La lettre juridique n°312 du 10 juillet 2008 : Sociétés

[Textes] Présentation de la loi portant diverses dispositions d'adaptation du droit des sociétés au droit communautaire

Réf. : Loi n° 2008-649 du 3 juillet 2008, portant diverses dispositions d'adaptation du droit des sociétés au droit communautaire (N° Lexbase : L7047H77)

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N5221BGH

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par Vincent Téchené, SGR - Droit des affaires

le 07 Octobre 2010

Tout est dit, ou presque, dans l'intitulé de la loi portant diverses dispositions d'adaptation du droit des sociétés au droit communautaire, publiée au Journal officiel du 4 juillet 2008. Elle vient, ainsi, mettre notre droit interne en conformité avec les textes communautaires : transpositions de la Directive 2005/56 (1) et de la Directive 2006/46/CE (2), adaptation de la législation nationale permettant l'application du Règlement n° 1435/2003 (3), mais aussi modification de certaines dispositions du Code de commerce relatives aux fusions nationales et à la société européenne, afin, notamment, de tirer les conséquences de l'ordonnance du 25 mars 2004 (4), qui a ouvert la possibilité aux sociétés à responsabilité limitée (SARL) d'émettre des obligations nominatives et de préciser la mission du commissaire à la transformation lors de la constitution d'une société européenne (SE) par transformation d'une société anonyme.
Reprenons donc point par point les principales modifications apportées par le texte. I - Les dispositions applicables aux fusions de sociétés commerciales

La loi du 3 juillet 2008 contient deux séries de dispositions relatives aux fusions de sociétés commerciales : d'une part, elle transpose la Directive sur les fusions transfrontalières et, d'autre part, elle simplifie les fusions et les scissions des sociétés commerciales.

A - Les fusions transfrontalières

Ne nous méprenons pas : la réalisation de fusions transfrontalières entre sociétés de capitaux de différents types relevant de législations d'Etats membres différents était réalisable dans la plupart des Etats membres de l'Union européenne avant la Directive 2005/56 et sa transposition en France. Toutefois, l'absence d'harmonisation rendait une telle opération juridiquement complexe et économiquement coûteuse, et ce malgré la neutralité fiscale imposée par la Directive 90/434 (5).

La Directive, ayant alors pour objectif de gommer ces barrières pratiques, contient des dispositions relatives au projet de fusion, aux rapports des organes d'administration et des experts indépendants, aux effets de la fusion, au contrôle de légalité et, enfin, à la participation des travailleurs au sein des organes d'administration de la société absorbante ou résultant de la fusion transfrontalière. En revanche, s'agissant des formalités de publicité et des régimes de protection des salariés, des actionnaires et des créanciers, le texte communautaire renvoie à la législation des Etats membres.

  • Sociétés concernées :

Le nouvel article L. 236-25 du Code de commerce liste les sociétés commerciales pouvant participer à une fusion avec une ou plusieurs sociétés, lorsque deux d'entre elles au moins relèvent de la législation d'Etats membres différents. Ainsi, seules les sociétés à responsabilité limitée, les sociétés anonymes, les sociétés en commandite par actions, les sociétés par actions simplifiées et les sociétés européennes pourront participer à ces opérations sous la forme de fusion par absorption ou de fusion par constitution de société nouvelle avec des sociétés de capitaux immatriculées dans un autre Etat membre de forme équivalente ou d'une autre forme.

  • Versement d'une soulte en espèces :

L'article 3 de la Directive dispose, quant à lui, que le texte s'applique également aux fusions transfrontalières lorsque la législation d'au moins un des Etats membres concernés permet que le versement de la soulte en espèces visée dépasse 10 % de la valeur nominale ou, à défaut de valeur nominale, du pair comptable de ces titres ou parts représentant le capital de la société issue de la fusion transfrontalière. Or, en droit interne, le quatrième alinéa de l'article L. 236-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L6351AI3) prévoit que le montant de la soulte ne peut dépasser 10 % de la valeur nominale des parts ou des actions attribuées. Par conséquent, la loi du 3 juillet 2008 introduit une dérogation à ce texte, dans un nouvel article L. 236-26 du Code de commerce, aux termes duquel le traité de fusion peut prévoir une soulte supérieure à 10 % lorsque la législation nationale à laquelle est soumise au moins une des sociétés y participant le prévoit.

