La lettre juridique n°259 du 10 mai 2007 : Fiscalité des particuliers

[Jurisprudence] Succession et ISF : conditions de déduction de l'indemnité de résiliation de bail commercial versée après le décès du bailleur

Réf. : Cass. com., 20 mars 2007, n° 06-14.259 (N° Lexbase : A7255DUA) et n° 05-21.526 (N° Lexbase : A7254DU9), Directeur général des impôts, FS-P+B+I+R

Lecture: 3 min

N0382BBR

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Jurisprudence] Succession et ISF : conditions de déduction de l'indemnité de résiliation de bail commercial versée après le décès du bailleur. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3209103-jurisprudence-succession-et-isf-conditions-de-deduction-de-lindemnite-de-resiliation-de-bail-commerc
Copier

par Daniel Faucher, Consultant au CRIDON de Paris

le 07 Octobre 2010

Aux termes de deux décisions rendues le 20 mars 2007, la Chambre commerciale de la Cour de cassation précise que l'indemnité de résiliation de bail à verser, alors qu'une promesse de vente du local loué avait été signée avant le décès du bailleur, n'est ni déductible de l'assiette de l'ISF, ni déductible de la succession. Le litige qui opposait l'administration fiscale à un conjoint survivant portait sur la déduction, tant de l'assiette de l'ISF que de l'actif de succession, d'une indemnité de résiliation de bail que s'était engagée à verser son épouse avant son décès. Cette indemnité devait être payée au preneur dans les quinze jours de la vente de la propriété louée. Pour admettre cette déduction, la cour d'appel avait considéré qu'une telle dette était certaine au jour du décès puisqu'une promesse de vente des locaux loués avait été signée avant le décès. La Cour de cassation a censuré une telle décision qui érigeait en terme un événement incertain non seulement dans sa date, mais aussi dans sa réalisation puisque l'existence de l'obligation au paiement de l'indemnité était subordonnée à la vente. La dette en cause n'était donc que conditionnelle, subordonnée à la vente de la propriété.

1. Condition de déduction des dettes

Selon la doctrine administrative, sauf exceptions concernant certains frais postérieurs au décès, seules les dettes à la charge personnelle du défunt au jour de l'ouverture de la succession sont admises en déduction de l'actif héréditaire (Doc. adm. 2321, du 20 décembre 1996, n° 2). Ainsi, la dette qui résulte d'un devis de travaux immobiliers accepté par le défunt avant son décès et dont l'exécution n'est nullement subordonnée à une condition suspensive constitue un passif successoral immédiatement déductible (Cass. com., 2 décembre 1986, n° 84-17.833, Directeur Général des Impôts c/ Mme O'Mahony N° Lexbase : A2676AAD). On remarquera qu'il n'est pas nécessaire que les dettes soient liquides pour être déduites. Il suffit qu'elles existent dans leur principe, encore que leur montant ne soit pas arrêté. Toutefois, dans cette hypothèse, la déduction ne peut être effectivement opérée que lorsque le montant est définitivement arrêté. Autrement dit, dans un premier temps, une telle dette doit figurer pour mémoire dans la déclaration de succession. Dans un second temps, dès que le montant est définitivement fixé, elle est admise en déduction par voie de réclamation et les droits perçus en trop restitués.

En revanche, les dettes dont l'existence est incertaine ne sont pas déductibles. Tel est le cas des dettes soumises à une condition suspensive ou encore des dettes litigieuses. Bien entendu, de telles dettes deviennent déductibles, également par voie de réclamation, lorsque la condition se réalise après le dépôt de la déclaration de succession. Tel est le cas, par exemple, selon l'administration, des dépôts de garanties détenus par un bailleur qui ne peuvent être admis en passif de succession que lorsque la créance des preneurs devient effective en fin de bail.

Ainsi, le critère qui permet de déterminer la date de déduction est celui qui départage le terme et la condition. Une dette à terme, dont le montant est définitivement fixé avant le décès est déductible dès le dépôt de la déclaration de succession. Une dette à terme dont le montant n'est pas encore fixé au jour du décès, ou une créance dont le terme est incertain, est déductible, après avoir figuré au passif pour mémoire, par voie de réclamation. Enfin, une dette conditionnelle n'est déductible par voie de réclamation, que si la condition de réalise.

2. Critère du terme et de la condition

Terme et condition font tous deux dépendre l'exécution d'une obligation, ou son extinction, d'un événement futur. Le terme est un événement futur, mais de réalisation nécessaire, qui affecte la date d'exécution de l'obligation, soit en suspendant son exigibilité -terme suspensif-, soit en l'éteignant -terme extinctif-. L'existence d'une condition, qu'elle soit suspensive ou résolutoire, est caractérisée lorsque l'évènement dont dépend l'obligation est futur et incertain. Ainsi, la première différence entre le terme et la condition tient à ce que la condition porte sur un évènement dont la réalisation est incertaine, alors que, s'agissant du terme, la réalisation est acquise. La seconde différence, sans influence en matière de passif successoral ou d'ISF, tient à ce que la condition, lorsqu'elle se réalise, a un effet rétroactif alors que le terme ne s'accompagne d'aucune rétroactivité. Si la différence entre terme et condition peut paraître caractérisée, il ne faut pas ignorer que l'événement conditionnant l'exécution de l'obligation peut dépendre de la volonté des parties -modalité potestative- ou échapper à leur volonté -modalité casuelle-. Lorsque l'événement dépend de la volonté d'une ou des parties, il est nécessaire d'analyser l'intention de la ou des parties pour déterminer si elles considéraient la réalisation de l'événement comme définitivement acquise ou non. En effet, si l'événement est objectivement incertain, il y a condition ; si sa survenance est tenue pour assurée, la qualification de terme peut être retenue, mais il s'agit d'un terme incertain. Tel est le cas d'une personne qui s'engage à acquitter sa dette à la suite d'un événement qui ne dépend que d'elle, comme la vente d'un bien lui appartenant : la condition est potestative si le débiteur s'engage à payer "s'il vend le bien". En revanche, on se trouve en présence d'un terme, mais ce terme est incertain, s'il s'engage à payer "quand il vendra le bien".

Au cas particulier ayant donné lieu aux décisions du 20 mars 2007, quand bien même une promesse de vente aurait été signée avant le décès, la Cour a estimé que la vente devait être considérée comme un événement incertain, de sorte que l'obligation de verser l'indemnité de résiliation était conditionnelle. Le juge a donc considéré que la stipulation d'un paiement "dans les quinze jours de la vente de la propriété" ne pouvait permettre de considérer la dette comme une dette certaine à la charge du défunt, immédiatement déductible. Il estime même que la dette était conditionnelle, ce qui excluait de l'analyser comme une dette dont le terme était incertain. En pratique, dans les deux cas, la solution fiscale est la même : la dette est déductible, par voie de réclamation, lorsqu'elle est définitivement acquise et fixée dans son montant.

newsid:280382

Cookies juridiques

Considérant en premier lieu que le site requiert le consentement de l'utilisateur pour l'usage des cookies; Considérant en second lieu qu'une navigation sans cookies, c'est comme naviguer sans boussole; Considérant enfin que lesdits cookies n'ont d'autre utilité que l'optimisation de votre expérience en ligne; Par ces motifs, la Cour vous invite à les autoriser pour votre propre confort en ligne.

En savoir plus