Réf. : Cass. soc., 4 avril 2007, n° 05-42.856, Société H3S, F-D (N° Lexbase : A8998DUS)
Lecture: 6 min
N9216BAL
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
le 07 Octobre 2010
Cass. soc., 4 avril 2007, n° 05-42.856, Société H3S, F-D (N° Lexbase : A8998DUS)
Est nulle la transaction singée postérieure au licenciement mais dont le projet avait été envoyé et accepté à la salariée avant la rupture. |
I - Renforcement des conditions de validité de la transaction
L'article 2044 du Code civil (N° Lexbase : L2289ABE) dispose que la transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître.
Transposée au droit du travail, la transaction devient une convention par laquelle les parties au contrat de travail mettent fin, par des concessions réciproques, à toute contestation née ou à naître résultant de cette rupture (2). Il ne s'agit pas d'un mode de rupture du contrat de travail mais d'une modalité de règlement des conséquences de cette rupture. Elle doit nécessairement être conclue, pour cette raison, postérieurement à la rupture du contrat de travail.
Après avoir fait preuve d'une certaine souplesse, les juges sont venus renforcer leurs exigences sur cette question, imposant, dans toutes les hypothèses, que la conclusion de la transaction intervienne après que le licenciement ait été notifié au salarié.
Autrefois, en effet, les juges avaient admis que le transaction intervienne de façon concomitante (3), voire un peu avant le prononcé de la rupture du contrat de travail (4).
Tel n'est plus le cas. Elle n'admet, désormais, la validité des transactions que lorsqu'elles ont été conclues postérieurement à la notification de la rupture de son contrat de travail au salarié (5).
Cette position résulte de l'importance accrue que la jurisprudence a accordé aux concessions réciproques. Or l'existence de concessions réciproques s'apprécie au moment de la signature de l'acte (6) eu égard à la lettre de licenciement (7). Dans la mesure où c'est la lettre de licenciement qui fixe les termes du litige, lesquels déterminent l'existence de concessions réciproques, on ne peut qu'approuver la position prise par la Haute juridiction dans la décision commentée.
Pour cette dernière, en effet, le fait que les parties se soient entendues avant la notification de la rupture du contrat de travail, empêche de reconnaître la validité de la transaction conclue postérieurement à la rupture dans la mesure où à la date à laquelle les parties se sont mises d'accord, la transaction n'a pu valablement régler le différent des parties sur la qualification de la rupture ou ses effets puisque le licenciement n'était pas prononcé.
Cette solution ne peut qu'être approuvée, un autre principe aurait été contraire non seulement à l'objet et à la forme de la transaction mais encore à l'ordre public social.
II - Une solution respectueuse de la singularité du droit du travail
Comment peut-on proposer à un salarié d'accepter une transaction alors même qu'il n'est pas en mesure d'apprécier les concessions que lui fait l'employeur, faute d'avoir eu la possibilité de prendre connaissance de ce qui lui était reproché ? C'est impossible, eu égard, non seulement à l'objet de la transaction, mais encore au respect de l'ordre public social.
Nous l'avons vu précédemment, la transaction est une convention par laquelle les parties au contrat de travail mettent fin, par des concessions réciproques, à toute contestation née ou à naître résultant de cette rupture (8).
L'employeur, en faisant parvenir au salarié avant la notification de la rupture de son contrat de travail un projet de transaction, l'avait mis dans l'impossibilité d'apprécier les concessions qu'il faisait. Ne sachant pas exactement ce qui lui était reproché, le salarié ne pouvait se faire une idée sur l'importance de ce que lui concédait l'employeur et ne pouvait donc l'accepter. Son acceptation risquait, en outre, d'être viciée puisque, dans l'impossibilité de mesurer les concessions de l'employeur, le salarié risquait de renoncer au minimum légal.
Or, il est d'ordre public en droit du travail que le salarié ne peut renoncer au minimum qu'il tient de la loi.
La transaction révélant l'acceptation par le salarié de droits inférieurs à ceux qui lui accorde la loi, ou la convention collective dans la même hypothèse est nulle faute de concessions de l'employeur (9).
Comment le salarié, pouvait-il savoir à quoi s'élevait ce minimum au moment où l'employeur lui a soumis le projet de transaction ? C'était impossible. C'est, en effet, la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige et permet de déterminer la cause du licenciement prononcé et donc les indemnités auxquelles peut prétendre le salarié. En l'absence d'une telle lettre, le salarié n'est pas en mesure d'apprécier ce à quoi il peut prétendre en vertu de la loi, et donc a fortiori, si ce que l'employeur lui accorde est supérieur ou au moins égal à ce à quoi qu'il pouvait prétendre en conséquence de cette rupture.