A défaut de versement d'une telle soulte en espèces, les associés pourront se voir attribuer le pair comptable. Cette notion est, également, définie par le nouvel article L. 236-26 : "le pair comptable est [..] la quote-part du capital social représentée par une action ou une part sociale".

  • Information et consultation des représentants des salariés ou des salariés eux-mêmes :

Le droit français, relatif aux fusions nationales, prévoit que le comité d'entreprise est informé et consulté sur les modifications de l'organisation économique ou juridique de l'entreprise, notamment en cas de fusion . En d'autres termes, dans les entreprises ne disposant pas d'un comité d'entreprise -seules celles employant plus de cinquante salariés sont tenues à la mise en place d'une telle instance-, le droit français ne prévoit pas de consultation des salariés ou de leurs représentants.

Afin de tenir compte des prescriptions de la Directive, un nouvel article L. 236-27 est inséré dans le Code de commerce qui prévoit, d'une part, l'établissement d'un rapport écrit par l'organe de gestion, d'administration ou de direction mis à la disposition des salariés, des délégués du personnel ou, à défaut, des salariés eux-mêmes, dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat.

Il convient de remarquer que, dans sa rédaction initiale, le projet de loi prévoyait que, "outre les obligations prévues à l'article L. 432-1 du Code du travail [ancienne numérotation, obligations désormais prévues à l'article L. 2323-19], le rapport mentionné au dernier alinéa de l'article L. 236-9 [du Code de commerce N° Lexbase : L6359AID] est mis à la disposition des représentants des salariés ou, à défaut, des salariés eux-mêmes, dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat". Or, le renvoi à l'article L. 236-9 du Code de commerce pouvait être interprété en ce sens que cette mise à disposition n'était imposée qu'aux sociétés anonymes. Aussi l'Assemblée nationale a proposé un amendement, accepté par le Gouvernement, destiné à lever tout doute sur le fait que le rapport en cause devrait être établi par l'organe de gestion, d'administration ou de direction de chaque société de capitaux qui fusionne, afin de soumettre, sans nul doute possible les SARL à cette obligation.

Enfin, le dernier alinéa du nouvel article L. 236-27 prévoit que l'avis du comité d'entreprise ou, à défaut, l'avis des délégués du personnel est, s'il est transmis dans des délais prévus par le Conseil d'Etat, annexé au rapport rédigé par l'organe de gestion, d'administration ou de direction. Cette disposition fait, néanmoins, écho au dernier alinéa de l'article L. 225-105 du Code de commerce (N° Lexbase : L5976AI8) qui précise que l'avis du comité d'entreprise sur les modifications juridiques ou économiques de la société est communiqué à l'assemblée générale des actionnaires appelée à statuer sur le projet de fusion.

  • Droit des associés au moment de leur décision sur la fusion :

L'article L. 236-28 du Code de commerce consacre deux prérogatives importantes aux associés appelés à se prononcer sur une fusion transfrontalière. Il leur octroie, en effet :
- d'une part, la possibilité de subordonner la réalisation de la fusion à leur approbation des modalités de participation des salariés à la gestion dans la société issue de la fusion ;
- d'autre part, le droit de se prononcer par une résolution spéciale sur la mise en oeuvre de procédures d'analyse et de modification du rapport d'échange des titres ou d'indemnisation des associés minoritaires, lorsque la législation applicable aux associés de l'une des sociétés participant à la fusion le permet.

  • Contrôle de la légalité de la fusion

L'article 10 de la Directive dispose que "chaque Etat membre désigne le tribunal, le notaire ou toute autre autorité compétente pour contrôler la légalité de la fusion transfrontalière pour la partie de la procédure relative à chacune des sociétés qui fusionnent et qui relèvent de sa législation nationale".

Le législateur français a choisi de confier ce contrôle de légalité au greffier du tribunal de commerce dans le ressort duquel la société participant à l'opération est immatriculée. Il doit, après avoir procédé aux vérifications d'usage, délivrer une attestation de conformité des actes et des formalités. Il devra, notamment, préciser si une procédure d'analyse et de modifications du rapport d'échange des titres ou d'indemnisation des associés minoritaires est en cours.

