La lettre juridique n°224 du 20 juillet 2006 : Fiscalité des entreprises

[Jurisprudence] Option pour la TVA et régularisation positive

Réf. : CJCE, 30 mars 2006, aff. C-184/04, Uudenkaupungin kaupunki (N° Lexbase : A8302DNS)

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N0987AL7

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par Yolande Sérandour, Professeur à la Faculté de droit de Rennes, Directrice du Master de Droit Fiscal des Affaires de Rennes et du département Droit fiscal du CDA

le 07 Octobre 2010

L'article 17-2 de la sixième Directive TVA (N° Lexbase : L9279AU9) subordonne la déduction de la TVA ayant grevé les dépenses d'un assujetti à leur affectation aux besoins des opérations taxées. En conséquence, l'utilisation de biens et services pour réaliser des opérations exonérées n'autorise aucune récupération de la TVA d'amont. Cependant, en cas d'option pour l'application de la TVA, l'exercice du droit à déduction devient possible. Il reste à se demander si un exploitant peut, après engagement d'une dépense n'ayant pas donné lieu à déduction de la TVA en raison de son affectation à des opérations exonérées, affirmer que son option pour la TVA l'autorise à réclamer une régularisation en sa faveur. Telle était la question à laquelle devait répondre la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) le 30 mars 2006.
La ville finlandaise de Uusikaupunki a engagé des travaux immobiliers sur plusieurs immeubles puis les a donnés en location, d'une part, à l'Etat finlandais et, d'autre part, à une entreprise. Elle a opté pour la TVA plus de six mois après la fin des travaux et la mise en location. Or, la déduction de la TVA d'amont suppose, selon le droit finlandais, le dépôt d'une demande d'option pour la TVA dans les six mois de la mise en service de l'immeuble. Invoquant le non-respect du droit finlandais, l'administration fiscale et la première juridiction saisie ont rejeté la demande de la ville de Uusikaupunki tendant à obtenir une régularisation positive de la TVA supportée sur les travaux de construction engagés en vue d'exercer une activité d'abord exonérée puis imposable.

La cour administrative de Finlande a décidé de poser à la CJCE les questions préjudicielles suivantes :

"1) L'article 20 de la Directive 77/388/CEE doit-il être interprété en ce sens que, sous réserve des dispositions de son paragraphe 5, la régularisation des déductions visée dans cet article est obligatoire pour l'Etat membre en ce qui concerne les biens d'investissement ?

2) L'article 20 de la Directive 77/388/CEE doit-il être interprété en ce sens que la régularisation des déductions visée dans cet article est également applicable dans une situation où un bien d'investissement, en l'occurrence immobilier, a d'abord été affecté à une activité exonérée, où les déductions étaient initialement totalement exclues, alors que ce n'est que plus tard, pendant la période de régularisation, que le bien a été utilisé aux fins d'une activité soumise à la TVA ?

3) L'article 13, C, deuxième alinéa, de la Directive peut-il être interprété en ce sens que le droit à déduction pour les acquisitions relatives à des investissements immobiliers peut être restreint par l'Etat membre de la façon prévue dans la loi finlandaise sur la TVA, de telle sorte que ce droit se trouve complètement exclu dans des situations comme celle de la présente affaire ?

4) L'article 17, paragraphe 6, deuxième alinéa, de la Directive peut-il être interprété en ce sens que le droit à déduction pour les acquisitions relatives à des investissements immobiliers peut être restreint par l'Etat membre de la façon prévue dans la loi finlandaise sur la TVA, de telle sorte que ce droit se trouve complètement exclu dans des situations comme celle de la présente affaire ?"

En réponse, la CJCE dit pour droit que :

"1) L'article 20 de la sixième Directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, doit être interprété en ce sens que, sous réserve des dispositions de son paragraphe 5, cette disposition oblige les Etats membres à prévoir une régularisation des déductions en ce qui concerne les biens d'investissement.

