Réf. : Ordonnance n° 2005-1566 du 15 décembre 2005, relative à la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux (N° Lexbase : L5276HDR), ratifiée par la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national sur le logement (N° Lexbase : L2466HKK)
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le 07 Octobre 2010
A. La suspension du bail et des loyers
1) La suspension du bail dès notification de la mesure de police
La suspension du bail dès notification de la mesure de police (3) vaut pour les arrêtés d'insalubrité, les mises en demeure d'urgence en matière d'insalubrité, les arrêtés de péril ainsi que les prescriptions de sécurité dans les établissements d'hébergement (hôtels meublés).
La suspension du bail dès notification de la mesure de police, et non plus seulement dans le cas où une interdiction temporaire d'habiter est prononcée, s'applique dès le premier jour du mois suivant, soit l'envoi de la notification de l'arrêté d'insalubrité ou de péril, soit de l'envoi de l'injonction, de la mise en demeure ou des mesures prescrites ou de leur affichage, jusqu'à l'envoi de la notification de la mainlevée de l'arrêté d'insalubrité ou de péril ou du constat de la réalisation des mesures prescrites ou de leur affichage. En bref, la suspension du bail s'applique jusqu'à la réalisation des travaux prescrits ou à la limite de l'interdiction définitive d'habiter. Elle suit donc la suspension des loyers celle des loyers et redevances et n'est plus liée à une interdiction d'habiter.
2) La suspension des loyers
Le loyer ou toute autre somme versée en contrepartie de l'occupation cesse d'être dû à compter du premier jour du mois qui suit l'envoi de la notification de la mise en demeure (MED) jusqu'au premier jour du mois qui suit le constat de la réalisation des mesures prescrites dans les trois cas suivants :
1. MED relative à des locaux interdits à l'habitation (4) ;
2. MED relative à des locaux mis à disposition dans des conditions manifestes de surpeuplement ou injonction relative à des locaux dangereux pour leurs occupants en raison de l'usage qui en est fait (5) ;
3. mesures destinées à faire cesser une situation d'insécurité dans un établissement recevant du public et utilisé à des fins d'hébergement (6).
Par ailleurs, le loyer ou toute autre somme versée en contrepartie de l'occupation cesse d'être dû à compter du premier jour du mois qui suit l'envoi :
1. de la notification de l'arrêté ou de son affichage jusqu'au premier jour du mois qui suit l'envoi de la notification ou de l'affichage de l'arrêté de mainlevée des arrêtés d'insalubrité (7) et de péril (8) ;
2. de la notification de la MED ou de son affichage jusqu'au premier jour du mois qui suit l'envoi de la notification ou de l'affichage de l'arrêté de mainlevée de l'insalubrité en cas de traitement d'urgence de l'insalubrité suivi d'une déclaration d'insalubrité (9).
Enfin, ces loyers indûment perçus par le propriétaire doivent être restitués à l'occupant ou déduits des loyers dont celui-ci devient à nouveau redevable envers celui-là. Cette disposition vise notamment le cas où les mesures d'urgence sont suivies d'un arrêté d'insalubrité : la suspension des loyers étant rétroactivement applicable à la date de la MED, le propriétaire doit reverser les loyers indûment perçus entre cette date et celle de la notification de l'arrêté d'insalubrité.
3) Autres garanties des droits des occupants
La protection des occupants a, en outre, été renforcée grâce à trois autres précisions. En premier lieu, les occupants à qui aucune offre de relogement n'a été faite et qui sont restés dans des logements sous interdiction d'habiter sont des "occupants de bonne foi" qui ne peuvent être expulsés. En deuxième lieu, dans les locaux frappés d'une interdiction définitive d'habiter et d'utiliser, les baux et contrats d'occupation ou d'hébergement poursuivent de plein droit leurs effets (sauf paiement du loyer) jusqu'à leur terme ou jusqu'au départ des occupants et au plus tard jusqu'à la date limite fixée dans l'arrêté d'insalubrité ou de péril. En troisième lieu, les arrêtés d'insalubrité ou de péril ou la prescription de mesures destinées à faire cesser une situation d'insécurité (en bref, les mesures de police) ne peuvent entraîner la résiliation de plein droit d'un bail ou d'un autre contrat d'occupation ou d'hébergement. Il s'agit là de mettre fin à la jurisprudence assimilant l'arrêté d'insalubrité ou de péril à un cas fortuit au sens de l'article 1722 du Code civil (N° Lexbase : L1844ABW) entraînant de plein droit la résiliation du bail.
B. L'augmentation du montant de l'indemnité due le propriétaire défaillant
Le montant de cette indemnité, due par le propriétaire défaillant qui n'a pas assuré le relogement définitif des occupants (10), peut désormais être porté à une année maximum de loyers dus au titre des règlements effectués par la collectivité publique ou les bailleurs sociaux (11) qui bénéficieront de cette indemnité. La commune est subrogée dans les droits de l'Etat pour le recouvrement de sa créance dans le cas où elle assure à sa place les obligations d'hébergement ou de relogement qui lui incombent.
En revanche, lorsque c'est l'occupant qui a, à trois reprises, refusé les offres de relogement qui lui ont été faites par la personne publique intéressée, cette dernière peut saisir le juge du tribunal d'instance d'une demande tendant à la résiliation du bail ou du droit d'occupation et autorisant l'expulsion de l'occupant. Cette disposition est destinée à mettre fin à certains refus abusifs de relogement.