En confiant aux greffiers des tribunaux de commerce, ou des tribunaux mixtes -dans les départements et collectivités d'outre-mer-, le contrôle de conformité, le nouvel article L. 236-29 du Code de commerce fait preuve de cohérence, non seulement avec les dispositions actuelles relatives aux fusions internes (C. com., art. L. 236-6 N° Lexbase : L6356AIA, auquel d'ailleurs l'article L. 236-29 renvoie pour déterminer les modalités des vérifications effectuées), mais également avec celles concernant la constitution par fusion des sociétés européennes (C. com., art. L. 229-3 N° Lexbase : L3831HBI).

A ce niveau, il convient de ne pas confondre le contrôle de conformité des formalités préalables à la réalisation de la fusion, qui sont effectuées pour la constitution d'une SE par voie de fusion, comme pour toute fusion interne ou transfrontalière par le greffier, du contrôle de légalité de la réalisation de la fusion qui, pour la constitution d'une SE par voie de fusion, est effectué par le notaire.

S'agissant des fusions transfrontalières, l'article L. 236-30, nouveau, du Code de commerce précise que l'autorité compétente pour contrôler la légalité de la fusion et la constitution de la société qui en est issue est "un notaire ou le greffier du tribunal dans le ressort duquel la société issue de la fusion sera immatriculée". A l'origine, le projet de loi a souhaité confier l'exercice de ce contrôle aux notaires, en parfaite adéquation avec les règles applicables à la constitution d'une société européenne par voie de fusion de sociétés anonymes. Les députés ont préféré confier cette mission au greffier. C'est finalement un compromis qui est consacré par le texte publié.

La solution tendant à donner une compétence concurrente, ou plutôt alternative, aux greffier et aux notaires pour procéder à ce contrôle, peut surprendre et ne sera pas sans conséquence pratique en terme de recours contre la décision ou en terme de responsabilité.

  • Prise d'effet de la fusion

L'article 12 de la Directive 2005/56 imposait seulement aux Etats que la date de prise d'effet de la fusion transfrontalière soit "postérieure à l'exécution" du contrôle de légalité de l'opération. Il laissait, toutefois, aux Etats le soin de déterminer cette date

Les parlementaires ayant modifié le texte initial, le nouvel article L. 236-31 prévoit que la date d'effet de la fusion interviendra :
- en cas de création d'une société nouvelle, conformément aux dispositions de l'article L. 236-4 du Code de commerce (N° Lexbase : L6354AI8), c'est-à-dire à la date d'immatriculation de la société au registre du commerce et des sociétés ;
- en cas de transmission à une société existante, selon les prévisions du contrat, sans pouvoir être antérieure au contrôle de légalité, ni postérieure à la date de clôture de l'exercice en cours de la société bénéficiaire pendant lequel a été réalisé ce contrôle (la précision est importante car en droit interne la solution est différente, puisqu'il s'agit de l'exercice au cours duquel a été votée la fusion).

  • Restriction à la nullité de la fusion

Reprenant en termes identiques les dispositions de l'article 17 de la Directive 2005/56, l'article L. 236-31, dernier alinéa, dispose que "la nullité d'une fusion transfrontalière ne peut être prononcée après la prise d'effet de l'opération".

  • Obligation pour la société nouvelle d'adopter un statut permettant la participation des salariés

A l'instar des dispositions applicables aux sociétés européennes et aux sociétés coopératives européennes, et tirant les conséquences de l'article 6 de la Directive 2005/56, l'article L. 236-32 du Code de commerce prévoit que lorsque l'une des sociétés participant à l'opération est soumise à un régime de participation des salariés et que tel est également le cas de la société issue de la fusion, cette dernière adopte une forme juridique permettant l'exercice de cette participation. En droit français parmi les sociétés pouvant participer à une fusion transfrontalière, seules les sociétés à responsabilité limitée ne comportent pas un organe collégial permettant d'accueillir des administrateurs salariés et la mise en place d'un système de participation des salariés à leur gestion. Si une SARL fusionne avec une société de droit étranger associant les salariés à sa gestion, lors de la définition des statuts de la nouvelle société issue de la fusion, ils devront donc opter pour une forme sociale autre que la SARL.

