Réf. : CE 3° et 8° s-s-r., 29 août 2008, n° 300444, Mme Hardy-Dessources (N° Lexbase : A0643EA3)
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N4742BH4
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par Frédéric Dieu, Commissaire du gouvernement près la cour administrative d'appel de Marseille
le 07 Octobre 2010
1.1. Le dégrèvement de taxe foncière pour les locaux à usage d'habitation destinés à la location ne peut intervenir que si les désordres rendant l'immeuble impropre à la location sont indépendants de la volonté de son propriétaire
1.1.1. La vacance des locaux doit être indépendante de la volonté de leur propriétaire
Aux termes de l'article 1389, I du CGI, les contribuables peuvent obtenir le dégrèvement de la taxe foncière sur les propriétés bâties en cas de vacance d'une maison normalement destinée à la location à usage d'habitation. Le dégrèvement est subordonné à la triple condition que la vacance soit indépendante de la volonté du contribuable, qu'elle ait une durée minimale de trois mois et qu'elle concerne la totalité de l'immeuble ou une partie susceptible de location séparée.
Les dégrèvements pour vacance de maison ne sont donc applicables qu'aux locaux présentant la triple caractéristique d'être des locaux d'habitation destinés à la location et vacants. La condition suivant laquelle la vacance doit être indépendante de la volonté du propriétaire pour ouvrir droit au dégrèvement ne peut notamment être considérée comme remplie lorsque la vacance provient des exigences non justifiées du propriétaire touchant le montant des loyers, de l'exécution de travaux d'agrandissement, de reconstruction ou de modifications intérieures destinées à donner une plus-value à l'immeuble, de l'absence de diligences en vue de parvenir à une nouvelle location et du mauvais entretien volontaire rendant la maison impropre à la location.
Ainsi, la condition de vacance indépendante de la volonté du contribuable à laquelle l'article 1389 du CGI subordonne le dégrèvement de taxe foncière sur les propriétés bâties n'est pas réalisée lorsque la non-location résulte de la volonté de ne retenir que des candidats offrant des garanties de ressources suffisantes (CAA Bordeaux, 2ème ch., 14 mai 1992, n° 90BX00567, Jean-Alain Chemille, RJF, 7/92, n° 1007 N° Lexbase : A0719A87 ; CE 8° et 9° s-s-r., 1er décembre 1999, n° 189656, Société immobilière de la Basse-Seine N° Lexbase : A5418AXX, RJF, 1/00, n° 63 ; CAA Paris, 1ère ch., sect. A, 4 décembre 2003, n° 01PA02061, Champy N° Lexbase : A7372EAB, RJF, 5/05, n° 467 ; CE 8° s-s., 21 février 2005, n° 264688, Champy, RJF, 5/05, n° 467).
1.1.2. Le propriétaire qui invoque comme cause de non-location les désordres affectant son immeuble doit prouver que ces désordres sont indépendants de sa volonté
D'une manière générale, le propriétaire d'une maison vacante n'est en droit de prétendre au bénéfice du dégrèvement que dans la mesure où l'état de délabrement des locaux qui a rendu impossible leur location ne peut lui être imputé dans son origine ou sa persistance (CE, 12 janvier 1959, Héritiers Clément, RO, p. 338 ; CE, 27 novembre 1964, n° 62137, Ageorges, Ardennes, RO, p. 195, Dupont 1965, p. 42).
Toutefois, le mauvais état d'entretien de l'immeuble ne saurait à lui seul motiver le rejet d'une demande en dégrèvement de l'impôt foncier y afférent, dès lors que le propriétaire ne se refuse pas à faire effectuer les travaux, mais attend, pour les faire entreprendre, la conclusion d'un bail ou l'intervention d'un expert destinée à procéder à l'évaluation desdits travaux (CE 7° s-s., 19 décembre 1966, n° 66382, Murat N° Lexbase : A3413B8W, Paris, BOCD, 1967-II-3661, DB 13 O-2211, n° 8 ; CE, 30 avril 1966, Dupont 1967, p. 161, RO, p. 306).
