Réf. : Cass. soc., 6 novembre 2008, n° 07-43.325, Société d'exploitation Alice création c/ M. Hugues Lardet et a., F-D (N° Lexbase : A1715EB7)
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par Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV
le 07 Octobre 2010
Résumé
Il résulte de l'article L. 1231-4 du Code du travail que les parties ne peuvent renoncer par avance au droit de se prévaloir des règles en matière de licenciement. |
Commentaire
I Une solution classique
Ainsi que l'énonce l'article L. 1231-4 du Code du travail, "l'employeur et le salarié ne peuvent renoncer par avance au droit de se prévaloir des règles prévues par le présent titre". Le titre en question n'est autre, désormais, que le titre III du livre II de la première partie du Code du travail, intitulé "Rupture du contrat de travail à durée indéterminée".
Le texte de l'article L. 1231-4 laisse clairement entendre que sont seules interdites les renonciations anticipées. Par suite, et ainsi qu'il a été relevé "le droit du travail admet la renonciation dès lors que les droits en cause sont effectivement entrés dans le patrimoine du salarié" (Ch. Radé, L'ordre public social et la renonciation du salarié, Dr. soc., 2002, p. 931, spéc. p. 933). Il faut, toutefois, relever que l'appréciation de cette condition n'est pas toujours évidente. A quel moment, par exemple, doit-on considérer que le droit à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est entré dans le patrimoine du salarié ? Certains diront au moment de la rupture, tandis que d'autres soutiendront que c'est lors du jugement déclarant que le licenciement était injustifiée. A dire vrai, la Cour de cassation ne rentre pas dans de telles considérations et se borne à adopter un critère purement chronologique s'agissant de la question précitée. Ainsi, on sait qu'une transaction ne peut être valablement conclue qu'après que le licenciement a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception (v. notamment, Cass. soc., 18 février 2003, n° 00-42.948, Mme Agnès Sarkissian c/ Société Vacances Héliades, N° Lexbase : A1795A7M ; Lire notre chron., La transaction, un régime juridique stabilisé, Lexbase Hebdo n° 61 du 5 mars 2003 - édition sociale N° Lexbase : N6240AAD). Transaction qui, à l'évidence et en fonction de son contenu, emporte pour le salarié renonciation à certains droits (1).
En l'espèce, un salarié employé à compter du 27 juillet 1992 par la société Alice création et occupant, en dernier lieu, les fonctions de jardinier, avait été licencié le 7 avril 2005. L'employeur reprochait à l'arrêt attaqué de l'avoir condamné pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. A l'appui de son pourvoi il soutenait, de manière bien curieuse, que le "devoir de cohérence" s'oppose à ce qu'un salarié conteste la réalité et le caractère sérieux de la rupture de la cause invoquée par son employeur à l'appui d'une mesure de licenciement, lorsqu'il a été à l'origine de la rupture de son contrat de travail, en organisant la cessation de son activité afin de bénéficier d'un dispositif permettant de percevoir des allocations jusqu'à l'obtention d'une pension de retraite à taux plein. En outre, et de façon tout aussi curieuse, l'employeur arguait de la violation par le salarié de son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail en contestant la réalité et le caractère sérieux des motifs retenus par son employeur à l'appui de la mesure de licenciement bien qu'il ait lui-même organisé la rupture de son contrat de travail, en refusant délibérément de respecter les consignes de travail et en imposant à son employeur son départ.
Cette argumentation est balayée par la Cour de cassation qui se borne à rappeler qu'il résulte de l'article L. 1231-4 du Code du travail que les parties ne peuvent renoncer par avance au droit de se prévaloir des règles en matière de licenciement et que le moyen, inopérant, ne peut être accueilli.
