La lettre juridique n°224 du 20 juillet 2006 : Habitat-Logement

[Textes] La ratification de l'ordonnance relative à la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux (première partie)

Réf. : Ordonnance n° 2005-1566 du 15 décembre 2005, relative à la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux (N° Lexbase : L5276HDR), ratifiée par la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national sur le logement (N° Lexbase : L2466HKK)

Lecture: 18 min

N1026ALL

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Textes] La ratification de l'ordonnance relative à la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux (première partie). Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3208482-textes-la-ratification-de-lordonnance-relative-a-la-lutte-contre-lhabitat-insalubre-ou-dangereux-pre
Copier

le 07 Octobre 2010

Actuellement, en France, on dénombrerait 500 000 logements qualifiés d'indignes. L'ordonnance n° 2005-1566 du 15 décembre 2005 relative à la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux (1), qui vise à remédier à cette situation, vient d'être ratifiée par le Parlement (2). Elle comporte quinze articles, et vise à harmoniser les divers régimes de police administrative concernant les formes d'habitat "indignes" et à faciliter la réalisation des travaux, ainsi que l'hébergement et le relogement de leurs occupants. Elle précise, en outre, les responsabilités respectives en la matière des autorités de l'Etat et des collectivités locales ou de leurs groupements et vise à faciliter le traitement d'urgence des situations d'insalubrité et le respect des règles d'hygiène dans l'habitat. L'ordonnance est composée de quatre titres principaux, relatifs respectivement aux immeubles insalubres, aux bâtiments menaçant ruine, au relogement des occupants et à l'expropriation des immeubles insalubres. Composé en deux parties, le présent commentaire vise à en éclairer les principales mesures et les enjeux essentiels. La première partie sera consacrée aux nouvelles dispositions relatives aux immeubles insalubres et aux bâtiments menaçant ruine (pour les dispositions relatives au relogement des occupants et à l'expropriation des immeubles insalubres, cf. La ratification de l'ordonnance relative à la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux (seconde partie) N° Lexbase : N1031ALR). I. Les dispositions relatives aux immeubles insalubres prévues par le Code de la santé publique

A. Rappel de la notion et de la procédure d'insalubrité

1) La notion d'insalubrité

Est insalubre tout immeuble, bâti ou non, vacant ou non, dangereux pour la santé des occupants ou des voisins du fait de son état ou de ses conditions d'occupation. Peuvent ainsi être déclarés insalubres : un ou plusieurs logements ; des immeubles isolés ou des îlots ; des immeubles en copropriété ; les seules parties privatives ou les seules parties communes d'un immeuble en copropriété. L'insalubrité associe la dégradation du bâti à des effets négatifs sur la santé. Elle s'analyse au cas par cas et après visite des lieux, en se référant, notamment, à une liste de critères. Parmi ces critères, on peut citer les murs fissurés, l'humidité importante, le terrain instable, l'absence de raccordement aux réseaux d'électricité ou d'eau potable ou encore l'absence de système d'assainissement.

2) La procédure d'insalubrité

La procédure d'insalubrité est amorcée par le rapport du Directeur départemental des affaires sanitaires et sociales (DDASS), ou du Directeur du service communal d'hygiène et de santé s'il existe, qui conclut à l'état d'insalubrité de l'immeuble concerné (3). Le préfet, saisi du rapport motivé du DDASS ou du directeur du service communal d'hygiène et de santé concluant à l'insalubrité de l'immeuble concerné, invite le conseil départemental d'hygiène (CDH) à donner son avis sous deux mois sur la réalité et les causes de l'insalubrité ainsi que sur les mesures pour y remédier. Le préfet notifie l'arrêté d'insalubrité aux propriétaires, aux personnes qui ont des droits sur l'immeuble, aux occupants de l'immeuble et à l'exploitant (4).