La loi du 3 juillet 2008 modifie en conséquence le Code du travail afin d'inclure un nouveau titre relatif à la participation des salariés dans les sociétés issues de fusions transfrontalières, que nous ne détaillerons pas ici. Le régime mis en place par les nouveaux articles L. 2371-1 à L. 2375-1 du Code du travail est très proche de celui existant pour la SE et la SCE : création d'un groupe spécial de négociation (GSN), dont le fonctionnement et l'organisation sont précisés, signature d'un accord par le GSN, détermination de l'implication des salariés en l'absence d'accord, organisation et fonctionnement du comité de la société issue de la fusion transfrontalière.

  • Exclusion des SICAV et des SPPICAV du régime des fusions transfrontalières

L'article 3 de la Directive 2005/56 exclut de son champ d'application toute société dont l'objet est le placement collectif des capitaux recueillis auprès du public "dont le fonctionnement est soumis au principe de la répartition des risques et dont les parts sont, à la demande des porteurs, rachetées ou remboursées, directement ou indirectement, à charge des actifs de cette société".

Pour satisfaire à ces prescriptions, les articles L. 214-18 (N° Lexbase : L9945DYY) et L. 214-125 (N° Lexbase : L7276HZI) du Code monétaire et financier se voient complétés par un alinéa précisant que les articles L. 236-25 à L. 236-32 du Code de commerce ne s'appliquent ni aux SICAV, ni aux SPPICV. Il ne leur est pas impossible de procéder à des fusions transfrontalières, mais il leur revient d'observer les règles spéciales qui les concernent.

  • Entrée en vigueur des dispositions relatives aux fusions transfrontalières

Les dispositions relatives aux fusions transfrontalières s'appliquent aux opérations de fusion dont le traité est signé après la publication de la loi, soit après le 4 juillet 2008.

B - Mesures de simplification des fusions et des scissions de sociétés commerciales

La loi du 3 juillet 2008 contient d'importantes "mesures de simplification des fusions et scission des sociétés commerciales" concernant, en particulier, les rapports que les commissaires ad hoc sont appelés à établir dans le cadre de telles opérations (6).

  • Les fusions "normales" :

Antérieurement à la loi du 3 juillet 2008, l'article L. 236-10 du Code de commerce (N° Lexbase : L6360AIE) imposait la désignation en justice d'un ou plusieurs commissaires à la fusion aux fins d'établir, sous leur responsabilité, un rapport écrit sur les modalités de la fusion.

Or, l'article 8 de la Directive européenne sur les fusions transfrontalières de sociétés de capitaux impose qu'en cas de fusion entre sociétés relevant d'Etats différents, un rapport "d'expert indépendant", dont le contenu est identique à celui prévu par l'article L. 236-10 du Code de commerce, soit mis à la disposition des actionnaires des sociétés participantes. Il permet d'éviter l'examen du projet de fusion et le rapport d'expert, si tous les actionnaires de chacune des sociétés participant à l'opération le décident.

Traduisant cette possibilité, l'article 8 de la loi portant diverses dispositions d'adaptation du droit des sociétés au droit communautaire modifie l'article L. 236-10 du Code de commerce. Ainsi, désormais, les actionnaires des sociétés participant à une opération de fusion peuvent décider de ne pas désigner un commissaire à la fusion, cette décision devant être prise, selon le II de ce texte, à l'unanimité des actionnaires de toutes les sociétés participant à l'opération.

A cette fin, les actionnaires devront être consultés "avant que ne commence à courir le délai exigé pour la remise de ce rapport préalablement à l'assemblée générale appelée à se prononcer sur le projet de fusion", soit plus d'un mois avant la date de cette assemblée, puisque l'article R. 236-3 du Code de commerce (N° Lexbase : L5099HZU) impose que le rapport du commissaire à la fusion soit mis à la disposition des associés "au moins un mois avant la date de l'assemblée générale".

La dérogation prévue par ce texte se limitant au seul rapport sur les modalités de la fusion, un commissaire à la fusion devra toujours être désigné pour évaluer les éventuels apports en nature ainsi que les avantages particuliers consacrés dans le cadre de la fusion (C. com., art. L. 223-9, al. 1 N° Lexbase : L5834AIW, sur renvoi de C. com., art. L. 223-33 N° Lexbase : L5858AIS pour les SARL ; C. com., art. L. 225-147, al. 2 N° Lexbase : L8400GQ8 pour les SA).

