Il est un sport national de plus en plus pratiqué par les citoyens, et surtout par les élites
sapiens sapiens, qui connaît un engouement certain, notamment, en période d'inflation législative et jurisprudentielle : c'est l'optimisation législative, voire le contournement de la loi -pour ne pas évoquer la fraude et autre abus de droit- à des fins, politiques ou pécuniaires, toutes autres que celles prévues initialement par le législateur. Lorsqu'un conseil municipal demande à l'exécutif communal de faire figurer dans les documents des marchés publics une clause dite du mieux-disant social, fondant la commission d'appel d'offres à évincer les entreprises soumissionnaires qui auraient recours à des contrats nouvelles embauches ou à des contrats première embauche, contrats revêtus, pourtant, du sceau parlementaire, n'est-on pas en droit de clamer, comme l'hôte du Banquet, que "
la perversion de la cité commence par la fraude des mots" ? Car assurément, l'article 13 du Code de marchés publics intégrant un critère social, parmi les critères de choix des offres, visant à promouvoir l'emploi de personnes rencontrant des difficultés particulières d'insertion, à lutter contre le chômage ou à protéger l'environnement, les conditions d'exécution de ce critère ne doivent pas avoir d'effet discriminatoire à l'égard des candidats potentiels. A la lettre et au mot, l'inscription d'un critère social au cahier des charges d'un marché public n'a pas pour vocation de sanctionner les candidats à un marché, respectueux d'une norme sociale parfaitement légale, mais dont l'économie générale ne conviendrait pas, politiquement, à la majorité municipale-acheteuse publique. La remise en cause des lois et autres actes réglementaires se traduit juridiquement, comme politiquement, devant le Conseil constitutionnel ou le Conseil d'Etat. On comprend d'ores et déjà mieux la sagesse du juge administratif lorsqu'il décide qu'une collectivité locale est incompétente pour décider de mesures qui ont pour objet ou pour effet de faire échec, sur le territoire de cette collectivité, à l'application de normes de valeur législative (lois portant création du contrat nouvelles embauches et du contrat première embauche). Les éditions juridiques Lexbase vous proposent de lire, cette semaine, dans le cadre de la nouvelle Revue Lexbase de Droit public, comme celui de notre édition sociale, le commentaire de
Christophe Willmann, Professeur à l'université de Haute Alsace,
Le régime des marchés publics face aux contrats "première embauche" et "nouvelles embauches". Mais, l'actualité nous fournit, peut-être, cette même semaine, un contre-exemple de cette sagesse jurisprudentielle, lorsque la Chambre commerciale de la Cour de cassation décide que "
la dissolution d'une société dont les parts sont réunies en une seule main entraîne la transmission universelle du patrimoine à l'associé unique, sans qu'il y ait lieu à liquidation". Aussi, "
si, sauf accord du cocontractant, un contrat conclu en considération de la personne d'une telle société prend fin au plus tard par l'effet de la dissolution de celle-ci, l'associé unique n'en recueille pas moins les créances et les dettes antérieurement nées dans le patrimoine social au titre de ce contrat". La solution est cohérente au regard de la théorie de la personne morale et du principe de l'indépendance des personnalités juridiques entre associé et société, même dans le cadre d'une EURL. Mais, il faut admettre qu'au regard de la pratique des affaires, et alors que l'on sait la pertinence contestée de la personnalité morale accordée à l'EURL, l'interprétation des clauses d'une convention
intuitu personae, faisant apparaître la volonté d'un choix portant sur la personne physique plutôt que sur la personne morale cocontractante, tendrait, pourtant, à écarter l'application dogmatique de la distinction des personnalités juridiques, au patrimoine, en fin de compte, commun. Ceci étant posé, cette voie d'analyse fondée sur une approche concrète de la situation des parties, s'avère moins pragmatique qu'il n'y parait de prime abord. Les avantages du recours aux principes théoriques attachés à la notion de personnalité morale apparaissent, en réalité, plus propices au maintien de l'intégrité des droits subjectifs des cocontractants de l'EURL tout en permettant d'assurer la protection de l'associé unique. Aussi, nous vous invitons à revenir, avec
Jean-Baptiste Lenhof, Maître de conférences à l'ENS - Cachan Antenne de Bretagne, Membre du centre de droit financier de l'Université de Paris I (Panthéon-Sorbonne), sur
L'intuitu personae
dans la cession de contrat d'agence commerciale.
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