Le préfet constate par arrêté la conformité de la réalisation des travaux prescrits et leur date d'achèvement. Il prononce la mainlevée de l'arrêté d'insalubrité et, le cas échéant, de l'interdiction d'utiliser les lieux (5). Si, hormis la démolition de l'immeuble, les mesures prescrites n'ont pas été exécutées dans le délai imparti, le maire ou, à défaut, le préfet procède, au moins deux mois après une mise en demeure du propriétaire demeurée infructueuse, à l'exécution d'office des travaux. Si la démolition de l'immeuble a été prescrite, le maire ou, à défaut, le préfet, procède d'office à la réalisation des travaux nécessaires provisoires pour mettre fin au danger menaçant la santé des occupants ou des voisins (6).

B. Le traitement des situations d'urgence

Le titre 1er de l'ordonnance n° 2005-1566 du 15 décembre 2005 traite de l'hygiène dans l'habitat et des locaux, installations, immeubles ou îlots insalubres. Il complète l'article L. 1311-4 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L9246HE8) qui concerne le danger ponctuel imminent dû au non-respect des règles d'hygiène en prévoyant la réalisation d'office des mesures prescrites notamment par le maire et la récupération de la créance. Il harmonise aussi les dispositions applicables dans toutes les procédures (droit des occupants, réalisation de travaux d'office, récupération des créances, notamment). Il prévoit que si la personne redevable de l'obligation de respecter les mesures d'hygiène ne peut être identifiée, les mesures effectuées d'office sont à la charge de l'Etat. Les sanctions pénales en matière d'insalubrité sont réorganisées, complétées et précisées.

1) L'existence d'un danger ponctuel imminent

En effet, en cas de danger ponctuel imminent, aux termes de l'article 1311-4 du Code de la santé publique, le préfet peut ordonner l'exécution immédiate des mesures prescrites en matière d'hygiène par le règlement sanitaire départemental. L'ordonnance permet, désormais, au maire (ou, à défaut, au préfet), en matière de règles d'hygiène dans l'habitat, de procéder d'office à l'exécution des mesures prescrites aux frais de la personne qui y est tenue, étant précisé que si cette personne ne peut être identifiée, les frais restent à la charge de l'Etat (7).

2) L'existence d'une insalubrité irrémédiable

Désormais, en cas d'insalubrité irrémédiable (cf. infra, § 3, pour cette notion), le délai maximum de prise d'effet de l'interdiction définitive d'habiter, et donc le délai de relogement, est porté de six mois à un an, ce afin de permettre d'assurer effectivement le relogement en tenant compte des difficultés locales et sociales. Le préfet peut, en tout cas, prescrire les mesures nécessaires pour empêcher l'accès et l'usage des locaux déclarés insalubres irrémédiables au fur et à mesure de leur évacuation. En cas de nécessité, même si elles n'ont pas été prescrites par le préfet (cas des immeubles déclarés insalubres à la suite d'un ancien arrêté, par exemple), le maire peut les décider au nom de l'Etat (8).

Par ailleurs, les maires (ou, à défaut, les préfets) peuvent exécuter d'office les mesures prévues par l'arrêté d'insalubrité pour rendre inutilisables ces logements et destinées en particulier à écarter les dangers immédiats pour la santé et la sécurité des occupants et des voisins. Les maires peuvent même décider ces mesures et les exécuter d'office au nom de l'Etat dans le cas où elles n'auraient pas été prescrites par le préfet (9). Précisons cependant que les travaux de démolition prescrits par l'arrêté ne peuvent être exécutés d'office par l'autorité administrative qu'après l'obtention d'une ordonnance judiciaire (juge des référés du tribunal de grande instance).

3) Le traitement d'urgence des situations d'insalubrité

Le législateur a pris acte de ce que la procédure classique de lutte contre l'insalubrité ne permettait pas d'agir en urgence, lorsque cela apparaissait indispensable, ni d'intervenir pour garantir des conditions d'hygiène et de sécurité minimales aux occupants ni même de garantir leurs droits d'occupation. C'est pourquoi l'ordonnance du 15 décembre 2005 a prévu un mécanisme d'intervention d'urgence analogue à ce que peut être le péril imminent en matière d'immeubles menaçant ruine, en donnant au préfet, en cas de danger imminent pour la santé et la sécurité des occupants (10), la possibilité de notifier au propriétaire une mise en demeure pour travaux urgents, alors même que l'instruction est toujours en cours (c'est-à-dire avant la notification de la déclaration d'insalubrité) et, le cas échéant, de les faire exécuter d'office (11). Précisons que si l'exécution des travaux rend les locaux temporairement inhabitables, les dispositions relatives à la protection des occupants sont applicables (12).

