La lettre juridique n°289 du 24 janvier 2008 : Rel. individuelles de travail

[Textes] Commentaire des articles 10, 11, 12 et 13 de l'accord sur la modernisation du marché du travail : clarification des clauses spécifiques du contrat de travail et sécurisation dans sa rupture

Réf. : Accord sur la modernisation du marché du travail du 11 janvier 2008

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N8238BDH

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[Textes] Commentaire des articles 10, 11, 12 et 13 de l'accord sur la modernisation du marché du travail : clarification des clauses spécifiques du contrat de travail et sécurisation dans sa rupture. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3209733-textescommentairedesarticles101112et13delaccordsurlamodernisationdumarchedutravail
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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

le 07 Octobre 2010

Il aura fallu près de quatre mois pour aboutir à un accord historique, fruit des négociations entre les organisations syndicales et patronales, dont l'objectif numéro un est de faire baisser le chômage en France. Quatre mois de négociations qui ont conduit les partenaires sociaux à élaborer un accord national interprofessionnel (Ani), qui a vu le jour le 11 janvier dernier, et qui, comme son nom l'indique, vise à moderniser le marché du travail. L'accord sur la modernisation du marché du travail a été signé par quatre des cinq syndicats représentatifs au plan national (CFDT, FO, CFTC, CFE-CGC) et trois organisations patronales (Medef, CGPME, UPA). En présence d'un tel accord majoritaire, il ne reste plus au Gouvernement qu'à le transformer en projet de loi, projet qui pourrait être présenté en Conseil des ministres avant les municipales de mars. La philosophie de ce texte équilibré, son maître mot, est la "flexisécurité" à la française. Sans révolutionner à proprement parler le Code du travail, cet Ani assouplit l'encadrement des contrats de travail et sécurise les parcours professionnels. Dans cette optique, l'article 10 de l'accord permet de clarifier les clauses spécifiques du contrat de travail ; l'article 11 d'encadrer et sécuriser les ruptures du contrat de travail ; l'article 12 de privilégier les solutions négociées à l'occasion des ruptures du contrat de travail ; et l'article 13 de prévoir, lorsqu'un salarié n'a pas pu être reclassé à la suite d'une inaptitude d'origine non professionnelle, de faire servir les indemnités de rupture par un fonds de mutualisation professionnel.
  • Article 10 : clarifier les clauses spécifiques du contrat de travail

Situation actuelle

Le Code du travail n'impose pas la rédaction d'un contrat écrit pour les salariés titulaires d'un contrat de travail à durée indéterminée travaillant à temps plein, ni, à plus forte raison, la présence de clauses ; seuls les contrats spéciaux sont légalement soumis à des règles imposant la présence de clauses particulières (1).

C'est la jurisprudence qui a été conduite à préciser le régime de ces clauses et, singulièrement, à limiter le pouvoir normatif des parties en faisant une large application de l'article L. 120-2 du Code du travail (N° Lexbase : L5441ACI), afin de contrôler les stipulations portant une atteinte excessive et/ou injustifiée aux droits et libertés fondamentaux des salariés.

Dispositions de l'accord

L'accord dispose que "les contrats de travail devront préciser les conditions de mise en oeuvre" de clauses de non-concurrence, de mobilité, ou de délégation de pouvoir.

La situation des cadres fera l'objet d'une négociation interprofessionnelle spécifique dans un délai de six mois.

Commentaire

Sur ce point, l'accord innove en généralisant la rédaction d'un écrit pour tous les contrats et en imposant aux parties la rédaction d'un certain nombre de clauses, diffusant, ainsi, une pratique assez largement répandue.

Il faut se féliciter de cette initiative. L'absence de document écrit est, en effet, de nature à jeter le trouble sur le contenu exact des engagements des parties, singulièrement sur la détermination des obligations professionnelles du salarié.

Cette exigence conventionnelle ne saurait, toutefois, avoir, en elle-même, de force contraignante pour les parties contractantes, dans la mesure où la loi ne leur impose actuellement aucune obligation particulière ; il faudra donc, ici, attendre la modification du Code du travail. Il est, d'ailleurs, intéressant de noter que le nouveau Code du travail est déjà prêt à accueillir ces dispositions, dans la mesure où le nouveau plan a été conçu dans la perspective de la mise en place, par le législateur, d'un véritable régime du contrat de travail de droit commun (2).

