La lettre juridique n°300 du 10 avril 2008 : Sécurité sociale

[Jurisprudence] Les URSSAF ne sont pas des entreprises au sens du droit européen de la concurrence

Réf. : Cass. civ. 2, 20 mars 2008, n° 07-13.321, M. Bertrand Vallier, F-P+B (N° Lexbase : A4924D7I)

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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen

le 07 Octobre 2010

En Europe comme en France, le marché de la santé, pour une large part encore fermé aux compagnies d'assurance en raison de la situation monopolistique des caisses de Sécurité sociale, continue d'attiser leur convoitise, alors même que la jurisprudence, tant communautaire qu'interne, a refusé de qualifier les organismes de Sécurité sociale d'entreprise et de les soumettre au droit européen de la concurrence. Tel est le principe rappelé par la Cour de cassation dans un arrêt du 20 mars dernier. En l'espèce, une URSSAF avait rejeté la demande, formée par un agent d'assurances, de remboursement des cotisations sociales dont il s'était acquitté au titre des années 2002 à 2005. Celui-ci a saisi la juridiction de Sécurité sociale. La cour d'appel d'Amiens, dans un arrêt du 30 janvier 2007 (CA Amiens, 5ème ch. soc., cabinet A, 30 janvier 2007) décidait que l'URSSAF avait la capacité juridique et était compétente pour recouvrer auprès de lui les cotisations et contributions sociales. Le pourvoi, formé contre cet arrêt, par l'agent d'assurance, est rejeté par la Cour de cassation, qui se conforme à une jurisprudence constante. Les URSSAF sont des organismes de droit privé chargés de l'exécution d'une mission de service public. Ils tiennent des dispositions de l'article L. 213-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L3386HWC), qui les institue, leur capacité juridique et leur qualité à agir dans l'exécution des missions qui leur ont été confiées par le législateur. N'étant pas soumises au droit de la concurrence et leur activité de recouvrement n'entrant dans aucune des catégories définies à l'article 1er du Code des marchés publics (N° Lexbase : L2661HPA), les unions de recouvrement ne sauraient être assujetties aux Directives communautaires concernant ces marchés.

Pour résumer, la jurisprudence aussi bien communautaire qu'interne rejette la qualification d'entreprise aux organismes de Sécurité sociale (I) ainsi qu'à certains organismes de protection sociale (II).

Résumé

Les URSSAF sont des organismes de droit privé chargés de l'exécution d'une mission de service public. Ils tiennent des dispositions de l'article L. 213-1 du Code de la Sécurité sociale, qui les institue, leur capacité juridique et leur qualité à agir dans l'exécution des missions qui leur ont été confiées par le législateur. N'étant pas soumises au droit de la concurrence et leur activité de recouvrement n'entrant dans aucune des catégories définies à l'article 1er du Code des marchés publics, les unions de recouvrement ne sauraient être assujetties aux Directives communautaires concernant ces marchés. Les URSSAF, instituées en vue de répondre à une mission exclusivement sociale fondée sur le principe de la solidarité nationale et dépourvue de tout but lucratif, ne constituent pas des entreprises au sens des règles européennes de la concurrence.

Commentaire

I - Statut des Caisses d'assurance maladie et autres organismes de la Sécurité sociale en droit européen de la concurrence

A - Organismes de droit interne

  • URSSAF

En l'espèce, un agent d'assurances fait grief à l'arrêt de dire que l'URSSAF avait la capacité juridique et était compétente pour recouvrer auprès de lui les cotisations et contributions sociales. Il invoquait, devant la Cour de cassation, qu'en retenant que cet organisme de droit privé ne serait pas soumis aux dispositions des Directives 92/50 CEE du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services (N° Lexbase : L7532AUI), et 2004/18 CEE du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés de travaux, de fournitures et de services (N° Lexbase : L1896DYU), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des textes susvisés. Au contraire, la Cour de cassation rappelle, comme nous l'avons déjà noté, que les URSSAF sont des organismes de droit privé chargés de l'exécution d'une mission de service public. Ils tiennent des dispositions de l'article L. 213-1 du Code de la Sécurité sociale, qui les institue, leur capacité juridique et leur qualité à agir dans l'exécution des missions qui leur ont été confiées par le législateur. N'étant pas soumises au droit de la concurrence et leur activité de recouvrement n'entrant dans aucune des catégories définies à l'article 1er du Code des marchés publics, les unions de recouvrement ne sauraient être assujetties aux Directives communautaires concernant ces marchés.