C. La définition des locaux impropres à l'habitation et des locaux dont l'usage ou la suroccupation sont un facteur de risque pour la santé de leurs occupants

1) Les locaux impropres à l'habitation

Les caves, sous-sols, combles et pièces dépourvues d'ouverture sur l'extérieur sont interdits à l'habitation, que ce soit à titre gratuit ou onéreux. A cette liste ont été ajoutés, plus généralement, les autres locaux impropres par nature à l'habitation (13). Dans ces circonstances, le préfet, dans le délai qu'il fixe et sans procédure particulière, peut mettre en demeure la personne qui a mis à disposition de tels locaux de mettre fin à cette situation. Les conséquences sur les droits des occupants sont précisées par l'ordonnance. En particulier, le loyer ou toute autre somme versée en contrepartie de l'occupation de ces locaux cesse d'être dû dès notification de l'arrêté d'insalubrité (14), et les dispositions relatives à la protection des occupants sont applicables (15).

2) Les locaux dont la suroccupation est un facteur de risque pour la santé de ses occupants

Par ailleurs, les locaux ne peuvent être mis à disposition, que ce soit à titre gratuit ou onéreux, dans des conditions qui conduisent manifestement à leur suroccupation. De même que précédemment, le préfet, dans le délai qu'il fixe et sans procédure particulière, peut mettre en demeure la personne qui a mis à disposition de tels locaux de mettre fin à cette situation et le loyer ou toute autre somme versée en contrepartie de l'occupation de ces locaux cesse d'être dû dès notification de l'arrêté d'insalubrité (16). Cette disposition vise en fait les marchands de sommeil qui louent des locaux en suroccupation et en toute connaissance de cause.

3) Les locaux dont l'usage est un facteur de risque pour la santé de ses occupants

Les locaux ou installations qui ne sont pas en eux-mêmes impropres à l'habitation mais présentent un danger pour la santé et la sécurité de leurs occupants en raison de l'utilisation qui en est faite, peuvent donner lieu à injonction ou mise en demeure. L'injonction intervient après avis de la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires ou technologiques et a pour objet de mettre fin aux dangers constatés dans un délai fixé par le préfet. Les frais sont à la charge de la personne défaillante et, à nouveau, le loyer ou toute autre somme versée en contrepartie de l'occupation de ces locaux cesse d'être dû dès notification de l'arrêté d'insalubrité (17).

D. La définition de l'insalubrité irrémédiable

Il s'agit là d'une notion juridique et non technique. L'insalubrité d'un bâtiment doit, en effet, être qualifiée d'irrémédiable lorsqu'il n'existe aucun moyen technique d'y remédier ou lorsque les travaux nécessaires à sa résorption seraient plus coûteux que la reconstruction pure et simple (18). Cette disposition interdit ainsi que des parties différentes d'un même bâtiment puissent être déclarées insalubres mais pour une part remédiable et pour une autre part irrémédiable. Cela conduit donc à encourager la réalisation de travaux de réhabilitation et à préciser les obligations des propriétaires. Cela conduit également à permettre le maintien dans les lieux des occupants, ou leur retour, et à éviter ainsi le relogement systématique toujours difficile lorsqu'il n'est pas justifié (cf. supra § 1 pour la procédure applicable). Enfin, cette clarification permet de mieux circonscrire le champ de l'expropriation dérogatoire du droit commun, en application de la loi n° 70-612 du 10 juillet 1970 dite loi "Vivien", tendant à faciliter la suppression de l'habitat insalubre (N° Lexbase : L2048A4M). Notons, à cet égard, que la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006, qui porte ratification de l'ordonnance du 15 décembre 2005, a complété celle-ci pour permettre aux sociétés de construction dans lesquelles l'Etat détient la majorité du capital d'être bénéficiaires de l'expropriation dérogatoire prévue par la loi du 10 juillet 1970. Cet ajout va permettre, notamment, à la Sonacotra d'être maître d'ouvrage d'opérations de résorption d'habitat insalubre