Le Conseil d'Etat a ainsi jugé que ne pouvait être regardée comme indépendante de la volonté du propriétaire et par suite ne pouvait ouvrir droit au dégrèvement la vacance d'un immeuble normalement destiné à la location, mais délabré, dès lors que le propriétaire n'avait pas entrepris de remédier à cet état de choses (CE 8° s-s., 10 mai 1967, n° 68004, Revel N° Lexbase : A7204B7X, Charente, BOCD, 1967-II-3851 et 3852, RJCD, p. 132, Dupont, p. 378). En admettant que l'état de vétusté d'un immeuble s'oppose à sa location, le dégrèvement ne peut donc être accordé lorsque le propriétaire n'établit pas que ce délabrement, consécutif à un défaut d'entretien, est indépendant de sa volonté (CE, 15 octobre 1975, n° 96360, Seguis ; CE 8° et 7° s-s-r., 17 avril 1989, n° 61468, Caron N° Lexbase : A1078AQY, RJF, 6/89, n° 703 ; CE 3° et 8° s-s-r., 26 juillet 2006, n° 275155 N° Lexbase : A7977DQI, n° 275156 et n° 275157 N° Lexbase : A7978DQK, SARL Foncière Victoire, RJF, 11/06, n° 1383).
Concrètement, le propriétaire doit donc apporter la preuve qu'il a été empêché par une circonstance indépendante de sa volonté de faire procéder aux travaux nécessaires. C'est pourquoi le propriétaire d'un immeuble destiné à la location ne peut prétendre au dégrèvement pour vacance prévu par l'article 1389 du CGI, dès lors qu'il n'établit pas qu'il a été empêché de réaliser les travaux de remise en état rendus nécessaires par les dégradations causées par les derniers occupants (CE 8° et 9° s-s., 21 juillet 1989, n° 77574, Le Faou N° Lexbase : A1330AQC, RJF, 10/89, n° 1124).
De fait, c'est assez rarement que le juge constate que l'absence de location due au délabrement de l'immeuble est indépendante de la volonté du propriétaire (cf. cependant CE, 7° et 9° s-s-r., 9 février 1977, n° 1953, Finances c/ Favatier N° Lexbase : A9386AXW, RJF, 4/77, n° 237 : à propos d'un bâtiment que de précédents occupants ont laissé en 1962 dans un état de délabrement tel qu'il ne peut être normalement donné en location sans travaux préalables de remise en état en 1972, alors que, par ailleurs, l'immeuble s'est trouvé inclus dans une zone à urbaniser par priorité, ce qui a entraîné le refus de tout permis de construire pour ce bien ; le bâtiment en cause peut donc donner lieu au dégrèvement pour vacance de maison ; cf., aussi, TA Paris, 1ère sect., 3ème ch., 24 février 2000, n° 97-10350/1, SA d'HLM Efidis, RJF, 11/00, n° 1285 : est indépendante de la volonté d'une société d'HLM la vacance de ses appartements rendue nécessaire pour la mise aux normes minimales actuelles de confort et d'habitabilité des immeubles anciens dont la conception est obsolète et dont l'état de vétusté et d'insalubrité n'est pas imputable à un défaut d'entretien).
Il semble, toutefois, que, comme c'était le cas dans l'affaire jugée par le Conseil d'Etat le 29 août 2008, la présence d'occupants sans titre dans l'immeuble en cause puisse être une cause d'exonération de la taxe foncière, dès lors que cette présence est absolument indépendante de la volonté du contribuable ou de sa diligence à faire cesser cet état de fait (CE 8° s-s., 22 décembre 1958, n° 41796, Hanauer, Metz, Seine-et-Marne, RO, p. 282, DB 13 O-2211 n° 3, 30 avril 1996). De même, et comme c'était également le cas dans l'affaire jugée par le Conseil d'Etat le 29 août 2008, l'absence de location peut être justifiée par l'insécurité affectant le quartier et la résidence dans lesquels il est situé (TA Nantes, 1ère ch., 17 juillet 2002, n° 99-3484 et 99-3485, Opac Angers Habitat, RJF, 1/03, n° 59, concl. C. Hervouet, BDCF, 1/03, n° 10 : la vacance d'une partie du parc immobilier d'un office d'HLM liée au climat d'insécurité et de violence régnant dans les quartiers en cause et aux perturbations occasionnées par certains locataires doit être regardée comme indépendante de la volonté de cet organisme, qui a effectué régulièrement des travaux de réhabilitation et recruté du personnel qualifié pour essayer d'améliorer les relations de voisinage).
