La lettre juridique n°394 du 13 mai 2010 : Rel. individuelles de travail

[Le point sur...] La jurisprudence de la Cour de cassation rendue en 2009 à la lumière du Rapport de la Cour de cassation : relations individuelles de travail

Réf. : Rapport 2009 de la Cour de cassation

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[Le point sur...] La jurisprudence de la Cour de cassation rendue en 2009 à la lumière du Rapport de la Cour de cassation : relations individuelles de travail. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3210845-le-point-sur-la-jurisprudence-de-la-cour-de-cassation-rendue-en-2009-a-la-lumiere-du-rapport-de-la-c
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le 07 Octobre 2010

Remis officiellement au Garde des Sceaux le 29 mars 2010, la Cour de cassation rendait public, le 15 avril, son traditionnel Rapport annuel. Outre les non moins classiques suggestions de modifications législatives ou réglementaires, l'analyse des principaux arrêts et avis rendus au cours de l'année écoulée dans toutes les branches du droit, le Rapport des juges du Quai de l'Horloge met, cette année, l'accent sur les personnes vulnérables (droits de l'enfant, majeurs protégés, maintien en rétention des étrangers, protection des particuliers surendettés, accès à la justice des personnes aux ressources insuffisantes...), autour d'une étude réalisée par des magistrats de la Cour de cassation sur le thème, oeuvre collective orchestrée par le Professeur Xavier Lagarde. Concernant plus spécifiquement le droit du travail, le Rapport s'intéresse ainsi à l'accès à l'emploi des personnes vulnérables en raison de l'âge ou de l'état de santé et au maintien dans l'emploi des salariés âgés et malades, inaptes ou handicapés, avant de s'attarder sur les régimes juridiques du contrat de travail intégrant à des degrés divers des facteurs de précarité et ceux qui comportent des éléments qui atténuent ou neutralisent ces facteurs de précarité ; pour terminer, enfin, sur les salariés protégés (vulnérabilité des salariés qui demandent la mise en place d'élections professionnelles et des salariés candidats à des fonctions représentatives ; vulnérabilité des salariés qui exercent un mandat représentatif) et sur les contours de la vulnérabilité du stagiaire en entreprise. Le Rapport présente également, pour l'année 2009, l'activité de la Cour de cassation et des juridictions et commissions instituées auprès d'elle.
A la suite de cette récente diffusion, Lexbase Hebdo - édition sociale vous propose, cette semaine, un numéro spécial consacré au Rapport 2009 et vous invite à retrouver les commentaires des éclairages apportés par la Haute juridiction sur les arrêts ayant marqué le droit social l'année dernière. Une série de plusieurs articles vous est donc proposée, rédigés par notre collège d'auteurs, Christophe Radé, Christophe Willmann, Gilles Auzero et Sébastien Tournaux, balayant la jurisprudence sociale, tant en matière de relations individuelles de travail, qu'en matière de relations collectives de travail ou, encore, de Sécurité sociale.
  • Restriction aux libertés individuelles/Domicile personnel du salarié

- Cass. soc., 13 janvier 2009, n° 07-43.282, Association Sauvegarde 71, FS-P+B+R (N° Lexbase : A3513EC4) (1)

Si l'usage fait par le salarié de son domicile relève de sa vie privée, des restrictions sont susceptibles de lui être apportées par l'employeur, à condition qu'elles soient justifiées par la nature du travail à accomplir et qu'elles soient proportionnées au but recherché.

Le juge ne peut annuler la sanction disciplinaire infligée à un salarié qui enfreint la clause d'un règlement intérieur faisant interdiction aux salariés de recevoir à leur domicile des mineurs placés dans l'établissement au sein duquel ils travaillent, dès lors que, s'agissant d'un établissement spécialisé dans l'accueil des mineurs en difficulté, l'interdiction faite aux membres du personnel éducatif de recevoir à leur domicile des mineurs placés dans l'établissement est une sujétion professionnelle pouvant figurer dans le règlement intérieur et que cette restriction à la liberté du salarié, justifiée par la nature du travail à accomplir et proportionnée au but recherché, est légitime.

Dès lors qu'un acte juridique ou qu'un comportement de l'employeur porte atteinte à un droit ou à une liberté individuelle ou collective d'un salarié, l'employeur doit justifier de la nécessité de cette atteinte et de son caractère proportionné au but recherché.

Dans cette affaire, ce double principe était appliqué à la clause du règlement intérieur d'une association gérant un foyer pour jeunes en difficultés, qui interdisait aux éducateurs de recevoir à leur domicile les pensionnaires de l'établissement, et sur la base de laquelle un salarié avait été sanctionné disciplinairement pour avoir enfreint le règlement.

La validation de ces dispositions s'imposait logiquement compte tenu des risques, tant pour les jeunes que pour les éducateurs, d'une confusion des genres entre les sphères professionnelles et personnelles.

Le Rapport annuel fournit de manière très opportune des éléments pour anticiper sur d'autres applications de cette jurisprudence, puisqu'il est indiqué que "d'autres cas de figure peuvent être envisagés, ainsi :
- de l'accès aux logements de fonctions situés dans des enceintes sécurisées ;
- du travail à domicile, où l'accomplissement de la tâche peut obliger à des conditions particulières d'espace, d'installation d'équipements, de puissance électrique, de propreté, d'aération, de confidentialité, etc. ;
- du télétravail, où l'usage du poste informatique peut être limité au seul salarié et prohibé pour les autres occupants, avec une connexion sécurisée".

Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

  • Droits et obligations des parties au contrat de travail

- Cass. soc., 11 février 2009, n° 07-42.068, M. Mohamed Boughezal, FS-P+B+R (N° Lexbase : A1262ED4) (2)

L'employeur ne peut, sauf circonstances exceptionnelles, ouvrir les sacs appartenant aux salariés pour en vérifier le contenu qu'avec leur accord et à la condition de les avoir avertis de leur droit de s'y opposer et d'exiger la présence d'un témoin.

Dans cette affaire, était en cause un salarié soupçonné de vol qui reprochait à son employeur d'avoir fait procéder à la fouille de ses effets personnels à la fin de sa journée de travail. Constatant que le salarié avait bien soustrait des biens de l'entreprise, l'employeur prononça un licenciement pour faute grave. Alors que les juges du fond avaient validé ce raisonnement, la Chambre sociale de la Cour de cassation cassa l'arrêt d'appel au visa des articles 9 du Code civil (N° Lexbase : L3304ABY) et L. 1121-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0670H9P). Après avoir rappelé la règle issue de l'article L. 1121-1 du Code du travail, la Cour jugea que l'employeur "ne peut, ainsi, sauf circonstances exceptionnelles, ouvrir les sacs appartenant aux salariés pour en vérifier le contenu qu'avec leur accord et à la condition de les avoir avertis de leur droit de s'y opposer et d'exiger la présence d'un témoin".

Le Rapport de la Cour de cassation reprend cet arrêt et l'analyse comme ajoutant "une condition supplémentaire à sa jurisprudence qui exigeait que la fouille du sac à main ait été faite avec l'autorisation du salarié concerné". L'ajout de cette condition est justifié par le rapport par analogie avec la jurisprudence administrative qui exige qu'une telle condition soit remplie pour que l'administration puisse procéder à la fouille des effets personnels d'un agent public (3).

Répétons-le, la solution n'est pas contestable. En effet, on peut légitimement penser que le salarié ne bénéficie pas d'un véritable droit de refuser la fouille s'il n'est pas au préalable informé de la possibilité de refuser la fouille. En revanche, on peut faire observer que le Rapport n'avait peut être pas besoin d'aller chercher dans la jurisprudence administrative le fondement d'une telle solution. En effet, contrairement à ce que laisse penser le rapport, cette condition n'a pas été ajoutée par l'arrêt sous examen. Elle avait déjà été affirmée dans un arrêt qui, même s'il était demeuré inédit, prévoyait clairement l'exigence que le salarié ait été informé de son droit de refuser la fouille pour que le résultat de cette fouille puisse être utilisé au soutien d'une procédure de licenciement disciplinaire (4).

Outre cette redondance, on pourra reprocher au Rapport de demeurer silencieux sur quelques lancinantes questions suscitées par l'arrêt exposé. En effet, aucune précision n'est apportée sur la preuve de la délivrance de l'information au salarié, sur la qualité du témoin pouvant être fourni au salarié et, plus encore, sur les circonstances exceptionnelles permettant à l'employeur de passer outre l'obligation d'information qui lui est habituellement imposée. Finalement, le Rapport laisse au sujet de cet arrêt un sentiment de déception et d'inachevé.

Sébastien Tournaux, Maître de conférences à l'Université Montesquieu - Bordeaux IV

  • Harcèlement/Harcèlement moral

- Cass. soc., 10 mars 2009, n° 07-44.092, M. Bennasser Boulmane, FP-P+B+R (N° Lexbase : A7131EDH) (5)

Le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis.

Dans cet arrêt, la Cour de cassation précise que l'interdiction faite à l'employeur de licencier un salarié qui relate des faits de harcèlement s'applique y compris si ces faits ne sont pas établis, pour autant que le salarié est de bonne foi.

Le Rapport annuel insiste lourdement sur le fondement de cette protection et rappelle qu'elle s'insère dans un cadre plus large "qui tend à protéger le droit d'expression des salariés, lorsque celui-ci est exercé aux dépens d'autres salariés ou de supérieurs hiérarchiques, mais pour la défense d'un intérêt public. C'est ainsi que le droit communautaire prévoit une protection contre les mesures de rétorsion que pourrait prendre l'employeur en réaction à une plainte ou une action en justice visant à faire respecter le principe d'égalité de traitement (Directive 76/207/CE du 9 février 1976, art. 7 N° Lexbase : L9232AUH ; Directive 2000/43/CE du Conseil du 29 juin 2000, art. 9 N° Lexbase : L8030AUX ; Directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000, art. 11 N° Lexbase : L3822AU4), et que le législateur français a prévu la protection du salarié révélant des mauvais traitements dans les établissements sanitaires (C. act. soc. fam., art. L. 313-24 N° Lexbase : L5632HDX ; Cass. soc., 30 octobre 2007, n° 06-44.757, F-P N° Lexbase : A2462DZ9), des agissements de harcèlement sexuel (C. trav., art. L. 1153-2 N° Lexbase : L0738H99 et L. 1153-3 N° Lexbase : L0740H9B) ou des faits de corruption (C. trav., art. L. 1161-1 N° Lexbase : L0763H97)".