  • Les fusions "simplifiées" :

Pour les sociétés anonymes, l'article L. 236-11 du Code de commerce (N° Lexbase : L6361AIG) prévoit une procédure de fusion n'exigeant pas le même formalisme que la procédure de droit commun, en cas d'absorption par une société anonyme ou une société à responsabilité limitée ou par une société en commandite par actions d'une ou plusieurs de ses filiales à 100 %. La procédure de fusion ainsi simplifiée dispense les sociétés, notamment, des rapports des commissaires à la fusion ou encore de réunir l'assemblée générale extraordinaire de la société absorbée. Toutefois, le Code de commerce exigeait que l'assemblée générale de la société absorbante statue "au vu du rapport du commissaire aux apports".

Or, ni la Directive 78/855 (7), ni la Directive 2005/56 ne prévoient l'élaboration d'un tel rapport.

Dans ces conditions, l'article 9 de loi du 3 juillet 2008 supprime la troisième phrase de l'article L. 233-11 et donc la nécessité d'établir un rapport sur l'évaluation des apports en nature. En fusion simplifiée, la société absorbante peut, désormais, procéder à l'absorption de sa filiale à 100 % sans qu'aucun rapport de commissaire ne soit établi.

II - Les dispositions applicables aux sociétés européennes

La loi du 3 juillet 2008 apporte des modifications ponctuelles aux sociétés européennes, s'inspirant de recommandations formulées par Noëlle Lenoir en mars 2007, dans son rapport sur l'évaluation du statut de la société européenne (8).

En premier lieu, l'article 11 de la loi modifie l'article L. 225-245-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L3896HBW), relatif à la transformation d'une SA en société européenne et à la mission des commissaires à la transformation. Il prévoyait, notamment, que ceux-ci doivent établir sous leur responsabilité un rapport destiné aux actionnaires de la société se transformant attestant que les "capitaux propres sont au moins équivalents au capital social". C'est cette dernière expression qui est modifiée par la loi portant adaptation du droit des sociétés au droit communautaire.

Dans son rapport, Noëlle Lenoir relevait que cette formulation ne répondait pas aux dispositions du Règlement communautaire (9), qui impose que l'expert atteste que la société anonyme "dispose d'actifs nets au moins équivalents au capital augmenté des réserves que la loi ou les statuts ne permettent pas de distribuer".

Dans sa nouvelle mouture, l'article L. 225-245-1, tel qu'issu de la loi du 3 juillet 2008, reprend donc exactement les termes du Règlement.

En second lieu, l'article 12 complète l'article L. 229-4 du Code de commerce (N° Lexbase : L3832HBK), qui prévoit la possibilité pour le procureur de la République de s'opposer, pour des raisons d'intérêt public au transfert hors de France du siège d'une société européenne immatriculée en France ou à la constitution d'une société européenne par voie de fusion entraînant un changement de droit applicable pour les actionnaires français.

Il est ajouté deux alinéas à ce texte :
- le premier précise les personnes habilitées à saisir le procureur de la République (il peut se saisir lui-même ou être saisi par toute autorité ou toute personne estimant que l'opération est contraire à un intérêt public) ;
- le second donne une compétence exclusive à la cour d'appel de Paris pour connaître des recours formés contre la décision du procureur de la République.

III - Les dispositions applicables aux sociétés coopératives européennes

Le droit commun des sociétés coopératives en France n'est fixé ni par le Code civil, ni par le Code de commerce mais par la loi du 10 septembre 1947 (10). En outre, le Règlement n° 1435/2003 du 22 juillet 2003 (11) a créé le statut de la société coopérative européenne, afin de permettre aux sociétés coopératives ayant une activité dépassant le cadre national d'adopter un statut unique pour la société mère et ses filiales dans l'Union européenne. Ce Règlement a été complété par la Directive 2003/72 (12) qui a été transposée à part -on pourra s'en étonner- par une loi du 30 janvier 2008 (13), complétée par les dispositions réglementaires issues de deux décrets du 7 mai 2008 (14).

L'article 13 de la loi du 3 juillet 2008, qui est, d'ailleurs, le plus long du texte, puisqu'il ne fait pas moins de 8 pages, insère un nouveau titre au sein de la loi du 10 septembre 1947, afin de donner une assise juridique nationale à la société coopérative européenne. Il entre dans un certain degré de détail, puisqu'il comporte 7 chapitres constitués de 40 articles.