2) L'article 20 de la sixième Directive doit être interprété en ce sens que la régularisation est également applicable dans une situation dans laquelle un bien d'investissement, en l'occurrence immobilier, a d'abord été affecté à une activité exonérée, qui n'ouvre pas droit à déduction, alors que ce n'est que plus tard que le bien a été utilisé aux fins d'une activité soumise à la TVA.

3) Les articles 13, C, second alinéa, et 17, paragraphe 6, de la sixième Directive ne doivent pas être interprétés en ce sens qu'il serait permis à un Etat membre, qui accorde à ses assujettis le droit d'opter pour l'imposition de l'utilisation d'un immeuble, d'exclure complètement le droit de déduire la TVA acquittée pour des investissements immobiliers avant la demande tendant à ce que la location de l'immeuble soit traitée comme une opération soumise à la TVA, lorsque cette demande n'a pas été introduite dans les six mois à partir de la mise en service de cet immeuble".

Aucun Etat membre ne peut s'abstenir de transposer les règles communautaires organisant la révision des déductions et l'exercice a posteriori du droit à déduction.

1. L'obligation des Etats membres de prévoir la régularisation des déductions

S'agissant du caractère obligatoire ou non de l'article 20 de la sixième Directive TVA, la position finlandaise se heurtait à son libellé. Ce dernier prévoit en effet que "1. La déduction initialement opérée est régularisée suivant les modalités fixées par les Etats membres". Seules les modalités de régularisation sont abandonnées aux Etats membres. La lettre ne permet pas d'exclure la révision des déductions. Rappelons que, en vertu de l'article 249, troisième alinéa, du Traité CE , chaque Etat membre destinataire doit atteindre l'objectif fixé par une Directive. Selon une jurisprudence constante, les Etats membres ont l'obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer le plein effet de la Directive (§ 26 ; CJCE, 7 mai 2002, aff. C-478 /99, Commission des Communautés européennes c/ Royaume de Suède N° Lexbase : A6304AY7 : Rec. p. I-4147, p. 15 ; CJCE, 26 juin 2003, aff. C-233/00, Commission des Communautés européennes c/ République française, § 75 N° Lexbase : A0198C99 : Rec. p. I-6625). Si la sixième Directive TVA autorise des aménagements à la régularisation du droit à déduction, encore faut-il avoir transposé l'article 20 y afférent (§ 28 ; CJCE, 19 novembre 1991, aff. C-6/90, Andrea Francovich et Danila Bonifaci et autres c/ République italienne, § 21 N° Lexbase : A5783AYT : Rec. p. I-5357 ; CJCE, 14 juillet 2005, aff. C-142/04, Maria Aslanidou c/ Ypourgos Ygeias & Pronoias, § 35 N° Lexbase : A1650DKC).

La révision de la déduction de la TVA d'amont complète l'article 17 de la sixième Directive. Selon l'article 2 de la première Directive TVA, "le principe du système commun de taxe sur la valeur ajoutée, est d'appliquer aux biens et aux services un impôt général sur la consommation exactement proportionnel au prix des biens et des services, quel que soit le nombre des transactions intervenues dans le processus de production et de distribution antérieur au stade d'imposition. A chaque transaction, la taxe sur la valeur ajoutée, calculée sur le prix du bien ou du service au taux applicable à ce bien ou à ce service, est exigible déduction faite du montant de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé directement le coût des divers éléments constitutifs du prix" (première Directive 67/227/CEE du Conseil, du 11 avril 1967, en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires N° Lexbase : L7913AUM, JO 1967, 71, p.1301). Il en résulte que le droit à déduction vise à soulager entièrement l'entrepreneur du poids de la TVA supportée dans le cadre de toutes ses activités économiques (CJCE, 14 février 1985, aff. C-268/83, D.A. Rompelman et E.A. Rompelman-Van Deelen c/ Minister van Financiën, § 19 N° Lexbase : A8121AUC : Rec. CJCE, p. 655 ; CJCE, 15 janvier 1998, aff. C-37/95, Belgische Staat c/ Ghent Coal Terminal NV, § 15 N° Lexbase : A9657AU9 : RJF 1998, n° 359 ; JCP éd. E 1998, n° 11, p. 403, note F. Taquet ; CJCE, 21 mars 2000, aff. C-110/98, Gabalfrisa SL e.a. c/ Agencia Estatal de Administración Tributaria (AEAT), § 44 N° Lexbase : A1997AIS : RJF 6/00, n° 872 ; CJCE, 8 juin 2000, aff. C-98/98, Commissioners of Customs and Excise c/ Midland Bank plc, § 19 N° Lexbase : A2016AII : RJF 9-10/00, n° 1187 ; CJCE, 22 février 2001, aff. C-408/98, Abbey National plc c/ Commissioners of Customs & Excise, § 24 N° Lexbase : A1648AWX : Dr. fisc. 2002, n° 13, comm. 278 ; CJCE, 3 mars 2005, aff. C-32/03, I/S Fini H c/ Skatteministeriet, § 25 N° Lexbase : A1773DH7 : Dr. Fisc. 2005, n° 25, comm. 487 ; RJF 5/05, n° 519). Ce droit à déduction totale de la TVA d'amont constitue l'une des applications du principe de neutralité.

