La lettre juridique n°251 du 8 mars 2007 : Éditorial

Protection de l'assuré : attention à ce qu'il ne devienne pas, malgré lui, l'arroseur arrosé !

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N3021BA7

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction

le 27 Mars 2014


Les hommes veulent se prémunir contre les aléas de la vie, aux fins d'assurer leur tranquillité d'esprit et pécuniaire, depuis des millénaires ; et plus précisément depuis les temps babyloniens (toutes nos excuses pour cette antinomie), où le Code d'Hammourabi prévoyait, déjà, que, si un marchand contractait un prêt pour effectuer un transport, il pouvait payer une somme supplémentaire au prêteur, pour que le prêt ne soit pas remboursé, lorsque la marchandise se faisait voler. Inutile de dire que le droit des assurances a fait son chemin depuis, et que la volonté de transférer les risques que l'on peut encourir intéresse, désormais, tous les pans de la vie.

En France, par la loi du 19 février 2007, le législateur s'est ému du sort de l'assurabilité du risque en matière de protection juridique, la complexité et le développement de notre législation, conjugués à la judiciarisation de la société moderne, imposant que l'accès au droit et à la justice ne soit pas limité par un manque de moyens (dixit le rapport parlementaire afférent à la présentation de la loi). Pourtant, à l'heure des comparaisons européennes servant à justifier telle ou telle nécessité de réformer, on peut signaler que la France, avec 11 % des cotisations d'assurance de protection juridique pour l'ensemble de l'Europe, se situe au deuxième rang du marché européen, devant le Royaume-Uni (6 %), mais loin derrière l'Allemagne (56 %). Le pourcentage n'est pas satisfaisant, mais le rang marque le développement effréné de ce type de police depuis les années 90. La loi nouvelle apporte donc des aménagements limités au régime de l'assurance de protection juridique, et le principal axe de la réforme a pour but, en réalité, de clarifier les relations entre les assureurs et les avocats. En effet, en dépit des efforts accomplis par les assureurs, la position des avocats, acteurs essentiels de l'accès au droit et à la justice, dans le fonctionnement de l'assurance de protection juridique n'est pas jugé satisfaisante. Soucieux de remédier à cette situation, les représentants de la profession d'avocat et ceux des sociétés d'assurance et des mutuelles, sous l'égide du ministère de la Justice, ont, depuis 2003, tenté sans succès de rapprocher leurs points de vue. La loi impose donc que l'avocat soit un acteur incontournable de la phase amiable ; en outre, la loi emporte plusieurs dispositions tendant à ce que ce marché ne soit plus capté par quelques professionnels aux tarifs prédéterminés liés aux réseaux des assureurs. La libéralisation du marché de l'assurance de protection juridique est donc de mise. Mais à bien y penser, le renforcement de la présence d'un avocat à tous les stades de la protection juridique de l'assuré, et la fin des tarifs négociés ne vont-ils pas entraîner une hausse importante du montant des primes afférentes ? C'est tout le paradoxe avec l'objectif asséné en préambule de loi, que relève, notamment, Sébastien Beaugendre, Maître de conférences à la Faculté de droit de Nantes, et membre de l'IRDP (institut de recherche en droit privé), dans ses observations publiées cette semaine.

Et, si sur le terrain des cotisations, la loi peut jouer contre l'esprit qui l'anime, la jurisprudence n'est pas en reste. Le formalisme grandissant des contrats d'assurance et, notamment, des questionnaires les accompagnant pourrait bien décourager les acteurs de ce marché ; soit que l'inassurabilité ne gagne, soit que le montant des primes ne devienne par trop excessif -il est bien loin le temps où l'on assurait sa cargaison maritime, sur le coin d'une table du café Lloyd, dans le Londres du XVIIème siècle-. En effet, Véronique Nicolas, Professeur à la Faculté de droit de Nantes, relève, cette semaine, que l'arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation en date du 15 février 2007, en énonçant que l'assuré "est obligé de répondre exactement aux questions posées par l'assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel l'assureur l'interroge lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier par l'assureur les risques qu'il prend en charge", dissimule, a contrario, une disposition rigoureuse vis-à-vis de l'assureur. Il incombe à ce dernier de poser les questions qui lui semblent fondamentales pour apprécier le risque qu'il envisage d'assumer. S'il ne le fait pas, il ne peut, ensuite, se plaindre de quoi que ce soit. Cette décision incitera-t-elle les assureurs à constituer des questionnaires d'une longueur infinie afin d'être certains de n'omettre aucune donnée ?

Aussi, gare à l'effet boomerang des mesures par trop protectrices de l'assuré (si elles sont poussées à un niveau paroxystique) qui, comme un paratonnerre, verra la foudre lui tomber dessus ! Métaphore des plus amusantes, lorsqu'on se souvient que Benjamin Franklin fût le premier, aux Etats-Unis, à créer, en 1732, une compagnie d'assurance (la Philadelphia Contributionship for the Insurance of Houses from Loss by Fire), instaurant un système de prévention, en refusant d'assurer les maisons pour lesquelles le risque d'incendie était trop fort.

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