La lettre juridique n°251 du 8 mars 2007 : Sécurité sociale

[Jurisprudence] Le régime des accidents du travail - maladies professionnelles exclut l'action en réparation de droit commun

Réf. : Cass. civ. 2, 22 février 2007, n° 05-11.811, Mutuelle assurance des instituteurs de France (Maif), FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A2841DUR)

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le 07 Octobre 2010

Par son arrêt rendu le 22 février 2007, la Cour de cassation confirme la force et l'étendue du principe posé par l'article L. 451-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L4467ADS), selon lequel aucune action en réparation des accidents du travail et maladies professionnelles ne peut être exercée conformément au droit commun. L'interdiction recouvre les actions fondées sur les articles 1382 (N° Lexbase : L1488ABQ) et 1383 (N° Lexbase : L1489ABR) du Code civil, ainsi que sur l'article 1384, alinéa 1er (N° Lexbase : L1490ABS). Le domaine de la réparation fondée sur le droit commun est, ainsi, étroitement délimité et défini par les textes : l'action en réparation peut être fondée sur le droit commun lorsque l'accident est la conséquence d'une faute intentionnelle de l'employeur ou de l'un de ses préposés (CSS, art. L. 452-5 N° Lexbase : L5304ADS), de la faute d'un tiers (CSS, art. L. 454-1 N° Lexbase : L9367HEN) ; mais, également, lorsque l'accident est un accident de trajet causé par une personne appartenant à la même entreprise que la victime (CSS, art. L. 455-1 N° Lexbase : L5305ADT) ou un accident de la circulation causé par une personne appartenant à la même entreprise que la victime sur une voie ouverte à la circulation publique (CSS, art. L. 455-1-1 N° Lexbase : L5306ADU). Cette stricte délimitation entre régime spécial de réparation (au titre de la législation sur les accidents de la circulation), qui constitue le droit commun, et application résiduelle du droit des obligations (C. civ., art. 1382 et s.) a fondé ce que l'on a désigné sous le vocable de "compromis historique". L'arrêt rapporté pose à nouveau la question de la pertinence et de l'actualité du compromis issu de la loi du 9 avril 1898, instituant un régime de réparation des accidents du travail dérogatoire au droit commun, alors que, désormais, la responsabilité civile de droit commun est plus aisée à établir et la réparation, plus avantageuse (1).
Résumé

Aucune action en réparation des accidents du travail ou des maladies professionnelles ne peut être exercée conformément au droit commun contre l'employeur par la victime ou ses ayants droit.

Décision

Cass. civ. 2, 22 février 2007, n° 05-11.811, Mutuelle assurance des instituteurs de France (Maif), FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A2841DUR)

Cassation (CA Rouen, 1ère chambre, 8 décembre 2004)

Textes visés : CSS, art. L. 451-1 (N° Lexbase : L4467ADS) ; CSS, art. L. 454-1 (N° Lexbase : L9367HEN).

Mots-clefs : accident du travail ; maladie professionnelle ; réparation de droit commun.

Liens bases : (N° Lexbase : E5443ACL) ; .

Faits

1. Mme Poilly, salariée de l'association "Les Papillons blancs", a été victime d'un accident du travail causé par l'un des pensionnaires de celle-ci.

2. La caisse primaire d'assurance maladie, ayant pris en charge cet accident au titre de la législation professionnelle, a assigné l'association devant un tribunal d'instance en remboursement des sommes par elle versées, sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil ; Mme Poilly a sollicité devant la même juridiction l'indemnisation de son préjudice moral.

3. Pour accueillir ces demandes, la cour d'appel de Rouen (8 décembre 2004, 1ère chambre) retient que l'accident a été causé par un tiers, et que l'association n'est pas assignée en qualité d'employeur, mais en qualité de civilement responsable du pensionnaire qu'elle avait sous sa surveillance.

4. Pourvoi formé par la Mutuelle assurance des instituteurs de France (Maif) et l'association "Les Papillons blancs".

5. Cassation.

Solution

La caisse primaire d'assurance maladie, ayant pris en charge l'accident au titre de la législation professionnelle, ne peut assigner l'association devant un tribunal d'instance en remboursement des sommes par elle versées, sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, pas plus que Mme Poilly ne peut solliciter, devant la même juridiction, l'indemnisation de son préjudice moral, parce qu'aucune action en réparation des accidents du travail ou des maladies professionnelles ne peut être exercée, conformément au droit commun, contre l'employeur par la victime ou ses ayants droit.

