La lettre juridique n°307 du 5 juin 2008 : Sociétés

[Jurisprudence] Transformation d'une SA en SAS : le dépôt au greffe du rapport du commissaire aux comptes n'est prescrit par aucun texte

Réf. : Cass. com., 8 avril 2008, n° 06-15.193, Société Breiz alu, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A8042D7Y)

Lecture: 6 min

N2132BG3

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Jurisprudence] Transformation d'une SA en SAS : le dépôt au greffe du rapport du commissaire aux comptes n'est prescrit par aucun texte. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3210185-jurisprudence-transformation-dune-sa-en-sas-le-depot-au-greffe-du-rapport-du-commissaire-aux-comptes
Copier

par Deen Gibirila, Professeur à l'Université des Sciences sociales de Toulouse I

le 07 Octobre 2010

Une société peut se trouver dans une situation où sa forme actuelle s'avère contre-indiquée et où, donc, une autre structure sociétaire paraît plus appropriée. A cette raison de simple opportunité, susceptible de conduire une société à se transformer, s'ajoutent des dispositions impératives prévues par la loi. En premier lieu, la transformation peut être décidée volontairement par les associés qui souhaitent, par exemple, disposer d'un régime fiscal plus favorable ou d'une forme sociale mieux adaptée à l'activité sociale ou à la taille de l'entreprise. En deuxième lieu, la transformation peut être imposée par la loi aux associés, en tant que condition de survie de la société, notamment d'une SA ou d'une SAS dont le capital social tomberait en dessous du minimum légal (1). Enfin, la transformation d'une société obéit aux règles prescrites par la loi et les statuts pour la modification du pacte social et plus spécialement, à celles visant le cas de transformation. Au-delà des règles communes à toutes les sociétés, certaines sont propres à certaines d'entre elles et diffèrent selon le type de société. La mutation en un des types de sociétés par actions d'une société d'une autre forme implique la vérification préalable, par un ou plusieurs commissaires désignés, sauf accord unanime des associés, par décision de justice à la demande des dirigeants sociaux ou de l'un d'eux, de la valeur des biens constituant l'actif social et, le cas échéant, des avantages particuliers consentis à des associés ou à des tiers.

A l'instar de toute modification statutaire, la décision de transformation est soumise à des mesures de publicité destinées, non point à acquérir la personnalité morale comme l'immatriculation au RCS, puisque cette personnalité existe déjà, mais à informer les tiers de l'existence de la nouvelle structure sociétaire.

C'est précisément une question liée à ces mesures de publicité que résout la Cour de cassation dans un arrêt important du 8 avril 2008 qui connaîtra les faveurs d'une large publicité, comme le signale la référence P (publication au Bulletin des arrêts de la Cour de cassation) + B (mention de l'arrêt au Bulletin des arrêts de la Cour de cassation) + R (commentaire de l'arrêt dans le Rapport annuel de la Cour de cassation) + I (consultation de l'arrêt sur le site internet de la Cour de cassation).

I - Dans cette affaire, après décision de l'assemblée générale d'une société anonyme de transformer celle-ci en une société par actions simplifiée, le greffier du tribunal de commerce avait refusé de procéder à l'inscription modificative au registre du commerce et des sociétés. Son refus se justifiait par le fait que le rapport du commissaire aux comptes sur la transformation de la société, prévu par l'article L. 224-3 du Code de commerce (N° Lexbase : L5871AIB) n'avait pas été déposé au greffe dans le délai d'au moins huit jours avant la date de l'assemblée appelée à statuer sur la mutation de la société prévu par l'article R. 123-105 du même code (N° Lexbase : L9858HYR).

La société ayant vainement contesté cette décision auprès du juge commis à la surveillance du registre du commerce, a porté le litige auprès la cour d'appel de Rennes aux fins d'en obtenir l'annulation. Le 21 mars 2006, cette juridiction a rejeté cette contestation en retenant que si, selon la réponse ministérielle n° 64891 du 12 juillet 2005 (2), l'information relative à la valeur des biens composant l'actif social et les avantages particuliers, visée à l'article L. 224-3 du Code de commerce est jointe au rapport prévu par l'article L. 225-244 de ce code (N° Lexbase : L6115AIC), ledit rapport doit aussi être déposé au greffe du tribunal de commerce huit jours au moins avant l'assemblée générale appelée à statuer sur cette question.

L'arrêt de la cour d'appel est censuré par la Chambre commerciale auprès de laquelle le demandeur au pourvoi trouve un écho favorable à son argumentation.

II - La question qui fait débat dans la présente décision est celle du dépôt du rapport du commissaire aux comptes au greffe du tribunal de commerce en cas de transformation d'une SA en SAS. A ce sujet, la réponse ministérielle préalablement évoquée estimait que l'obligation d'évaluer les biens composant l'actif social devait être respectée même en présence de commissaires aux comptes au sein de la société qui se mue en une société par actions, ce qui est bien évidemment le cas d'une société anonyme. Il s'ensuivait que cette évaluation pouvait figurer dans le rapport indiqué à l'article L. 225-244, alinéa 1er, du Code de commerce attestant que les capitaux propres équivalent au moins au capital social. Dès lors, ce rapport devait être déposé au greffe du tribunal huit jours au moins avant la décision de transformation.

