Réf. : Cass. civ. 1, 7 mai 2008, n° 06-20.408, Société Sagem communication, F-P+B (N° Lexbase : A4373D8H)
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N2163BG9
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par David Bakouche, Professeur agrégé des Facultés de droit
le 07 Octobre 2010
En l'espèce, l'acquéreur d'un rétroprojecteur comprenant les fonctionnalités requises pour recevoir la télévision haute définition avait, deux ans après l'acquisition, saisi la juridiction de proximité en résolution de la vente pour défaut de conformité, faisant valoir que le matériel vendu ne permettait pas la réception des émissions haute définition en mode numérique que la société Canal + s'apprêtait à diffuser, selon un mode de cryptage mettant en oeuvre une norme mise au point postérieurement à la vente. La juridiction de proximité de Grenoble avait fait droit à cette demande et, donc, prononcé la résolution de la vente, aux motifs, en substance, que le vendeur aurait dû informer le consommateur de ce que le matériel mis sur le marché n'était pas "prêt" pour la technicité à venir et de s'abstenir de commercialiser un appareil destiné à une technique qui n'était pas encore sur le marché. La décision est cassée, sous le visa des articles 1134 (N° Lexbase : L1234ABC) et 1604 du Code civil : "en statuant ainsi quand, sauf stipulation contraire, le défaut de conformité doit s'apprécier au regard des données techniques connues ou prévisibles au jour de la vente et ne peut résulter d'une inadéquation de la chose vendue à des normes ultérieurement mises au point et découlant de l'évolution de la technique, la juridiction de proximité a violé les textes susvisés".
On rappellera que la non-conformité de la chose vendue aux spécifications convenues par les parties est une inexécution de l'obligation de délivrance ; en revanche, la non-conformité de la chose à sa destination normale ressortit à la garantie des vices cachés au sens de l'article 1641 du Code civil (3). Si, donc, ce qui est discuté tient à la conformité de la chose aux spécifications convenues par les parties, c'est-à-dire au contrat, c'est bien l'obligation de délivrance qui est en cause, le vendeur devant délivrer la chose contractuellement convenue, avec ses caractéristiques, de telle sorte que la délivrance d'une chose différente constitue un manquement à cette obligation (4). Si, au contraire, ce qui est discuté tient à la conformité de la chose à sa destination normale, c'est alors la garantie des vices qui est en cause, les vices étant, précisément, des défauts de la chose qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine (5).
Dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt du 7 mai dernier, la question ne portait pas, en réalité, sur la distinction elle-même, mais sur la notion de défaut de conformité telle qu'elle a été définie plus haut. L'intérêt de l'arrêt est, en effet, de venir préciser que la conformité de la chose aux spécifications convenues ne peut être appréciée qu'au regard, dit l'arrêt, "des données connues ou prévisibles au jour de la vente", si bien qu'elle "ne peut résulter d'une inadéquation de la chose vendue à des normes ultérieurement mises au point et découlant de l'évolution de la technique". Cette solution est cohérente : décider du contraire conduirait, particulièrement à une époque où les progrès de la technique sont si nombreux et rapides, à considérablement fragiliser le droit de la vente et favoriser l'insécurité des transactions, en permettant à l'acquéreur de venir réclamer la résolution de la vente, après avoir usé de la chose pendant un certain temps, au motif qu'elle s'avérerait plus ou moins dépassée par l'évolution de la technique postérieure à la vente.
1) Cass. com., 30 octobre 2007, n° 05-17.882, Société Anciens Etablissements Branger (AEB), FS-P+B (N° Lexbase : A2281DZI).
(2) Cass. civ. 1, 21 mars 2006, n° 02-19.236, Safirauto c/ Société Sonauto-Hyundaï, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A6388DNW), Contrats, conc., consom. 2006, n° 130, obs. L. Leveneur.
(3) Cass. civ. 1, 27 octobre 1993, n° 91-21.416, Compagnie La Concorde c/ Société MTS et autre (N° Lexbase : A8458AXK), Bull. civ. I, n° 305 ; Cass. civ. 1, 8 décembre 1993, n° 91-19.627, M. Prario c/ M Hennequin de Villermont (N° Lexbase : A5323ABR), Bull. civ. I, n° 362.
(4) Voir not. Cass. civ. 1, 5 novembre 1996, n° 94-15.898, Mlle Badiou c/ M. Faure et autres (N° Lexbase : A8550ABB), JCP éd. G, 1997, II, 22872, note Ch. Radé ; Cass. civ. 1, 17 juin 1997, deux arrêts, n° 95-18.981, Société Plâtres Lambert production c/ M. Poux (N° Lexbase : A0677AC3) et n° 95-13.389, Société Garage Saurel c/ M. Hercher et autres (N° Lexbase : A0414ACC), Bull. civ. I, n° 205 et n° 206.
(5) Cass. civ. 3, 1er octobre 1997, n° 95-22.263, Société Empain Graham et Cie et autres c/ Epoux Journe (N° Lexbase : A0802ACP), Bull. civ. III, n° 181 ; Cass. civ. 3, 15 mars 2000, n° 97-19.959, Société Empain Graham et Cie et autres c/ Société Thoretim et autres (N° Lexbase : A3495AUY), Bull. civ. III, n° 61 ; Cass. com., 28 mai 2002, n° 00-16.749, Société Wartsila NSD corporation c/ Société Méca Stamp international, F-D (N° Lexbase : A7838AYX), Contrats, conc., consom., 2002, n° 139, obs. Leveneur.
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