Par ailleurs, l'accord ne prévoit que l'existence de "précisions", sans qu'il soit ici question de modifier les règles substantielles fixées par la jurisprudence. Ainsi, l'accord entérine l'exigence d'une contrepartie financière pour la clause de non-concurrence, posée par la Cour de cassation en 2002, alors que cette condition de validité ne va pas de soi (3).

Enfin, l'accord ne précise pas si l'écrit sera exigé à titre de moyen de preuve du contrat de travail (ce qui est actuellement le cas, conformément aux dispositions de l'article 1341 du Code civil N° Lexbase : L1451ABD), ou comme formalité substantielle dont le défaut pourrait entraîner l'annulation du contrat. Il est plus que vraisemblable que l'écrit sera exigé comme condition d'opposabilité au salarié des clauses qui y figurent, confirmant, ainsi, la jurisprudence actuelle.

Dans ces conditions, l'accord ne pourra que décevoir tous ceux qui attendaient des partenaires sociaux qu'ils fixent eux-mêmes le contenu des règles applicables aux principales clauses du contrat, singulièrement lorsqu'elles sont de nature à porter atteinte aux libertés des salariés.

Le chantier demeure donc ouvert, sans véritable indication pour le législateur.

  • Article 11 : Encadrer et sécuriser les ruptures du contrat de travail

- L'obligation de motiver les licenciements

Dispositions de l'accord

Sur ce point, l'accord se montre audacieux en demandant aux pouvoirs publics d'assurer le respect effectif de l'exigence d'une cause réelle et sérieuse pour tous les contrats de travail.

Commentaire

La volonté de rendre plus effective l'exigence d'une cause réelle et sérieuse vise très certainement le régime dérogatoire propre au "Contrat Nouvelles Embauches", instauré par l'ordonnance du 2 août 2005 (ordonnance n° 2005-893, relative au contrat de travail "nouvelles embauches" N° Lexbase : L0758HBP), et dont on sait qu'il écarte l'exigence d'une cause réelle et sérieuse pendant les deux premières années d'exécution du contrat (4). Or, de très nombreuses juridictions ont considéré que ces dispositions étaient contraires à la Convention 158 de l'OIT (5), et le bureau de l'OIT a, récemment, pris position dans le même sens (6).

En demandant aux pouvoirs publics d'assurer l'effectivité de cette exigence fondamentale, l'accord ouvre ainsi la voie, avec l'aval des organisations patronales signataires, à la réforme de ce contrat, ce dont on ne pourra que se réjouir compte-tenu des incertitudes qui affectent aujourd'hui son régime.

- L'amélioration de la lisibilité des droits contractuels

Dispositions de l'accord

Après avoir rappelé que le contrat de travail remplit, également, une fonction informative, l'accord innove en disposant que "le contrat de travail doit déterminer ceux des éléments qui ne pourront être modifiés sans l'accord du salarié", même si le texte renvoie à une réflexion commune des partenaires sociaux "dans les plus brefs délais".

Par ailleurs, l'accord ouvre la voie à la mise en place d'une procédure visant à encadrer la modification du contrat de travail, comme cela se fait légalement lorsque la modification du contrat repose sur un motif économique (7).

Commentaire

La désignation, dans le contrat de travail, des éléments essentiels qui ne peuvent être modifiés sans l'accord des deux parties part du constat que les contractants ne peuvent aujourd'hui se fier aux seules solutions jurisprudentielles, avec leur lot d'incertitudes et d'instabilité.

Il n'est, toutefois, pas certain que ces dispositions puissent recevoir une application effective sans une intervention "lourde" du législateur qui doterait lui-même le contrat de travail d'une force supérieure à celle qui est la sienne aujourd'hui.

La Cour de cassation considère, en effet, le droit du salarié de refuser une modification de son contrat de travail comme d'ordre public, ce qui s'oppose à toute clause autorisant l'employeur à modifier unilatéralement le contrat (8). On ne voit donc pas comment, dans ces conditions, les parties au contrat de travail pourraient imposer au juge leur conception des éléments essentiels, ce dernier étant toujours en mesure de leur opposer l'article 6 du Code civil (N° Lexbase : L2231ABA) et l'obligation qui est faite aux parties de respecter les dispositions légales d'ordre public.