Observations

1. Rejet de l'action de la victime contre son employeur sur le fondement de la responsabilité civile

1.1. Rejet mis en oeuvre par les juridictions civiles

  • Responsabilité du fait des choses

Lorsque la législation sur les accidents du travail et maladies professionnelles s'applique, la Cour de cassation rejette l'action de la victime contre son employeur sur le fondement de la responsabilité du fait des choses (2). En effet, la reconnaissance de la qualité d'employeur prime sur toutes les autres, notamment sur celle de gardien : le régime de la réparation des accidents du travail s'applique de plein droit et à titre exclusif. De nombreux accidents du travail trouvent leur origine dans l'intervention d'une chose et pourraient, ainsi, conduire à l'application de la responsabilité du fait des choses, issue de l'article 1384, alinéa 1er, au détriment de l'interdiction posée par l'article L. 451-1 du Code de la Sécurité sociale.

  • Responsabilité civile de droit commun (C. civ., art. 1382)

Par plusieurs arrêts, la Chambre sociale de la Cour de cassation a confirmé et renforcé le principe selon lequel, selon les dispositions de l'article L. 451-1 du Code de la Sécurité sociale, aucune action en réparation des accidents du travail ou maladies professionnelles ne peut être exercée, conformément au droit commun par la victime ou ses ayants droit. Les stratégies mises en place par les victimes d'un accident du travail, pour obtenir réparation auprès de leur employeur sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, sont variables et invalidées par la Cour de cassation.

Ainsi, dans une espèce récente, la Cour de cassation a relevé que, sous couvert d'une action en responsabilité délictuelle à l'encontre de son employeur auquel il reprochait des fautes l'ayant privé d'une chance de faire valoir ses droits à la suite de l'accident dont il avait été victime, le salarié demandait, en réalité, la réparation du préjudice résultant de cet accident, lequel avait été pris en charge et indemnisé au titre de la législation professionnelle (Cass. soc., 24 janvier 2007, n° 05-44.233, F-D N° Lexbase : A6905DTW).

De même, par l'arrêt rapporté, Mme Poilly, salariée d'une association "Les Papillons blancs", a été victime d'un accident du travail causé par l'un des pensionnaires de celle-ci ; Mme Poilly a sollicité devant un tribunal d'instance l'indemnisation de son préjudice moral. Pour accueillir cette demande, les juges du fond retenaient que l'accident avait été causé par un tiers, et que l'association n'était pas assignée en qualité d'employeur, mais en qualité de civilement responsable du pensionnaire qu'elle avait sous sa surveillance.

La censure de la Cour de cassation est prononcée très logiquement, conformément au principe d'incompatibilité entre une réparation prise en charge au titre de la législation sur les accidents du travail et une demande en réparation fondée sur le droit commun de la responsabilité civile.

1.2. Rejet, par les juridictions pénales, de l'action de la victime contre son employeur sur le fondement de la responsabilité civile

La Chambre criminelle a mis en place une jurisprudence exactement conforme à la jurisprudence retenue par la Chambre sociale de la Cour de cassation (supra). La cour d'appel, saisie par un salarié d'une action en réparation du préjudice causé par un accident du travail, ne peut statuer sur le principe de la responsabilité civile de l'employeur (Cass. crim., 13 septembre 2005, n° 04-85.736, F-P+F N° Lexbase : A5280DKR).

En effet, aucune action en réparation du préjudice causé par un accident du travail ne peut, en dehors des cas prévus par ce texte, être exercée conformément au droit commun, par la victime contre l'employeur ou ses préposés. En l'espèce, les juges, après avoir constaté que la réparation des préjudices de la partie civile relevait du régime des accidents du travail et de la connaissance exclusive de la juridiction de Sécurité sociale, ont déclaré l'appelant entièrement responsable des préjudices subis par la victime. Selon la Cour de cassation, en statuant ainsi, sur le principe même de la responsabilité civile de l'employeur, les juges ont méconnu les dispositions de l'article L. 451-1 du Code de la Sécurité sociale. Encourt, dès lors, la censure l'arrêt qui, après avoir dit les faits établis et jugé à bon droit la constitution de partie civile recevable, déclare, néanmoins, l'employeur responsable des préjudices subis par la victime d'un accident du travail.