Le fondement du droit à déduction étant l'affectation aux activités imposables, seul importe de savoir si une telle dépense, notamment un moyen durable d'exploitation, sert ou non à produire des biens ou des services taxables. Toute TVA non effectivement déduite devient récupérable du seul fait qu'elle grève des opérations imposables. Inversement, toute TVA effectivement déduite devient révisable du seul fait qu'elle grève des situations non imposables. L'étendue de l'exercice du droit à déduction dépend de l'utilisation réelle des dépenses. Tel est le rôle de l'article 20 de la sixième Directive TVA, lequel permet d'ajuster la TVA déduite en fonction de l'évolution de l'affectation des dépenses.

Le principe de neutralité conduit la CJCE à affirmer que "la période de régularisation des déductions prévue à l'article 20 de la sixième Directive permet d'éviter des inexactitudes dans le calcul des déductions et des avantages ou des désavantages injustifiés pour l'assujetti lorsque, notamment, des modifications des éléments initialement pris en considération pour la détermination du montant des déductions interviennent postérieurement à la déclaration. La probabilité de pareilles modifications est particulièrement importante dans le cas de biens d'investissement qui sont souvent utilisés durant une période de plusieurs années au cours de laquelle leur affectation peut varier. La sixième Directive prévoit donc une période de régularisation de cinq ans, qui peut être étendue à vingt ans dans le cas de biens immobiliers, période durant laquelle peuvent se succéder des déductions variables. Le système de régularisation des déductions constitue un élément essentiel du système mis en place par la sixième Directive en ce qu'il a pour vocation d'assurer l'exactitude des déductions et donc la neutralité de la charge fiscale. L'article 20, paragraphe 2, de la sixième Directive, qui concerne les biens d'investissement, pertinents dans l'affaire au principal, est d'ailleurs rédigé dans des termes qui ne laissent aucun doute sur son caractère obligatoire" (§ 25 et 26).

La sixième Directive lie la déductibilité de la TVA d'amont à l'affectation des dépenses aux activités dans le champ d'application de la TVA, qu'elles soient effectivement taxables ou exonérées. Au point 15 de l'arrêt "Lennartz", la CJCE a affirmé que "c'est l'acquisition des biens par un assujetti agissant en tant que tel qui détermine l'application du système de TVA et, partant, du mécanisme de déduction. L'utilisation qui est faite des marchandises, ou qui est envisagée pour elles, ne détermine que l'étendue de la déduction initiale à laquelle l'assujetti a droit en vertu de l'article 17 et l'étendue des éventuelles régularisations au cours des périodes suivantes" (CJCE, 11 juillet 1991, aff. C-97/90, Hansgeorg Lennartz c/ Finanzamt München III N° Lexbase : A7275AHW : RJF 1991, n° 1325). Aussi faut-il distinguer entre le principe du droit à déduction ouvert par la simple affectation à l'exploitation de l'étendue du droit à déduction déterminée par l'utilisation réelle (Y. Sérandour, Le droit à déduction de la TVA en jurisprudence communautaire, JCP éd. E 1999, p. 1954). Aussi, une TVA non déduite initialement en raison d'une affectation des dépenses concernées aux opérations exonérées peut-elle être récupérée par régularisation positive.

