La lettre juridique n°322 du 16 octobre 2008 : Éditorial

La Charte de l'environnement au "frontispice des constitutions républicaines" (1)

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La Charte de l'environnement au "frontispice des constitutions républicaines" (1). Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3210581-la-charte-de-lenvironnement-au-i-frontispice-des-constitutions-republicaines-i-1
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par Anne-Laure Blouet Patin, Rédactrice en chef du pôle Presse

le 27 Mars 2014


Adoptée par le Parlement le 24 juin 2004, la loi constitutionnelle relative à la Charte de l'environnement a été publiée au Journal officiel le 1er mars 2005. La volonté d'inscrire, dans la Constitution, le droit à l'environnement n'est pas récente. En effet, faisant suite au souhait exprimé par le Président Georges Pompidou dans une déclaration du 28 février 1970 à Chicago, de "créer et répandre une sorte de morale de l'environnement imposant à l'Etat, aux collectivités, aux individus, le respect de quelques règles élémentaires faute desquelles le monde deviendrait irrespirable", plusieurs hommes politiques ont proposé de constitutionnaliser le droit à l'environnement. La plupart de ces propositions visait à modifier le Préambule de la Constitution. Il aura fallu plusieurs catastrophes naturelles (Seveso, Bhopal, Tchernobyl, naufrages de l'Amoco Cadiz, de l'Erika et du Prestige, explosion de l'usine AZF) pour que cette idée voit, enfin, le jour en 2005. C'est le 28 avril 2005 que le Conseil constitutionnel s'est référé, pour la première fois, à la Charte de l'environnement en jugeant que le législateur (loi relative à la création du registre international français de l'immatriculation des navires) n'avait pas méconnu le principe du développement durable énoncé par l'article 6 de la Charte de l'environnement. En 2008, avec l'examen de la loi relative aux organismes génétiquement modifiés, le Conseil a censuré certaines dispositions législatives s'appuyant sur la Charte. De leurs côtés, certains tribunaux administratifs ont, d'ores et déjà, fait application de ce texte. Ainsi, par une ordonnance du 29 avril 2005, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne s'est appuyé sur la Charte de l'environnement pour consacrer le droit de l'environnement en tant que liberté fondamentale (affaire du "Tecknival") ; de même, la Charte a été invoquée dans le cadre d'un référé, devant le tribunal administratif d'Amiens, le 8 décembre 2005, visant à obtenir la suspension de l'exécution d'une délibération de conseil municipal, par laquelle la commune avait décidé de mettre en vente les terrains classés "espaces boisés" dans un parc naturel régional. Force est de constater que, dans son arrêt du 3 octobre dernier, le Conseil d'Etat enfonce le clou en énonçant solennellement que la Charte de l'environnement fait partie intégrante du bloc de constitutionnalité, au même rang que le Préambule de la Constitution de 1946 ou que la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen. Et au Conseil d'affirmer que "l'ensemble des droits et devoirs définis dans la Charte de l'environnement, et à l'instar de toutes celles qui procèdent du Préambule de la Constitution, ont valeur constitutionnelle ; qu'elles s'imposent aux pouvoirs publics et aux autorités administratives dans leurs domaines de compétence respectifs".

En l'espèce, le Conseil d'Etat était saisi de la régularité d'un décret datant du 1er août 2006 relatif à la délimitation du champ d'application de la protection octroyée aux grands lacs de Montagne situés dans la région d'Annecy. La commune considérait que ce décret méconnaissait le principe de participation du public consacré, notamment, par l'article 7 de la Charte de l'environnement. Le Haut Conseil annule le décret pour incompétence. Sur le fond, et selon cet article, seul le législateur est compétent pour préciser les "conditions et limites" du droit de participation du public. Le décret, en intervenant dans ce domaine, a donc empiété sur le domaine de la loi. Ce faisant, les juges du Palais Royal consacrent le renforcement du Parlement voulu par la Charte en matière de d'environnement. En effet, l'article 34 de la Constitution prévoit, dans la rédaction que lui a donnée la loi constitutionnelle du 1er mars 2005, que la loi détermine les principes fondamentaux, entre autres, de la préservation de l'environnement. Ainsi, la décision implique que, désormais, les lois concernées devront prévoir tous les dispositifs qui devront répondre aux principes de cette même Charte, sans pouvoir s'en remettre à des décrets d'application. Pour faire le point sur cet arrêt et ses conséquences, Lexbase Hebdo - édition publique vous propose de lire le commentaire de Yann Le Foll, rédacteur en chef. Mais l'actualité en la matière ne s'arrête pas là. En effet, a été présenté en Conseil des ministres, le 26 septembre 2008, le projet de loi de finances pour 2009, texte riche de mesures fiscales liées à l'environnement. Ainsi, afin de mettre en oeuvre les décisions issues du "Grenelle de l'environnement" -la loi de programme étant actuellement débattue devant le Parlement-, le projet de loi de finances accorde des moyens importants sur le plan budgétaire (1,2 milliard d'euros sur la période 2009-2011 dont 0,5 milliard d'euros de crédits supplémentaires spécifiquement affectés aux priorités du Grenelle) et fiscal (notamment avec la mise en place d'un prêt à taux zéro pour financer les travaux de rénovation thermique dans les logements). Et, cette semaine, le Cabinet Savin Martinet Associés revient, à travers son Bulletin d'actualités, sur ces mesures fiscales ambitieuses liées à l'environnement, mesures dont le ministère de l'Ecologie, de l'Energie, du Développement durable et de l'Aménagement du territoire parle comme d'une "première étape vers l'intégration des problématiques environnementales dans notre système fiscal", et au titre desquelles l'on peut citer celles qui tendent à inciter les ménages à se porter acquéreurs de logements très en avance sur la réglementation thermique, celles qui visent à améliorer la performance énergétique des logements anciens, ou, entre autres, celles qui souhaitent inciter les exploitants agricoles à augmenter les surfaces consacrées à l'agriculture biologique.


(1) En 1917, dans ses conclusions sur l'arrêt "Baldy", le commissaire du Gouvernement Corneille affirmait que "la Déclaration des droits de l'Homme est, implicitement ou explicitement, au frontispice des constitutions républicaines".

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