La Chambre commerciale fustige ce point de vue. En prenant le contre-pied de cette réponse ministérielle, les juges du droit se prononcent en faveur d'une application stricte des dispositions de l'article L. 224-3 du Code de commerce ayant trait à la conversion d'une société anonyme en société par actions simplifiée. Selon ce texte, en sa dernière version issue de l'article 98 de la loi de sécurité financière (loi n° 2003-706 du 1er août 2003 N° Lexbase : L3556BLB), ce changement de forme sociale n'implique pas de désigner un commissaire à la transformation.

Par ailleurs, en application de l'article L. 225-244, alinéa 1er, du Code de commerce, la transformation d'une société anonyme est précédée d'un rapport des commissaires aux comptes attestant que le montant des capitaux propres est au moins égal au capital social. La Cour de cassation précise, en l'espèce, que seul ce rapport doit être établi en cas de mutation d'une SA en SAS et qu'il n'y a pas lieu de le déposer au greffe du tribunal de commerce préalablement à la transformation, dans la mesure où il ne fait pas partie des actes dont l'article R. 123-105 du Code de commerce exige le dépôt.

Le greffier ne saurait donc refuser d'inscrire pareille transformation au registre du commerce et des sociétés sous prétexte de l'absence de dépôt du rapport sur la valeur des biens composant l'actif social. Certes, ce rapport doit être déposé huit jours au moins avant la transformation, mais il n'est établi qu'en cas de transformation en société par actions d'une société non dotée d'un commissaire aux comptes, quelle que soit sa forme (3).

Autrement dit, le greffier ne saurait imposer à une société déjà pourvue de commissaires aux comptes et qui envisage de se muer en une société par actions, qu'elle dépose un quelconque rapport sur la valeur de ses actifs, que ce soit celui prescrit par l'article L. 224-3 ou tout autre. C'est le cas des sociétés de capitaux (SA, SAS et société en commandite par actions), ainsi que des autres sociétés (SARL, SNC, société en commandite simple) ayant désigné des commissaires aux comptes, soit volontairement, soit par obligation en raison du dépassement de deux des trois seuils mentionnés à l'article R. 221-5 du Code de commerce (N° Lexbase : L0089HZC) (4).

Au-delà du présent débat, précisons que, si l'établissement du rapport relatif aux capitaux propres s'impose, non seulement en cas de transformation d'une SA, mais encore en cas de mutation d'une société en commandite par actions ou d'une SAS (5), il n'en va pas de même lorsque la société se convertit en une SNC (6).

En définitive, bien qu'elle remette en cause la réponse ministérielle, la censure sans renvoi opérée par la Cour de cassation ne surprend pas. Outre le fait qu'elle reponde à l'esprit et à la lettre des textes, elle présente également le mérite de la simplicité : quoi de plus normal, en effet, que de faire l'économie du dépôt du rapport ayant trait à la valeur des actifs d'une société en voie de mutation, lorsqu'il existe déjà en son sein un commissaire aux comptes.

En dépit de son importance, il ne faut voir dans l'actuelle décision de justice qu'une étape dans l'évolution du régime des sociétés par actions simplifiée qui sont appelées à connaître quelques modifications avec la très prochaine loi de modernisation de l'économie dont les dispositions entreront en vigueur le 1er janvier 2009 (7). L'article 14 du projet de loi dispose, entre autres, que ces sociétés ne seront tenues de désigner un commissaire aux comptes qu'en cas :
- de dépassement à la clôture d'un exercice social de deux des trois chiffres se rapportant au total du bilan, au montant hors taxes du chiffre d'affaires et au nombre moyen des salariés (8) ;
- de détention directe ou indirecte de 5 % ou plus du capital ou des droits de vote d'une autre société.

Néanmoins, quand bien même ces conditions ne seraient pas remplies, un ou plusieurs associés représentant au moins le dixième du capital social pourraient demander en justice la nomination d'un commissaire aux comptes. De plus, dans les SAS où il n'existerait pas de commissaire aux comptes, il appartiendrait au président d'établir et de présenter aux associés le rapport sur les conventions réglementées.


(1) C. com., art. L. 227-1, al. 3 (N° Lexbase : L6156AIT) (SAS) et L. 224-2, al. 2 (N° Lexbase : L5870AIA) (SA).
(2) QE n° 64891 de M. Hamelin Emmanuel, JOANQ 17 mai 2005 p. 4946, min. Just., réponse publ. 12 juillet 2005 p. 6933 (N° Lexbase : L7920G99).
(3) C. com., art. R. 123-105, al. 3 et L 224-3, al. 1er.
(4) Total du bilan (1,55 millions d'euros), chiffre d'affaires hors taxe (3,1 millions d'euros), nombre moyen de salariés (50).
(5) C. com., art. L. 225-244, al. 1er sur renvoi des articles L. 226-1, alinéa 2 (N° Lexbase : L6142AIC) et L. 227-1, alinéa 3 (N° Lexbase : L6156AIT).
(6) C. com., art. L. 225-245, al. 1er (N° Lexbase : L6116AID).
(7) BRDA 9/2008, n° 23, p. 11, spéc. p. 18, n° 35 à 39.
(8) Ces chiffres seront fixés par décret, mais il est probable qu'ils soient ceux actuellement en vigueur (C. com., art. R. 221-5 : cf. note 5).

newsid:322132

Cookies juridiques

Considérant en premier lieu que le site requiert le consentement de l'utilisateur pour l'usage des cookies; Considérant en second lieu qu'une navigation sans cookies, c'est comme naviguer sans boussole; Considérant enfin que lesdits cookies n'ont d'autre utilité que l'optimisation de votre expérience en ligne; Par ces motifs, la Cour vous invite à les autoriser pour votre propre confort en ligne.

En savoir plus