La lettre juridique n°394 du 13 mai 2010 : Environnement - Bulletin d'actualités n° 3

[Textes] Bulletin droit de l'environnement du Cabinet Savin Martinet Associés : actualités "Produits biocides : autorisation transitoire de mise sur le marché"

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le 04 Janvier 2011

L'article 9 de la loi n° 2008-757 du 1er août 2008, relative à la responsabilité environnementale et à diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'environnement (N° Lexbase : L7342IA8), a institué en droit français la procédure d'autorisation transitoire de mise sur le marché des produits biocides. Le décret n° 2009-1685 du 30 décembre 2009, relatif aux autorisations transitoires de mise sur le marché de certains produits biocides et à diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'environnement (N° Lexbase : L1841IGB) et le décret n° 2009-1690 du même jour relatif à la couverture des dépenses relatives aux autorisations transitoires de mise sur le marché de certains produits biocides (N° Lexbase : L1846IGH) sont venus préciser les modalités d'application de cette nouvelle procédure d'autorisation. Après un rappel général de la réglementation applicable en matière de produits biocides (I), nous exposerons les principales dispositions des deux décrets susmentionnés (II). I - Rappel général de la réglementation applicable en matière de produits biocides

En droit communautaire, la mise sur le marché des produits biocides est réglementée par la Directive 98/8/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 février 1998 concernant la mise sur le marché des produits biocides (N° Lexbase : L9950AU3). Les précisions quant à son champ d'application (I.1) ainsi que la procédure d'autorisation de mise sur le marché qu'elle instaure (I.2) ont fait l'objet de mesures de transposition aux articles L. 522-1 (N° Lexbase : L7600IGL) à L. 522-19 et R. 522-1 (N° Lexbase : L0897H3M) à R.522-46 du Code de l'environnement.

I.1 Champ d'application

La Directive 98/8/CE précitée réglemente la mise sur le marché (I.1.3) des substances dites actives (I.1.1) contenues dans les produits biocides (I.1.2), en les soumettant à une procédure d'autorisation obligatoire.

I.1.1 Définition des "substances actives"

Par substance active, on entend toute "substance chimique ou micro-organisme, y compris un virus ou un champignon, exerçant une action générale ou spécifique sur un ou contre les organismes nuisibles" (C. envir., art. L. 522-1, IV).

Toute une série de substances est exclue du champ d'application de la présente définition (et de celle rapportée au I.1.2). Il s'agit :

- des substances et préparations destinées à l'utilisateur final, exclusivement utilisées comme médicaments à usage humain ou vétérinaire, produits cosmétiques, denrées alimentaires ou aliments pour animaux ;
- des substances actives et produits biocides utilisés exclusivement comme substances actives de produits phytopharmaceutiques et comme produits phytopharmaceutiques ;
- des substances actives et produits biocides utilisés exclusivement comme composants de dispositifs médicaux ;
- des catégories de substances actives et produits biocides soumises à d'autres procédures que celles prévues par la législation sur les biocides et qui prennent en compte les risques encourus par l'homme et l'environnement ;
- et des substances radioactives qui contiennent un ou plusieurs radionucléides dont l'activité ou la concentration ne peut être négligée pour des raisons de radioprotection.

A ce titre, ces substances ne sont pas visées par les conditions de mise sur le marché définies à l'article L. 522-1, V, du Code de l'environnement.

I.1.2 Définition des "produits biocides"

Un produit biocide est une substance active ou une préparation contenant une ou plusieurs substances actives et visant à détruire, repousser ou rendre inoffensifs les organismes nuisibles, à en prévenir l'action ou les combattre de toute autre façon, par une action chimique ou biologique.

Il existe 23 classes de biocides, elles-mêmes réparties en quatre grands groupes que sont :

- les désinfectants et produits généraux ;
- les produits de protection ;
- les produits antiparasitaires ;
- et les autres produits biocides recouvrant les produits protégeant les denrées alimentaires et aliments pour animaux, les produits antisalissures et ceux utilisés pour l'embaumement, la taxidermie et la vermine.