Le Rapport met également cette protection avec la prévention du stress et de la souffrance au travail.

Quant à la protection accordée au salarié qui se trompe de bonne foi, le Rapport souligne qu'il s'agit bien d'une application anticipée de "l'article 3 de la loi n° 2008-496, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations (N° Lexbase : L8986H39) (6) ", et d'une solution "adoptée expressément par le législateur en matière de dénonciation de faits de corruption (C. trav., art. L. 1161-1)".

On pourra regretter que la Cour ne livre aucune définition ni aucun critère de la bonne foi du salarié, même si cette caractérisation relève a priori du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond.

Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

- Cass. soc., 1er juillet 2009, n° 07-44.482, Mme Marie-Jeanne Tréboscen, FS-P+B+R (N° Lexbase : A5748EIQ) (7)

Si, par application de l'article L. 1152-4 du Code du travail (N° Lexbase : L0730H9W), l'employeur doit prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral, il n'entre pas dans les pouvoirs du juge d'ordonner la modification ou la rupture du contrat de travail du salarié auquel sont imputés de tels agissements, à la demande d'autres salariés, tiers à ce contrat.

Par cet important arrêt rendu le 1er juillet 2009, la Chambre sociale précisait que, si, par application de l'article L. 1152-4 du Code du travail, l'employeur doit prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral, il n'entre pas dans les pouvoirs du juge d'ordonner la modification ou la rupture du contrat de travail du salarié auquel sont imputés de tels agissements, à la demande d'autres salariés, tiers à ce contrat.

En l'espèce, deux salariés subissaient un harcèlement moral de la part de la directrice de leur établissement. Usant de la procédure de référé au fond de l'article L. 2313-2 du Code du travail (N° Lexbase : L2550H9C), les salariées demandaient la réparation du préjudice subi du fait du harcèlement, mais réclamaient également que la directrice soit "écartée de ses fonctions". Toute mesure visant à écarter la directrice de ses fonctions passait donc nécessairement, au mieux par une modification de son contrat de travail, au pire par un licenciement.

La cour d'appel saisie du litige débouta les salariées de cette seconde demande et le pourvoi formé fut également rejeté par la Chambre sociale de la Cour de cassation.

Revenant sur cet arrêt, le Rapport appuie principalement que "c'est essentiellement sur le terrain du droit des obligations que se situe l'arrêt". Les salariées harcelées, pas plus que le juge, ne sont parties au contrat de travail de la directrice si bien qu'à défaut d'exercice d'une action oblique -si tant est que les conditions en soient réunies- personne d'autre que l'employeur n'est apte à écarter la directrice de ses fonctions.

Le Rapport ajoute un élément d'argumentation qui ne figurait pas dans l'arrêt exposé. En effet, pour la Cour de cassation, outre les exigences du droit des obligations, ce sont également les exigences de la Convention n° 158 de l'OIT qui gouvernent cette solution. Cette convention offre au salarié un droit à un recours effectif contre son licenciement. Or, si le contrat de travail de la directrice était rompu par le juge, à la demande des salariées harcelées, la directrice ne disposerait pas d'un véritable recours contre son employeur qui demeurerait étranger à la rupture du contrat.

Enfin, le Rapport comme le commentaire publié dans ces colonnes invoquent le pouvoir de direction de l'employeur, seul à même de prendre des mesures contre la directrice.

Il n'en demeure pas moins qu'un argument contraire au moins aurait pu être invoqué au soutien de la demande des salariées. En effet, la procédure de référé au fond permet au juge d'"ordonner toutes mesures propres à faire cesser" l'atteinte aux droits des personnes, à la santé des salariés, à ses libertés individuelles dans l'entreprise. Cette disposition semblait donc offrir au juge des facultés d'actions plus vastes que celles qui lui sont reconnues in fine par la Cour.

Reste que, face au désarroi des salariées victimes d'un tel harcèlement et qui peuvent demeurer dans une situation de contact quotidien avec leur tortionnaire, le Rapport souffle une proposition aux futurs plaideurs sur cette question. Le Rapport dispose, en effet, que "les salariées harcelées auraient été mieux inspirées de demander à ce qu'il soit ordonné à l'employeur de prendre toute mesure propre à faire cesser les faits de harcèlement en assortissant la décision d'une astreinte tant qu'ils n'auraient pris fin. L'employeur aurait alors eu le choix des mesures appropriées, mesures qui peuvent être variées et inclure un licenciement mais qui n'aurait pas alors été imposé par un juge à la demande d'un tiers au contrat de travail". Autrement dit, si le juge ne peut imposer à l'employeur d'adopter telle ou telle mesure spécifique, il est apte à lui imposer de prendre toute mesure utile de son choix pour faire cesser le harcèlement. En d'autres termes, la Cour de cassation fait une application renouvelée de la théorie de l'employeur seul juge, justifiée il est vrai tant par le droit des obligations que par le droit international.

Sébastien Tournaux, Maître de conférences à l'Université Montesquieu - Bordeaux IV

- Cass. soc., 10 novembre 2009, n° 08-41.497, Mme Emilienne Moret, FS-P+B+R (N° Lexbase : A7558ENA) (8)

Le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l'intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel.