E. La clarification des travaux pouvant être prescrits en cas d'insalubrité remédiable

Dans ce cas, le préfet prescrit les mesures appropriées nécessaires à la sortie d'insalubrité ainsi que le délai imparti pour leur réalisation (19) et prononce, s'il y a lieu, l'interdiction temporaire d'habiter, voire d'utiliser les lieux (20). Les travaux peuvent comprendre également les travaux nécessaires pour supprimer l'accessibilité au plomb lorsque le rapport d'enquête a fait apparaître ce risque. Il s'agit ainsi d'éviter de superposer à l'insalubrité une procédure au titre du plomb accessible et de faire engager d'éventuels travaux d'office, notamment palliatifs au titre du plomb, tout en assurant un traitement complet de l'immeuble concerné. Les travaux peuvent enfin comprendre l'installation des équipements nécessaires pour assurer la salubrité du logement (21). Il s'agit cette fois, d'une part, d'éviter que le logement puisse être juridiquement salubre sans disposer des équipements relevant de la décence, et d'autre part, d'éviter que le locataire réintégrant son logement après travaux soit tenu de saisir le tribunal d'instance pour obtenir l'installation des équipements de base manquants.

F. Précisions relatives aux immeubles en copropriété et aux immeubles squattés

1) Le cas des immeubles en copropriété

Lorsque les travaux prescrits portent sur les parties communes d'un immeuble soumis au statut de la copropriété, l'administration peut se substituer aux copropriétaires qui ne s'acquittent pas des demandes d'appels de fonds effectuées par le syndic de copropriété. En clair, l'autorité publique ne pourra se substituer qu'aux seuls copropriétaires défaillants et non au syndicat des copropriétaires pour les travaux. L'Etat est alors subrogé dans les droits et actions de ce dernier jusqu'à concurrence des sommes versées, ce qui lui permet des bénéficier des actions et recours à l'encontre du copropriétaire défaillant et, notamment, du privilège immobilier.

2) Le cas des immeubles squattés

En ce qui concerne les immeubles squattés, le régime financier des travaux exécutés d'office a été aménagé et tend à mieux protéger le droit des propriétaires. Le propriétaire qui bénéficie d'un jugement d'expulsion non exécuté à l'encontre d'occupants entrés par voie de fait peut, en effet, demander au tribunal administratif de mettre à la charge de l'Etat tout ou partie des travaux d'office réalisés. Cette somme vient en déduction de l'indemnité à laquelle peut prétendre le propriétaire au titre du préjudice financier né de la décision portant refus de prêter le concours de la force publique (22).

II. Les dispositions relatives aux bâtiments menaçant ruine prévues par le Code de la construction et de l'habitation

A. La simplification de la procédure de péril ordinaire

1) Les lacunes de l'ancienne procédure relative aux immeubles menaçant ruine

Les lacunes de l'ancienne procédure relative aux immeubles menaçant ruine, prévue par les dispositions de l'article L. 511-1 du Code de la construction et de l'habitation (CCH) (N° Lexbase : L8421HEM), justifient en grande partie les modifications apportées par l'ordonnance du 15 décembre 2005. Rappelons, d'abord, que l'arrêté de péril était le seul acte d'un maire qui ne fût pas exécutoire de plein droit puisqu'en cas de silence du propriétaire l'arrêté devait être homologué par le tribunal administratif. En outre, la complexité et la longueur de la procédure du péril ordinaire (de 9 mois à 2 ans) étaient inadaptées à la réalité du danger et conduisaient les maires à recourir, pour des raisons d'efficacité opérationnelle, soit systématiquement au dispositif du péril imminent (y compris en excès de pouvoir, ce qui entraînait des difficultés contentieuses), soit à leur pouvoir de police générale, lequel était insuffisant. Les occupants étaient finalement amenés à rester dans les lieux et voyaient leurs droits insuffisamment protégés (23).

Par ailleurs, les dispositions législatives étaient parfois d'une lecture difficile, ce qui rendait indispensable une bonne connaissance de la jurisprudence. Enfin, la double compétence juridictionnelle (juge d'instance en cas de péril imminent et juge administratif en cas de péril ordinaire) ne se justifiait que par des raisons historiques.