I.1.3 La notion de mise sur le marché

La mise sur le marché comprend toutes les opérations (i) de cession à titre onéreux ou gratuit d'une substance active ou d'un produit biocide, (ii) d'importation d'une substance active ou d'un produit biocide en provenance d'un Etat non membre de l'Union européenne (UE), exception faite d'une substance en transit et (iii) le stockage d'une substance active ou d'un produit biocide si ce stockage n'est pas suivi d'une expédition hors le territoire douanier de l'UE.

I.2 L'obligation d'obtenir une autorisation de mise sur le marché

La réglementation applicable en matière de produits biocides prévoit un régime d'autorisation que l'on peut qualifier de "général" (I.2.1) et d'autres régimes de type dérogatoire (I.2.2).

I.2.1 Le régime général

Un produit biocide ne peut être mis sur le marché que s'il a fait l'objet d'une autorisation de mise sur le marché délivré par le ministre de l'Environnement, après évaluation de l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (AFSSET) et l'avis de la Commission des produits chimiques et biocides (C. envir., art. R. 522-14 N° Lexbase : L0910H34).

Pour cela, il doit remplir plusieurs conditions :

- la substance active qu'il contient doit figurer sur l'une des trois listes communautaires reprises dans les annexes I, IA et IB de la Directive 98/8/CE précitée ;
- la nature et la quantité de substance active qu'il contient doivent pourvoir être déterminées ;
- et les propriétés physiques et chimiques du produit doivent permettre d'assurer une utilisation, un stockage et un transport adéquat.

Le contenu de la demande d'autorisation est défini par l'article R. 522-15 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L0911H37). Elle comprend :

- un dossier concernant le produit biocide ou un document dénommé "lettre d'accès", par lequel le ou les propriétaires de données pertinentes protégées autorisent l'utilisation de ces données par le ministre chargé de l'Environnement dans le cadre de la procédure d'autorisation de mise sur le marché d'un produit biocide ;
- et pour chaque substance active biocide contenue dans le produit biocide, une lettre d'accès ou un dossier.

Après cet examen formel, le dossier est transmis à l'AFSSET pour procéder à son évaluation. Enfin, le ministre chargé de l'Environnement se prononce sur la demande. Le ministre a 12 mois pour statuer à compter de la date à partir de laquelle le dossier est jugé suffisant (C. envir., art. R. 522-18 N° Lexbase : L0914H3A).

Pour les produits biocides à usage exclusivement professionnel, l'accord préalable du ministère du Travail, en plus des obligations du régime général, est nécessaire.

I.2.2 Les régimes d'autorisation de type dérogatoire

La législation applicable en matière de mise sur le marché des produits biocides prévoit des procédures d'autorisation simplifiées dans les cas où le produit biocide :

- présente de faibles risques car contenant une substance active inscrite sur la liste I A de la Directive 98/8/CE ou ;
- est déjà autorisé dans un autre Etat membre ;
- correspond à une formulation-cadre d'un produit déjà autorisé.

Pour la mise sur le marché d'un produit biocide ou d'une substance active exclusivement destinée à des expériences ou essais à des fins de recherche ou de développement, une procédure d'autorisation dérogatoire à celle du régime général est prévue.

En outre, il est possible d'obtenir une autorisation provisoire de mise sur le marché du produit biocide même si celui-ci ne contient pas une substance active figurant sur l'une des trois listes annexées à la Directive 98/8/CE précitée. Cette autorisation est délivrée par le ministre de l'Environnement pour une durée de trois ans prorogeable, sous conditions, d'un an. L'usage du produit biocide ainsi autorisé doit être limité et contrôlé.

La loi du 1er août 2008 précitée instaure un nouveau régime spécial, dit d'autorisation transitoire dont les modalités d'application ont été arrêtées par deux décrets du 30 décembre 2009.