Dans cette affaire, une salariée avait saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail fondée sur des faits de harcèlement moral dont elle prétendait avoir été la victime. Elle avait été déboutée par les juges d'appel qui estimaient que les faits litigieux "s'inscriv[ai]ent dans l'exercice du pouvoir de direction de l'employeur, tant qu'il n'[était] pas démontré par la salariée qu'ils relev[ai]ent d'une démarche gratuite, inutile et réfléchie destinée à l'atteindre et permettant de présumer l'existence d'un harcèlement".

Cassant cette décision, la Chambre sociale avait précisé que "le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l'intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel". Comme le relevait malicieusement le Professeur Ch. Radé, "le harcèlement par bêtise [est] logiquement sanctionné au même titre que la méchanceté", ce qui pouvait être jugé conforme aussi bien au texte qu'à l'intérêt des victimes de harcèlement (9).

Le Rapport analyse cette solution comme "une étape supplémentaire [du] processus de clarification" engagé par la Chambre sociale lors de la reprise en main du contrôle de la qualification de harcèlement moral (10), mais n'apporte guère d'autre élément de justification de la solution.

Sébastien Tournaux, Maître de conférences à l'Université Montesquieu - Bordeaux IV

- Cass. soc., 9 décembre 2009, n° 07-45.521, Société Qualiconsult, FS-P+B+R (N° Lexbase : A4362EPA)

Ne peut s'analyser en agissements répétés constitutifs de harcèlement moral, une décision de l'employeur de rétrograder un salarié, peu important que, répondant aux protestations réitérées de celui-ci, il ait maintenu par divers actes sa décision.

Un employeur ayant rétrogradé unilatéralement une attachée commerciale dans l'emploi de secrétaire, avec baisse de la rémunération et perte des avantages liés à la fonction, avait rejeté les différentes demandes de l'intéressée et de l'inspecteur du travail tendant au retrait de cette décision. Pour considérer que le comportement de l'employeur entrait dans les prévisions du texte précité, la cour d'appel avait retenu que la persistance de l'employeur à maintenir cette mesure arbitraire en faisant état, pendant quatre mois consécutifs, de la qualification litigieuse et de la rémunération correspondante sur les bulletins de salaire, caractérisait des actes répétés de harcèlement moral ayant contribué à la dégradation de l'état de santé fragile de la salariée.

La Chambre sociale de la Cour de cassation cassait cette décision au visa de l'article L. 1152-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0724H9P) : au vu de la définition du harcèlement moral, ne peut s'analyser en agissements répétés constitutifs de harcèlement moral, une décision de l'employeur de rétrograder un salarié, peu important que, répondant aux protestations réitérées de celui-ci, il ait maintenu par divers actes sa décision.

Analysée comme participant à la délimitation engagée par la Chambre sociale de la notion de harcèlement moral, cette définition semble néanmoins faire difficulté aux rédacteurs du Rapport annuel. En effet, si l'article L. 1152-1 du Code du travail implique l'exigence d'agissements répétés de l'employeur, cette exigence n'est pas de mise lorsque le harcèlement relève des dispositions de l'article premier, alinéa 4, de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Ce dernier texte envisage, en effet, "tout agissement lié à l'un des motifs mentionnés au premier alinéa et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant".

Faudra-t-il, à l'avenir, exiger des agissements répétés de l'employeur ou se contenter de "tout agissement" comme le prescrit la loi du 27 mai 2008. A cette question, le Rapport n'apporte aucune réponse et laisse même percevoir la perplexité de la Chambre sociale de la Cour de cassation en énonçant qu'"il appartiendra à la Cour de cassation d'articuler les deux régimes coexistants". Nul doute qu'une réponse sera apportée en tenant scrupuleusement compte de la politique jurisprudentielle actuelle visant à lutter avec la plus grande énergie contre toute forme de harcèlement dans les entreprises !

Sébastien Tournaux, Maître de conférences à l'Université Montesquieu - Bordeaux IV

  • Harcèlement par un autre salarié/pouvoirs du juge

- Cass. soc., 1er juillet 2009, n° 07-44.482, Mme Marie-Jeanne Tréboscen, FS-P+B+R (N° Lexbase : A5748EIQ) (11)

Si, par application de l'article L. 1152-4 du Code du travail (N° Lexbase : L0730H9W), l'employeur doit prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral, il n'entre pas dans les pouvoirs du juge d'ordonner la modification ou la rupture du contrat de travail du salarié auquel sont imputés de tels agissements, à la demande d'autres salariés, tiers à ce contrat.

La Cour de cassation considère, à juste titre, dans cet arrêt, que le juge n'a pas le pouvoir de s'immiscer dans les conventions passées entre salariés et employeurs pour contraindre ce dernier à licencier le salarié harceleur ("le juge n'est pas et ne doit pas être investi d'un pouvoir disciplinaire à l'encontre des salariés. S'il peut être appelé à contrôler l'usage qu'en fait l'employeur, il n'a pas le pouvoir de se substituer à ce dernier").