C. La clarification du rôle respectif du préfet et du maire selon les différentes mesures de police
1) Principe
Le principe de la répartition des compétences entre préfet et maire est le suivant. Le maire prend les dispositions nécessaires relatives à l'hébergement et au relogement des occupants lorsqu'il est l'autorité compétente en matière de police, c'est-à-dire en matière de péril et de sécurité des établissements d'hébergement (hôtels meublés). Le préfet ou le délégataire des droits de réservation (12) sont quant à eux compétents en matière d'insalubrité, sauf exceptions (13).
2) Application
En cas de défaillance du propriétaire ou de l'exploitant, le maire doit donc prendre les dispositions nécessaires pour assurer l'hébergement ou le relogement des occupants lorsque les locaux sont sous arrêté de péril ou sous prescription de sécurité et qu'un hébergement est nécessaire. En cas de défaillance du propriétaire ou de l'exploitant, le préfet ou le maire délégataire des droits de réservation prennent les dispositions nécessaires pour assurer l'hébergement ou le relogement des occupants lorsque les locaux sont sous arrêté d'insalubrité ou sous MED ou sous injonction assortie d'une interdiction temporaire ou définitive d'habiter (14).
IV. Les dispositions relatives à l'expropriation des immeubles insalubres
A. La clarification du champ de l'expropriation dérogatoire du droit commun
1) Les immeubles visés
Le champ de la procédure l'expropriation dérogatoire du droit commun applicable aux immeubles insalubres, issue de la loi du 10 juillet 1970 précitée, dite "loi Vivien", tendant à faciliter la suppression de l'habitat insalubre, est désormais strictement défini (15) et comprend à titre principal les immeubles déclarés insalubres à titre irrémédiable. A titre exceptionnel, sont inclus dans ce champ les immeubles qui ne sont eux-mêmes ni insalubres ni impropres à l'habitation mais dont l'expropriation est indispensable à la démolition des immeubles insalubres. Enfin, sont également inclus les terrains supportant à la fois des locaux insalubres à titre irrémédiable et des locaux salubres lorsque l'acquisition de ces terrains est nécessaire à la résorption de l'insalubrité.
2) Conséquences
N'entrent donc plus dans le champ de la procédure l'expropriation dérogatoire du droit commun applicable aux immeubles insalubres les terrains contigus ou voisins lorsque leur utilisation est indispensable à la réalisation des opérations en vue desquelles la déclaration d'utilité publique est prononcée. Par ailleurs, dans la mesure où l'objet de l'expropriation menée en application de la loi du 10 juillet 1970 vise la seule suppression des locaux insalubres à titre irrémédiable, les anciennes dispositions de cette loi qui précisaient que l'expropriation devait avoir pour but soit la construction de logements soit tout objet d'intérêt collectif relevant d'une opération d'urbanisme sont abrogées.
B. L'évaluation des biens insalubres et impropres à l'habitation selon le principe de la récupération foncière
1) L'évaluation de l'indemnité d'expropriation
Cette indemnité est fixée selon la procédure prévue par les dispositions des articles L. 13-1 à L. 13-12 du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique . L'évaluation des biens insalubres et impropres à l'habitation est ainsi fondée selon le principe de la récupération foncière, soit sur la valeur du terrain nu, frais de démolition déduits. L'indemnité est réduite du montant des frais de relogement des occupants lorsque le propriétaire n'y a pas procédé (16).
2) Exception
Le principe de la récupération foncière n'est cependant pas applicable à l'indemnité due aux propriétaires qui occupaient eux-mêmes les immeubles déclarés insalubres au moins deux ans avant la notification de l'arrêté d'insalubrité. De même, ce mode de calcul n'est pas applicable aux propriétaires des immeubles qui ne sont ni insalubres ni impropres à l'habitation. Rappelons, enfin, qu'aucune indemnisation à titre principal ne peut être accordée en dédommagement de la suppression d'un commerce portant sur l'utilisation comme habitation de terrains ou de locaux impropres à cet usage, cela visant en particulier les hôtels meublés.
Frédéric Dieu
Commissaire du Gouvernement près le tribunal administratif de Nice (1ère ch.)
(1) Ordonnance prise sur le fondement de l'article 122 de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale (N° Lexbase : L6384G49) et publiée au Journal officiel du 16 décembre 2005.
(2) Loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national sur le logement (JO n° 163 du 16 juillet 2006, p. 10662, texte n° 1).
(3) CCH, art. L. 521-2 (N° Lexbase : L8435HE7).
(4) C. santé publ., art. L. 1331-22 précité.
(5) C. santé publ., art. L. 1331-23 et L. 1331-24 précités.
(6) CCH, art. L. 123-3 (N° Lexbase : L8190HE3).
(7) C. santé publ., art. L. 1331-25 (N° Lexbase : L9089HED) et L. 1331-28 précité.
(8) CCH, art. L. 511-1 précité.
(9) C. santé publ., art. L. 1331-26-1 et L. 1331-28 précités.
(10) CCH, art. L. 521-3-2-IV-V-VI (N° Lexbase : L8437HE9).
(11) Organisme d'HLM, SEM ou organisme à but non lucratif assurant le relogement.
(12) CCH, art. L. 441-1 (N° Lexbase : L6480G9U).
(13) En particulier, lorsque la déclaration d'insalubrité vise un immeuble situé dans une opération programmée d'amélioration de l'habitat (OPAH) ou dans une opération d'aménagement, la personne publique qui a l'initiative de cette opération prend en charge l'hébergement et le relogement.
(14) Les situations visées sont donc les suivantes : locaux interdits à l'habitation, suroccupation, usage non conforme, périmètres insalubres, procédure d'urgence en insalubrité, insalubrité.
(15) Loi n° 70-612 du 10 juillet 1970, art. 13.
(16) Loi n° 70-612 du 10 juillet 1970, art. 18.
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