1.2. En ce qui concerne les locaux situés dans une copropriété, ce critère s'apprécie en tenant compte du seul comportement du propriétaire concerné
1.2.1. Le propriétaire ne peut s'abriter derrière l'immobilisme des autres copropriétaires
Dans l'affaire jugée le 29 août 2008, était en cause la vacance d'un appartement qui était situé dans un immeuble régi par les règles de la copropriété, lui-même situé dans un quartier de la ville de Cayenne (Guyane) affecté par une forte insécurité. Dans son jugement, le tribunal administratif de Cayenne avait relevé que la requérante n'apportait pas la preuve du caractère involontaire de la vacance de son appartement, qu'elle avait cessé de donner en location depuis plusieurs années, dans la mesure où elle n'établissait pas que les différents copropriétaires de l'immeuble avaient été mis dans l'impossibilité d'engager les travaux nécessaires pour mettre fin aux désordres qui l'affectaient. Autrement dit, le tribunal administratif de Cayenne s'était fondé sur le délabrement de l'immeuble et le comportement, ou plutôt l'immobilisme, de ses copropriétaires pour apprécier le caractère volontaire ou non de la vacance de l'un des appartements situés dans cet immeuble. Ce faisant, le tribunal avait considéré que le propriétaire pouvait à bon droit invoquer l'inertie des autres copropriétaires et des organes de la copropriété pour justifier l'absence de location de son appartement.
A rebours de ce raisonnement, le Conseil d'Etat a estimé que l'inertie collective des copropriétaires et des organes de la copropriété ne pouvait servir de masque et de justification à l'inertie individuelle du propriétaire sollicitant le dégrèvement de taxe foncière. C'est que, en effet, cette inertie est, en elle-même, sans incidence sur la solution d'un litige qui nécessite d'examiner le comportement du propriétaire sollicitant ce dégrèvement afin de déterminer le caractère volontaire ou non de la vacance de son appartement. Pour le dire autrement, il ne sert à rien d'examiner le comportement de personnes physiques ou morales qui ne sont pas les propriétaires des appartements vacants. Plus généralement, la dette fiscale étant une dette personnelle, le contribuable ne peut utilement s'abriter derrière le comportement d'autres contribuables placés dans la même situation que lui. Or, les dispositions de l'article 1389 du CGI exigent que la vacance soit "indépendante de la volonté du contribuable", c'est-à-dire du propriétaire du bien situé en copropriété, et non des contribuables que sont l'ensemble des copropriétaires.
C'est pourquoi le Conseil d'Etat a explicité ces dispositions pourtant déjà claires en faisant précéder le terme "volonté" de l'adjectif "seule". Autrement dit, une seule volonté doit être prise en compte par l'administration fiscale et le juge de l'impôt, à savoir la volonté du contribuable sollicitant le dégrèvement de taxe foncière à raison de l'appartement vacant dont il est propriétaire. Il appartient donc à ceux-ci de "rechercher si la vacance de l'appartement en cause [est] indépendante de la seule volonté [du contribuable]".
Précisons, cependant, que, si c'est l'examen du seul comportement du contribuable sollicitant le dégrèvement qui doit pour le juge être le support de l'appréciation du caractère volontaire ou non de la vacance, il appartient en revanche à ce dernier d'examiner la situation de l'ensemble de la copropriété et non seulement la situation de l'appartement au titre duquel est sollicité le dégrèvement. Le propriétaire de cet appartement peut donc invoquer la dégradation de la copropriété dans laquelle est situé son appartement pour prouver le caractère involontaire de la vacance de cet appartement, à condition, bien entendu, de justifier qu'il a tenté de remédier à cet état de fait.