Dans le Rapport annuel, la Haute juridiction justifie cette solution à la fois par des arguments de procédure ("la directrice n'ayant pas été appelée en la cause, le caractère contradictoire de la procédure faisait défaut et [...] on pouvait douter de l'effectivité du recours dont l'intéressée aurait disposé en cas de licenciement, ceci en violation de la Convention n° 158 de l'OIT"), et par l'application des principes qui gouvernent le droit des obligations : "mais c'est essentiellement sur le terrain du droit des obligations que se situe l'arrêt. Il n'admet pas qu'à la demande d'un tiers qui ne se prévaut d'aucun droit à une action oblique (et un salarié pourrait-il rompre le contrat d'un autre aux lieu et place de l'employeur ?), un juge puisse ordonner, contre la volonté des parties, la modification ou la rupture d'un contrat pour le motif qu'il est mal exécuté. Les salariées harcelées auraient été mieux inspirées de demander à ce qu'il soit ordonné à l'employeur de prendre toute mesure propre à faire cesser les faits de harcèlement en assortissant la décision d'une astreinte tant qu'ils n'auraient pris fin. L'employeur aurait alors eu le choix des mesures appropriées, mesures qui peuvent être variées et inclure un licenciement mais qui n'aurait pas alors été imposé par un juge à la demande d'un tiers au contrat de travail. C'est d'ailleurs, d'une certaine façon, ce qu'avait fait le juge du fond qui, dans les limites de sa saisine, n'avait pu que renvoyer l'employeur à ses obligations tirées de l'article L. 1152-4 du Code du travail".

Reste qu'on peut toujours s'interroger sur l'efficacité de la politique jurisprudentielle menée par la Cour et sur l'effectivité de l'obligation de sécurité de résultat qui pèse sur l'employeur dès lors que ce dernier ne peut pas être contraint de licencier le harceleur.

Il convient, toutefois, de noter qu'en réalité, si la solution interdit au juge de contraindre l'employeur à licencier, elle n'exclut pas que cette circonstance puisse être sanctionnée autrement ; un employeur qui ne licencierait pas le coupable s'exposerait, en effet, non seulement à une prise d'acte de la rupture du contrat de travail, à ses torts (laquelle pourrait en toute hypothèse être justifiée par le harcèlement ou la discrimination, et ce même s'il a pris les mesures pour y mettre un terme : Cass. soc., 3 février 2010, n° 08-44.019, FP-P+B+R N° Lexbase : A6087ERU), mais également à la mis en cause de sa responsabilité civile pour faute, voire à une qualification de faute inexcusable si la qualification d'accident du travail, ou de maladie professionnelle, venait à être retenue.

Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

  • Emploi et formation

- Cass. soc., 4 juin 2009, n° 08-41.359, M. P c/ Crédit agricole mutuel CRCAM de Paris et d'Ile-de-France, FS-P+B+R (N° Lexbase : A6421EHB) (12)

Est déraisonnable, au regard de la finalité de la période d'essai et de l'exclusion des règles du licenciement durant cette période, la durée d'un an du stage prévu par la Convention collective nationale du Crédit agricole pour les agents de la classe III engagés par contrat à durée indéterminée.

Le Rapport annuel de la Cour de cassation revient rapidement sur l'arrêt rendu le 4 juin 2009 au sujet du caractère raisonnable de la durée d'une période d'essai. Dans cette affaire, la Chambre sociale avait jugé que n'est pas raisonnable "au regard de la finalité de la période d'essai et de l'exclusion des règles du licenciement durant cette période, la durée d'un an du stage prévu par la Convention collective nationale du Crédit agricole pour les agents de la classe III engagés par contrat à durée indéterminée".

Cette solution avait été adoptée au visa de la convention collective en cause mais, surtout, de la Convention n° 158 de l'OIT qui exclut "de la protection prévue par celle-ci les travailleurs effectuant une période d'essai, à condition que la durée de cette période soit fixée à l'avance et qu'elle soit raisonnable".

Le Rapport rappelle que ce n'est pas la première fois qu'une disposition de la Convention n° 158 est jugée directement applicable en droit interne et permet d'écarter l'application d'une loi ou d'une convention collective. On se souviendra, ainsi, que ses dispositions avaient été jugées directement applicables tant par la Cour de cassation elle-même (13) que par le Conseil d'Etat (14).

Si le Rapport n'apporte donc rien à l'arrêt lui-même, on peut même aller jusqu'à regretter qu'il ne se prononce pas sur la position de la Cour de cassation au regard de l'ensemble de la Convention n° 158. En effet, comme nous l'avions fait remarquer, la motivation de l'arrêt laissait penser que la Chambre sociale considérait désormais l'ensemble de la Convention n° 158 comme étant self-executing. Le rapport n'apporte aucun élément supplémentaire quant à cette interprétation. Malgré tout, les conditions pour que l'ensemble de la convention soit d'applicabilité directe demeurent réunies. En effet, ce texte comporte bien des règles à l'intention des citoyens et non seulement des Etats. En outre, les dispositions de la convention sont claires et leur normativité ne fait aucun doute. Par conséquent, nonobstant le silence du rapport, il convient de maintenir l'opinion selon laquelle, désormais, c'est bien l'ensemble de la convention qui est d'applicabilité directe.