Dire que le moyen développé par l'employeur est inopérant ne peut qu'être approuvé au regard de la teneur de celui-ci. Cela étant, et encore que la décision ne soit guère claire de ce point de vue, on peut comprendre le désappointement de l'employeur. En effet, il apparaît que le salarié avait recherché son licenciement, sans que l'on sache si l'employeur avait ou pas apporté son concours à cette démarche. Le salarié souhaitait, en effet, bénéficier des allocations chômage jusqu'au moment où il pourrait faire valoir ses droits à retraite.
Eu égard au comportement du salarié, l'employeur ne s'attendait sans doute pas à ce qu'il saisisse ensuite le juge afin de contester son licenciement puisque, précisément, il l'avait lui-même provoqué. Mais, à dire vrai cela importe peu, puisque l'employeur aurait dû savoir que le salarié ne peut renoncer par avance à se prévaloir des règles en matière de licenciement et qu'une telle demande était donc juridiquement envisageable. Partant, on est tenté de dire que l'employeur ne peut s'en prendre qu'à lui-même car il disposait des moyens de "sécuriser" quelque peu l'opération.
II Une solution instructive
En l'espèce, l'employeur aurait eu certainement tout intérêt à conclure une transaction avec le salarié. A condition qu'elle ait été conclue après la notification du licenciement et sans présumer de son contenu (2), la transaction aurait eu pour effet de rendre irrecevables les demandes du salarié tendant à la remise en compte de son licenciement.
Précaution élémentaire dans ce cas de figure, la transaction n'est, cependant, pas sans poser quelques difficultés à l'employeur dans la mesure où, pour qu'elle puisse être jugée valable, elle doit comporter des concessions réciproques. En d'autres termes, l'employeur doit s'engager à remettre une certaine somme d'argent au salarié. Or, et on le devine, l'employeur qui "accepte" de licencier le salarié afin que celui-ci bénéficie des indemnités chômage n'est pas enclin de lui verser en sus des indemnités transactionnelles. A cela, il faut encore ajouter que l'employeur doit, sauf à ce que le salarié ait été licencié pour faute grave, lui octroyer une indemnité de licenciement.
Jusqu'à la loi du 25 juin 2008, portant modernisation du marché du travail (N° Lexbase : L4999H7B), le salarié qui souhaitait mettre un terme à la relation de travail tout en bénéficiant a posteriori des allocations de chômage n'avait d'autre choix que d'"obtenir", d'une manière ou d'une autre, son licenciement. De là, des montages curieux, tel celui à l'oeuvre dans l'espèce rapportée. Désormais, il n'est plus nécessaire de passer par là.
En effet, la rupture conventionnelle a pour intérêt de mettre un terme à la relation de travail tout en permettant au salarié de bénéficier des indemnités de chômage. Il n'en reste pas moins vrai qu'une telle rupture exige, par définition, l'accord de l'employeur qui reste tenu de verser une indemnité de rupture au salarié. Partant, il n'est pas du tout certain que ce dernier accède à sa demande. Le ferait-il, on ne saurait trop lui conseiller de conclure avec le salarié une transaction. Car, et on ne saurait trop le répéter la sécurisation qui est attendue de la rupture conventionnelle dépendra étroitement de ce que voudra bien en faire la Cour de cassation (v. en ce sens, notre chron., La rupture conventionnelle du contrat de travail : l'illusion de la sécurisation, RDT, 2008, p. 522).
(1) Il reste que l'on peut se demander si, en marge de toute transaction, et postérieurement à son licenciement, le salarié pourrait renoncer au droit de demander une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
(2) Il convient en effet de rappeler que l'irrecevabilité des demandes en justice n'a pas un caractère général et reste limitée à l'objet de la transaction.
Décision
Cass. soc., 6 novembre 2008, n° 07-43.325, Société d'exploitation Alice création c/ M. Hugues Lardet et a., F-D (N° Lexbase : A1715EB7) Rejet, CA Aix-en-Provence, 18ème ch., 15 mai 2007 Texte concerné : C. trav., art. L. 1231-4 (N° Lexbase : L1068H9G) Mots-clefs : licenciement, renonciation Liens base : |
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