La lettre juridique n°329 du 4 décembre 2008 : Sociétés

[Evénement] Optimiser un montage LBO pour une meilleure valorisation de la cible

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par Anne Lebescond - Journaliste juridique et relations publiques

le 07 Octobre 2010

Le XVIème congrès de l'association des Avocats Conseils d'Entreprises (ACE), qui s'est déroulé à Marseille les 6 et 7 novembre dernier, a proposé aux participants des ateliers de pratique juridique et de pratique professionnelle, dont l'un d'entre eux s'intitulant "LBO, leviers de croissance", consacré aux opérations de leverage buy out (LBO).
Un LBO consiste pour un ou plusieurs repreneurs -le plus souvent, les managers d'une société ou d'un groupe de sociétés (la cible)- à acquérir ou prendre le contrôle de cette cible, au moyen d'un financement constitué majoritairement sous forme d'emprunts. Les excédents de trésorerie de la cible "remontent" sous forme de dividendes à l'emprunteur, qui les emploie au remboursement de la dette et de ses intérêts. Pour des raisons fiscales notamment, la reprise par les managers s'effectue, dans la plupart des cas, au profit d'une société holding existante ou à créer, qu'ils détiennent aux côtés des banquiers et investisseurs financiers auxquels ils font appel. Cette holding cherche, en principe, à prendre une participation d'au moins 95 % dans la cible -seuil fatidique du régime d'intégration fiscale-. Pour ce faire, elle s'entoure de conseils, experts juridiques et financiers des fusions-acquisitions, chargés principalement d'évaluer la cible, d'élaborer et de présenter le montage juridique et de négocier le projet de financement avec les banques. Controversé depuis son apparition encore récente, ce montage a, pourtant, toujours connu un succès fulgurant. Bien que la société holding détienne le contrôle ou l'intégralité du capital de la société cible, elles n'en demeurent pas moins deux personnes juridiques distinctes et l'équilibre entre leurs intérêts respectifs est fragile. La question se pose, alors, du juste emploi des bénéfices entre le développement de la cible et le remboursement du prêt contracté par la holding. De la réponse apportée dépendra le succès du LBO, susceptible tant de "vampiriser" les ressources de la société cédée, que d'améliorer significativement sa valorisation. Dans ce sens, une étude a récemment exposé que les entreprises sous LBO sont bien plus compétitives que leurs concurrentes (1). Cette différence s'explique, sans doute, par les responsabilités des managers, qui s'engagent auprès des acteurs financiers, outre au remboursement de la dette, à leur offrir une sortie avec une plus-value significative à la clé. Pour ces raisons, la plupart des deals se font par le biais du LBO, la crise financière n'ayant, finalement, pas changé la donne (2).

Partant du constat que les reprises par effet de levier demeurent, donc, une méthode incontournable des acquisitions d'entreprises, les intervenants -Jean-Jacques Uettwiller, avocat associé du cabinet UGGC & Associés, Jean-Pierre Fines, avocat et Professeur des Universités, Bernard Liger, avocat associé du cabinet Landwell & Associés, Jean-Luc Blein, avocat associé du cabinet Hoche, et Philippe Fieloux, avocat- ont mis en évidence les moyens d'optimiser ce montage, au travers de l'étude de sa détermination (I), du contenu du management package (II) et des problématiques fiscales (III).

I - La détermination du montage LBO

La réussite d'un montage LBO, quelle que soit sa qualification (A) est conditionnée à la pertinence de la détermination de la cible (B) et de la forme sociale (C) de la holding de reprise.

A - Typologie des montages LBO

Le montage LBO peut prendre des formes variées, en fonction de la taille de l'opération et du maintien ou non du management en place au sein de la cible. Ainsi, il pourra s'agir :

- d'un management buy out (MBO) : la reprise s'effectuant au profit de fonds d'investissement et des managers de la cible, ou seulement à leur profit ;
- d'un management by in (MBI) : la reprise s'effectuant au profit d'un fonds d'investissement et de managers externes à la cible ;
- d'un buy in management buy out (BIMBO) : qui implique une équipe de management mixte, composée d'un directeur général extérieur associé aux dirigeants en place ;
- d'un owners by out (OBO) ou -vente à soi-même-, la reprise s'effectuant au profit du propriétaire de la cible. L'opération permet de générer pour le manager une liquidité, sans modifier significativement l'actionnariat de la société et, donc, le détenteur du contrôle (à la différence des autres LBO, il est envisageable pour cette opération de ne faire appel qu'à des banques, et non, à des investisseurs financiers) ;
- d'un leverage buy up (LBU) : consistant à monter un groupe en fusionnant ou intégrant les process et structures de plusieurs sociétés en vue de constituer une autre société plus importante censée dégager une valeur significative ou s'introduire sur les marchés financiers.