Par ailleurs, la volonté de généraliser l'existence d'une procédure de révision du contrat, qui doit être pleinement approuvée, ne se traduit pas par des solutions précises, laissant, ainsi, le champ libre à la loi.

La question cruciale de la signification du silence gardé par le salarié sur la proposition que pourrait lui faire l'employeur n'est pas abordée.

Cette question a été tranchée dans un sens très favorable aux salariés par l'arrêt "Raquin", rendu en 1987, puisque le silence, tout comme la reprise du travail aux conditions nouvelles, ne valent pas acceptation (9). C'est, d'ailleurs, sur ce point que s'opposent aujourd'hui la modification du contrat pour un motif économique, où le silence gardé au bout d'un mois par le salarié vaut acceptation (10), et la règle prétorienne applicable à la modification pour un motif non économique.

Reste à déterminer si le législateur généralisera la procédure mise en place en matière économique, ce qui sonnerait le glas de la jurisprudence "Raquin", ou non. Pareil renversement de la jurisprudence n'est pas souhaitable. Le silence des salariés est, bien souvent, la meilleure arme de défense contre un exercice agressif du pouvoir de direction et la valeur de refus qui lui est attachée depuis 1987 est, non seulement conforme aux solutions qui prévalent en droit commun des contrats, mais, également, le seul moyen de protéger les salariés contre des modifications qui leur seraient imposées par l'employeur.

Une intervention a minima du législateur nous semble donc souhaitable pour imposer une proposition écrite et circonstanciée de modification du contrat de travail, fixer une durée minimale pendant laquelle le salarié aurait le droit de réfléchir et une durée maximale, qui pourrait être d'un mois, à l'issue de laquelle le salarié doit répondre, tout en conservant au silence sa valeur de refus.

- Les indemnités de rupture

Dispositions actuelles

Depuis la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 (loi n° 2002-73 N° Lexbase : L1304AW9), le montant de l'indemnité légale de licenciement varie selon le motif du licenciement (11). En présence d'un motif personnel, l'indemnité est d'un dixième de mois de salaire par année d'ancienneté, auquel il convient d'ajouter un quinzième supplémentaire par année d'ancienneté au-delà de dix ans, alors que ce montant est doublé en présence d'un licenciement pour motif économique, pour s'établir à deux dixièmes, le salarié bénéficiant de deux quinzièmes supplémentaires par année d'ancienneté au-delà de dix ans.

Dispositions de l'accord

Sans modifier les conditions d'octroi de l'indemnité de licenciement, actuellement fixées par l'article L. 122-9 du Code du travail, l'accord prévoit une indemnité conventionnelle dont le montant sera au minimum de 1/5ème de mois de salaire par année de présence. Le texte prévoit, par ailleurs, l'application préférentielle d'accords plus favorables pour les salariés ayant un an d'ancienneté dans leur entreprise.

Commentaire

Ces dispositions constituent une innovation majeure car elles mettent en place une indemnité conventionnelle de licenciement dont le montant est plus favorable que celui qui résulte de l'application combinée des articles L. 122-9 et R. 122-2 (N° Lexbase : L9012ACR) du Code du travail pour les salariés licenciés pour un motif non économique. Pareille indemnité est donc en soi applicable, sans relais législatif, même si son application effective est subordonnée à celle de la loi qui sera prise sur le fondement de l'accord.

L'accord a donc cette conséquence inattendue d'aligner conventionnellement les droits des salariés licenciés pour un motif personnel sur ceux des salariés licenciés pour un motif économique, contrairement, d'ailleurs, aux objectifs légalement affirmés dans l'article L. 122-9 du Code du travail.

L'accord présente une autre particularité. L'article 11 dispose que ce montant pourra être amélioré par des accords plus favorables pour les salariés "ayant au moins un an d'ancienneté". Dans la mesure où la section IV de l'accord stipule expressément "qu'il ne peut être dérogé à ces dispositions par accord de branche ou d'entreprise", cette condition d'une année ne pourra être portée à une durée supérieure, mais pourra, en revanche, être réduite, et ce conformément au principe de faveur (12).