2) La nouvelle procédure de péril ordinaire

L'ordonnance du 15 décembre 2005 simplifie donc la procédure de péril ordinaire (24) en renvoyant d'abord la phase contradictoire avant la signature de l'arrêté de péril. Par ailleurs, l'homologation par le juge administratif est supprimée. En outre, les éventuelles interdictions d'habiter sont réintégrées dans l'arrêté de façon à permettre le relogement des occupants et à clarifier leur droit au bail. Enfin, le maire est habilité à effectuer les travaux d'office après mise en demeure adressée au propriétaire. En effet, ce dernier a toute faculté de contester l'arrêté de péril et de saisir le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir ou d'un référé-suspension aux fins, par exemple, de faire désigner un expert (en pratique, le recours à l'homologation de l'arrêté de péril par le tribunal administratif est, en effet, essentiellement lié à l'absence de réponse des propriétaires et très rarement à la contestation de l'expertise). En cas de démolition, l'autorisation du juge des référés judiciaire reste requise, comme en matière d'insalubrité. Enfin, en cas de refus des occupants de laisser entrer dans les lieux, le droit commun s'applique, à savoir la saisine du juge des référés afin d'autoriser le maire à exécuter d'office les travaux.

Concrètement, après une procédure contradictoire, le propriétaire est mis en demeure d'effectuer dans un délai déterminé les travaux, soit de réparations nécessaires, soit de démolition de l'immeuble menaçant ruine et, le cas échéant, de prendre les mesures nécessaires pour assurer la solidité des bâtiments mitoyens. Dans le cas où l'état de solidité de tout ou partie du bâtiment ne permet pas de garantir la sécurité des occupants, le maire peut assortir l'arrêté de péril par une interdiction temporaire ou définitive d'habiter et d'utiliser les lieux. L'arrêté de péril doit alors préciser la date d'effet de l'interdiction (qui doit intervenir dans le délai d'un an si l'interdiction est définitive) ainsi que la date à laquelle le propriétaire, ou l'exploitant de locaux d'hébergement, doit lui avoir fait connaître si une offre précise d'hébergement ou de relogement a été faite aux occupants.

3) La modification du régime des travaux d'office

Le régime des travaux d'office a également été aménagé par l'ordonnance du 15 décembre 2005 afin de permettre la réalisation effective des travaux. Ainsi, lorsque le propriétaire n'a pas entrepris les travaux prescrits dans l'arrêté de péril, le maire le met en demeure de les exécuter dans un délai déterminé (qui ne peut être inférieur à un mois) et, à défaut d'exécution dans ce délai, peut, par décision motivée, faire procéder d'office à ces travaux, sans donc autorisation préalable en justice. En revanche, lorsque la démolition a été prescrite mais non exécutée, le maire ne peut y faire procéder d'office qu'après obtention d'une ordonnance judiciaire (juge des référés du tribunal de grande instance). Comme en matière d'insalubrité, l'autorité publique pourra ne se substituer qu'aux seuls copropriétaires défaillants (et non au syndicat des copropriétaires) pour les travaux. De même, le propriétaire qui bénéficie d'un jugement d'expulsion non exécuté à l'encontre d'occupants entrés par voie de fait peut en effet demander au tribunal administratif de mettre à la charge de l'Etat tout ou partie des travaux d'office réalisés.

B. La modification de la procédure de péril imminent

1) La distinction explicite entre procédure de péril imminent et procédure ordinaire

Les dispositions de l'article L. 511-1 précité ont été complétées par l'ordonnance du 15 décembre 2005 afin de distinguer clairement le péril imminent du péril ordinaire. Ainsi, dès lors que l'état des murs, bâtiments ou édifices quelconques présente un risque de péril immédiat, le maire prend les mesures provisoires nécessaires pour mettre fin à l'imminence du danger. Il s'agit donc d'indiquer clairement qu'un arrêté de péril imminent doit normalement être suivi d'un arrêté de péril ordinaire.