1.2.2. Il lui appartient, s'il ne peut lui-même remédier aux désordres, d'exiger des organes de copropriété qu'ils fassent effectuer les travaux nécessaires
Concrètement, le copropriétaire sollicitant le dégrèvement de taxe foncière à raison de l'appartement vacant dont il est propriétaire au sein d'une copropriété doit donc apporter la preuve que la vacance de son appartement n'est pas due à sa volonté ou, pour le dire autrement, qu'il a tout mis en oeuvre pour l'éviter. Il doit donc démontrer qu'il n'est pas resté inerte devant les circonstances qui ont fait obstacle à la mise en location. Or, dans le cas d'un appartement qui n'a pas trouvé preneur, non pas en raison de son propre délabrement mais en raison du délabrement de la résidence dans laquelle il est situé, situation qui met donc en cause la responsabilité collective de la copropriété et non la responsabilité individuelle de tel ou tel copropriétaire, le propriétaire de l'appartement non loué doit pouvoir prouver qu'il est intervenu auprès des organes de la copropriété.
A cet égard, selon les dispositions de l'article 17-1 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis (N° Lexbase : L5536AG7), les décisions du syndicat de copropriété sont prises en assemblée générale des copropriétaires et leur exécution est confiée à un syndic placé éventuellement sous le contrôle d'un conseil syndical. Le syndicat des copropriétaires comprend, donc, trois organes : un organe délibérant qui est l'assemblée générale, un organe exécutif qui est le syndic et un organe consultatif et de contrôle qui est le conseil syndical.
Dans l'affaire jugée par le Conseil d'Etat le 29 août 2008, la résidence dans laquelle était située l'appartement de la requérante, résidence qui était elle-même située dans un quartier "marqué par une importante insécurité", était affectée "de dysfonctionnements graves touchant les parties communes, notamment le système de digicode, ce qui [avait] permis à des personnes étrangères à l'immeuble d'y entrer et d'y séjourner et [avait] favorisé la commission de graves violences et d'acte de vandalisme". En outre, la résidence souffrait d'une "absence d'éclairage" et de "pannes de la pompe de relèvement de la fosse septique" qui occasionnaient "de sérieuses nuisances". C'est donc peu dire qu'un appartement situé dans une telle résidence n'était guère attractif pour d'éventuels locataires. Le propriétaire de l'appartement en cause subissait ainsi véritablement le délabrement de la résidence dans laquelle il était situé. Objectivement, donc, l'absence de location de cet appartement pouvait résulter du seul délabrement de la résidence dans laquelle il était situé et peu importait ainsi que cet appartement fût lui-même en bon ou mauvais état.
Toutefois, si cet appartement n'était objectivement pas louable en l'état, cela ne suffisait pas à justifier l'octroi du dégrèvement de taxe foncière. Il fallait encore pour son propriétaire justifier que cet appartement n'était subjectivement pas louable : autrement dit, il lui fallait démontrer qu'il n'avait pu, par ses efforts et diligences pour y faire effectuer les travaux nécessaires, surmonter le caractère objectivement non louable de son bien. Or, dans la mesure où les travaux à effectuer concernait la résidence dans son ensemble et non pas son seul appartement, seuls les organes de copropriété étaient compétents pour décider de leur engagement. En conséquence, il appartenait au propriétaire qui subissait le délabrement de cette résidence d'exiger des organes de copropriété qu'ils remplissent leurs missions et satisfassent leurs obligations. Selon le Conseil d'Etat, le contribuable sollicitant le dégrèvement de la taxe foncière à raison d'un bien situé dans une copropriété dont le délabrement fait obstacle à sa location, ce contribuable donc doit apporter la preuve qu'il a engagé "les démarches nécessaires, tendant à obtenir des organes de la copropriété qu'ils accomplissent les diligences pour faire exécuter les travaux propres à remédier à ces désordres et à assurer la sécurité de l'immeuble". A défaut donc d'avoir engagé de telles démarches, le contribuable est réputé responsable de l'absence de location de son bien ou, plutôt, l'absence de location du bien est réputée être non indépendante de la volonté de son propriétaire.
