Réf. : Loi n° 2008-596 du 25 juin 2008, portant modernisation du marché du travail (N° Lexbase : L4999H7B)
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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale
le 07 Octobre 2010
Article 4
"Le titre III du livre II de la première partie du Code du travail est ainsi modifié :
1° L'article L. 1232-1 est ainsi rédigé :
"Art. L. 1232-1. - Tout licenciement pour motif personnel est motivé dans les conditions définies par le présent chapitre.
"Il est justifié par une cause réelle et sérieuse." ;
2° L'article L. 1233-2 est ainsi rédigé :
"Art. L. 1233-2. - Tout licenciement pour motif économique est motivé dans les conditions définies par le présent chapitre."
"Il est justifié par une cause réelle et sérieuse".
L'article 4 de la loi (N° Lexbase : L4999H7B) modifie les deux articles, créés à l'occasion de la recodification du Code du travail, et qui exprimaient, de manière positive, l'obligation faite à l'employeur de justifier le licenciement pour motif personnel (1) et pour motif économique par une cause réelle et sérieuse (2).
Désormais, à cette exigence classique issue de la loi du 13 juillet 1973 (loi n° 73-680, modifiant le Code du travail en ce qui concerne la résiliation du contrat de travail à durée indéterminée N° Lexbase : L3576H3T), est ajoutée la référence à la motivation du licenciement.
Cette modification est sans incidence pratique, dans la mesure où, contrairement à ce qui avait été envisagé dans l'accord de modernisation du marché du travail signé le 11 janvier 2008, le législateur n'a pas modifié les règles de motivation du licenciement et, singulièrement, la sanction du défaut, ou de l'insuffisance, de motivation (article 11). On se rappellera, en effet, que l'accord envisageait "que soient examinés les moyens conduisant le juge à rechercher dans ce cas la cause du licenciement et à statuer sur son caractère réel et sérieux".
En l'absence de disposition en ce sens dans la loi nouvelle, il convient de s'interroger sur le devenir de la jurisprudence "Rogie", qui traite comme dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement insuffisamment motivé (3) et dont on sait qu'elle a pu être contestée en raison de son caractère automatique et, parfois, injuste (4).
On peut penser que la Cour de cassation ne modifiera pas sa jurisprudence, destinée à garantir l'effectivité de l'obligation de motivation et à limiter les contestations prud'homales. Cette interprétation sévère de la sanction du défaut ou de l'insuffisance de motivation est confortée, il est vrai, par le Parlement, qui a finalement choisi de ne pas reprendre ces dispositions de l'accord interprofessionnel. Mais, dans la mesure où ce sont les partenaires sociaux, eux-mêmes, qui avaient souhaité l'abandon de cette jurisprudence, ne faudrait-il pas souhaiter que la Cour de cassation respecte ce voeu en permettant à l'employeur de prouver la cause réelle et sérieuse du licenciement, en dépit d'une lettre de notification insuffisamment motivée ?
II - Indemnité légale de licenciement
Article 4
"3° L'article L. 1234-9 est ainsi modifié :
a) Dans le premier alinéa, les mots : "deux ans" sont remplacés par les mots : "une année" ;
b) Le deuxième alinéa est supprimé ;
c) Dans la première phrase du dernier alinéa, après le mot : "calcul", sont insérés les mots : "de cette indemnité".
L'article 4 de la loi modifie les conditions du droit à l'indemnité légale de licenciement. L'article L. 1234-9 du Code du travail en subordonne, actuellement, le bénéfice à une condition d'ancienneté de deux ans ; la loi ramène cette durée de service ininterrompue au service du même employeur à un an.
Les modalités de détermination du taux de l'indemnité sont, également, modifiées. Depuis la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 (loi n° 2002-73, N° Lexbase : L1304AW9), ce taux variait selon que le salarié avait été licenciement pour motif personnel (un dixième de mois de salaire par année d'ancienneté (5) ou économique (deux dixièmes de mois de salaire par année d'ancienneté (6)).
Le principe de ce double taux est supprimé, ce qui impose, désormais, d'attribuer une indemnité dont le montant sera identique, quel que soit le motif du licenciement.
Ce retour à l'état du droit antérieur à 2002 n'est pas sans faire difficulté.