B - Détermination de la cible

Le choix de la cible dépend de la stratégie déterminée par les acteurs de l'opération, parmi les quatre principales stratégies identifiées depuis quinze ans que ce montage est pratiqué. Il peut s'agir d'un spin off, qui est la reprise, pour le management en place, aux côtés d'un financier, de l'une des filiales ou de l'une des activités qu'il dirige, appartenant à un groupe se recentrant sur son corps de business (3). Le montage prendra, alors, la forme d'un MBO ou d'un BIMBO. L'opération peut, également, s'inscrire dans une logique de croissance externe, les montages LBO permettant, alors, le développement d'un groupe à l'échelle nationale et internationale, par l'acquisition de plusieurs cibles qui deviennent des filiales. Le rapport entre la dimension de la cible et sa performance économique et financière est, dans un tel cadre, essentiel pour optimiser le montage. La stratégie choisie peut encore tendre à une adéquation entre deux facteurs : la rentabilité et l'efficacité productive. Deux types de variables, d'une part, celles liées à la performance financière (la rentabilité) et, d'autre part, les variables dites réelles (l'évolution de la productivité liée au LBO), sont ici pris en compte pour augmenter la valeur de marché de la cible. Enfin, l'entrepreneur peut raisonner en termes de diversification industrielle, les activités de la cible étant, en principe, plus performantes que l'activité de base du repreneur. L'analyse portera, ici, sur les produits proposés par la cible et la clientèle qu'ils visent.

Dans tous ces cas de figure, le repreneur aura toujours en mémoire les problématiques (récurrentes) en matière de contrôle des concentrations. Ainsi, dans le cas où deux au moins des intervenants à la concentration présentent un chiffre d'affaires supérieurs à 15 millions d'euros, l'opération doit, obligatoirement, être notifiée à l'autorité compétente (le ministre de l'Economie ou, depuis la "LME", l'Autorité de la concurrence). L'analyse du contrôle effectué par les autorités nationales et communautaires démontre que, si l'opération est, en règle générale, toujours autorisée, il arrive très souvent que cette autorisation soit subordonnée à des aménagements consistant à "dépecer" la cible (4). La stratégie devient, alors, celle du spin off, précédemment évoquée.

C - Détermination de la forme sociale de la holding de reprise

Une fois la structure et la stratégie du LBO déterminées, les protagonistes doivent décider de la forme sociale de la holding de reprise. Ils peuvent opter pour une SARL, une SA ou encore une SAS.

Le choix de la SARL sera plus opportun pour les cibles de petite taille. Dans cette configuration, les managers détiennent l'intégralité ou presque du capital, qu'ils rachètent en recourant uniquement à un prêt senior. Les avantages de cette structure tiennent dans l'économie de charges sociales découlant du régime TNS (5), applicable à la gérance majoritaire, et dans le peu de coûts qu'elle implique en comparaison des sociétés par actions. L'inconvénient réside dans la réticence des partenaires financiers pour cette forme sociale, peu adaptée aux opérations de haut de bilan, atténuée, cependant, par la possibilité pour les SARL d'émettre des obligations nominatives (6).

En réalité, la plupart des holdings de reprise revêtent la forme de la SAS, en raison de la souplesse qu'elle permet en termes de gouvernance et d'organisation de la détention du capital. Les aménagements de transferts des titres peuvent, en effet, figurer dans les statuts, ce qui leur confère une opposabilité plus forte que celle permise par les pactes d'actionnaires. La SAS devrait connaître d'autant plus de succès que, depuis la loi de modernisation de l'économie (7), il n'existe plus d'obligation de capital minimum et le recours aux commissaires aux comptes n'est plus systématique. Toutefois, cette structure présente un inconvénient majeur : l'introduction en bourse lui est interdite. A terme, cette interdiction limite les possibilités de liquidité de l'investissement des investisseurs financiers qui solliciteront la transformation de la société en SA pour optimiser leur sortie. La forme de SA est, donc, préférée en fin de vie du LBO ou, encore, si les protagonistes de l'opération souhaitent un cadre légal de gouvernance, qui les rassurera sur la qualité de leurs relations tout au long du montage.

