La lettre juridique n°323 du 23 octobre 2008 : Procédures fiscales

[Chronique] Chronique de procédures fiscales - octobre 2008

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N4869BHS

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par Daniel Faucher, Consultant au CRIDON de Paris

le 07 Octobre 2010



Cette semaine, les droits de la défense sont à l'honneur. La chronique de procédures fiscales vous propose de revenir sur l'article 164 de la loi "LME" qui tire les conséquences de l'arrêt "Ravon" rendu par la CEDH le 21 février 2008, et réforme le régime des recours contentieux concernant les visites domiciliaires. L'analyse du contentieux relatif au contrôle fiscal oblige, également, à revenir sur une série d'arrêts afférents à la mention expresse et au destinataire de la proposition de rectification. Enfin, un arrêt rendu par le Conseil d'Etat, le 6 août 2008, revient sur la garantie du contribuable en cas de demande de l'administration ayant pour objectif de lui faire compléter ses observations. Plus de 20 ans après la loi "Aicardi", l'amélioration du dialogue administration-contribuables mérite, toujours autant, les précisions du juge administratif.
  • Contrôle fiscal : visites domiciliaires (loi n° 2008-776, 4 août 2008, de modernisation de l'économie, loi dite "LME", art. 164 N° Lexbase : L7358IAR)

1. Régime existant avant l'arrêt "Ravon" et l'article 164 de la loi "LME"

Pour détecter les infractions en matière d'impôt sur le revenu, d'impôt sur les sociétés ou de TVA, les agents des impôts peuvent, sous réserve de l'autorisation préalable du juge, procéder à des visites en tous lieux et à des saisies de pièces et documents. Tel est le sens de L'article L. 16 B du LPF (N° Lexbase : L2901IB3) qui permet à l'administration fiscale, lorsqu'elle soupçonne une fraude en matière d'IR, d'IS ou de TVA, de solliciter une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance, afin de visiter tout lieu et de saisir tout document se rapportant à cette fraude.

Or, dans une décision récente (CEDH, 21 février 2008, Req. 18497/3, Ravon N° Lexbase : A9979D4D), la Cour européenne des droits de l'Homme a décidé que les voies de recours offertes aux contribuables pour contester la régularité des visites et saisies effectuées sur le fondement de ce texte ne garantissaient pas l'accès à un procès équitable au sens de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L7558AIR).

2. Régime nouveau

La Cour européenne des droits de l'Homme ayant jugé non conforme les voies de recours contre les ordonnances de saisies avec les exigences de la Convention, la loi a mis en place un recours devant le Premier président de la cour d'appel territorialement compétent. Elle prévoit, au lieu et place d'un recours limité au seul pourvoi en cassation, un recours de plein contentieux sur l'autorisation de visite domiciliaire et son exécution. Ce recours est applicable aux ordonnances notifiées ou signifiées à partir du 6 août 2008. Par ailleurs, pour renforcer les garanties des contribuables concernés par les opérations de visites, des dispositions sont introduites dans le texte de l'article L. 16 B.

2.1. Double recours

Il existe, désormais, une double voie de recours consistant, pour la première, en un appel devant le Premier président de la cour d'appel contre, d'une part, l'ordonnance du juge des libertés autorisant la visite et, d'autre part, le déroulement des opérations de visites ou de saisies. Dans les deux cas, l'appel doit être formé par déclaration remise ou adressée au greffe de la cour d'appel territorialement compétente. Il doit être présenté dans un délai de quinze jours à compter de la remise ou de la réception de l'ordonnance et n'est pas suspensif.

La seconde voie de recours est le pourvoi en cassation, dans un délai de quinze jours, contre l'ordonnance rendue par le Premier président.

2.2. Renforcement des droits de la défense

La faculté de faire appel à un conseil, que le texte légal ne mentionnait pas jusqu'à présent, est désormais prévue par la loi. Cette faculté doit être mentionnée dans l'ordonnance autorisant la visite. Par ailleurs, une copie des originaux du procès verbal de visite et de l'inventaire de saisie doit être adressée par lettre recommandée à l'auteur présumé des agissements frauduleux lui-même.