La solution retenue peut paraître sévère pour le copropriétaire qui subit ainsi doublement le délabrement de la résidence dans laquelle est situé son bien : une première fois à raison de l'absence de location de bien et une seconde à raison du refus de dégrèvement de la taxe foncière qui lui est opposé. Soulignons, par ailleurs, que le Conseil d'Etat n'a donné aucune précision quant aux "démarches" qui doivent être effectuées auprès des organes de la copropriété. En particulier, il n'est pas précisé que ces démarches doivent avoir un caractère contraignant vis-à-vis de ces organes et prendre éventuellement la forme d'une action en justice.
Toutefois, au vu, d'une part, de la rigueur avec laquelle le Conseil d'Etat apprécie le caractère involontaire de la vacance, ce caractère involontaire étant de fait rarement constaté, et, d'autre part, des actions dont dispose le copropriétaire vis-à-vis des organes de la copropriété qui ne satisfont pas aux obligations qui sont les leurs, il nous semble qu'il appartiendra au copropriétaire concerné, s'il n'a pas obtenu gain de cause avant, d'assigner en justice le syndicat de copropriété et à tout le moins de prouver que l'assemblée générale des copropriétaires s'est opposée aux travaux de nature à remédier au délabrement de la copropriété.
2... qui peut être justifiée par la possibilité qu'ont les copropriétaires de contraindre les organes de copropriété défaillants à prendre les mesures destinées à mettre fin aux désordres
2.1. Le syndicat de copropriété est responsable de plein droit des dommages affectant les parties communes
2.1.1. Une responsabilité sans faute...
La collectivité des copropriétaires est constituée en un syndicat, c'est-à-dire l'organe de la copropriété chargé de prendre les décisions. Le syndicat des copropriétaires existe de plein droit ; il est doté de la personnalité civile. Il n'est pas propriétaire des parties communes et son objet est, selon les dispositions de l'article 14 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, limité à "la conservation de l'immeuble et l'administration des parties communes". L'absence de droit de propriété du syndicat sur les parties communes explique que le syndicat puisse voir sa responsabilité engagée, vis-à-vis des tiers et des copropriétaires en sa qualité de gardien de l'immeuble ou pour les fautes qu'il commet dans l'exercice de ses fonctions.
En ce qui concerne, ainsi, les dommages causés par les parties communes ou les éléments d'équipement collectif de l'immeuble dont le syndicat a la charge d'entretien, sa responsabilité repose soit sur la règle de l'article 14 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, soit sur les dispositions de portée générale de l'article 1384 du Code civil (N° Lexbase : L1490ABS). L'article 14 constitue le corollaire de l'obligation pour le syndicat d'assurer l'entretien des parties communes et de maintenir les éléments d'équipement collectif en bon état de fonctionnement : en s'abstenant de prendre les mesures nécessaires pour respecter cette obligation, le syndicat doit en assumer les conséquences dommageables (Cass. civ. 3, 18 juillet 1979, Dalloz, 1980, inf. rap., p. 275 ; Cass. civ. 3, 14 octobre 1987, JCP éd. N, 1988, II, p. 271, JCP éd. G, 1987, IV, 389). Toutefois, la règle de responsabilité du syndicat du fait de l'immeuble édictée par l'article 14 de la loi ne fait pas obstacle à l'application des dispositions de portée générale prévues par le Code civil, notamment de l'article 1384, alinéa premier, selon lequel "on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde" (Cass. civ. 3, 24 février 1988, Inf. rap. copr. 294 ; Cass. 12 juin 1991, Loyers et copr., 1991, comm. 352 ; Cass. civ. 3, 16 févr. 1994, Loyers et copr., 1994, comm. 256 ; Cass. civ. 3, 19 juin 2007, Administrer, octobre 2007, p. 90 ; cf. aussi CA Paris, 29 septembre 2004, Loyers et copr., 2005, comm. 29 ; CA Paris, 28 mai 2002, Loyers et copr., 2002, comm. 271).