Sébastien Tournaux, Maître de conférences à l'Université Montesquieu - Bordeaux IV

  • Discrimination/Discrimination en raison du prénom

- Cass. soc., 10 novembre 2009, n° 08-42.286, M. Mohamed Abdoulattuf, FS-P+B+R (N° Lexbase : A1902ENR) (15)

Le fait de demander au salarié de changer son prénom de Mohamed pour celui de Laurent est de nature à constituer une discrimination à raison de son origine. La circonstance que plusieurs salariés portaient le prénom de Mohamed n'est pas de nature à caractériser l'existence d'un élément objectif susceptible de la justifier.

La Cour de cassation a considéré, dans cette affaire, qu'il pouvait sembler discriminatoire de demander à un salarié, prénommé Mohamed, de changer de prénom dans l'entreprise pour éviter des homonomies.

L'arrêt semblait pleinement justifié car l'employeur n'avait pas à appeler les salariés par leur prénom et n'avait qu'à les appeler par leur nom de famille pour éviter les confusions. C'est à cette conclusion de bon sens qu'aboutit également le Rapport annuel : "la nécessité d'éviter des confusions avec les autres salariés portant le même prénom pouvait conduire à user des noms patronymiques, de solliciter l'usage d'un second prénom, voire de proposer un surnom, mais ne pouvait justifier le changement d'un prénom comme Mohamed par celui de Laurent, le salarié prétendant qu'il lui avait été dit qu'il convenait qu'il adopte un prénom convenant 'au type de clientèle fréquentant l'établissement, en l'occurrence la bourgeoisie marseillaise'".

Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

  • Règlement intérieur, Alerte professionnelle

- Cass. soc., 8 décembre 2009, n° 08-17.191, Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A3615EPL) (16)

Le régime simplifié d'autorisation unique défini par la Cnil, dans sa délibération du 8 décembre 2005, dispense les responsables de traitement automatisé de données à caractère personnel du régime normal de l'autorisation lorsque le traitement mis en oeuvre répond à une obligation législative ou réglementaire visant à l'établissement de procédures de contrôle interne dans les domaines financier, comptable, bancaire et de la lutte contre la corruption. Aussi, un dispositif d'alerte professionnelle ne peut avoir une autre finalité que celle définie à l'article 1er de la délibération de la Cnil du 8 décembre 2005, que les dispositions de l'article 3 n'ont pas pour objet de modifier.

Les mesures d'information prévues par la loi du 6 janvier 1978 (N° Lexbase : L8794AGS) reprises par la décision d'autorisation unique de la Cnil pour assurer la protection des droits des personnes concernées doivent être énoncées dans l'acte instituant la procédure d'alerte. Le dispositif d'alerte professionnelle de la société Dassault systèmes ne prévoyait aucune mesure d'information et de protection des personnes répondant aux exigences de la loi du 6 janvier 1978 et de la délibération du 8 décembre 2005 portant autorisation unique.

En 2004 et 2007, la société Dassault systèmes avait élaboré un code de conduite des affaires, définissant les règles applicables à la diffusion des informations confidentielles et des informations à usage interne dont les salariés peuvent avoir connaissance dans le cadre de leur contrat de travail. Il organisait un système d'alerte professionnelle. La version de 2007 de ce code a fait l'objet, le 30 mai 2007, d'un engagement de conformité à l'autorisation unique n° 2005 305 du 8 décembre 2005 prise en application de l'article 25-II de la loi "Informatique et liberté" du 6 janvier 1978. Estimant que son contenu portait atteinte aux libertés fondamentales des salariés et que le dispositif d'alerte n'était pas conforme à cette autorisation unique et aurait dû faire l'objet d'une autorisation en application de l'article 25-I de la loi du 6 janvier 1978, la fédération des travailleurs de la métallurgie CGT a saisi le tribunal de grande instance d'une demande d'annulation de ce code de bonne conduite.

La cour d'appel de Versailles a déclaré licites les dispositions du code de conduite des affaires version 2007 (CA Versailles, 1ère ch., sect. 1, 17 avril 2008, n° 07/08624, SA Dassault systèmes c/ Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT N° Lexbase : A3686EB7). Ce dispositif est conforme au régime simplifié d'autorisation unique défini par la Cnil (délibération du 8 décembre 2005), dispensant les responsables de traitement automatisé de données à caractère personnel du régime normal de l'autorisation lorsque le traitement mis en oeuvre répond à une obligation législative ou réglementaire visant à l'établissement de procédures de contrôle interne dans les domaines financier, comptable, bancaire et de la lutte contre la corruption (art. 1). De plus, dans la mesure où la déclaration du système d'alerte a été faite auprès de la Cnil, l'employeur n'était pas tenu de rappeler dans le paragraphe concerné du code de conduite les dix articles de la délibération du 8 décembre 2005 (notamment ses articles 9 et 10 concernant l'information de la personne faisant l'objet de l'alerte professionnelle et le respect des droits d'accès et de rectification).

La Cour de cassation annule l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles, sur le fondement de l'article 25 de la loi du 6 janvier 1978 et des articles 1 et 3 de la délibération n° 2005-305 du 8 décembre 2005 de la Cnil.