2) La nouvelle procédure de péril imminent

La procédure de péril imminent (25) a été essentiellement modifiée en ce qu'elle prévoit, désormais, que c'est le juge administratif (et non plus le juge du tribunal d'instance) statuant en référé qui désigne l'expert appelé à faire un rapport sur l'état de péril. L'expert doit examiner les bâtiments, dresser constat de l'état des bâtiments mitoyens et proposer des mesures à mettre fin à l'imminence du péril s'il la constate, dans les 24 heures qui suivent sa désignation. Si l'expert a conclu à l'imminence du péril, le maire ordonne les mesures provisoires nécessaires pour garantir la sécurité et notamment l'évacuation de l'immeuble. Dans le cas où ces mesures n'auraient pas été exécutées dans le délai imparti, le maire peut y faire procéder d'office. La nouvelle rédaction de l'article L. 511-3 du CCH introduite par l'ordonnance du 15 décembre 2005 est donc plus précise que la précédente dans la mesure où elle oriente le sens du rapport de l'expert et les mesures à prendre par le maire en cas de péril imminent. Notons que la possibilité de réaliser les travaux provisoires sous bail à réhabilitation, emphytéotique ou viager a été supprimée par l'ordonnance, ces dispositions étant inadéquates en ce qui concerne des travaux provisoires.

Lorsque les mesures prises ont, à la fois, conjuré l'imminence du danger et mis fin durablement au péril, le maire, sur le rapport d'un homme de l'art qui ne peut être l'expert désigné par le juge, prend acte de leur réalisation et de leur date d'achèvement. Dans le cas contraire, il peut assortir l'arrêté de péril par une interdiction temporaire ou définitive d'habiter et d'utiliser les lieux. Rappelons à nouveau qu'un arrêté de péril imminent, sauf cas où les travaux réalisés par le propriétaire ont mis fin à tout péril (ce qui donne lieu à un arrêté de mainlevée du péril), doit être suivi d'un arrêté de péril ordinaire permettant seul de mettre fin durablement au péril. Enfin, les droits à hébergement ou relogement des occupants sont identiques, qu'il s'agisse d'une procédure de péril imminent ou d'une procédure de péril ordinaire, étant précisé que dans les deux cas, comme en matière d'insalubrité, les locaux vacants ne peuvent être loués à quelque usage que ce soit, indépendamment d'une interdiction d'habiter.

Sur les deux derniers titres de l'ordonnance relatifs respectivement au relogement des occupants et à l'expropriation des immeubles insalubres, lire la deuxième partie (N° Lexbase : N1031ALR).


Frédéric Dieu
Commissaire du Gouvernement près le Tribunal administratif de Nice (1ère ch.)