Le succès de l'opération dépend, donc, du soin apporté dans la détermination du montage, mais, en partie seulement, car la qualité de la négociation avec les managers, internes ou externes à la cible, est une autre condition de la réussite.

II - Le management package

Le montage LBO reposant sur l'investissement des managers à développer la cible et améliorer sa valorisation, les intervenants ont examiné les moyens destinés à s'assurer de leur motivation. Le "management package" négocié pour les dirigeants est aménagé, soit dans les statuts de la holding et, éventuellement, de la cible, soit dans un cadre contractuel défini dès le début de l'opération. Il s'agit de la "rémunération" au sens large de l'investissement des managers et des modalités selon lesquelles elle est perçue, mais, également, de la protection qui leur sera accordée et de toutes sortes d'avantages dont ils bénéficient au titre du deal.

La perception de rémunérations successives, dépendantes de l'atteinte d'objectifs financiers, organisée dans des clauses dites de ratchet, est une constante du package classique. Le recours, dans ce cadre, aux valeurs mobilières composées, plutôt qu'aux engagements contractuels -pour lesquels la question du traitement de l'inexécution suscite encore des interrogations (8)- est préféré. Dans ce mécanisme, le manager a acquis, lors de la reprise de la cible, des titres de la holding et, quelques fois, de sa fille, qui donnent, une fois exercés, accès à une part du capital, leur exercice étant subordonné à l'atteinte d'objectifs dans des périodes déterminées. L'attribution de valeurs mobilières complexes renforce la sécurité juridique du management, car une fois les objectifs atteints, l'exercice des titres, qui dépend uniquement du dirigeant, réalise automatiquement l'augmentation de capital et, partant, le versement de sa rémunération. A l'inverse, dans l'hypothèse où les objectifs ne sont pas atteints, les investisseurs financiers auront pris soin de négocier des clauses dites de reverse ratchet, qui permettent une relution de leur participation lors de leur sortie.

Afin de simplifier les relations entre le management et la holding, les dirigeants sont très souvent regroupés au sein d'une "société des cadres" (dite "manco" pour management company) qui détient une participation dans la holding de reprise (9), aux côtés des banques et des investisseurs financiers. Le recours à une telle société, si la forme adoptée est celle du capital variable, simplifie l'entrée et la sortie des anciens ou nouveaux dirigeants, qui s'effectuent, respectivement, par la reprise des apports ou par de nouveaux apports ; donc, par une simple modification du capital, soumise à aucun formalisme particulier. Une alternative à ce système consiste à conclure des put & call (promesses de vente et promesses d'achat des titres des managers) croisés, exerçables en cas de survenance du fait générateur. Le fait générateur est un événement qui a été qualifié comme tel par les parties, qui déclenche le droit d'exercer son put ou son call, dans le cadre des promesses, ou sa sortie, dans le cadre de la société à capital variable. Les conditions de sortie du manager se feront dans des conditions favorables ou non, selon qu'il est un good leaver (révocation sans juste motif, retraite, invalidité permanente...) ou un bad leaver (démission, révocation justifiée...) et selon qu'un vesting (10) est ou non mis en place.

III - Les problématiques fiscales

L'outil par excellence de l'effet de levier fiscal du LBO réside dans l'intégration fiscale permise, dès lors que la holding détient directement ou non (11) au moins 95 % de la cible et n'est pas elle-même détenue à hauteur d'un tel pourcentage par une autre société soumise à l'impôt sur les sociétés. Dans ce cas, seule la holding est soumise à cet impôt, puisque les résultats de sa fille sont pris en compte dans ses propres résultats. Autre avantage de ce système, il évite toute imposition sur les distributions de dividendes de la cible à la holding et contourne le problème de la déductibilité des intérêts d'emprunts et des frais d'acquisition rencontrés systématiquement, lorsque les résultats ne sont pas intégrés. En effet, une holding, dans le cadre d'un LBO, étant par nature toujours déficitaire, il n'existe pas de revenus imposables sur lesquels imputer les intérêts, lorsque les résultats de la cible ne sont pas intégrés.

Toutefois, même en intégration fiscale, la période comprise entre la date de consolidation et la clôture de l'exercice social de la cible reste délicate, puisque les charges de la holding, dites "intercalaires", ne peuvent être répercutées. L'article 223-I-6 d) du Code général des impôts (N° Lexbase : L3713IAR) pallie cet inconvénient dans un cas seulement, celui dans lequel la cible faisait déjà partie, avant l'acquisition, d'une intégration. Il n'y a, alors, aucune rupture d'intégration, dès lors que les exercices sociaux de la cible et de la holding de reprise coïncident.