2. L'obligation des Etats membres d'admettre la régularisation positive

Selon une jurisprudence communautaire constante, l'intention d'affecter les dépenses pour lesquelles l'assujetti réclame l'exercice du droit à déduction à une activité imposable suffit. Les frais préparatoires à l'exercice d'une activité imposable ouvrent droit à déduction immédiate, notamment par remboursement. L'assujetti doit seulement déclarer son intention de réaliser des opérations imposables et en avoir rapporté la preuve. (Y. Sérandour, Le droit à déduction de la TVA en jurisprudence communautaire, préc. arrêt "Rompelman" préc. § 22 et 23 ; CJCE, 11 juillet 1991, aff. C-97/90, Hansgeorg Lennartz c/ Finanzamt München III : RJF 1991, n° 1325 ; CJCE, 29 février 1996, aff. C-110/94, Intercommunale voor zeewaterontzilting (INZO) c/ Belgische Staat N° Lexbase : A9700AUS : RJF 1996, n° 690 ; CJCE, 21 mars 2000, aff. C-110/98, Gabalfrisa SL e.a. c/ Agencia Estatal de Administración Tributaria (AEAT) ; CJCE, 8 juin 2000, aff. C-400/98, Finanzamt Goslar c/ Brigitte Breitsohl N° Lexbase : A1912AWQ : RJF 11/00, n° 1394 ; CJCE, 8 juin 2000, aff. C-396/98, Grundstückgemeinschaft SchloBstraBe GbR c/ Finanzamt Paderborn N° Lexbase : A1801AWM).

La CJCE va jusqu'à considérer qu'il importe peu que l'auteur des dépenses exerce personnellement l'activité pour laquelle les dépenses préparatoires ont été engagées. Ainsi, en cas de création d'une société civile chargée de réaliser tous les investissements nécessaires à l'exercice de l'activité envisagée à exercer par une société de capitaux à créer, la société préparatoire peut déduire la TVA (CJCE, 29 avril 2004, aff. C-137/02, Finanzamt Offenbach am Main-Lan c/ Faxworld Vorgründungsgesellschaft Peter Hünninghausen und Wolfgang Klein GbR N° Lexbase : A9946DBY : Y. Sérandour, Frais préparatoires et TVA, la création d'entreprise encouragée par la CJCE, Lexbase Hebdo n° 119 du 6 mai 2004 - édition fiscale N° Lexbase : N1501AB9). Le juge communautaire décide que le transfert, avec continuité d'exploitation, d'une entreprise relevant de la TVA justifie le droit à déduction sur les services acquis par le cédant afin de réaliser la cession. Ces derniers font partie des frais généraux de l'entreprise antérieurs à la cession (arrêts "Abbey National" préc., § 35 et s., et "Faxworld", préc. § 39). Dès lors qu'une dépense se rattache à une activité dans le champ d'application de la TVA, le principe du droit à déduction est incontestable. Ainsi, la cessation d'entreprise n'exclut pas la déduction de la TVA ayant grevé les frais postérieurs à cet événement (CJCE, 3 mars 2005, aff. C-32/03, I/S Fini H c/ Skatteministeriet N° Lexbase : A1773DH7 : Dr. Fisc. 2005, n° 25, comm. 487 ; RJF 5/05, n° 519).