En effet, le régime simplifié d'autorisation unique défini par la Cnil (délibération du 8 déc. 2005) dispense les responsables de traitement automatisé de données à caractère personnel du régime normal de l'autorisation lorsque le traitement mis en oeuvre répond à une obligation législative ou réglementaire visant à l'établissement de procédures de contrôle interne dans les domaines financier, comptable, bancaire et de la lutte contre la corruption (art. 1). Aussi, un dispositif d'alerte professionnelle ne peut avoir une autre finalité que celle définie à l'article 1er de la délibération de la Cnil du 8 décembre 2005, que les dispositions de l'article 3 n'ont pas pour objet de modifier.

Enfin, les mesures d'information prévues par la loi du 6 janvier 1978 reprises par la décision d'autorisation unique de la Cnil pour assurer la protection des droits des personnes concernées doivent être énoncées dans l'acte instituant la procédure d'alerte. Le dispositif d'alerte professionnelle de la société Dassault systèmes ne prévoyait aucune mesure d'information et de protection des personnes répondant aux exigences de la loi du 6 janvier 1978 et de la délibération du 8 décembre 2005 portant autorisation unique.

Christophe Willmann, Professeur à l'université de Rouen et Directeur scientifique de l’Ouvrage "Droit de la Sécurité sociale"

  • NTIC

- Cass. soc., 15 décembre 2009, n° 07-44.264, M. Bruno Buzon, FS-P+B+R (N° Lexbase : A7092EPD) (17)

Les fichiers créés par le salarié à l'aide de l'outil informatique mis à sa disposition par l'employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel, sauf si le salarié les identifie comme étant personnels. N'ont pas un caractère personnel et peuvent être ouverts en l'absence du salarié des fichiers intitulés "essai divers", "essais divers B" et "essais divers restaurés".

Les correspondances adressées au président de la Chambre des notaires, à la caisse de retraite et de prévoyance et à l'Urssaf pour dénoncer le comportement de l'employeur dans la gestion de l'étude ne revêtent pas un caractère privé et peuvent être retenues au soutien d'une procédure disciplinaire.

Le salarié qui jette le discrédit sur l'étude en des termes excessifs et injurieux manque à ses obligations dans des conditions outrepassant sa liberté d'expression et qui justifient la rupture immédiate du contrat de travail.

"Cet arrêt fait la somme de la jurisprudence rendue en matière de TIC (technologies de l'information et de la communication) et de vie privée au travail ces dernières années". Cette présentation de l'arrêt rendu par la Chambre sociale le 15 décembre 2009 correspond parfaitement à l'idée de "synthèse" qui avait été présentée dans ces colonnes à l'occasion de son commentaire.

Le Rapport rappelle, d'abord, la jurisprudence de la Chambre sociale par application de laquelle les fichiers créés par le salarié à l'aide de l'outil informatique mis à sa disposition par l'employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel, si bien que l'employeur peut y avoir accès hors de sa présence, sauf si le salarié les identifie comme étant personnels (18). Il reprend, ensuite, la règle selon laquelle l'identification comme document personnel d'un fichier doit résulter de son intitulé et non de son contenu, ainsi qu'elle a déjà été amenée à le juger dans un précédent arrêt (19). Enfin, le Rapport réaffirme l'attachement de la Cour de cassation à la liberté d'expression du salarié, liberté qui ne doit, cependant, pas dégénérer en abus, ce qui est le cas lorsque le salarié tient des propos "injurieux, diffamatoires ou excessifs" (20).

Le Rapport n'aurait alors sur ce point d'autre intérêt que de faire la "synthèse de la synthèse" si la conclusion des propos de la Cour de cassation n'avait pas comporté une phrase relativement étonnante. En effet, le Rapport dispose que, "par cet arrêt, la Chambre sociale, s'inspirant de la position du législateur qui, comme le montre la terminologie prudente et équilibrée de l'article L. 1121-1 du Code du travail, a cherché à concilier la nécessaire protection des droits du salarié et les tout aussi légitimes intérêts de l'entreprise, a donc maintenu sa perception raisonnable de la question des libertés dans l'entreprise".

La lettre de l'article L. 1121-1 du Code du travail ne fait aucunement référence à l'intérêt de l'entreprise même si, il est vrai, il est parfois considéré par la doctrine que ce texte met en balance les droits et libertés fondamentales du salarié avec l'intérêt de l'entreprise. Au contraire, on peut penser que le caractère justifié par la nature des tâches à accomplir exigé par le texte se réfère autant à l'intérêt de l'entreprise qu'aux fonctions mêmes du salarié. De la même manière, le caractère proportionné au but poursuivi ne permet pas de justifier une atteinte à une liberté par la préservation de l'intérêt de l'entreprise, mais seulement de mesurer si l'atteinte portée n'est pas excessive. Dans ces conditions, il était possible de douter, jusqu'à aujourd'hui, que l'article L. 1121-1 du Code du travail comporte une véritable conciliation entre les droits et libertés fondamentaux du salarié, d'une part, et les "tout aussi légitimes intérêts de l'entreprise" (sic), d'autre part. L'interprétation jurisprudentielle rejoignant ici l'interprétation doctrinale, il conviendra de prendre acte que, désormais, l'intérêt de l'entreprise est placé au même niveau par le juge que les "droits des personnes" et les "libertés individuelles et collectives" des salariés...

