La lettre juridique n°289 du 24 janvier 2008 : Social général

[Textes] Commentaire des articles 2, 3, 7, 8 et 14 de l'accord sur la modernisation du marché du travail : détermination des moyens de création et de pérennisation de l'emploi

Réf. : Accord sur la modernisation du marché du travail du 11 janvier 2008

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N8301BDS

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[Textes] Commentaire des articles 2, 3, 7, 8 et 14 de l'accord sur la modernisation du marché du travail : détermination des moyens de création et de pérennisation de l'emploi. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3209742-textescommentairedesarticles2378et14delaccordsurlamodernisationdumarchedutravaild
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par Stéphanie Martin-Cuenot, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

le 07 Octobre 2010

Il aura fallu près de quatre mois pour aboutir à un accord historique, fruit des négociations entre les organisations syndicales et patronales, dont l'objectif numéro un est de faire baisser le chômage en France. Quatre mois de négociations qui ont conduit les partenaires sociaux à élaborer un accord national interprofessionnel (Ani), qui a vu le jour le 11 janvier dernier, et qui, comme son nom l'indique, vise à moderniser le marché du travail. L'accord sur la modernisation du marché du travail a été signé par quatre des cinq syndicats représentatifs au plan national (CFDT, FO, CFTC, CFE-CGC) et trois organisations patronales (Medef, CGPME, UPA). En présence d'un tel accord majoritaire, il ne reste plus au Gouvernement qu'à le transformer en projet de loi, projet qui pourrait être présenté en Conseil des ministres avant les municipales de mars. La philosophie de ce texte équilibré, son maître mot, est la "flexisécurité" à la française. Sans révolutionner à proprement parler le Code du travail, cet Ani assouplit l'encadrement des contrats de travail et sécurise les parcours professionnels. Déterminer les moyens de créer et de pérenniser l'emploi. Les partenaires sociaux semblent vouloir se donner les moyens de le réaliser. L'accord consacre 5 articles à la formation, l'accompagnement et l'anticipation des changements susceptibles de survenir dans la vie professionnelle du salarié. L'article 2 traite, en effet, de l'orientation professionnelle et des moyens d'optimiser son utilisation ; l'article 3 prévoit des mesures spécifiques à l'entrée des jeunes dans la vie professionnelle ; l'article 7 a trait à la formation professionnelle ; l'article 8 à la mobilité professionnelle et l'article 14 à l'ouverture à l'accès à la portabilité de certains droits.

Le problème, outre la nécessaire intervention du législateur, résulte des multiples renvois de l'accord à la négociation de branche, interprofessionnelle, voire d'entreprise, ceci risquant d'allonger le délai d'entrée en application effective du dispositif et de créer des disparités entre les branches et, donc, entre les salariés.

Si l'objectif fixé est louable, les moyens seront-ils suffisants ?

1. Accession et pérennisation de l'emploi

A. "Nouvelle orientation" de l'orientation professionnelle (article 2)

L'accord sur la modernisation du marché du travail vient donner une importance inédite et une nouvelle jeunesse à l'orientation en l'adaptant aux réalités du travail, ce qu'il convient d'approuver.

L'objectif est clairement précisé : réduire le taux d'échec et les sorties sans diplômes. Pour ce faire, les partenaires sociaux ont imaginé des moyens ou, plus justement, ont déterminé des lignes directrices, qu'il appartiendra aux partenaires sociaux de mettre en application. La détermination des modalités concrètes de mise en oeuvre de cette "orientation professionnelle nouvelle" est, en effet, renvoyée aux partenaires de la branche.

Vus l'intérêt et la nécessité de l'orientation professionnelle, il leur apparaît important de faire de l'orientation professionnelle un élément concret et accessible pour tous. L'un des moyens principaux mis en avant est la création de liens entre l'école et l'entreprise. L'orientation professionnelle ne sera plus simplement une présentation des différentes voix qui s'offrent au "demandeur", compte-tenu de sa formation ou de son expérience professionnelle, mais elle sera fonction du marché du travail et elle se fera en accord avec celui-ci.