  • Procédure de redressements : garantie en faveur du contribuable en cas de demande de l'administration ayant pour objectif de lui faire compléter ses observations (CE 9° et 10° s-s-r., 6 août 2008, n° 295355, M. Grelineaud N° Lexbase : A0716EAR)

Lorsque le service des impôts invite un contribuable à compléter ses observations en réponse à une proposition de rectification par la production de documents susceptibles de justifier ses dires, il doit être regardé comme lui accordant une prorogation du délai de trente jours prévu à l'article R. 57-1 du LPF (N° Lexbase : L2033IBW) (depuis le 1er janvier 2008 le contribuable bénéficie de trente jours supplémentaires pour répondre s'il en fait expressément la demande dans la délai initial). Cependant, cette prorogation (du délai de trente ou soixante jours) peut être, elle-même, inférieure à trente jours, au motif que ce nouveau délai n'est pas visé par l'article L. 11 du LPF (N° Lexbase : L8436AE8).

1. Domaine de l'article L. 11 du LPF

Le délai de trente jours fixé par cet article s'applique, en principe, à toutes les demandes ou notifications relatives à l'assiette et au contrôle de l'impôt et alors même qu'aucun délai de réponse n'aurait été prévu par les textes en vigueur (Rép. min. Delfosse, JOAN 18 mai 1979, p. 4041). L'exemple le plus connu étant le délai pour répondre à une proposition de rectification. En effet, le texte de l'article L. 57 du LPF (N° Lexbase : L5447H9M) ne prévoyant pas de délai spécifique, le délai de droit commun de l'article L. 11 s'applique. De même, lorsqu'elle adresse une demande de justifications sur le fondement de l'article L. 10 du LPF (N° Lexbase : L3904AL8), texte pour lequel aucun délai de réponse n'est prévu, puisque la demande ne présente pas un caractère contraignant, l'administration est tenue de respecter le délai de trente jours avant de mettre en oeuvre la procédure de redressements (CAA Paris, 5ème ch., 8 juin 2000, n° 97PA02186, M. et Mme Boussemart N° Lexbase : A8824BHB ; CAA Bordeaux, 3ème ch., 18 octobre 2005, n° 02BX00139, M. Michel Escartin N° Lexbase : A6063DL7 ; on remarquera, toutefois, que cette jurisprudence n'est pas complètement stabilisée puisque la cour administrative d'appel de Versailles a jugé en sens contraire, cf. CAA Versailles, 3ème ch., 27 juin 2006, n° 04VE01755, Mme Romano Gritti N° Lexbase : A2469DRU). Enfin, une demande de justifications présentée, cette fois, comme contraignante et adressée au contribuable en cours de vérification qui fixe un délai inférieur au délai de l'article L. 11 du LPF entache la procédure d'irrégularité (CAA Bordeaux, 3ème ch., 28 novembre 2006, n° 03BX02381, M. Michel Arnal N° Lexbase : A8133DSZ).

2. Demandes non visées par l'article L. 11 du LPF

Dans l'affaire examinée récemment par le Conseil d'Etat, à l'issue d'une vérification de comptabilité, l'agent des impôts avait remis en cause par voie de notification de redressements la déduction de certaines charges. Comme la réponse du contribuable était incomplète, le vérificateur avait, par un courrier ultérieur, invité celui -ci à lui fournir des justifications complémentaires. On remarquera que cette démarche, non imposée par les textes en vigueur, a pour objectif de ne pas maintenir des redressements qui, lorsque la preuve du bien fondé de la position de l'entreprise est suffisamment rapportée, auraient été abandonnés dans le cadre du contentieux administratif. Cependant, dans ce courrier, l'inspecteur avait fixé au contribuable un délai d'environ 16 jours. Selon le juge, une telle décision de la part de l'administration, qui avait pour objet de permettre au contribuable d'étayer sa première réponse n'est pas au nombre des actes mentionnés à l'article L. 11 du LPF. Par suite, l'existence d'un délai inférieur au délai commun de trente jours n'avait pas entaché d'irrégularité la procédure d'imposition.

  • Contrôle fiscal : mention expresse (CE 9° et 10° s-s-r., 16 juillet 2008, n° 289948, M. Fournier N° Lexbase : A7308D9K)

Les Sages du Palais-Royal ont prononcé la décharge des intérêts de retard au profit d'un contribuable qui prétendait avoir fait connaître, par une mention expresse, les raisons pour lesquelles il ne mentionnait pas certains revenus. L'intérêt de cette décision réside dans le fait que ni le contribuable, ni l'administration ne produisaient de copie de la déclaration dans laquelle figurait cette mention expresse.