La Chambre criminelle en tire la conclusion, logique mais nécessaire, qu'une caisse de sécurité sociale, qui a servi les prestations prévues par le livre IV du Code de la Sécurité sociale, n'ayant pas de recours subrogatoire, ne peut intervenir à l'instance pour en demander le remboursement, y compris dans le cas où la victime accomplissait un travail clandestin (Cass. crim., 11 février 2003, n° 02-81.729, F-P+F+I N° Lexbase : A2945A79 ; Bull. crim. 2003, n° 30, p. 116).

Déjà, en 1993, la Chambre criminelle de la Cour de cassation se prononçait sur la recevabilité d'une action civile dans le cas d'un accident du travail (Cass. crim., 10 mars 1993, n° 92-81.893, Delong Alain, publié N° Lexbase : A4049ACX ; Bull. crim. 1993, n° 105, p. 249). Selon l'article L. 451-1 du Code de la Sécurité sociale, aucune action en réparation du préjudice causé par un accident du travail ne peut, en dehors des cas prévus par ce texte, être exercée conformément au droit commun contre l'employeur ou ses préposés par la victime ou ses ayants droit. Encourt, dès lors, la cassation l'arrêt d'une cour d'appel qui, après avoir constaté le caractère professionnel d'un accident, et dit recevable la constitution de partie civile de la victime de cet accident contre son employeur, a accueilli la demande de la partie civile en ce qu'elle tendait à la réparation de son préjudice.

Le principe vaut pour les juges eux-mêmes. Une cour d'appel, après avoir déclaré bien fondée, dans le seul intérêt de la manifestation de la vérité, la constitution de partie civile de la victime d'un accident du travail contre son employeur du chef de blessures involontaires, ne saurait, sans violer les dispositions de l'article L. 466 du Code de la Sécurité sociale, se prononcer sur la responsabilité du prévenu à l'égard de la victime (Cass. crim., 10 mai 1984, n° 83-90.554, Magnier, SA Dessaint-Finaud et Cie, publié N° Lexbase : A8039AAY ; Bull. crim. 1984, n° 165, p. 429).

2. Préjudices professionnels : domaine résiduel de l'action en réparation fondée sur le droit commun

2.1. Réparation d'un préjudice par le droit commun : la faute inexcusable

Il est connu que l'action en réparation peut être fondée sur le droit commun lorsque l'accident est la conséquence d'une faute inexcusable ou intentionnelle de l'employeur ou de l'un de ses préposés (CSS, art. L. 452-5), de la faute d'un tiers (CSS, art. L. 454-1) ; lorsque l'accident est un accident de trajet causé par une personne appartenant à la même entreprise que la victime (CSS, art. L. 455-1) ou un accident de la circulation causé par une personne appartenant à la même entreprise que la victime sur une voie ouverte à la circulation publique (CSS., art. L. 455-1-1). Mais, en dehors de ces hypothèses, quelle est la place du droit commun ?

Le domaine de la responsabilité civile s'est considérablement élargi, par effet de ricochet de l'admission beaucoup plus large de la faute inexcusable, en application de la jurisprudence de la Cour de cassation mise en place en 2002 (Cass. soc., 28 février 2002, 7 espèces concernant la maladie professionnelle, dont Cass. soc., 28 février 2002, n° 00-10.051, Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Grenoble c/ Société Ascométal, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A0806AYI ; concernant les accidents du travail, Cass. soc., 11 avril 2002, n° 00-16.535, Mme Dounya Edrissi, épouse Hachadi c/ Société Camus industrie, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A4836AYR).