Par ailleurs, le même agent faisait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir poser devant la Cour de justice des Communautés européennes les trois questions préjudicielles formulées dans ses conclusions, alors que les questions tirées de la capacité, au regard des règles communautaires des URSSAF à percevoir des cotisations sociales pour le compte d'organismes de Sécurité sociale apparaissaient pertinentes. En refusant de faire droit aux demandes de questions préjudicielles formées par lui, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 49 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L2734ADM). Mais, selon la Cour de cassation, les URSSAF, instituées en vue de répondre à une mission exclusivement sociale fondée sur le principe de la solidarité nationale et dépourvue de tout but lucratif, ne constituent pas des entreprises au sens des règles européennes de la concurrence. Leur activité de recouvrement n'entre dans aucune des catégories définies à l'article 1er du Code des marchés publics. Les Directives européennes concernant ces marchés ne leurs sont pas applicables.

  • La CNAM

La jurisprudence administrative s'est alignée sur celle de la CJCE. En effet, pour le Conseil d'Etat, il résulte de l'interprétation donnée par la CJCE (CJCE, 17 février 1993, aff. C-159/91 et aff. C-160/91, Christian Poucet c/ Assurances générales de France et Caisse mutuelle régionale du Languedoc-Roussillon et Daniel Pistre c/ Caisse autonome nationale de compensation de l'assurance vieillesse des artisans (Cancava) N° Lexbase : A5814AYY), que les caisses du régime général de Sécurité sociale, qui concourent à la gestion du service public de la Sécurité sociale dans le cadre d'un régime obligatoire mettant en oeuvre le principe de la solidarité et sans poursuivre de but lucratif, n'exercent pas une activité économique (CE Contentieux, 10 novembre 1999, n° 203779, Syndicat national de l'industrie pharmaceutique et autres N° Lexbase : A4247AXL). Elles ne constituent pas des entreprises au sens de l'article 85 du Traité de Rome . Il en va, ainsi, en particulier, des caisses nationales d'assurance maladie, y compris lorsqu'elles concluent avec les organisations syndicales représentatives de médecins, en application des articles L. 162-5 (N° Lexbase : L1382GUQ) et L. 162-5-2 (N° Lexbase : L1383GUR) du Code de la Sécurité sociale, une ou des conventions destinées à définir les conditions de la prise en charge par le régime obligatoire de Sécurité sociale des soins dispensés aux assurés sociaux par les médecins d'exercice libéral, conventions qui peuvent prévoir la mise en place de filières de soins.

  • Régime des travailleurs non salariés non agricoles

La CJCE avait interprété l'article 2 § 2 de la Directive 92/49 du 18 juin 1992, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'assurance directe autre que l'assurance sur la vie et modifiant les Directives 73/239/CEE et 88/357/CEE (N° Lexbase : L7533AUK), en ce sens que des régimes de Sécurité sociale, tels que les régimes légaux de Sécurité sociale français, dont relèvent l'assurance maladie et maternité des travailleurs non salariés des professions non agricoles, l'assurance vieillesse des professions artisanales et l'assurance vieillesse des professions industrielles et commerciales, en sont exclus (CJCE, 26 mars 1996, aff. C-238/94, José García e.a. c/ Mutuelle de prévoyance sociale d'Aquitaine e.a. N° Lexbase : A9570AUY (1)). En effet, cette disposition établit clairement qu'elle exclut du champ d'application de la Directive, non seulement les organismes de Sécurité sociale, mais, également, les assurances et les opérations qu'ils effectuent à ce titre. Les Etats membres ont conservé leur compétence pour aménager leurs systèmes de Sécurité sociale et donc pour organiser des régimes obligatoires fondés sur la solidarité, régimes qui ne pourraient survivre si la Directive qui implique la suppression de l'obligation d'affiliation devait leur être appliquée.