- Le reçu pour solde de tout compte

Dispositions de l'accord

L'accord prévoit de redonner au reçu pour solde de tout compte la portée libératoire que la loi de modernisation sociale lui a retirée en 2002 (13), tout en portant le délai de dénonciation, fixé, avant 2002, à deux mois, à un délai supérieur, fixé par l'accord à six mois.

L'accord ne réintroduit pas, en revanche, l'obligation de dénonciation "écrite et dûment motivée", qui figurait dans l'ancienne version de l'article L. 122-17 du Code du travail.

Commentaire

Cette mesure est, bien entendu, destinée à sécuriser la rupture du contrat de travail et constitue, sous un abord technique, l'une des innovations majeures de l'accord. Sans qu'il soit besoin de conclure une transaction, la signature par le salarié (et sans réserves) du reçu pour solde de tout compte, et l'effet libératoire qui s'y attachera passé le délai de dénonciation de six mois, protégeront les entreprises contre les risques de contestations tardives. Les salariés devront, alors, faire diligence pour vérifier qu'ils ont bien été remplis dans leurs droits à l'occasion de la rupture de leur contrat de travail.

- La conciliation prud'homale

Dispositions de l'accord

L'accord vise à redonner son efficacité à la phase de la conciliation prud'homale, réduite aujourd'hui, dans 90 % des affaires, à une simple formalité.

Le texte imposera au demandeur, généralement le salarié, d'adresser au défendeur "l'objet de sa réclamation préalablement à la saisine du conseil de prud'hommes".

Par ailleurs, et lorsque l'une des parties ne peut comparaître personnellement, l'accord lui impose de fournir à son mandataire un document écrit l'autorisant à se concilier, mais, également, attestant du fait qu'il a conscience de s'exposer à voir sa demande rejetée pour cause de caducité, s'il est demandeur, ou à se voir condamné s'il est défendeur.

Le texte prévoit, enfin, la possibilité d'une conciliation partielle, autorisant la saisine du bureau de jugement lorsque sera constatée l'impossibilité des parties de se concilier.

Commentaire

Les partenaires sociaux ne modifient pas la possibilité pour les parties de ne pas comparaître personnellement en invoquant "un motif légitime" (14).

L'obligation, faite également à la partie qui ne comparaît pas personnellement, d'attester avoir pris connaissance des risques de caducité de l'article R. 516-16 du Code du travail (N° Lexbase : L0617AD9), ou de mesures prises à son encontre selon les termes de l'article R. 516-18 du même code (N° Lexbase : L0619ADB), devrait, également, inciter les parties à faire l'effort de comparaître personnellement.

L'exigence d'une notification à l'autre partie de ses griefs avant toute saisine du Conseil sera incontestablement de nature à favoriser l'ouverture de négociations avant toute saisine de la juridiction prud'homale, même si l'accord ne va pas jusqu'à imposer aux parties de tenter une transaction avant la saisine du bureau de conciliation.

Reste à déterminer si la modestie de ces dispositions sera suffisante pour redonner toute sa place à la conciliation prud'homale ; rien n'est moins sur.

- La réparation judiciaire du licenciement

L'introduction de plafonds d'indemnisation

Sur ce point, l'accord se montre encore innovant en appelant les pouvoirs publics à introduire un plafond aux indemnités accordées aux salariés pour sanctionner le défaut de cause réelle et sérieuse, et ce, en sus du plancher actuel de l'article L. 122-14-4 du Code du travail (N° Lexbase : L8990G74) (15).

Pareils plafonds existent déjà, notamment, pour sanctionner le non-respect de la procédure de licenciement lorsque ce dernier est, par ailleurs, justifié (16) ; il s'agirait donc, ici, de généraliser cette règle.

Si l'on comprend bien l'objectif de la réforme qui vise à s'opposer au versement de sommes faramineuses, pareil plafond pourrait bien heurter le principe de réparation intégrale. Il convient, toutefois, de préciser que ce principe n'a pas de valeur constitutionnelle, le législateur étant seulement tenu d'assurer le respect du principe de réparation de l'intégralité des préjudices, tout en pouvant, pour un motif d'intérêt général suffisant, limiter la réparation pour chaque chef de préjudice (17).