L'employeur est tenu envers le salarié d'une obligation de sécurité de résultat. Le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver. Dans la mesure où l'employeur est tenu d'une obligation de sécurité de résultat, la conséquence sera facilement tirée : l'admission beaucoup plus large de la faute inexcusable élargit considérablement le domaine d'application du droit commun de la responsabilité civile. Le débat sur la place de la réparation sur le fondement du droit civil en matière d'accident du travail, tel qu'il inspire la Cour de cassation par l'arrêt rapporté, doit donc être remis dans cette perspective ouverte par les arrêts du 28 février 2002.

2.2. Réparation d'un préjudice lié au travail : que reste-t-il du droit commun ?

  • Prise en charge par une assurance de la responsabilité pour faute inexcusable

La loi du 27 janvier 1987 (loi n° 87-39, portant diverses mesures d'ordre social N° Lexbase : L2134DYP) a accordé à l'employeur une possibilité qu'il n'avait pas antérieurement en ce qui concerne l'assurance de sa propre faute inexcusable. Cependant, cette disposition créatrice de droits nouveaux ne peut s'appliquer à des fautes antérieures à l'entrée en vigueur de ce texte qui ne contient aucune dérogation expresse au principe de non-rétroactivité de la loi posé par l'article 2 du Code civil (N° Lexbase : L2227AB4) (Cass. civ. 2, 14 juin 2006, n° 05-13.090, FS-P+B N° Lexbase : A9493DPB ; lire nos obs., Prise en charge par une assurance de la responsabilité pour faute inexcusable, Lexbase Hebdo n° 221 du 29 juin 2006 - édition sociale N° Lexbase : N0189ALL).

  • Indemnisation des victimes d'infractions et réparation des accidents du travail

La Cour de cassation avait admis que les victimes d'accidents du travail pouvaient bénéficier de la réparation de leur préjudice par les Civi, au motif que l'article 706-3 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L5612DYI) ne leur interdit pas de présenter une demande d'indemnisation du préjudice résultant de faits présentant le caractère matériel d'une infraction (Cass. civ. 2, 18 juin 1997, n° 95-11.223, Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions c/ M. Sorribes et autres, publié N° Lexbase : A0301AC7 ; Bull. civ. II, n° 191, p. 112).

Mais, en 2003, elle est revenue sur cette jurisprudence (Cass. civ. 2, 7 mai 2003, n° 01-00.815, Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGVAT) c/ M. Nicolas Brevot, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A8229BSL ; Bull. civ. II, n° 138). En 2006, la Cour de cassation a confirmé cette jurisprudence (Cass. civ. 2, 3 mai 2006, n° 04-19.080, FS-P+B+R N° Lexbase : A2497DP8 ; lire nos obs., Indemnisation des victimes d'infractions et réparation des accidents du travail, Lexbase Hebdo n° 216 du 25 mai 2006 - édition sociale N° Lexbase : N8733AKN ; dans le même sens, Cass. civ. 2, 29 mars 2006, n° 04-30.444, F-D N° Lexbase : A8604DNY ; dans le même sens et les mêmes termes, Cass. civ. 2, 8 février 2006, n° 04-30.445, Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions (FGVAT) c/ M. Jean-Marie Hamelin, F-D N° Lexbase : A8494DMK).

La Cour de cassation retient le principe selon lequel les dispositions légales d'ordre public sur la réparation des accidents du travail excluent les dispositions propres à l'indemnisation des victimes d'infractions (Cass. civ. 2, 7 mai 2003, n° 01-00.815, préc.). Alors qu'elle avait antérieurement admis que, faute d'une exclusion explicite du législateur, un salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle pouvait saisir une commission d'indemnisation des victimes d'infractions et obtenir l'indemnisation de la totalité du préjudice subi (Cass. civ. 2, 18 juin 1997, n° 96-06.001, M. X c/ Fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles contaminés par le VIH, publié N° Lexbase : A0985ACH).

2.2. Enjeux d'une réparation selon la technique du droit commun

L'enjeu d'une réparation selon la technique du droit commun se mesure essentiellement pour la victime, même si la situation de la CPAM, voire de l'employeur, ne devrait pas être négligée.