Sébastien Tournaux, Maître de conférences à l'Université Montesquieu - Bordeaux IV


(1) Lire nos obs., Le règlement intérieur peut restreindre la liberté d'usage du domicile du salarié pour protéger les pensionnaires hébergés par son employeur, Lexbase Hebdo n° 335 du 29 janvier 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N3656BIA).
(2) Lire nos obs., La protection accrue du salarié contre la fouille de ses effets personnels, Lexbase Hebdo n° 339 du 27 février 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N5751BIT).
(3) CE, 19 juin 1989, n° 78231, Latécoère (N° Lexbase : A3448AQR) ; CE, 11 juillet 1990, n° 86022, Griffine-Maréchal, publié (N° Lexbase : A5656AQK) ; CE, 26 novembre 1990, n° 96565, Vinycuir (N° Lexbase : A8597AQH).
(4) Cass. soc., 8 mars 2005, n° 02-47.123, Société Laboratoires Clarins c/ Mme Déolinda Siadkowski, F-D (N° Lexbase : A2534DHC).
(5) Lire nos obs., Nullité du licenciement du salarié qui se trompe de bonne foi en dénonçant des faits non avérés de harcèlement, Lexbase Hebdo n° 343 du 26 mars 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N9827BIS).
(6) Lire nos obs., La nouvelle approche des discriminations en droit du travail, Lexbase Hebdo n° 309 du 19 juin 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N3609BGR).
(7) Lire nos obs., Les limites du pouvoir de sanction du juge en cas de harcèlement moral, Lexbase Hebdo n° 359 du 17 juillet 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N0000BLL).
(8) Lire les obs. de Ch. Radé, Le harcèlement moral n'est pas nécessairement intentionnel, Lexbase Hebdo n° 375 du 11 décembre 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N5940BMX).
(9) Ch. Radé, Le harcèlement moral n'est pas nécessairement intentionnel, préc..
(10) Cass. soc., 24 septembre 2008, 6 arrêts, n° 06-46.517 (N° Lexbase : A4541EAG), n° 06-45.747 (N° Lexbase : A4540EAE), n° 06-45.579 (N° Lexbase : A4539EAD), n° 06-43.504 (N° Lexbase : A4538EAC), n° 06-46.179 (N° Lexbase : A4854EAZ) et n° 06-43.529 (N° Lexbase : A4841EAK) et nos obs., Principe 'à travail égal, salaire égal', égalité de traitement, non-discrimination et harcèlement : la Cour de cassation reprend la main, Lexbase Hebdo n° 321 du 8 octobre 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N3848BHY).
(11) Lire les obs. de S. Tournaux, Les limites du pouvoir de sanction du juge en cas de harcèlement moral, Lexbase Hebdo n° 359 du 16 juillet 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N0000BLL).
(12) Lire nos obs., Un an d'essai, une durée déraisonnable, Lexbase Hebdo n° 355 19 juin 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N6555BKY.
(13) Cass. soc., 29 mars 2006, n° 04-46.499, Société Euromédia Télévision c/ M. Christophe Peter, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A8311DN7) et les obs. de N. Mingant, Le droit français du délai-congé à l'épreuve de la convention internationale du travail relative au licenciement, Lexbase Hebdo n° 212 du 26 avril 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N7427AKB), RJS, 2006, p. 397, n° 561 ; Dr. soc., 2006, p. 636, avis J. Duplat ; JCP éd. S, 2006, p. 1427, note R. Vatinet ; D., 2006, p. 2228, note L. Perrin.
(14) CE Contentieux, 19 octobre 2005, n° 283471, CGT et autres ([LXB=A9977DK]), D., 2006, Jur. p. 629, note G. Borenfreund ; JCP éd. E, 2005, II, 1652, note P. Morvan ; JCP éd. S, 2005, 1317, concl. C. Devys, note R. Vatinet ; SSL, 7 janvier 2006, n° 1243, p. 5, chr. P. Rodière.
(15) Lire les obs. de Ch. Willmann, De la modification du prénom comme pratique discriminatoire, Lexbase Hebdo n° 373 du 26 novembre 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N4725BMX).
(16) Lire nos obs., Alerte professionnelle : un code d'entreprise doit être conforme à la loi du 6 janvier 1978, Lexbase Hebdo n° 376 du 18 décembre 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N7165BMC).
(17) Lire nos obs., Consultation des fichiers informatiques du salarié et liberté d'expression : synthèse, Lexbase Hebdo n° 378 du 15 janvier 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N9535BM4).
(18) Cass. soc., 18 octobre 2006, n° 04-48.025, M. Jérémy Le Fur c/ Société Techni-Soft, F-P+B (N° Lexbase : A9621DRR) ; Cass. soc., 18 octobre 2006, n° 04-47.400, M. Philippe Alazard c/ Société Jalma emploi et protection sociale (JEPS), FS-P+B (N° Lexbase : A9616DRL) et nos obs., La consultation des documents de nature professionnelle du salarié, Lexbase Hebdo n° 234 du 2 novembre 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N4508ALK) ; RDT, 2006, p. 395, obs. de Quenaudon ; SSL, 2006, n° 1279, p. 10.
(19) Cass. soc., 21 octobre 2009, n° 07-43.877, Société Seit Hydr'Eau, FS-P+B (N° Lexbase : A2618EMW).
(20) Cass. soc., 29 novembre 2006, n° 04-48.012, M. Joël Le Sidaner, F-D (N° Lexbase : A7740DSH).

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