1. La notion de mention expresse

En application de l'article 1727, II-2, du CGI (N° Lexbase : L3243HZ7), l'intérêt de retard n'est pas applicable aux éléments d'imposition pour lesquels le contribuable fait connaître, par une indication expresse portée sur la déclaration ou l'acte, ou dans une note annexée, les motifs de droit ou de fait qui le conduisent à ne pas les mentionner en totalité ou en partie, ou à leur donner une qualification qui entraînerait, si elle était fondée, une taxation atténuée, ou fait état de déductions qui sont ultérieurement reconnues injustifiées. Autrement dit, la dispense de pénalités est subordonnée à la double condition qu'une indication expresse soit portée sur la déclaration ou l'acte ou sur une note annexe et que cette indication fasse connaître les motifs de droit ou de fait justifiant la position du contribuable. Ainsi, un contribuable qui, dans une note annexée à sa déclaration, indique la liste de ses dépenses personnelles, ventilées en dix-sept catégories et détaillées dans chacune de ces catégories et précise les motifs pour lesquels il a procédé aux déductions correspondantes bénéficie de la dispense d'intérêts (CE Contentieux, 20 mai 1987, n° 48773, Ducoin N° Lexbase : A2444AP9).

La dispense de l'intérêt de retard en cas de mention expresse est susceptible de s'appliquer à toutes les déclarations ou actes comportant des éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt, quelle que soit l'imposition en cause. En revanche, la mention expresse concerne uniquement les contribuables de bonne foi (CE Contentieux, 7 mai 1982, n° 23566 N° Lexbase : A0808ALI).

2. Preuve de la mention expresse

Il appartient, en principe, au contribuable qui invoque l'exonération des pénalités à raison d'une mention expresse de produire une copie de la note explicative qu'il prétend avoir jointe à sa déclaration (Cass. com., 7 décembre 1993, n° 91-22.099, M Bleustein-Blanchet c/ Directeur général des Impôts et autre N° Lexbase : A6647ABS). Bien entendu, il ne saurait lui être imposé de produire l'original qui, lui, est détenu par l'administration. Dans l'affaire examinée récemment par le juge, il résultait de l'instruction que l'administration, qui ne contestait pas avoir reçu la déclaration, n'apportait aucun élément de nature à contredire les affirmations du contribuable selon lequel sa déclaration contenait une mention expresse. De surcroît, elle ne produisait pas l'original. Ces circonstances ont été jugées suffisantes pour décider de la décharge des intérêts de retard.

  • Contrôle fiscal : destinataire de la proposition de rectification (CE 3° et 8° s -s-r., 7 août 2008, n° 289929, M. Trombone N° Lexbase : A0698EA4 ; CAA Paris, 2ème ch., 2 juillet 2008, n° 07PA00527, M. Stéphane Uzan N° Lexbase : A9802D9W)

Deux décisions de la juridiction administrative viennent de rappeler les conditions dans lesquelles une proposition de rectification est considérée comme régulière au motif qu'elle est adressée au destinataire compétent pour la recevoir, c'est-à-dire le contribuable lui-même ou à la personne désignée par lui à cet effet. Ce principe découle des dispositions de l'article L. 57 du LPF. Son application conduit à différencier les personnes morales des personnes physiques.

1. Personnes morales

1.1. Sociétés relevant de l'IS

La proposition de rectification leur est adressée sous leur dénomination ou leur raison sociale, en indiquant la forme de la société. Pour permettre une meilleure identification, la proposition peut, également, comporter la mention du représentant légal, soit le président du conseil d'administration ou du directoire, dans le cas d'une SA, soit le gérant dans le cas d'une SARL.

1.2. Sociétés relevant du régime fiscal des sociétés de personnes

Même si les bénéfices réalisés par une société de personnes sont imposables entre les mains de ses associés pour leur quote-part de droits sociaux, c'est à la société que doivent être notifiés les redressements (Doc. adm. 13 L-1513, du 1er juillet 2002, n° 37). Par ailleurs, sous peine d'irrégularité, une proposition de rectification doit être adressée à chaque associé, à raison de sa quote-part dans les bénéfices sociaux. Cependant, au motif que chacun de ses membres représente la société, le service peut valablement envoyer la proposition à un associé, pour sa quote-part, sans avoir préalablement notifié le redressement global à la société (CE 9° et 10° s-s-r., 14 février 2001, n° 194083, Mme Orsoni N° Lexbase : A8862AQB, pour le cas d'une SCI).