En conséquence, chaque fois qu'un dommage est causé par une partie commune ou un élément d'équipement commun placé sous la garde du syndicat, ce dernier en est responsable sur le fondement soit de l'article 14 de la loi de 1965, si la victime apporte la preuve d'un vice de construction ou d'un défaut d'entretien à l'origine du dommage, soit de l'article 1384, si la cause du dommage et inconnue ou incertaine.
Ainsi, dans l'affaire jugée par le Conseil d'Etat le 29 août 2008, c'est bien le syndicat de copropriété qui était responsable des "dysfonctionnements graves" touchant les parties communes, notamment le système de digicode, ainsi que de l'"absence d'éclairage" et des "pannes de la pompe de relèvement de la fosse septique". Il s'agissait, en effet, de parties communes et d'équipements communs qui étaient placés sous sa garde. C'est donc à raison que le Conseil d'Etat a considéré qu'il appartenait à la requérante d'établir qu'elle avait effectué les démarches nécessaires auprès des organes de la copropriété pour qu'ils remédient à des désordres dont ils étaient responsables.
Soulignons, enfin, que la responsabilité du syndicat est indépendante de toute notion de faute de sa part. Il suffit à la victime d'apporter la preuve que le dommage dont elle se plaint est imputable à un défaut de conception ou d'entretien d'une partie commune ou d'un élément d'équipement collectif sur le fondement de l'article 14 de la loi, ou au fait des installations dont le syndicat doit répondre en sa qualité de gardien au sens de l'article 1384 du Code civil (Cass. civ. 3, 14 janvier 1999, Loyers et copr., 1999, comm. 167) dès lors que la cause exacte du dommage clairement établie (Cass. civ. 3, 20 juillet 1996, Inf. rap. copr., février 1998, p. 10). Conformément aux principes généraux en matière de responsabilité civile, le syndicat ne pourrait donc y échapper qu'en apportant la preuve, soit de l'absence d'un lien de causalité entre l'état de l'immeuble et le préjudice invoqué, soit de l'existence d'un cas de force majeure ou d'une faute de la victime qui y serait assimilable (Cass. civ. 3, 14 décembre 2004, n° 03-12.191, F-D N° Lexbase : A4750DEN, Administrer, avril 2005, p. 36).
2.1.2. ... qui oblige le syndicat à réparer tous les dommages causés aux parties communes
Conformément aux principes généraux, le syndicat responsable sur le fondement de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965, ou de l'article 1384 du Code civil est donc tenu de réparer la totalité des dommages causés par les parties communes de l'immeuble ou ses éléments d'équipement collectif. Le syndicat est ainsi responsable du retard apporté à réparer les parties communes dont le mauvais état a été à l'origine des dégradations constatées dans une partie privative sans qu'il puisse prétendre que ces dommages eussent été limités si la propriétaire avait elle-même entrepris les travaux de réparation nécessaires avant ceux du gros-oeuvre incombant au syndicat (Cass. civ. 3, 7 mars 1990, n° 88-14.048, Syndicat des copropriétaires du 7, Rue de la Michodière à Paris c/ Mme Lucas N° Lexbase : A9745CNA, Inf. rap. copr., mai 1990, p. 137, note Capoulade ; cf. également à propos de l'absence de faute de la victime, Cass. civ. 2, 16 février 1994, n° 92-17.344, CGAM c/ CPAM de Paris et autres N° Lexbase : A0283CUZ, Loyers et copr., 1994, comm. 256).
Outre qu'il doit supporter les frais de remise en état tant des parties communes à l'origine des dommages que des parties privatives ayant supporté des dégradations, le syndicat doit d'ailleurs prendre en charge la réparation des préjudices supplémentaires générés par les incidents mettant en cause sa responsabilité tels que privation de jouissance des locaux ou pertes de loyers (CA Paris, 23ème ch., sect. A, 1er juillet 1987, n° 10163, Syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis à Paris 5ème, 11 rue de l'Estrapade c/ Monsieur Jean Prudhomme N° Lexbase : A7345EAB et, pour la perte de loyers, CA Paris, 1ère ch., sect. A, 30 novembre 1994, n° 94/06784, Monsieur Maruenda Michel c/ Syndicat des copropriétaires du 14 rue Rosenwald à Paris 15ème N° Lexbase : A7347EAD).