De même, en droit interne, la Cour de cassation s'est alignée sur cette solution, en précisant que le régime de Sécurité sociale des travailleurs non salariés des professions non agricoles constitue un régime légal obligatoire de Sécurité sociale fondé sur un principe de solidarité et fonctionnant sur la répartition, et non la capitalisation. Quelle que soit leur forme juridique, les caisses en assurant la gestion ne constituent pas des entreprises au sens du Traité instituant la Communauté européenne. L'activité de ces organismes n'entrent pas dans le champs d'application des Directives concernant la concurrence en matière d'assurance (Cass. civ. 2, 23 mai 2007, n° 06-13.467, F-D N° Lexbase : A4922DW9 ; dans le même sens, et dans les mêmes termes, Cass. civ. 2, 25 avril 2007, n° 06-13.743, F-D N° Lexbase : A0329DW4).

La cour d'appel de Paris s'est ralliée à cette solution, s'agissant d'un travailleur indépendant (CA Paris, 18ème ch., sect. B, 11 octobre 2007, n° 05/00764, Mme Jacqueline Burlot Ecole de danse Lyne Burlot c/ Service N° Lexbase : A5850D33). En l'espèce, la cour a relevée que l'intéressée est fiscalement domiciliée en France. Elle est donc bien redevable de la CSG et de la CRDS sur les revenus qu'elle tire de son activité libérale, peu important qu'elle ait décidé de souscrire une assurance privée dans un autre pays de l'Union, son affiliation à ce régime légal de Sécurité sociale demeurant obligatoire sans que les risques encourus puissent être dissociés. Selon la cour d'appel, il est donc inexact de soutenir que les organismes de Sécurité sociale français chargés de la gestion d'un régime de Sécurité sociale légal et obligatoire, comme c'est le cas de l'URSSAF, sont tous apparentés à des mutuelles et qu'ils ont été privés de leur monopole faute de poursuivre une mission de service public et d'oeuvrer pour la solidarité nationale, en refusant l'ouverture du marché de la protection sociale à la libre concurrence des opérateurs privés proposant une tarification individualisée (mutuelles, société d'assurance), alors même que la France a fait le choix d'une Sécurité sociale protégeant solidairement l'ensemble de la population, quelles que soient les caractéristiques d'âge ou de santé des bénéficiaires. La contrepartie de cette solidarité est l'obligation, pour tous, de participer et de cotiser à un socle commun de base, qui est la meilleure garantie d'une protection sociale de haut niveau, solidaire et durable pour tous, peu important que le financement de cette protection sociale ne repose pas essentiellement sur le produit de l'impôt, mais sur des cotisations et contributions sociales dont l'assiette a été élargie à l'ensemble des revenus d'activité et de remplacement, contribuant ainsi à renforcer la participation de tous les acteurs sociaux à la cohésion nationale.

Toujours en droit communautaire, la CJCE avait précisé que les caisses de maladie ou les organismes qui concourent à la gestion du service public de la Sécurité sociale remplissent une fonction de caractère exclusivement social (CJCE, 17 février 1993, aff. C-159/91, préc. (2)). Cette activité est fondée sur le principe de la solidarité nationale et dépourvue de tout but lucratif. Les prestations versées sont des prestations légales et indépendantes du montant des cotisations. Cette activité n'est pas une activité économique. Les organismes qui en sont chargés ne constituent pas des entreprises au sens des articles 85 et 86 du Traité de Rome. La notion d'entreprise, au sens des articles 85 et 86 du Traité, ne vise pas, en effet, les organismes chargés de la gestion de régimes de Sécurité sociale.

Enfin, la Cour de cassation estimait que la Caisse autonome de retraite des médecins français (CARMF) gère un régime légal obligatoire de Sécurité sociale fonctionnant sur la répartition et non sur la capitalisation et fondé tant en ce qui concerne le régime de base que les régimes complémentaires sur la solidarité (Cass. soc., 22 juin 2000, n° 98-22.495, M. Pierron c/ Caisse autonome de retraite des médecins français N° Lexbase : A3766AUZ, Bull. civ. V, n° 241, p. 188). Elle ne constitue pas une entreprise au sens du Traité instituant la Communauté européenne. Les régimes qu'elle gère n'entrent pas dans le champ d'application des Directives concernant la concurrence en matière d'assurance.