Cette réforme renforce l'idée que les dommages et intérêts accordés aux salariés s'analysent, pour l'entreprise, moins comme la réparation d'un préjudice subi par le salarié que comme une pénalisation d'un comportement antisocial ; on ne peut, en effet, manquer de faire le rapprochement avec l'existence des peines plancher et le plafond du droit pénal.

La fin de la jurisprudence "Rogie"

L'accord prévoit, également, de revenir sur l'une des jurisprudences les plus contestées, et les plus contestables, concernant la procédure du licenciement. On sait, en effet, que, depuis l'arrêt "Rogie" de 1990 (18), l'employeur qui ne motive pas suffisamment la lettre de licenciement sera automatiquement condamné pour défaut de cause réelle et sérieuse. Cette règle conduit à une hyper-formalisation de la procédure de licenciement et à condamner des employeurs pour des insuffisances formelles, et ce dans des hypothèses où le licenciement repose bien sur une cause réelle et sérieuse.

En permettant au juge de "rechercher dans ce cas la cause du licenciement et à statuer sur son caractère réel et sérieux", l'accord met fin à une injustice qu'il était temps de réparer. Certes, cette disposition est de nature à renchérir le nombre des procès, puisque, jusqu'à présent, l'employeur qui prenait conscience des insuffisances de la motivation de sa lettre de licenciement était fortement incité à transiger. Mais, il nous semble que ce risque est le prix à payer pour une juste réforme.

  • Article 12 : Privilégier les solutions négociées à l'occasion des ruptures du contrat de travail

- La rupture conventionnelle

L'encadrement de la procédure conduisant à un accord de rupture amiable

L'accord s'efforce de favoriser la conclusion d'accords de rupture amiables, tout en encadrant cette pratique afin que soient sauvegardés les droits collectifs et individuels des salariés. Le texte prévoit, ainsi, la possibilité, pour le salarié et pour l'employeur, de se faire assister pendant la phase de négociation, comme le salarié peut, d'ailleurs, le faire aujourd'hui lors de l'entretien préalable au licenciement. Il impose, également, l'information préalable du salarié sur les droits ouverts par la rupture, notamment, en matière de prestations de chômage ou de droit à la formation.

Le texte exporte aussi, de manière très intéressante, la technique consumériste du délai de rétractation pour permettre au salarié de revenir sur sa signature dans un délai de quinze jours.

Il impose, également, la rédaction d'un document en trois exemplaires, dont l'un devra être transmis au directeur départemental du travail.

L'autorisation administrative de rupture

La disposition la plus innovante réside certainement dans l'homologation, par le directeur départemental du travail, de l'accord conclu par les parties, une fois expiré le délai de rétractation de quinze jours.

Si cette mesure est de nature à permettre de s'assurer que les droits du salarié n'ont pas été bafoués par la conclusion de l'accord de rupture amiable, cette procédure n'est pas sans poser de très nombreux problèmes.

En premier lieu, l'accord réintroduit, certes, d'une manière nouvelle, la vieille autorisation administrative des licenciements économiques qui avait été supprimée en 1986, et dont on pensait qu'elle appartenait désormais à l'histoire.

En second lieu, se pose la question des recours ouverts contre cette homologation ; dans la mesure où elle conduit à la rupture du contrat de travail, elle semble, en effet, faire grief aux parties et se trouver ainsi exposée à des recours administratifs (19). D'autres interrogations subsistent : quid de la possibilité de saisir le juge prud'homal d'une demande en annulation de cette convention homologuée (20), de l'articulation avec la procédure de l'autorisation administrative de licenciement pour les salariés protégés, de l'insertion de cette procédure dans les obligations procédurales de l'employeur en matière de licenciement pour motif économique (21), etc. ?

Par conséquent, il faudra attendre, de l'aveu même des partenaires sociaux, les modalités de mise en oeuvre de ces dispositions par les pouvoirs publics pour avoir des réponses à toutes ces questions...

Le plus sage serait de renoncer à cette homologation qui nous semble poser plus de problèmes qu'elle n'est censée en résoudre.