Les partenaires sociaux souhaitent que soient définies des actions pour aider et rendre effective l'intervention des entreprises à l'école. L'accord ne vient pas définir les modalités de cette intervention, mais confie aux accords de branche, le soin de déterminer et définir les moyens permettant de les mettre en oeuvre.

Ils entendent, en outre, parallèlement, que soit mis en place un système d'information des salariés et des entreprises. L'information portera sur les secteurs d'activité, la diversité des métiers, les entreprises, les organisations, ainsi que sur la formation tout au long de la vie. Elle s'adressera donc à tous et devra permettre à la personne "demanderesse" de disposer d'informations sur les débouchés immédiats mais, également, à plus long terme, de l'orientation qu'il a choisie, qu'il envisage de choisir ou sur la profession qu'il occupe.

L'accord met, enfin, à la charge des partenaires sociaux le soin de diffuser et de valoriser les informations disponibles concernant les différents secteurs d'activité, les métiers y afférents et leurs évolutions prévisibles. Là encore aucun outil n'est clairement établi, mais l'accord suggère la création d'un site internet interprofessionnel destiné à recueillir et diffuer ces informations, ce qui vient confirmer la volonté d'en assurer la diffusion la plus large et la plus accessible (qui n'a pas accès à internet ?).

B. Facilitation de l'accès à l'emploi des plus jeunes (article 3)

Les partenaires sociaux ont souhaité permettre aux plus jeunes de mettre toutes les chances de leur côté pour accéder ou retrouver un emploi.

  • Prise en compte des stages et autres contrats de professionnalisation

Cet article vient prévoir et imposer la prise en compte effective des stages, contrats d'apprentissage et contrats de professionnalisation comme élément à part entière de la vie professionnelle du salarié.

Les partenaires sociaux souhaitent faire des stages inscrits dans un cursus pédagogique, des contrats de professionnalisation et des contrats d'apprentissage, un élément du parcours professionnel du salarié.

Lorsqu'un stage professionnel débouche sur un emploi dans la même entreprise, il est prévu que la durée du stage viendra réduire la durée de la période d'essai. Les partenaires posent, toutefois, une limite à cette prise en considération : la durée du stage prise en compte ne pourra être supérieure à la moitié de la période d'essai prévue au contrat.

Cette règle est clairement assortie d'un caractère d'ordre public social, puisque l'accord laisse aux accords de branche ou d'entreprise la possibilité de prévoir une disposition plus favorable, c'est-à-dire d'augmenter la durée du stage à imputer sur la période d'essai.

Les partenaires sociaux font du stage et du contrat d'apprentissage, ou du contrat de professionnalisation, un élément à part entière du parcours professionnel du salarié. Ces contrats feront, désormais, l'objet d'une mention sur le passeport formation du salarié.

Ils délèguent, enfin, aux accords de branche, la charge de rechercher et définir, prioritairement par le biais de la négociation collective, les moyens permettant de favoriser l'embauche des jeunes ayant accomplis des stages, contrats d'apprentissage ou de formation. Bien que marquant sa préférence pour les contrats de travail à durée indéterminée, l'accord laisse la possibilité aux partenaires sociaux d'orienter leurs efforts vers d'autres types de contrats de travail.

  • Aide aux plus jeunes

L'accord met, en premier lieu, en place, pour les jeunes de moins de 25 ans ayant perdu leur emploi, un dispositif d'accompagnement et d'indemnisation.

D'une part, en effet, le jeune de moins de 25 ans bénéficiera, à l'issue de son contrat de travail, d'un examen personnalisé et de mesures d'accompagnement. Ces mesures sont identiques à celles prévues par l'accord pour tout demandeur d'emploi (article 17). Elles ont pour objet de contribuer au retour le plus rapide possible du salarié dans un emploi et de répondre, de la manière la plus adéquate possible, aux besoins des entreprises.

D'autre part, il est prévu, pour les jeunes de moins de 25 ans, involontairement privés d'emploi et qui ne remplissent pas les conditions d'activité leur permettant de bénéficier d'une autre indemnité et, singulièrement, de leur prise en compte par l'assurance chômage, le versement d'une prime dont le montant et les modalités sont calqués sur les nouvelles règles prévues pour assurer un revenu de remplacement aux chômeurs (article 16). Il faudra donc attendre les résultats des négociations interprofessionnelles prévues au cours du 1er semestre 2008 pour en savoir plus à ce sujet (III de l'accord).