Pour obtenir une meilleure indemnisation des préjudices subis, les victimes peuvent être tentées d'utiliser des voies de recours juridictionnels. L'objectif poursuivi n'est pas difficile à énoncer ni à comprendre : obtenir une réparation complémentaire à celle obtenue en application de la législation sur les accidents du travail. S'agissant plus particulièrement des victimes de l'amiante, celles-ci ont exploré plusieurs voies de recours de type juridictionnel pour compléter l'indemnisation forfaitaire de droit commun des maladies professionnelles du régime de Sécurité sociale : les recours devant les tribunaux des affaires de Sécurité sociale ; les recours devant les juridictions pénales ; enfin, les recours devant les commissions d'indemnisation des victimes d'infractions (Civi), près les TGI.

Mais, ces trois types de recours juridictionnels présentaient l'inconvénient d'exposer les victimes à des délais de procédures souvent très longs. C'est pourquoi, le législateur s'est orienté vers de nouvelles formes de prise en charge des victimes de l'amiante, qui reposent sur deux piliers principaux : les dispositifs de préretraite pour les travailleurs de l'amiante et la réparation intégrale des préjudices subis par l'ensemble des victimes de l'amiante, par l'intermédiaire du Fiva.

Cette volonté des victimes d'accidents du travail de tenter une action en réparation devant les juges civils, en application du droit commun de la responsabilité civile, n'a pas été encouragée par la Cour de cassation. Au contraire. La Cour de cassation s'est attachée à faire respecter le compromis issu de la loi du 9 avril 1898 (l'arrêt rapporté en est une nouvelle preuve), instituant un régime de réparation des accidents du travail dérogatoire au droit commun. Pourtant, la doctrine relève que, désormais, la responsabilité civile de droit commun est plus aisée à établir et la réparation serait plus avantageuse.

En effet, la loi de 1898, dont l'équilibre est toujours d'actualité, permettait une indemnisation plus facile des victimes d'accident du travail, mais retenait, dans le même temps, un principe de réparation forfaitaire. Les évolutions du droit de la responsabilité civile, notamment en matière de responsabilité du fait des choses que l'on a sous sa garde, remettent en cause le caractère plus favorable du droit spécial, tant en ce qui concerne l'établissement de la responsabilité que le montant de la réparation du dommage. Destinée à faciliter la réparation des préjudices à une époque où le droit commun de la responsabilité civile retenait des conditions assez restrictives, la législation professionnelle est, aujourd'hui, souvent moins favorable aux victimes en ne leur accordant qu'une réparation forfaitaire, alors qu'elles obtiendraient assez facilement une réparation intégrale sur le fondement d'un des régimes de responsabilité de droit commun.

Sur un plan strictement financier, cette jurisprudence de la Cour de cassation pourrait évoluer, dans le sens d'une plus grande admission des recours en responsabilité civile, qui pourraient, peut être, alléger le déficit de la branche accident du travail de la Sécurité sociale. Dans son rapport 2006, la Cour des comptes relevait, en effet, que le déficit de la branche AT-MP du régime général s'élève à 438,1 millions d'euros (contre 183,8 millions d'euros en 2004). Le principe légal d'équilibre des recettes et des dépenses de cette branche n'est pas respecté, alors même que l'Etat augmente, chaque année, les contributions du régime général aux fonds amiante (FIVA et FCAATA).

Christophe Willmann
Professeur à l'Université de Rouen


(1) Cass. civ. 2, 19 avril 2005, n° 04-30.121, Société Everite c/ M. Henri Rudzinski, FS-P+B (N° Lexbase : A9750DHL) ; lire nos obs., L'étendue de la réparation de la maladie professionnelle, Lexbase Hebdo n° 167 du 12 mai 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N4118AID) ; D. Jonin, F. Kessler, S. Topaloff et J.-P. Teissonnière, La faute inexcusable, deux ans après les arrêts "amiante", Semaine sociale Lamy 2004, n° 1159, p. 5.
(2) Cass. civ. 2, 16 novembre 2004, n° 02-21.013, Société Sud Diesel Service c/ M. Patrick Vedrines, FS-P+B (N° Lexbase : A9420DDA) ; et les obs. d'O. Pujolar, Réparation des accidents du travail : le rejet de l'action de la victime contre son employeur sur le fondement de la responsabilité du fait des choses, Lexbase Hebdo n° 145 du 2 décembre 2004 - édition sociale (N° Lexbase : N3698ABL).

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