Le juge judiciaire peut ainsi être amené à condamner le syndicat à verser au copropriétaire des dommages intérêts correspondant à l'impossibilité pour celui-ci de louer son appartement rendu insalubre alors que les travaux nécessaires pour mettre fin à des infiltrations d'eau n'ont pas été exécutés par le syndicat, sans que celui-ci puisse d'ailleurs subordonner leur réalisation au paiement préalable des charges par le copropriétaire victime (voir CA Paris, 23ème ch., sect A, 27 juin 1990, n° 89/13558, Syndicat des copropriétaires de l'immeuble du 61 rue Saint Didier à Paris 75016 N° Lexbase : A7346EAC ; CA Versailles, 4ème ch., 6 janvier 1995, n° 10930/93, Monsieur Jean Camuset c/ Monsieur Thierry Mary N° Lexbase : A7348EAE).
La solution rendue par le Conseil le 29 août 2008 est donc cohérente avec les principes gouvernant la responsabilité du syndicat de copropriété et la jurisprudence judiciaire y relative puisqu'elle tient compte de la possibilité qu'a le copropriétaire d'un appartement situé dans une résidence non ou mal entretenue par les organes de la copropriété et qui ne peut en conséquence être loué d'obtenir du juge judiciaire la condamnation de ces derniers à réparer le préjudice tenant au défaut de location. C'est dire, donc, que le copropriétaire a la possibilité de faire sanctionner par le juge judiciaire le caractère involontaire de l'absence de location de son bien et plus précisément la responsabilité du syndicat de copropriété quant à cette absence de location.
2.2. Les copropriétaires disposent, en outre, de voies de droit leur permettant de contraindre le syndicat défaillant à remédier aux désordres affectant les parties communes
2.2.1. La possibilité pour les copropriétaires de saisir le juge afin qu'il ordonne au syndicat d'effectuer les travaux nécessaires
Selon la jurisprudence, devant la carence d'un syndicat pourtant tenu, en vertu de l'article 14 de la loi, de conserver l'immeuble en bon état, et pour prévenir de nouveaux risques d'accidents, les copropriétaires sont habilités à demander au tribunal la condamnation du syndicat à exécuter, au besoin sous astreinte, les travaux de réfection nécessaires pour satisfaire à l'obligation qui lui incombe en application de la loi, sans qu'il y ait lieu de s'arrêter à l'objection selon laquelle la décision d'exécuter de tels travaux sur parties communes ne relevait que de l'assemblée générale (CA Paris, 18 mars 1988, Loyers et copr., 1988, comm. 245 ; CA Paris, 23ème ch., sect. A, 4 décembre 2002, n° 2001/11474, Syndicat des copropriétaires du 5 Cour de la Ferme Saint-Lazare 75010 Paris c/ Monsieur Vuillet Philippe N° Lexbase : A0884A7U ; CA Paris, 19ème ch., sect. A, 15 octobre 2003, n° 2001/14602, Epoux Guillaume c/ Syndicat des copropriétaires, 5 rue de Lancry 75010 Paris N° Lexbase : A0227DAN).
Le propriétaire est donc bien fondé à demander, sous astreinte, la condamnation du syndicat à effectuer les travaux de réfection nécessaires pour prévenir de nouveaux désordres et satisfaire à l'obligation légale qui lui incombe de conserver l'immeuble en bon état (CA Paris, 23ème ch., 1er mars 1994, Loyers et copr., 1994, comm. 354).