C. Développement de la formation professionnelle (article 7)

Dans ce domaine, il est prévu, au préalable, de faire un bilan de l'accord du 5 décembre 2003. Cet accord doit être éprouvé, son dispositif pérennisé mais, également, amélioré, car il est vu comme un élément favorisant l'évolution professionnelle du salarié. La formation professionnelle tout au long de la vie constitue, pour les partenaires sociaux, un élément déterminant la sécurisation du parcours professionnel.

Il s'agit donc de perpétuer et de compléter les actions de formation existantes et les dispositifs déjà en place, pour permettre à tout salarié de développer, parfaire, renouveler sa qualification, ses compétences et ses aptitudes. La volonté des partenaires sociaux est de déployer les moyens permettant de favoriser l'employabilité, le développement des compétences du salarié, afin qu'il conserve son emploi, ou, à tout le moins, un emploi.

Cette incitation et, partant, ces actions de formation, se feront en rapport avec les résultats de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, ce qui permettra d'optimiser la formation et au besoin de l'orienter "vers l'emploi".

L'accord donne aux partenaires sociaux au niveau interprofessionnel le soin de faire le bilan, de tirer les conséquences, de porter les améliorations et de prendre les dispositions propres à remplir ces objectifs.

C'est, également, à eux qu'il est demandé de développer le système de formation tout au long de la vie. L'accord commenté vient seulement donner des exemples de ce qu'il est possible de faire : simplifier le dispositif existant, mettre en place un accompagnement effectif du salarié candidat à la validation des acquis de l'expérience.

L'accent est mis, de ce point de vue, sur le passeport formation, qui doit trouver un plus large écho auprès des salariés. Celui-ci doit permettre de faciliter l'accès à l'emploi durable des salariés titulaires de contrats de travail à durée déterminée, de participer au développement des compétences des salariés à temps partiel (domaine dans lequel il est néanmoins prévu l'ouverture de négociations de branches afin de permettre aux travailleurs à temps partiel d'accéder à la formation).

Il est, enfin, imposé que la tenue des réunions de consultation du comité d'entreprise sur l'exécution du plan de formation de l'année ait lieu avant le 1er octobre, et celle sur le projet de plan de l'année avant le 31 décembre.

2. Sécurisation des "transitions"

Il s'agit d'une étape vers un dispositif plus poussé. L'accord voit, dans les deux dispositifs de mobilités et de transitions professionnelles, une première étape, qui doit être complétée par la mise en place d'autres dispositifs qui devront être déterminés par un groupe de travail.

Là encore aucune précision n'est donnée sur les fonctions et la composition de ce groupe, la seule chose connue est son objet, le maintien dans l'emploi, qu'il convient de saluer.

A. Accompagnement de la mobilité professionnelle et géographique (article 8)

Cette mobilité est vue, à juste titre par les partenaires sociaux, comme un moyen permettant de favoriser l'évolution et la promotion sociale du salarié et, par voie de conséquence, de le protéger contre la perte d'emploi ou, plus largement, contre l'inactivité.

L'accord s'intéresse précisément à deux pans de la mobilité professionnelle, celle voulue par le salarié et celle voulue par l'employeur.

La première est souvent abandonnée, faute pour le salarié d'avoir les éléments lui permettant de prendre une décision. Pour cette raison, l'accord vient ouvrir au salarié, souhaitant évoluer professionnellement, quelle que soit cette évolution, l'accès au service public de l'emploi, et ce, afin de lui offrir la possibilité d'obtenir les outils lui permettant d'acquérir de nouvelles compétences ou de changer de voie, comme, par exemple, des aides juridiques et financières à la création ou la reprise d'entreprise. Pour que cet accompagnement soit total et qu'il existe le moins possible d'obstacle au changement d'orientation du salarié, l'accord prévoit une recherche avec les pouvoirs publics d'un moyen qui pourrait permettre au salarié demandeur de bénéficier de la continuité de ses droits en cas de passage d'un régime à un autre, ce qui n'est pas le cas pour l'instant, or, ceci peut être un frein au changement.