Le régime indemnitaire de la rupture négociée

L'accord innove, ici, de manière considérable par rapport au régime de l'actuel accord de rupture amiable.

Dans l'état actuel du droit, l'accord de rupture amiable ne traduit pas l'existence d'une "perte involontaire d'emploi", au sens de l'article L. 351-1 du Code du travail (N° Lexbase : L6240AC4), et ne permet pas au salarié de prétendre bénéficier de l'assurance-chômage, sauf à tenter sa chance devant la commission paritaire de l'ASSEDIC. Or, le texte de l'accord interprofessionnel ouvre droit aux prestations de l'assurance-chômage, dans les conditions du droit commun, dès lors que l'accord a été homologué.

Par ailleurs, le salarié aura droit à une indemnité, exonérée de charges sociales et fiscales, et identique, dans son montant, à la nouvelle indemnité conventionnelle de licenciement.

- La rupture pour réalisation de l'objet défini au contrat

Dispositions de l'accord

Il s'agit, ici, d'introduire au régime des contrats à durée déterminée une nouvelle dérogation expérimentale à la durée maximale de 18 mois pour des contrats à terme imprécis conclus avec certains cadres et ingénieurs pour la réalisation "de certains projets". Dans ce cas de figure, la durée minimale du contrat serait fixée à 18 mois et la durée maximale à 36, sans possibilité de renouvellement.

Le recours à ces contrats ne pourrait se faire que dans un cadre collectif (accord de branche étendu ou accord d'entreprise) et jamais pour faire face à un accroissement temporaire d'activité.

L'accord traite ce contrat selon les dispositions habituellement applicables aux contrats à durée déterminée (clauses écrites obligatoires précisant notamment l'objet justifiant le recours au contrat, indemnité de précarité au terme du contrat (22) ), tout en introduisant certains éléments du régime des contrats à durée indéterminée, comme le délai de prévenance de deux mois avant l'arrivée du terme. Il précise, par ailleurs, que le salarié à qui la cessation des relations contractuelles n'est pas imputable pourra bénéficier des allocations de chômage et des mesures d'accompagnement offertes aux salariés licenciés.

Commentaire

Contrairement à ce qui a été souvent affirmé, il s'agit bien ici de mettre en place une extension du régime actuel des contrats à durée déterminée, et non de favoriser l'émergence d'un nouveau motif autonome de rupture d'un contrat de travail à durée indéterminée. Il en résulte que, sous réserve des dispositions spécifiques qui seront introduites par la loi à venir, les titulaires de ces nouveaux contrats relèveront du droit commun des contrats à durée déterminée ; continueront donc de s'appliquer les dispositions relatives à la rupture anticipée (23), ainsi que les sanctions encourues par l'employeur qui ne respecterait pas ces règles (24).

  • Article 13 : Les ruptures pour inaptitude d'origine non professionnelle

Le texte prévoit, lorsqu'un salarié n'a pas pu être reclassé à la suite d'une inaptitude d'origine non professionnelle, de faire servir les indemnités de rupture par un fonds de mutualisation professionnel.




(1) Contrats à durée déterminée, de travail temporaire, à temps partiel, CNE, etc..
(2) On pourrait, ainsi, imaginer la création d'une section IV (Clauses du contrat de travail) dans le chapitre premier (formation du contrat de travail) du titre 2 (Formation et exécution du contrat de travail) du Livre II (Le contrat de travail) de la première partie (Relations individuelles de travail) du Code du travail.
(3) Cass. soc., 10 juillet 2002, n° 99-43.334, M. Alain Moline c/ Société MSAS cargo international, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A0769AZI). V. nos obs., La Cour de cassation prise en flagrant délit de violation du principe de la prohibition des arrêts de règlement, Lexbase Hebdo n° 33 du 25 juillet 2002 - édition sociale (N° Lexbase : N3574AAM).
(4) Art. 2.
(5) CPH Longjumeau, 28 avril 2006, n° 06/00316, Mlle Linda de Wee c/ M. Philippe Samzun (N° Lexbase : A3873DTM), JCP S 2006, 1424, note P. Morvan ; SSL 12 juin 2006, note F. Favennec-Héry ; RTD civ. 2007, p. chron. R. Encinas de Munagory ; CA Bordeaux, 18 juin 2007, n° 06/04806 ; CA Paris, 18ème ch., sect. E, 6 juillet 2007, n° 06/06992, Monsieur le procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Evry c/ Mademoiselle Linde de Wee (N° Lexbase : A1564DX9), JCP S 2007, n° 1565, note P. Morvan. V., également, les obs. de Ch. Willmann, Le contrat nouvelles embauches contraire à la Convention n° 158 de l'OIT, Lexbase Hebdo n° 268 du 11 juillet 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N7948BBY).