B - Organismes en droit comparé

  • Caisse de maladie (droit allemand)

La CJCE a considéré que certains organismes chargés de la gestion de régimes légaux d'assurance maladie et d'assurance vieillesse poursuivent un objectif exclusivement social et n'exercent pas une activité économique (CJCE, 16 mars 2004, aff. C-264/01, AOK Bundesverband c/ Ichthyol-Gesellschaft Cordes, Hermani & Co N° Lexbase : A5822DBA (3)). Tel est le cas de caisses de maladie qui ne font qu'appliquer la loi et n'ont aucune possibilité d'influer sur le montant des cotisations, l'utilisation des fonds et la détermination du niveau des prestations. En effet, leur activité, fondée sur le principe de la solidarité nationale, est dépourvue de tout but lucratif et les prestations versées sont des prestations légales, indépendantes du montant des cotisations (CJCE, 17 février 1993, aff. C-159/91, préc., points 15 et 18) (point 47).

Les caisses de maladie sont légalement contraintes d'offrir à leurs affiliés des prestations obligatoires, qui sont indépendantes du montant des cotisations. Ces caisses n'ont, ainsi, aucune possibilité d'influer sur ces prestations (point 52). Les caisses de maladie ne sont donc pas en concurrence entre elles, ni avec des établissements privés pour l'octroi des prestations légales obligatoires en matière de soins ou de médicaments qui constitue leur fonction essentielle (point 53). Ces caisses de maladie s'apparentent aux organismes visés dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts "Poucet" (CJCE, 17 février 1993, aff. C-159/91, préc.) et "Pistre" (CJCE, 17 février 1993, aff. C-160/91, préc.), ainsi que "Cisal" (CJCE, 22 janvier 2002, aff. C-218/00, Cisal di Battistello Venanzio & C. Sas c/ Istituto nazionale per l'assicurazione contro gli infortuni sul lavoro (INAIL) N° Lexbase : A8473AX4) et que leur activité doit être considérée comme étant de nature non économique. L'activité d'organismes tels que les caisses de maladie n'étant pas de nature économique, il s'ensuit que ces organismes ne constituent pas des entreprises au sens des articles 81 et 82 du Traité CE.

  • Régime d'assurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles (droit italien)

En concourant à la gestion de l'une des branches traditionnelles de la Sécurité sociale (assurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles), l'INAIL (Institut national d'assurance contre les accidents du travail) remplit une fonction de caractère exclusivement social (CJCE, 22 janvier 2002, aff. C-218/00, Cisal di Battistello Venanzio & C. Sas c/ Istituto nazionale per l'assicurazione contro gli infortuni sul lavoro (INAIL) N° Lexbase : A8473AX4 (4)). Son activité n'est pas une activité économique au sens du droit de la concurrence. Cet organisme ne constitue pas une entreprise au sens des articles 85 et 86 du Traité (point 45). La notion d'entreprise, au sens des articles 85 et 86 du Traité, ne vise pas un organisme qui est chargé par la loi de la gestion d'un régime d'assurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles, tel que l'INAIL (point 46).

II - Autres organismes de protection sociale

A - Fonds de pension gérant un régime de vieillesse

Un fonds de pension, qui détermine lui-même le montant des cotisations et des prestations et fonctionne selon le principe de la capitalisation, qui a été chargé de la gestion d'un régime de pension complémentaire, instauré par une organisation représentative des membres d'une profession libérale, et auquel l'affiliation a été rendue obligatoire par les pouvoirs publics pour tous les membres de cette profession, est une entreprise au sens des articles 85, 86 et 90 du Traité de Rome (CJCE, 12 septembre 2000, aff. C-180/98, Pavel Pavlov e. a. c/ Stichting Pensioenfonds Medische Specialisten N° Lexbase : A5114AY3 (5)).

Il résulte d'une interprétation des articles 3-g et i , 85 § 1 du traité , 118 et 118 B du Traité , que des accords conclus dans le cadre de négociations collectives entre partenaires sociaux en vue d'atteindre des objectifs de politique sociale, tels que l'amélioration des conditions d'emploi et de travail, doivent être considérés, en raison de leur nature et de leur objet, comme ne relevant pas de l'article 85 § 1 du Traité (CJCE, 21 septembre 1999, aff. C-67/96, Albany International BV c/ Stichting Bedrijfspensioenfonds Textielindustrie N° Lexbase : A8062AYA (6)).