II - L'autorisation transitoire de mise sur le marche des produits biocides

Après avoir décrit l'objectif de l'autorisation transitoire de mise sur le marché (II.1), nous exposerons son champ d'application (II.2) et la procédure d'obtention de la dite autorisation (II.3).

II.1 L'objectif de l'autorisation transitoire de mise sur le marché

L'autorisation transitoire de mise sur le marché a pour but d'élargir le champ d'application actuel de la réglementation sur les biocides. De nouveaux produits biocides jusqu'ici exemptés vont dans un premier temps être soumis à la procédure d'autorisation transitoire en attendant leur inscription en annexe de la Directive 98/8/CE précitée. Ainsi, par la procédure d'autorisation provisoire de mise sur le marché, le nombre de produits biocides échappant à toute contrainte réglementaire est potentiellement plus limité.

II.2 Le champ d'application de l'autorisation transitoire

L'article 9 de la loi du 1er août 2008 et le décret n° 2009-1685 du 30 décembre 2009 délimitent le champ d'application de l'autorisation transitoire en ce qui concerne les produits biocides visés (II.2.1) et les demandeurs soumis aux prescriptions (II.2.2)

II.2.1 Les produits biocides visés

Dans tous les cas, la demande ne peut porter que sur un produit biocide qui n'est pas déjà soumis au régime général d'autorisation de mise sur le marché précité. En outre, le produit biocide doit :

- être destiné à l'assainissement et au traitement antiparasitaire des locaux, matériels, véhicules, emplacements et dépendances utilisés en des cas visés par l'article 9 I 1 a), b) ou c) de la loi du 1er août 2008 précitée ;
- contenir une substance active pour le type d'usage revendiqué, sur les listes mentionnées à l'annexe II du Règlement (CE) n° 1451/2007 (N° Lexbase : L4840H3N) de la Commission, du 4 décembre 2007, concernant la seconde phase du programme de travail de dix ans visé à l'article 16, paragraphe 2, de la Directive 98/8/CE du Parlement européen et du Conseil concernant la mise sur le marché des produits biocides ;
- être dépourvu de substances actives qui fassent l'objet d'une décision de non inscription sur les listes annexées à la Directive 98/8/CE précitée ;
- être suffisamment efficace dans des conditions normales d'utilisation ;
- respecter les conditions d'étiquetage des produits biocides prévues à l'article L. 522-14 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L8917AS3) ;
- et, s'il s'agit d'un produit rodenticides, contenir une teneur minimale en amérisant.

II.2.2 Les demandeurs concernés

En premier lieu, le demandeur (i) ne peut être que le responsable de la première mise sur le marché ou son mandataire et doit nécessairement (ii) posséder un bureau permanent dans un Etat membre de l'Union européenne.

En second lieu, le demandeur ou plus généralement toute personne qui exerce l'activité d'application à titre professionnel des produits biocides éligibles à la procédure d'autorisation transitoire et qui utilise les dits produits biocides doit avoir au sein de son entreprise au moins une personne qualifiée afin d'assurer l'encadrement de dix personnes au plus. Si cette personne exerce seule, elle se doit d'être qualifiée.

Le demandeur qui contreviendrait à cette obligation serait puni d'une peine d'amende prévue pour les contraventions de cinquième classe. La récidive serait réprimée conformément aux articles 132-11 (N° Lexbase : L2087AMA) et 132-15 (N° Lexbase : L1951AM9) du Code pénal.

En l'espèce, on entend par personne qualifiée, une personne titulaire :

- de diplômes, de titres homologués, d'attestations de formation qui seront définis par arrêté du ministre chargé de l'Environnement ou ;
- d'un certificat délivré par l'autorité administrative conformément à l'article R. 254-4 du Code rural (N° Lexbase : L0375IHD) valide à la date de publication du présent décret.

