des exigences du service public dont la personne publique est chargée, soit des insuffisances et difficultés observées dans la réalisation de projets comparables, [son] recours présente un bilan entre les avantages et les inconvénients plus favorable que ceux d'autres contrats de la commande publique", étant précisé que le critère du paiement différé ne saurait, à lui seul, constituer un avantage. Si, au terme de la décision du Conseil constitutionnel du 24 juillet 2008 (6), ont été déclarées inconstitutionnelles les dispositions relatives à la présomption d'urgence introduite par la loi, ce troisième cas de recours au contrat de partenariat a, pour sa part, été entériné à cette occasion. Pour autant, il ne nous était pas possible d'y recourir dans le cadre du contrat de Paris IV, puisque ces dispositions n'étaient pas encore en vigueur. L'article 52 de la loi prévoit, en effet, qu'elles sont applicables aux projets de contrat de partenariat pour lesquels un avis d'appel public à la concurrence est envoyé à la publication postérieurement au 29 juillet 2008 (date de publication du texte). Or, l'avis, dans notre cas, avait été envoyé avant cette date.
Néanmoins, ces dispositions auraient-elles été applicables, nous n'y aurions, tout de même, certainement pas recouru. Il est, en effet, plus pertinent, dès lors que l'on répond aux exigences de l'ordonnance, de se fonder sur la condition de complexité pour recourir au contrat de partenariat, puisque seule cette notion permet, également, de justifier le recours à la procédure du dialogue compétitif avec les candidats. Du point de vue du développement et de la rénovation de l'immobilier universitaire, la complexité pourra être, notamment, démontrée au regard des exigences de haute qualité environnementale et de performance énergétique, mais, également, des problématiques de chantier en site occupé par les étudiants.
Lexbase : Quels sont les avantages et les inconvénients du contrat de partenariat ?
Dorothée Griveaux et Marc Fornacciari : Le contrat de partenariat est un contrat global, portant autant sur la conception que sur la construction et la maintenance. En cela, il favorise la concertation entre les différents acteurs du projet (investisseurs, architectes, constructeurs et mainteneurs) en vue de réaliser toutes les économies possibles et de renforcer la cohérence de l'opération. Cet avantage est considérable, puisque l'interface aboutit, en général, à une diminution du prix significative. Le contrat de partenariat règle, également, efficacement les problèmes liés à la maintenance des bâtiments publics, puisque celle-ci est incluse dans le périmètre contractuel. A l'issue de l'opération, soit, en l'espèce, 28 ans pour Paris IV et 30 ans pour Paris VII, l'immeuble revient en très bon état à l'administration qui aura, de plus, évité toutes les charges liées aux grosses réparations. Un avantage majeur réside dans le respect des délais par les partenaires privés, qui ne percevront aucun loyer tant que le bâtiment ne sera pas livré. Le retard de livraison les placerait d'autant plus dans une situation délicate, eu égard aux pénalités et aux intérêts bancaires supplémentaires dont ils seraient alors redevables. Pour cette raison, il n'est, en général, pas constaté de retard sur les opérations de PPP. Enfin, le contrat de partenariat, via le recours aux loyers, permet à l'Etat ou aux administrations d'échelonner le financement du projet immobilier sur une longue période, la durée du contrat étant calculée en fonction de l'amortissement de l'investissement (qui, en général, excède 20 ans).
En conclusion, outre l'opportunité de l'interface entre les différents acteurs, le contrat de partenariat permet le transfert de trois risques majeurs sur la tête des partenaires privés : le risque des dérives de coûts, celui de la maintenance et celui du retard de livraison.
Mais, s'il présente de nombreux avantages, le contrat de partenariat présente, également, quelques inconvénients. Eu égard à son coût (notamment, en raison de l'intervention de nombre d'experts et de conseillers), il est souvent déconseillé d'y recourir pour des opérations de faible importance (soit celles inférieures à cinq millions d'euros environ). Ce contrat nécessite, ensuite, de pouvoir être géré par la personne publique sur le long terme, tant du point de vue financier (la charge étant échelonnée sur des périodes importantes), que des points de vue techniques et des ressources humaines. Le recours à ces contrats ne doit donc pas se faire sans une véritable réflexion quant à sa mise en oeuvre. Il ne doit pas se traduire par une baisse des effectifs, mais, au contraire, par un renforcement de l'emploi de hauts fonctionnaires aux compétences pointues. Une réflexion globale sur l'organisation des universités est donc nécessaire.
Lexbase : Eu égard aux nombreux avantages du contrat de partenariat, quel avenir se profile-t-il pour les marchés publics ?
Dorothée Griveaux et Marc Fornacciari : Comme nous l'avons indiqué, le contrat de partenariat ne sera pas opportun pour toutes les opérations, mais seulement pour les opérations les plus importantes. Le recours aux marchés publics conserve, alors, tout son sens pour une grande partie des projets. Ceci, d'autant que les administrations sont rompues à ce type de procédure.
En outre, dans bien des cas, la personne publique aura intérêt à se financer directement, sans passer par des partenaires privés. Dans le cadre du contrat de partenariat, les banques et les différents investisseurs prêtent à la société de projet constituée entre les différents acteurs privés, une société de capitaux qui dispose, très souvent, de fonds propres minimum, mais qui a l'avantage de faire écran vis-à-vis du patrimoine de ses actionnaires et de permettre la déconsolidation des dettes à leur bilan. Les prêteurs, qui prêtent sans recours sur les actionnaires des sociétés de projet, sont évidemment très exigeants sur les clauses contractuelles. Certaines personnes publiques pourraient ne pas l'admettre.
Lexbase : Certains ont vu dans la signature des deux contrats de partenariat une privatisation des Universités Paris IV et Paris VII. Quelle est votre opinion sur le sujet ?
Dorothée Griveaux et Marc Fornacciari : Cet argument a, en effet, souvent été invoqué. Il est pourtant injustifié. Ce qui est transféré au partenaire privé ne concerne que l'immobilier lui-même (conception, construction et maintenance) et ne porte, en aucun cas, sur le contenu du service public, en l'occurrence, sur le contenu de l'enseignement en tant que tel. Par ailleurs, la personne publique reste entièrement maîtresse du périmètre des missions confiées aux acteurs privés dans le cadre de ce contrat. Il faut, en outre, souligner, que l'Etat dispose de nombreux moyens lui permettant d'interrompre le contrat (dont la célèbre résiliation pour motif d'intérêt général) ou de le renégocier.
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