Ne relève pas de l'article 85 § 1 du Traité, en raison de sa nature et de son objet, un accord conclu sous la forme d'une convention collective qui met en place, dans un secteur déterminé, un régime de pension complémentaire géré par un fonds de pension auquel l'affiliation peut être rendue obligatoire par les pouvoirs publics. Un tel régime vise à garantir un certain niveau de pension à tous les travailleurs de ce secteur et contribue, dès lors, directement à l'amélioration de l'une des conditions de travail des travailleurs, à savoir leur rémunération. Les articles 3-g, 5 et 85 du Traité ne s'opposent pas à la décision des pouvoirs publics de rendre obligatoire, à la demande des organisations représentatives des employeurs et des travailleurs d'un secteur déterminé, l'affiliation à un fonds sectoriel de pension.

Pour la CJCE, est une entreprise un fonds de pension chargé de la gestion d'un régime de pension complémentaire, instauré par une convention collective conclue entre les organisations représentatives des employeurs et des travailleurs d'un secteur déterminé, auquel l'affiliation a été rendue obligatoire par les pouvoirs publics pour tous les travailleurs de ce secteur et qui fonctionne selon le principe de la capitalisation et exerce une activité économique en concurrence avec les compagnies d'assurances. Ni l'absence de but lucratif, ni la poursuite d'une finalité sociale ne suffisent à enlever à un tel fonds sa qualité d'entreprise au sens des règles de concurrence du traité.

Ne relève pas de l'article 85 § 1 du Traité, en raison de sa nature et de son objet, un accord conclu sous la forme d'une convention collective, qui met en place, dans un secteur déterminé, un régime de pension complémentaire géré par un fonds de pension auquel l'affiliation peut être rendue obligatoire par les pouvoirs publics. Un tel régime vise à garantir un certain niveau de pension à tous les travailleurs de ce secteur et contribue dès lors directement à l'amélioration de l'une des conditions de travail des travailleurs, à savoir leur rémunération (CJCE, 21 septembre 1999, aff. C-115/97, Brentjens' Handelsonderneming BV c/ Stichting Bedrijfspensioenfonds voor de Handel in Bouwmaterialen N° Lexbase : A8074AYP (7)).

B - Centrale d'achat de produits pharmaceutiques

Dès lors qu'une entité achète un produit, non pas pour offrir des biens ou des services dans le cadre d'une activité économique, mais pour en faire usage dans le cadre d'une autre activité, par exemple, une activité de nature purement sociale, elle n'agit pas en tant qu'entreprise du seul fait de sa qualité d'acheteur sur un marché (TPICE, 4 mars 2003, aff. T-319/99, Federación Nacional de Empresas de Instrumentación Científica, Médica, Técnica y Dental (FENIN) c/ Commission des Communautés européennes N° Lexbase : A3680A7G, RJS, 6/03, p. 470). Une telle entité peut exercer un pouvoir économique très important, lequel pourrait donner lieu à une situation de monopsone, il n'en reste pas moins que, dans la mesure où l'activité pour l'exercice de laquelle elle achète ces produits n'est pas de nature économique, elle n'agit pas en tant qu'entreprise au sens des règles communautaires en matière de concurrence et n'est donc pas visée par les interdictions prévues aux articles 81 § 1 et 82du Traité CE. Le SNS, géré par les ministères et autres entités, fonctionne conformément au principe de solidarité dans son mode de financement par des cotisations sociales et autres contributions étatiques et dans sa prestation gratuite de services à ses affiliés sur la base d'une couverture universelle. Ainsi, ces organismes n'agissent pas en tant qu'entreprises dans leur activité de gestion du SNS. Ces organismes n'agissent pas non plus en tant qu'entreprises lorsqu'ils achètent le matériel sanitaire vendu par les entreprises membres de l'association requérante aux fins d'offrir des services de santé gratuits aux affiliés du SNS.