On listera donc rapidement le contenu de ces dispositions.

A titre liminaire, l'article 26-1 de la loi du 10 septembre 1947 affirme que la SCE jouit de la personnalité morale à compter de son immatriculation et opte pour l'impossibilité de dissocier le siège de l'administration centrale de la SCE

  • La constitution des SCE

Les articles 26-2 à 26-8 déterminent les conditions de constitution des SCE, que se soit par voie de fusion (articles 26-2 à 26-6) ou par voie de transformation (articles 26-7 et 26-8).

S'agissant de la constitution par voie de fusion on relèvera que :
- la désignation de commissaires à la fusion lors de la constitution de la coopérative européenne est obligatoire, étant précisé qu'ils sont désignés par décision de justice ;
- les autorités du contrôle de la conformité préalable des opérations et du contrôle de la légalité de l'opération sont les mêmes que pour les fusions transfrontalières (greffier du tribunal de commerce tout d'abord, notaires ou greffiers ensuite) ;
- de même, en adéquation avec les règles sur les fusions transfrontalières, la nullité de la fusion ne peut plus être prononcée après l'immatriculation de la SCE ou la prise en compte des inscriptions modificatives la concernant ;
- le procureur de la République est désigné comme autorité ayant compétence pour s'opposer, pour des raisons d'intérêt public, au transfert de siège entraînant un changement de droit applicable ou à la constitution d'une SEC par voie de fusion (les personnes pouvant le saisir sont les mêmes que pour la constitution par voie de fusion d'une SE et la cour d'appel est seule compétente pour connaître des recours contre sa décision).

Pour la constitution d'une SCE par voie de transformation, la loi du 3 juillet 2008 prévoit les mesures d'adaptation permettant la transformation d'une coopérative nationale en coopérative européenne et organise la protection des porteurs de parts à intérêt particulier ou des titulaires de certificats d'investissement ou d'associés lors de cette opération. En outre, le projet de transformation d'une coopérative en SEC doit être adopté à une majorité des deux tiers par le conseil d'administration et, le cas échéant, par le conseil de surveillance, lorsque la participation des travailleurs est organisée.

  • Transfert du siège social

L'article 26-9, introduit par la loi du 3 juillet 2008, autorise, tout d'abord, une coopérative européenne immatriculée en France à transférer dans un autre Etat membre de l'Union européenne son siège social, puis définit les conditions préalables à la réalisation de ce transfert. Il est, notamment, prévu que les associés coopérateurs peuvent se retirer de la coopérative et obtenir le remboursement de leurs parts et que les créanciers non-obligataires peuvent obtenir soit des garanties supplémentaires, soit le remboursement de leurs créances.

Enfin, l'article 26-14 désigne les notaires pour délivrer un certificat attestant de la légalité de la procédure de transfert.

  • Le fonctionnement de la SCE

Les articles 26-15 à 26-28 envisagent les dispositions relatives à la direction et à l'organisation de la coopérative européenne :
- possibilité pour les SCE immatriculées en France de prévoir soit une organisation de type moniste, avec un conseil d'administration, soit de type dualiste, avec un directoire et un conseil de surveillance ;
- dans les SEC de type moniste l'organe social chargé de représenter la société à l'égard des tiers est, en principe, le conseil d'administration, les statuts pouvant y déroger en confiant ce pouvoir au président du conseil ou à un directeur général ;
- dans les SEC de type dualiste, la société est dirigée par un directoire sous le contrôle du conseil de surveillance qui nomme et révoque les membres du directoire ;
- possibilité de prévoir dans les statuts un régime applicable aux conventions passées entre la société et ses dirigeants identique à celui des sociétés anonymes ;
- l'acquisition de la qualité d'associé est soumise à un agrément dont les modalités sont déterminées par les statuts ;
- obligation de certification des comptes annuels par au moins un commissaire aux comptes et certification des comptes consolidés ou combinés par au moins deux commissaires aux comptes.

  • Dissolution et liquidation de la SCE

Les articles 26-32 à 26-37 prennent les mesures d'adaptation permettant de prévenir et de sanctionner la dissociation du siège statutaire et de l'administration centrale dans deux Etats membres différents. A cet effet, le procureur de la République est désigné comme l'autorité chargée d'informer l'autorité compétente de l'autre Etat membre ou devant être informé par elle, en cas de violation de cette interdiction de dissociation. Ainsi, dans l'hypothèse où le siège social et l'administration centrale seraient dissociés dans deux Etats membres différents, tout intéressé pourrait demander au tribunal la régularisation sous astreinte et à défaut de régularisation le tribunal doit prononcer sa dissolution.