La seconde, la mobilité géographique, singulièrement lorsqu'elle est imposée par l'employeur, est vécue comme un traumatisme. Pour cette raison, les partenaires sociaux souhaitent que soit mis en place un encadrement, un accompagnement à cette mobilité, ainsi que des dispositions pour anticiper ce changement.

Les partenaires sociaux fournissent une liste non limitative des dispositifs à créer au profit du salarié et de sa famille afin qu'il soit en mesure de se familiariser et, partant, d'accepter ce changement : visite du futur lieu de travail, aide au déménagement, aide à la recherche d'un logement, recherche d'un établissement scolaire, d'une voiture, d'un emploi pour le conjoint....

Un effort particulier doit être fait au niveau financier mais, également, au niveau de l'organisation pour permettre une bonne gestion du "futur dispositif mobilité". La réussite de cet accompagnement repose sur l'information qui en est faite. Pour cette raison, les partenaires sociaux de la branche et les organisations territoriales sont tenues de communiquer aux entreprises et aux salariés, les différents dispositifs existants, et d'assurer une large diffusion aux meilleures pratiques des autres branches afin d'inciter à leur reprise.

Outre ce nouvel engagement de la branche, l'accord impose aux entreprises de plus de 300 salariés de faire de cet accompagnement mobilité un véritable objectif de l'entreprise. Les modalités de mise en oeuvre de ce dispositif sont donc laissées à leur discrétion.

B. Ouverture de l'accès à la portabilité de certains droits (article 14)

L'accord vient mettre en place un mécanisme de portabilité des droits liés au contrat de travail en cas de rupture de celui-ci. Tout salarié, à la condition, toutefois, que son contrat de travail ne soit pas rompu pour faute lourde, pourra bénéficier de cette portabilité. Celle-ci porte sur divers droits expressément visés par l'accord.

En premier lieu, l'accord prévoit la conservation des couvertures complémentaires santé et prévoyance appliquées à leur ancienne entreprise pendant la période de chômage. La durée de ce maintien est, toutefois, encadrée. Il ne pourra, en effet, être inférieur à 3 mois et il ne pourra dépasser un tiers de la durée des droits à indemnisation du salarié. L'accord ne prévoit pas les modalités de financement du maintien de ces garanties (employeurs/salariés ou mutualisation), ce qui repousse de six mois l'entrée en application de ce mécanisme.

L'accord vient, en second lieu, permettre au salarié de mobiliser les heures acquises au titre du droit individuel à la formation (décret n° 2007-1470 du 15 octobre 2007, relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie des fonctionnaires de l'Etat N° Lexbase : L6782HYT, JO du 16 octobre 2007). C'est, ici, au salarié ayant perdu son emploi que s'adressent les partenaires sociaux. Il permet, en effet, au salarié, de décider, pendant la période de prise en charge par le régime d'assurance chômage, d'utiliser ces heures pour financer des actions de formation, des bilans de compétences, des VAE, ou des mesures d'accompagnement. Deux conditions sont, ici, posées : que le référant du salarié soit d'accord, et que cette utilisation ait lieu au cours de la première moitié de la période d'indemnisation du chômage. Le financement sera assuré par l'organisme paritaire collecteur agréé, dont dépendait l'établissement dans lequel travaillait antérieurement le salarié.

Le salarié peut, encore, décider d'utiliser les heures cumulées lors de son ancien emploi à l'occasion de son retour à l'emploi. Cette utilisation est, toutefois, subordonnée à l'accord du nouvel employeur et elle est limitée dans le temps, puisque le salarié doit émettre ce voeu avant l'expiration des deux années suivant l'embauche. C'est, ici, l'organisme paritaire collecteur agréé, dont dépend la nouvelle entreprise dans laquelle il est embauché, qui financera les actions de formation.

L'accord renvoie aux accords de branche la charge de déterminer et de matérialiser les modalités de mise en oeuvre de ce nouveau dispositif. Il ouvre, en outre, la portabilité à d'autres droits que ceux expressément visés (comptes épargnes retraites).

Les branches professionnelles sont tenues d'ouvrir, dans les 12 mois de l'entrée en vigueur de l'accord, des négociations pour permettre la mise en place du dispositif de portabilité, initié comme ouvert...

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