Le salarié ne pouvait donc pas valablement accepter la transaction au moment où elle lui avait été proposée.
Il ne le pouvait d'autant moins qu'il ne savait pas "officiellement" quel motif de licenciement l'employeur allait invoquer au soutien de la rupture, et donc, s'il y avait lieu de transiger.
Ce n'est ainsi pas systématiquement la date de signature de la transaction qui détermine sa validité mais la date à laquelle les parties se sont mises d'accord sur le contenu de la transaction. Cette dernière date ne peut, en toute hypothèse, qu'être concomitante à la signature de la transaction, l'écrit n'étant là que pour laisser une trace de l'accord des parties.
Soumises à diverses conditions de fonds, la transaction n'est soumise à aucune condition de forme particulière. L'écrit n'est, en effet, exigé qu'à titre de preuve. Une transaction peut donc parfaitement être conclue verbalement, le seul risque d'une telle forme étant que, en cas de litige, les parties risquent d'éprouver des difficultés pour établir l'existence et l'étendue de la transaction qu'elles ont conclue (10).
La transaction est donc parfaite par le seul échange des consentements des parties. Or comme l'illustre la décision commentée, ce consentement peut intervenir au moment de la rédaction de l'écrit ou avoir été donné préalablement à la signature de l'écrit. Dans cette dernière hypothèse, l'écrit qui ne constitue que la matérialisation de l'accord préalable des parties, ne peut servir à valider la transaction irrégulièrement acceptée.
Prudence donc dans les phases préalables au licenciement... et surtout aucun mot sur une éventuelle transaction.
Stéphanie Martin-Cuenot
Ater à l'Université Montesquieu Bordeaux IV
(1) Il s'agit, en effet, d'une nullité relative, voir Cass. soc., 28 mai 2002, n° 99-43.852, Mme Annie Coquel c/ Institut technique de prévoyance sociale interentreprises, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A7919AYX), Bull. civ. V, n° 182.
(2) Cass. soc., 24 octobre 2000, n° 98-41.192, Patrick Mesnier (N° Lexbase : A7596AHS).
(3) Cass. soc., 5 janvier 1984, n° 81-42.045, M. Marx c/ SARL Ferco International (N° Lexbase : A0095AAR), D. 85, IR 250, obs. Goineau.
(4) Cass. soc., 21 novembre 1984, Dr. soc., 1985, 700, obs. J. Savatier.
(5) Cass. soc., 29 mai 1996, n° 92-45.115, M. Purier c/ Société Seduca et autre (N° Lexbase : A3966AA7), Dr. soc. 96. 689, note J. Savatier ; Cass. soc., 16 juillet 1997, n° 94-42.283, M. Ritzenthaler c/ Société Kaysersberg-Packaging (N° Lexbase : A2150AAU) ; Cass. soc., 4 janvier 2000, n° 97-42.846, M. Nayach c/ Société Maison Trias et autre (N° Lexbase : A4774AGW), Dr. soc. 2000. 443, obs. C. Marraud.
(6) Cass. soc., 27 mars 1996, n° 92-40.448, Société Interlac c/ M. Bernard (N° Lexbase : A3904AAT).
(7) Cass. soc., 13 octobre 1999, n° 97-42.027, M. Bailleux c/ Société Jet Services et autre, publié (N° Lexbase : A4769AGQ) ; Cass. soc., 16 juillet 1997, précité.
(8) Cass. soc., 24 octobre 2000, précité.
(9) Cass. soc., 13 octobre 1999, précité ; Cass. soc., 18 février 1998, n° 95-42.500, Monsieur Jullien c/ Compagnie AXA Assurances (N° Lexbase : A2531ACQ), Bull. civ. V, n° 95.
(10) Cass. soc., 9 avril 1996, n° 93-42.254, M. Philippe Desmet c/ SAEM du LOSC, Société anonyme d'économie mixte sportive du Lille olympique (N° Lexbase : A9963AT8), Dr. soc. 1996, 740, obs. Blaise.
Décision
Cass. soc., 4 avril 2007, n° 05-42.856, Société H3S, F-D (N° Lexbase : A8998DUS) Rejet de CA Aix-en Provence, 31 mars 2005 Mots clefs : transaction, échange de consentement des parties avant la rupture, conclusion de la transaction postérieurement au licenciement, nullité de la transaction, prise en considération de la date d'entente préalable des parties antérieure à la rupture, impossibilité de régler à cette date le différent entre les parties sur la qualification de la rupture ou sur ses effets. Texte concerné : C. civ., art. 2044 (N° Lexbase : L2289ABE) Lien bases : |
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:279216