  • Transformation de la SCE en société coopérative

L'article 26-35 de la loi de 1947 prévoit, désormais, que toute SCE peut se transformer en société coopérative, si au moment de sa transformation, elle est immatriculée depuis plus de deux ans et a fait approuver le bilan de ses deux premiers exercices.

Les articles suivants déterminent la procédure applicable à une telle transformation.

IV - Transparence et transposition de la Directive 2006/46

Si les règles du droit français étaient déjà largement compatibles avec les dispositions la Directive 2006/46, leur application nécessitait quelques modifications s'agissant des informations fournies aux actionnaires en matière de gouvernement d'entreprise.

  • Rapport sur le contrôle interne dans les sociétés anonymes faisant appel public à l'épargne

Dans les sociétés anonymes de type moniste et dualiste admises aux négociations sur un marché réglementé, le rapport du président -du conseil d'administration ou du conseil de surveillance- doit contenir certaines informations relatives au contrôle interne et au gouvernement d'entreprise, tels que prévues par les article L. 225-37 (N° Lexbase : L2674HWX) -SA à conseil d'administration- et L. 225-68 du Code de commerce (N° Lexbase : L2675HWY) -SA à conseil de surveillance et directoire-.

Or, la Directive du 14 juin 2006 impose des obligations plus précises que celles prévues par le droit français. Le texte communautaire prévoit, notamment, que toute société dont les titres sont admis à la négociation sur un marché réglementé inclut une déclaration sur le Gouvernement d'entreprise dans son rapport de gestion. Cette déclaration forme une section spécifique du rapport de gestion et contient la désignation du code de gouvernement d'entreprise auquel la société est soumise, et/ou du code de gouvernement d'entreprise que la société a décidé d'appliquer volontairement, et/ou de toutes les informations pertinentes relatives aux pratiques de gouvernement d'entreprise appliquées allant au-delà des exigences requises par le droit national, ainsi qu'une description des principales caractéristiques des systèmes de contrôle interne et de gestion des risques de la société dans le cadre du processus d'établissement de l'information financière.

Afin de satisfaire à ces exigences, les articles 26 et 27 loi du 3 juillet 2008 ont donc modifié, en circonstance, les articles L. 225-37 et L. 225-68 du Code de commerce.

Désormais, en plus des informations déjà exigées, le président du conseil d'administration ou du conseil de surveillance devra rendre compte :
- de la composition, des conditions de préparation et d'organisation des travaux du conseil et des procédures de gestion des risques mises en place ;
- une attention particulière doit être apportée aux procédures relatives à l'élaboration et au traitement de l'information financière pour les comptes sociaux et les comptes consolidés, qui doivent être "détaillées" ;
- si la société se réfère volontairement à un code de gouvernement d'entreprise, des dispositions qui ont été écartées et les raisons pour lesquelles elles l'ont été, le lieu où ce code peut être consulté devant, également, être mentionné ;
- si la société ne se réfère pas à un tel code, les règles retenues en complément des exigences requises par la loi et les raisons pour lesquelles la société a décidé de n'appliquer aucune disposition de ce code ;
- les modalités particulières relatives à la participation des actionnaires à l'assemblée générale, le rapport pouvant sur ce point renvoyer aux dispositions des statuts qui y sont relatives.

En outre, l'exigence de rédiger un tel rapport est étendue dans les sociétés en commandite par actions faisant appel public à l'épargne. Désormais, un nouvel article L. 226-10-1 impose au président du conseil de surveillance d'établir un rapport sur le gouvernement d'entreprise dans les conditions prévues par l'article L. 225-68 du Code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 3 juillet 2008.

Enfin, l'article L. 621-18-3 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L2639HWN) est modifié afin que les nouvelles informations sur le gouvernement d'entreprise, qui sont requises en application des articles 26 et 27 de la loi, soient également soumises aux obligations de publicité découlant de ce texte, à l'exception de l'information relative à la participation des actionnaires à l'assemblée générale, puisque l'article L. 621-18-3 dans sa nouvelle rédaction ne renvoie qu'aux alinéas 6, 7 et 9 des articles L. 225-37 et L. 225-68 du Code de commerce.