(1) Ordonnance prise sur le fondement de l'article 122 de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale (N° Lexbase : L6384G49) et publiée au Journal officiel du 16 décembre 2005.
(2) Loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national sur le logement (JO n° 163 du 16 juillet 2006, p. 10662, texte n° 1).
(3) Le rapport concluant à l'insalubrité de l'immeuble peut être établi soit à la propre initiative du DDASS, soit sur saisine du maire ou du président de l'EPCI compétent en matière de logement, soit enfin à la demande de tout locataire ou occupant de l'immeuble concerné.
(4) Lorsque les travaux prescrits ne concernent que les parties communes d'un immeuble en copropriété, la notification aux copropriétaires peut se faire au seul syndicat des copropriétaires qui doit en informer dans les plus brefs délais l'ensemble des copropriétaires.
(5) C. santé publ., art. L. 1331-28-3 (N° Lexbase : L9183HET).
(6) Dans les deux cas, les travaux sont effectués aux frais du propriétaire. Le juge des référés est saisi en cas de difficultés.
(7) C. santé publ., nouv. art. L. 1311-4 (N° Lexbase : L9246HE8).
(8) C. santé publ., art. L. 1331-28 (N° Lexbase : L9180HEQ).
(9) C. santé publ., art. L. 1331-29 (N° Lexbase : L9184HEU).
(10) Ce danger doit avoir été constaté par le directeur départemental des affaires sanitaires et sociales ou le directeur du service communal d'hygiène et de santé (C. santé publ., art. L. 1331-26 N° Lexbase : L9090HEE) et doit être lié à une situation d'insalubrité.
(11) C. santé publ., L. 1331-26-1 (N° Lexbase : L9091HEG).
(12) Cf. articles L 521-1 et suivants du Code de la construction et de l'habitation (CCH) (N° Lexbase : L8434HE4). En cas d'interdiction temporaire d'habiter et d'utiliser les lieux, le propriétaire ou l'exploitant est tenu d'assurer l'hébergement décent des occupants. A défaut, le représentant de l'Etat dans le département prend les dispositions nécessaires pour assurer leur hébergement provisoire. Le coût de l'hébergement est mis à la charge du propriétaire ou de l'exploitant. La créance est recouvrée comme en matière de contributions directes et garantie par une hypothèque légale sur l'immeuble ou sur le ou les lots concernés en cas de copropriété. Notons également qu'à compter de la notification de l'arrêté d'insalubrité prononçant une interdiction d'habiter et d'utiliser les lieux, les locaux vacants ne peuvent être ni loués ni mis à disposition à quelque usage que ce soit.
(13) C. santé publ., art. L. 1331-22 (N° Lexbase : L9084HE8).
(14) Plus précisément, à compter du premier jour du mois qui suit l'envoi de la notification de l'arrêté d'insalubrité (ou à compter du premier jour de l'affichage de l'arrêté à la mairie et sur l'immeuble), jusqu'au premier jour du mois qui suit la date d'achèvement des travaux constatée par arrêté.
(15) Cf. supra note 8. En outre, en cas d'interdiction définitive d'habiter et d'utiliser les lieux, le propriétaire ou l'exploitant doit assurer le relogement des occupants. En cas de défaillance du propriétaire ou de l'exploitant, la collectivité publique à l'initiative de laquelle la procédure d'insalubrité a été engagée prend les dispositions nécessaires pour les reloger. Le propriétaire ou l'exploitant est tenu de verser à l'occupant évincé une indemnité d'un montant égal à trois mois de son nouveau loyer et destinée à couvrir ses frais de réinstallation. Lorsque la collectivité publique a procédé au relogement, le propriétaire ou l'exploitant lui verse, à titre d'indemnité, une somme comprise entre 304,90 et 609,80 euros par personne relogée.
(16) C. santé publ., art. L. 1331-23 (N° Lexbase : L9085HE9).
(17) C. santé publ., art. L. 1331-24 (N° Lexbase : L9088HEC).
(18) C. santé publ., art. L. 1331-26 (N° Lexbase : L9090HEE).
(19) Si, dans le délai d'un mois suivant l'envoi d'une mise en demeure, le propriétaire n'a pas exécuté les travaux, ceux-ci seront réalisées d'office par l'administration (le maire agissant au nom de l'Etat ou le préfet).
(20) L'arrêté d'insalubrité doit alors préciser la date d'effet de l'interdiction ainsi que la date à laquelle le propriétaire ou l'exploitant de locaux d'hébergement doit avoir fait connaître au préfet si une offre précise de relogement ou d'hébergement a été faite aux occupants. Il s'agit ainsi de permettre à l'administration de prévoir l'hébergement ou le relogement des occupants en temps utile et d'éviter qu'ils ne restent dans les locaux sans droit ni titre.
(21) Cela en référence aux caractéristiques du logement décent précisées par les dispositions du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 (N° Lexbase : L4298A3L) (sanitaires, salle d'eau, chauffage et coin cuisine).
(22) C. santé publ., art. L. 1334-4, § 4 (N° Lexbase : L3467HCE).
(23) Le maire pouvait certes, en cas d'urgence, prendre un arrêté de péril imminent, procédure rapide et efficace mais qui n'autorisait que des travaux provisoires de type confortatif et renvoyait, pour supprimer le péril, à la procédure contradictoire normale.
(24) CCH, art. L. 511-2 (N° Lexbase : L8423HEP) et L. 511-3 (N° Lexbase : L8187HEX). Ces dispositions entreront en vigueur à une date fixée par décret au plus tard le 1er octobre 2006.
(25) CCH, art. L. 511-3, précité.

newsid:91026