II.3 La procédure d'autorisation transitoire de mise sur le marché

La personne qui met sur le marché des produits biocides entrant dans le champ d'application des décrets du 30 décembre 2009 est dans l'obligation de se soumettre à une procédure particulière pour se voir délivrer une autorisation transitoire de mise sur le marché (II.3.1). Son obtention n'exonère pas le demandeur de toute obligation ultérieure (II.3.2).

II.3.1 La délivrance de l'autorisation de mise sur le marché

Les dossiers de demande d'autorisation sont adressés à l'AFSSET. Il doit y être fait mention d'une description détaillée et complète des études effectuées, des méthodes utilisées ou d'une référence bibliographique de ces méthodes. Le contenu exact de ce dossier sera déterminé par un arrêté du ministre chargé de l'environnement en attente de publication.

En outre, la demande s'accompagne du versement d'une somme au profit de l'AFSSET qui est censée couvrir les dépenses résultant des opérations de conservation, d'examen, d'exploitation, d'expertise voire des essais de vérification menées dans le cadre de l'expertise. Là aussi, le montant et les modalités de perception n'ont pas encore été arrêtés et le seront par arrêté.

Dans un délai de six mois à compter de la réception de la demande, sauf exception, l'AFSSET donne son avis au ministre chargé de l'Environnement. Passé ce délai, l'avis est réputé favorable. Dans cet intervalle, l'AFSSET est susceptible de demander des renseignements complémentaires jugés nécessaires à l'instruction de la demande.

La décision finale du ministère prise dans un délai de deux mois à compter de la réception de l'avis de l'AFSSET ou à défaut, à l'expiration du délai imparti à cette dernière pour statuer, est notifiée au demandeur et à l'AFSSET. Elle peut être accompagnée de conditions d'utilisation stricte prises dans l'intérêt de la santé publique et de l'environnement. Dans tous les cas, une fois délivrée, l'autorisation transitoire de mise sur le marché est valable jusqu'à ce que le produit biocide soit soumis au régime général d'autorisation.

Le fait de mettre sur le marché un produit biocide, sans autorisation transitoire de mise sur le marché alors que celle-ci était requise, est puni de deux ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende.

II.3.2 Les obligations ultérieures du demandeur

L'autorisation transitoire dont bénéficie un tel produit doit faire l'objet d'une nouvelle demande d'autorisation transitoire dès lors qu'a été modifié :

- l'usage du produit ;
- sa composition ;
- sa classification, son conditionnement ou son étiquetage ;
- sa dénomination commerciale ;
- ses conditions d'emploi prévues par l'octroi initial de l'autorisation transitoire ;
- la marque lors de la mise sur le marché du produit lorsque celui-ci bénéficie d'une autorisation transitoire détenue par une autre personne ;
- un élément notable du dossier de demande d'autorisation transitoire.

Pour toute autre modification apportée au produit susceptible d'entraîner une modification notable des éléments du dossier initial, le détenteur de l'autorisation transitoire de mise sur le marché doit les porter à la connaissance du ministre chargé de l'Environnement. Ce dernier est susceptible d'exiger une nouvelle demande d'autorisation.

Enfin, toute évolution des connaissances scientifiques et techniques en lien avec la protection de la santé et de l'environnement peut engendrer, sur l'initiative du détenteur de l'autorisation transitoire ou du ministre chargé de l'Environnement, des modifications dans les conditions d'emploi et d'usage définies dans l'autorisation initiale de mise sur le marché d'un produit initial.

L'autorisation transitoire de mise sur le marché des produits biocides est censée limiter le nombre de produits biocides qui échappaient jusqu'ici aux prescriptions du régime général d'autorisation fondée sur une liste évolutive de substances actives qu'ils contiennent. Cette nouvelle procédure d'autorisation permet ainsi de pallier les défaillances actuelles de la réglementation sur les produits biocides en matière de risques sanitaires et environnementaux.

Savin Martinet Associés - www.smaparis.com - Cabinet d'avocats-conseils

Contacts :

Patricia Savin (savin@smaparis.com)
Yvon Martinet (martinet@smaparis.com)

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