  • Attestation des commissaires aux comptes sur l'établissement des informations relatives à la gouvernance des sociétés anonymes

L'article 29 de la loi du 3 juillet 2008 impose l'attestation par les commissaires aux comptes de la société anonyme que les informations relatives au gouvernement d'entreprise devant être présentées aux actionnaires dans le cadre du rapport y figurent bien. Il complète à cette fin l'article L. 225-235 du Code de commerce (N° Lexbase : L2867HC8), par une seule phrase : "Ils attestent l'établissement des autres informations requises aux articles L. 225-37 et L. 225-68".

On rappellera qu'à l'origine, le projet de loi déposé par le Gouvernement prévoyait que les commissaires aux comptes attestaient également la publication de ces informations. Cette obligation a été supprimée par le Parlement, à juste titre, puisque l'attestation délivrée par les commissaires aux comptes est par nature antérieure à la publication.

Enfin, la loi habilite le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance dans un délai de six mois, soit avant le 4 janvier 2009, les dispositions nécessaires à la transposition de la Directive 2006/43 (15).


(1) Directive 2005/56 du 26 octobre 2005, relative aux fusions transfrontalières des sociétés de capitaux (N° Lexbase : L3532HD8).
(2) Directive 2006/46 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2006, modifiant les Directives du Conseil 78/660 concernant les comptes annuels de certaines formes de sociétés, 83/349 concernant les comptes consolidés, 86/635/CEE concernant les comptes annuels et les comptes consolidés des banques (N° Lexbase : L5114HKM).
(3) Règlement n° 1435/2003 du 22 juillet 2003, relatif au statut de la société coopérative européenne (SEC) (N° Lexbase : L4748DIP).
(4) Ordonnance n° 2004-274 du 25 mars 2004, portant simplification du droit et des formalités pour les entreprises (N° Lexbase : L4315DPI).
(5) Directive 90/434 du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, apports d'actifs et échanges d'actions intéressant des sociétés d'Etats membres différents (N° Lexbase : L7670AUM).
(6) Pour un commentaire sur ces mesures du projet de loi, lire, G. de Foresta, Rapports du commissaire à la fusion : formalités inutiles ou bien inutilité de la réforme ?, Lexbase Hebdo n° 290 du 31 janvier 2008 - édition privée générale (N° Lexbase : N8682BDW).
(7) Directive 78/855 du 9 octobre 1978, fondée sur l'article 54 paragraphe 3 sous g) du traité et concernant les fusions des sociétés anonymes (N° Lexbase : L9347AUQ).
(8) N. Lenoir, Pour une citoyenneté européenne de l'entreprise, rapport remis au Garde des Sceaux, ministre de la Justice, le 19 mars 2007.
(9) Règlement n° 2157/2001 du Conseil du 8 octobre 2001, relatif au statut de la société européenne (SE) (N° Lexbase : L1040AWG).
(10) Loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947, portant statut de la coopération (N° Lexbase : L4471DIG).
(11) Règlement n° 1435/2003 du 22 juillet 2003, relatif au statut de la société coopérative européenne (SEC).
(12) Directive 2007/72 du 22 juillet 2003, complétant le statut de la société coopérative européenne pour ce qui concerne l'implication des travailleurs (N° Lexbase : L9527CK3).
(13) Loi n° 2008-89 du 30 janvier, relative à la mise en oeuvre des dispositions communautaires concernant le statut de la société coopérative européenne et la protection des travailleurs salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur (N° Lexbase : L7902H33).
(14) Décret n° 2008-439 du 7 mai 2008, relatif à l'implication des salariés dans la société coopérative européenne (N° Lexbase : L8878H39) et décret n° 2008-440 du 7 mai 2008, relatif à l'implication des salariés dans la société coopérative européenne (N° Lexbase : E6404A8P).
(15) Directive 2006/43 du Parlement européen et du Conseil du 17 mai 2006, concernant les contrôles légaux des comptes annuels et des comptes consolidés et modifiant les Directives 78/660/CEE et 83/349/CEE du Conseil, et abrogeant la Directive 84/253/CEE du Conseil (N° Lexbase : L9916HI4).

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