(6) CA OIT, 14 novembre 2007, GB 200/20/6, novembre 2007. Lire le Rapport adopté par le conseil d'administration de l'OIT le 6 novembre 2007. V., également, les obs. de Ch. Willmann, Contrairement au Conseil d'Etat, l'OIT invalide le contrat nouvelles embauches, Lexbase Hebdo n° 283 du 28 novembre 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N2230BDX).
(7) C. trav., art. L. 321-1-2 (N° Lexbase : L8923G7M).
(8) Cass. soc., 27 février 2001, n° 99-40.219, Groupe des assurances nationales (GAN Vie) c/ M. Rouillot (N° Lexbase : A0505ATU), Dr. soc. 2001, p. 514, et la chron. ; D. 2001, somm. p. 2166, obs. S. Frossard - 5 juin 2001, Dr. soc. 2001, p. 887, et les obs..
(9) Cass. soc., 8 octobre 1987, n° 84-41.902, M Raquin et autre c/ Société anonyme Jacques Marchand (N° Lexbase : A1981ABY), Dr. soc. 1988, p. 140, note J. Savatier.
(10) C. trav., art. L. 321-1-2.
(11) C. trav., art. L. 122-9 (N° Lexbase : L5559ACU).
(12) Sur le sens à donner à la notion de "dérogation" dans la loi du 4 mai 2004 (loi n° 2004-391, relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social N° Lexbase : L1877DY8), voir la circulaire du 22 septembre 2004, Fiche 2, point 1.3.1, al. 4 (circ. DRT, n° 2004-09, du 22 septembre 2004, relative au titre II de la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004, relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social N° Lexbase : L7884GT8).
(13) C. trav., art. L. 122-17 (N° Lexbase : L5480ACX).
(14) C. trav., art. R. 516-4 (N° Lexbase : L0650ADG).
(15) Salaire des six derniers mois pour les salariés des entreprises de onze salariés et plus ayant une ancienneté d'au moins deux ans (C. trav., art. L. 122-14-5 N° Lexbase : L5570ACB).
(16) Un mois de salaire (C. trav., art. L. 122-14-4 N° Lexbase : L8990G74).
(17) Voir notre étude, Liberté, égalité, responsabilité dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, Les cahiers du conseil constitutionnel, n° 16, 2004, pp. 111-122.
(18) Cass. soc., 29 novembre 1990, n° 88-44.308, M. Rogie c/ Société Sermaize Distribution (N° Lexbase : A9329AAR), D. 1991, p. 99, note J. Savatier.
(19) Cette conclusion s'impose pour le refus d'homologation qui fait grief aux deux parties. On peut, en revanche, s'interroger sur l'homologation elle-même, même si elle apparaît bien comme une "décision" administrative qui produit des effets de droit pour les deux parties, puisqu'elle conduit à rompre le contrat de travail.
(20) Le juge serait, alors, tenu de poser une question préjudicielle au juge administratif sur la légalité de l'homologation.
(21) L'accord ne semble, en effet, pas souhaiter que ces accords échappent au champ d'application du plan de sauvegarde de l'emploi, comme le confirme le préambule du point a), aux termes duquel ces dispositions ne doivent pas "porter atteinte aux procédures de licenciements collectifs pour cause économique".
(22) D'un montant de 10 %.
(23) Licéité de cette rupture avant terme subordonnée à la preuve d'un accord des parties, d'une faute grave, d'un cas de force majeure ou de la conclusion par le salarié d'un CDI.
(24) Paiement des salaires dus jusqu'au terme prévisible du contrat.

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