Précisons, à cet égard, que l'action susceptible d'être engagée à l'encontre du syndicat sur le fondement de l'article 14 de la loi est une action personnelle qui se prescrit par un délai de dix ans conformément aux dispositions de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965 (Cass. civ. 3, 26 mai 1992, n° 90-16.228 N° Lexbase : A5316AHD, Inf. rap. copr., nov. 1994, p. 27 ; CA Paris, 19ème ch., 14 septembre 1994, RD imm., mars 1995, p. 163 ; CA Paris, 10 février 1995, Loyers et copr. 1995, comm. 295). Si l'action était fondée sur l'article 1384 du Code civil, le délai décennal, lié à l'application de la loi du 10 juillet 1965, ne devrait pas s'appliquer ; les tribunaux ne paraissent pas avoir eu l'occasion de se prononcer sur ce point ; il est vrai qu'il est difficilement concevable qu'une action en responsabilité du syndicat soit engagée au-delà de dix ans.
2.2.2. La possibilité pour les copropriétaires d'effectuer eux-mêmes ces travaux
Dans certains cas, les copropriétaires peuvent même valablement faire procéder aux travaux de nature à remédier au délabrement des parties communes. En effet, si en principe les copropriétaires ne sont pas habilités à se substituer d'office au syndicat pour faire exécuter des travaux d'entretien ou de réparation sur les parties communes et à réclamer, ensuite, le remboursement des dépenses exposées par eux, une telle démarche est autorisée lorsqu'existent des circonstances telles qu'il y avait urgence à remédier à un état de fait dommageable.
Ainsi, devant la carence du syndicat pour mettre fin à des infiltrations d'eau ayant pour origine une défectuosité des parties communes un copropriétaire, victime de ces dégâts, a été jugé en droit de demander, après expertise, les travaux de reprise d'étanchéité et de réparation des terrasses. Il y a, dans ce cas, gestion d'affaires de la part du copropriétaire qui agit pour le compte de la copropriété, son intervention étant justifiée par l'urgence et la copropriété a l'obligation de procéder au remboursement de cette dépense et de l'inclure dans les charges communes (CA Aix-en-Provence, 1er septembre 1987 ; cf. aussi sur ce point CA Paris, 23ème ch., 20 juin 1988, Loyers et copr., 1988, comm. 411 : à propos de la réfection d'une toiture, urgente et indispensable à la sauvegarde de l'immeuble).
En revanche, si les travaux ne présentent pas un caractère d'urgence, celui qui les a engagés de sa propre initiative, sans en référer au syndicat, ni lui demander d'autoriser le syndic à les faire exécuter, ne peut prétendre au remboursement des dépenses (Cass. civ. 3, 18 mars 1987, n° 85-18.002, Clément c/ SMABTP et autres N° Lexbase : A3030CW7, Loyers et copr., 1987, comm. 197 ; JCP éd. N, 1987, II, p. 204, à propos de la réfection de l'étanchéité d'une toiture-terrasse ; Cass. civ. 3, 23 novembre 1994, n° 92-20.490, Société française d'achat et de distribution (SOFAD) c/ Syndicat des copropriétaires du 39, rue d'Amsterdam à Paris (8ème) N° Lexbase : A7371EAA, Loyers et copr., 1995, comm. 132, à propos d'une canalisation électrique).
Ainsi, dans l'affaire jugée par le Conseil d'Etat le 29 août 2008, l'on peut raisonnablement supposer que l'inertie des organes de la copropriété devant les graves conséquences des dysfonctionnements touchant les parties communes et, notamment, le digicode, à savoir le séjour de personnes étrangères à l'immeuble ainsi que la commission d'actes de violence et de vandalisme, mettait la requérante face à une situation d'urgence qui justifiait qu'elle entreprît elle-même les travaux nécessaires et qu'elle engageât ensuite une action en justice afin de se faire rembourser le montant de ces travaux par le syndicat de copropriété.
En tout état de cause, l'on voit donc que la requérante, à supposer qu'elle eût été confrontée à un refus de la part des organes de copropriété de faire procéder aux travaux nécessaires, disposait de voies de droit lui permettant soit de rechercher la condamnation de ceux-ci à entreprendre ces travaux soit de leur condamnation à l'indemniser des travaux qu'elle aurait elle-même entrepris en leur lieu et place.
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