En premier lieu, on ne sait pas si le pouvoir réglementaire, à qui il appartient de préciser ce taux, choisira le taux "simple" du motif personnel ou le taux "double" du motif économique. On peut penser que, conformément au souhait des partenaires sociaux, c'est le montant le plus "haut", jusque-là applicable en présence d'un licenciement économique, qui sera choisi, soit un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté.
En second lieu, la loi étant, à défaut de dispositions contraires, applicable à tous les licenciements notifiés à compter du 27 juin 2008, on se demande quel taux appliquer, dans l'attente d'un nouveau décret, dans la mesure où la loi a supprimé le principe de la double indemnité, privant, ainsi, les dispositions réglementaires actuelles de base légale. La prudence commandera de continuer à faire application des règles actuelles, en espérant la publication rapide du décret d'application.
III - Reçu pour solde de tout compte
Article 4
4° L'article L. 1234-20 est ainsi rédigé :
"Art. L. 1234-20. - Le solde de tout compte, établi par l'employeur et dont le salarié lui donne reçu, fait l'inventaire des sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail.
Le reçu pour solde de tout compte peut être dénoncé dans les six mois qui suivent sa signature, délai au-delà duquel il devient libératoire pour l'employeur pour les sommes qui y sont mentionnées".
Jusqu'à la loi du 17 janvier 2002, le reçu pour solde de tout compte, qui n'avait pas été dénoncé par le salarié dans les deux mois de sa signature, produisait un effet libératoire pour l'employeur pour les sommes qu'il mentionnait. La loi de modernisation sociale avait supprimé cet effet libératoire pour ne plus attribuer au reçu qu'un simple effet probatoire.
C'est cet effet libératoire qui se trouve rétabli par l'article 4, comme l'avaient souhaité les partenaires sociaux, le délai reconnu au salarié pour le dénoncer ayant été "porté" à six mois.
Les solutions jurisprudentielles dégagées avant 2002 vont donc redevenir pertinentes. Ainsi, seules les sommes détaillées dans le reçu seront concernées par l'effet libératoire ; les sommes qui n'y figurent pas pourront donc être contestées, et les reçus contenant des formules générales seront sans valeur (7), seule une transaction rédigée en des termes généraux étant susceptible de produire pareil effet (8).
Article 7
"Après l'article L. 1226-4 du Code du travail, il est inséré un article L. 1226-4-1 ainsi rédigé :
"Art. L. 1226-4-1. - En cas de licenciement prononcé dans le cas visé à l'article L. 1226-4, les indemnités dues au salarié au titre de la rupture sont prises en charge soit directement par l'employeur, soit au titre des garanties qu'il a souscrites à un fonds de mutualisation.
"La gestion de ce fonds est confiée à l'association prévue à l'article L. 3253-14".
L'article L. 1226-4 du Code du travail dispose qu'à l'issue de la déclaration d'inaptitude du salarié, l'employeur dispose d'un délai d'un mois pour procéder au reclassement du salarié ou à son licenciement, à défaut de quoi il devra reprendre le paiement du salaire.
L'article 7 de la loi prévoit, désormais, la possibilité, pour l'employeur, de faire prendre en charge le paiement des indemnités dues au salarié par un fonds de mutualisation, dont la gestion est confiée à l'AGS.
Il conviendra d'attendre les décrets d'application de la loi pour en savoir plus sur ce fonds.
(1) C. trav., art. L. 1232-1 .
(2) C. trav., art. L. 1233-2 .
(3) Cass. soc., 29 novembre 1990, n° 88-44.308, M. Rogie c/ Société Sermaize Distribution (N° Lexbase : A9329AAR), D., 1991, p. 99, note J. Savatier.
(4) V. nos obs., Maladie et motivation de la lettre de licenciement : lorsque la justice se fait... injustice !, Lexbase Hebdo n° 122 du 27 mai 2004 - édition sociale (N° Lexbase : N1722ABE).
(5) C. trav., art. R. 1234-2. Un quinzième était accordé pour les années au-delà de dix.
(6) C. trav., art. R. 1234-3. Deux quinzième étaient accordées pour les années au-delà de dix.
(7) Cass. soc., 30 juin 1998, Dr. soc. 1998, p. 841, obs. J. Savatier.
(8) Ass. plén., 4 juillet 1997, n° 93-43375, M. Gaudinat c/ Société Ermeto, (N° Lexbase : A0745CAT), JCP éd.G, 1997, II, 22952, note D. Corrignan-Carsin.
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