1.3. Société en participation

Si la société a opté pour son assujettissement à l'impôt sur les sociétés, les propositions de rectification concernant cet impôt lui sont faites sous sa désignation sociale et à l'adresse qu'elle a fait connaître à l'administration fiscale. A défaut d'option pour le régime des sociétés de capitaux, les propositions de rectification en matière d'impôt sur le revenu sont adressées à la société pour l'ensemble des redressements et à chacun des associés indéfiniment responsable et connus du service des impôts pour leur quote-part (Doc. adm. 13 L 1513, du 1er juillet 2002, n° 40 à 42).

1.4. Transformation de sociétés

S'il y a création d'un être moral nouveau, l'ancienne et la nouvelle société font l'objet de propositions de rectifications séparées. Dans le cas contraire, la société est désignée par sa nouvelle dénomination sociale pour l'ensemble des redressements (Doc. adm. 13 L 1513, du 1er juillet 2002, n° 48 et 49). Dans l'affaire portée devant la cour administrative d'appel de Paris (CAA Paris, 2ème ch., 2 juillet 2008, n° 07PA00527, M. Stéphane Uzan), la transformation d'une SNC en SARL n'ayant pas entrainé la création d'une personne morale nouvelle en vertu de l'article 1844-3 du Code civil (N° Lexbase : L2023ABK), l'administration était en droit d'adresser la notification de redressements au représentant de la SARL.

1.5. Liquidation de sociétés

La proposition de rectification concernant une société en liquidation amiable doit être adressée au liquidateur (Doc. adm. 13 L 1513, du 1er juillet 2002, n° 47). En cas de redressement et de liquidation judiciaires, même si la personnalité morale de la société subsiste, elle ne peut plus, à compter de l'intervention du jugement ordonnant la liquidation ou la cession totale de ses actifs, être représentée que par le liquidateur et non par son gérant. Par suite, c'est le liquidateur qui est l'interlocuteur de l'administration. Pour autant, la procédure n'est pas irrégulière si, outre la notification des redressements au liquidateur, le service adresse également au contribuable une notification dans laquelle il est fait expressément référence à la notification expédiée au liquidateur (CE 3° et 8° s-s-r., 7 août 2008, n° 289929, M. Trombone, préc.).

2. Personnes physiques

Le destinataire est identifié par l'indication de ses nom, prénom, profession et adresse. On remarquera qu'une erreur quant au prénom n'emporta aucune conséquence dès lors que le document mentionne sans ambiguïté le nom, la profession et l'adresse du contribuable.

2.1. Contribuables mariés

L'administration a l'obligation de suivre la procédure de rectification avec le titulaire des revenus qu'elle contrôle. Elle doit, donc, adresser la proposition de rectification à l'époux ayant perçu les revenus en cause.

2.2. Femme mariée

La désignation d'une femme mariée ou veuve par le nom de son mari n'entache pas d'irrégularité la procédure (Cass. com., 17 mars 2004, n° 02-19.276, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A6335DBA). En effet, la règle de l'article 4 de la loi du 6 fructidor qui fait défense à tous fonctionnaires publics de désigner les citoyens autrement que par leur nom de famille et prénom portés dans leur acte de naissance n'est pas prescrite à peine de nullité des actes.

2.3. Majeur en tutelle ou en curatelle

Lorsque la proposition de rectification concerne les revenus d'un majeur en tutelle, elle doit être adressée à son tuteur et à l'adresse de ce dernier.

En revanche, lorsque le contribuable est placé sous le régime de la curatelle, la proposition de rectification est faite directement au contribuable, mais une copie est adressée pour information au curateur (Doc. adm. 13 L 1513, du 1er juillet 2002, n° 57 et 58).

2.4. Décès du contribuable

Par application des dispositions de l'article 204, 2, du CGI (N° Lexbase : L3739HL3), la proposition de rectification peut être valablement envoyée à l'un quelconque des ayants droits ou des signataires de la déclaration de succession.

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