(1) Recueil 1996, p. I-01673 ; Europe, 1996, mai, Comm. nº 202, p. 17 ; P. Laigre, Régimes de Sécurité sociale et entreprises d'assurance, Dr. soc., 1996, p. 705 ; C. Gavalda, et G. Parléani, JCP éd. E, 1997, I, 653, nº 20.
(2) Recueil 1993, p. I-00637 ; RJS, 1993, p. 206 ; P. Laigre, Les organismes de Sécurité sociale sont-ils des entreprises ?, Dr. Soc., 1993, p. 488 ; Europe 1993, avril, Comm. nº 172, p. 12 ; C. Bolze, Droit communautaire de l'entreprise, Revue trimestrielle de droit commercial et de droit économique, 1993, p. 429 ; D., 1993, Som., p. 277 ; P. Chenillet, Assurance vieillesse, Communauté européenne et libre concurrence, RDSS, 1993, p. 556 ; M.-A. Hermitte, Chronique de jurisprudence du Tribunal et de la Cour de justice des Communautés européennes. Concurrence, Journal du droit international, 1994, p. 503-505.
(3) Recueil 2004 p. I-02493 ; M. Bazex et S. Blazy, Nature de la décision fixant les prix des médicaments remboursables, Dr. adm., 2004, nº 74 ; J.-P. Lhernould, La fixation du taux de remboursement des médicaments est-elle contraire aux règles du droit de la concurrence ?, RJS, 2004, p. 440-442 ; J.-M. Belorgey, S. Gervasoni et C. Lambert, Les caisses d'assurance maladie allemandes ne sont pas des entreprises, AJDA, 2004, p. 1085 ; S. Poillot-Peruzzetto, Nouvelle rencontre entre le droit de la concurrence et la matière sociale, Contrats - concurrence - consommation, 2004, nº 144, p. 30 ; L. Idot, Champ d'application, Europe 2004, mai, Comm. nº 142, p. 26 ; B. Kotschy, La notion d'"entreprise" de l'article 81 CE et les caisses de maladie allemandes, Revue du droit de l'Union européenne, 2004, nº 1, p.104.
(4) Recueil 2002, p. I-00691.
(5) Recueil 2000, p. I-06451 ; J.-P. Lhernould, Nouvelles dérives libérales de la CJCE en matière de retraite complémentaire, Dr. soc., 2000, p. 1114 ; S. Poillot-Peruzzetto, Contrats - concurrence - consommation, 2000, nº 180, p. 18 ; A. Rigaux, Europe 2000, novembre, Comm. nº 341, p. 11 ; L. Idot, Europe 2000, novembre, Comm. nº 355, p. 20 ; C. Humpe, Revue du droit de l'Union européenne 2000, nº 4, p. 937 ; F. Muller, Affiliation obligatoire de médecins spécialistes à un fonds de pension : compatibilité avec les règles du droit de la concurrence, RDSS, 2001, p. 179.
(6) Recueil 1999, p. I-05751 ; C. Humpe, La jurisprudence de la Cour de justice et du Tribunal de première instance, Revue du marché unique européen, 1999, nº 4, p. 200-205 ; A. Rigaux, et D. Simon, Europe 1999, novembre, Comm. nº 369, p. 14 ; H. Nyssens, Revue de droit commercial belge 2000, p. 64 ; C. Prieto, Chronique de jurisprudence du Tribunal et de la Cour de justice des Communautés européennes, Journal du droit international 2000, p. 510.
(7) Recueil 1999 p. I-06025 ; C. Humpe, La jurisprudence de la Cour de justice et du Tribunal de première instance, Revue du marché unique européen 1999, nº 4, p. 200 ; A. Rigaux et D. Simon, Europe 1999, novembre, Comm. nº 369, p. 14 ; H. Nyssens, Revue de droit commercial belge 2000, p. 64 ; RJS 2000, p. 239 ; J.-P. Lhernould, Le monopole des organismes de protection sociale (encore) à l'épreuve du droit communautaire de la concurrence, JCP 2000, II, 10325 ; C. Prieto, Chronique de jurisprudence du Tribunal et de la Cour de justice des Communautés européennes, Journal du droit international 2000, p. 510 ; S. Poillot-Peruzzetto, Droit européen des affaires, Revue trimestrielle de droit commercial et de droit économique 2000, p. 491.


Décision

Cass. civ. 2, 20 mars 2008, n° 07-13.321, M. Bertrand Vallier, F-P+B (N° Lexbase : A4924D7I)

Rejet (CA Amiens, 5ème ch. soc., cabinet A, 30 janvier 2007)

Textes visés : Directive 92/50 CEE du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services (N° Lexbase : L7532AUI) ; Directive 2004/18 CEE du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés de travaux, de fournitures et de services (N° Lexbase : L1896DYU)

Mots-clefs : droit européen de la concurrence ; URSSAF ; qualification d'entreprise (non) ; Directive 92/50 CEE du 18 juin 1992 ; Directive 2004/18 CEE du 31 mars 2004 ; application aux URSSAF (non).

Liens bases : (N° Lexbase : E6626ABZ)

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