Une deuxième problématique fiscale tient aux limites de la fusion entre la société cible et la société holding, lorsqu'elle intervient trop rapidement après l'acquisition. La tentation est, effectivement, forte de loger rapidement la dette au sein de la société cédée, qui voit sa trésorerie prélevée directement, et d'imputer les frais d'acquisition de la holding sur sa fille.

Si les avantages sont certains, les inconvénients le sont tout autant : la cible risque d'être "vampirisée" au détriment, notamment, de ses salariés. En outre, si la holding est l'absorbante, elle risque de perdre le report des éventuels déficits fiscaux dont elle bénéficiait, du fait du changement de son activité (passant de celle de la prise de participations à celle antérieurement exercée par la société cédée). La responsabilité des dirigeants ayant organisé la fusion peut, aussi, être engagée pour abus de biens sociaux, s'il est démontré que l'opération a été planifiée dans leur intérêt personnel, plutôt que dans celui de la cible. Enfin, l'administration fiscale, conformément à l'instruction fiscale du 3 août 2000 (N° Lexbase : X6075AAA), peut caractériser un abus de droit, si la fusion n'a pour autre objet que d'imputer fiscalement les frais d'acquisition sur les bénéfices de la cible (le risque étant, toutefois, mince, l'intégration fiscale présentant le même résultat). Elle peut, également, qualifier la fusion d'acte anormal de gestion, dans le cas où la fusion présente un déséquilibre, la société cible ne bénéficiant d'aucune contrepartie. Compte tenu des responsabilités qu'elle implique, il ne peut qu'être conseillé de justifier la fusion par des intérêts autres que fiscaux (intérêts économiques, politiques...), de prendre garde à son sens et, enfin, de laisser passer un délai d'environ deux ou trois ans avant de la réaliser. Plus efficacement encore, il peut être conseillé de préférer d'opter pour une intégration fiscale, qui présente sensiblement les mêmes avantages.


(1) Cf. La performance économique des entreprises françaises ayant fait l'objet d'une opération de LBO, Conclusions de l'étude menée par la Chaire Private Equity de l'ESSEC du 14 octobre 2008 : la croissance du chiffre d'affaires d'une entreprise sous LBO est supérieure de 6 % à la croissance de celui d'une entreprise comparable au cours du premier exercice suivant le LBO, celle de l'EBITDA (Earning before Interests Taxes Depreciation and Accumulated, dont l'équivalent français est l'excédent brut d'exploitation) de 20% et celle de la marge d'EBITDA de plus de 1 %.
(2) A l'exception des "méga-deals" et des LBO secondaires. Ce type de LBO (tout comme les LBO tertiaires, voire quartenaires) sont réalisés à la suite d'un premier montage ayant permis à un investisseur financier d'acquérir sa participation. Le LBO secondaire porte sur la cession de cette participation au profit d'un autre financier qui met, alors, en place, son propre montage LBO.
(3) La cession d'Orangina, filiale de Pernod Ricard, au profit du groupe anglais Cadburry Schweppes relève d'une stratégie de spin off, la société Ricard ayant décidé d'un recentrage sur les seules boissons alcoolisées.
(4) Comme cela a, par exemple, été le cas pour le groupe PAI qui a, dans un premier temps, acquis de Danone le groupe Panzani, puis a, ensuite, souhaité acquérir les groupes Lustucru et Rivoire & Carré. Cette deuxième opération n'a été autorisée que concernant les produits autres que les pâtes sèches, pour lesquelles la concentration de PAI sur le marché était trop forte.
(5) Régime social du travailleur non salarié
(6) Possibilité introduite par la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004, de simplification du droit (N° Lexbase : L4734GUU).
(7) Cf. la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, de modernisation de l'économie (N° Lexbase : L7358IAR).
(8) Ceci en dépit de l'arrêt de la Chambre mixte de la Cour de cassation du 26 mai 2006 (Chbre mixte, 26 mai 2006, n° 03-19.376, Daurice Pater, épouse Pere c/ M. Jean Solari, P+B+R+I [LXB= A7227DPD]), qui préconise l'exécution forcée de la promesse.
(9) La répartition du capital de la "manco" entre les managers et les cadres clés correspondant à la participation que chacun aurait dû détenir dans la société mère.
(10) Ils'agit dune assiette dégressive du prix de la promesse en fonction de la date de survenance du fait générateur.
(11) A l'exception des actions gratuites attribuées aux salariés.

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