L'article 17-2 de la sixième Directive TVA autorise la déduction de la TVA grevant les dépenses affectées à l'activité économique de l'assujetti. La neutralité de la TVA, souvent rappelée par la Cour de Luxembourg signifie que la TVA d'amont est déductible sous la seule condition et limite de l'affectation des dépenses aux opérations taxées (arrêts "Rompelman", préc. § 16 ; CJCE, 21 septembre 1988, aff. C-50/87, Commission des Communautés européennes c/ République française N° Lexbase : A7265AHK : Dr. fisc. 1988, comm. 2305, § 15 ; CJCE, 22 juin 1993, aff. C-333/91, Sofitam SA (anciennement Satam SA) c/ Ministre chargé du Budget N° Lexbase : A7257AHA : Dr. fisc. 1993, comm. 2116, § 10, concl. Wangerven, et chron. Derouin et Ginter, p. 1747 ; JCP éd. E 1993, II 524 ; CJCE, 6 avril 1995, aff. C-4/94, BLP Group plc c/ Commissioners of Customs & Excise N° Lexbase : A9796AUD : Dr. fisc. 1995, comm.1091 et 1779 ; CJCE, 19 septembre 2000, aff. C-177/99, Ampafrance SA c/ Directeur des services fiscaux de Maine-et-Loire (C-177 /99) et Sanofi Synthelabo contre Directeur des services fiscaux du Val-de-Marne (C -181/99), § 3 et 34 N° Lexbase : A7225AH3 : Dr. fisc. 2000, comm. 812 ; RJF 11/00, n° 1392 ; RTDcom. 2001, p. 280, chr. F. Deboissy. Adde, J. Turot, Attention, ne jamais recongeler un produit décongelé, Dr. fisc. 2000, p. 1404. M. Guichard, L'esprit des lois communautaires en matière de TVA : du principe de neutralité, Dr. fisc. 2001, n° 36, p. 1205). L'objectif ultime étant la déduction la plus large possible, les Etats membres doivent s'abstenir de restreindre ce droit. Ils ne peuvent limiter l'étendue du droit à déduction en proportion de l'affectation des dépenses à l'activité professionnelle, ni invoquer l'absence de transposition des dispositions communautaires relatives à l'imposition des livraisons et prestations à soi-même (CJCE, 14 juillet 2005, aff. C-434/03, P. Charles c/ Staatssecretaris van Financiën N° Lexbase : A1685DKM : Dr. fisc. 2005, n° 38, comm. 618 ; RJF 11/05, n° 1337).

Néanmoins, un Etat membre de l'Union européenne ayant fait usage de la faculté d'accorder à ses contribuables le droit, prévu à l'article 13, C, de la sixième Directive TVA, d'opter pour la taxation de l'affermage et de la location de biens immeubles peut subordonner la taxation de ces opérations à l'obtention préalable d'un agrément et n'en tirer les conséquences sur le droit à déduction que pour l'avenir (CJCE, 9 septembre 2004, aff. C-269/03, Etat du grand-duché de Luxembourg c/ Vermietungsgesellschaft Objekt Kirchberg Sàrl N° Lexbase : A3356DDN : RJF 12/04, n° 1292. Adde, instruction du 15 octobre 2004, BOI n° 3 A-6-04 N° Lexbase : X4169ACE ; Dr. Fisc. 2004, n° 46, 13228). Selon la CJCE, l'option pour la TVA peut être largement accordée ou limitée voire assortie de modalités. En son point 21, l'arrêt "VOK" précise que "les Etats membres jouissent d'une large marge d'appréciation dans le cadre des dispositions de l'article 13, B et C, de la sixième Directive" (CJCE, 3 décembre 1998, aff. C-381/97, Belgocodex SA c/ Etat belge N° Lexbase : A0551AWC : Rec. p. I-8153, points 16 et 17). Le refus de rétroactivité n'avait toutefois pour conséquence que d'exclure l'application de la TVA aux opérations antérieures à l'option et la récupération totale de la TVA initialement supportée. L'Etat néerlandais avait admis la régularisation de la TVA non déduite initialement.

L'utilisation immédiate d'un bien pour des opérations taxées ne constitue pas une condition de l'application du système de régularisation des déductions (arrêt "Lennartz", préc., § 15 et 16). La réalisation antérieure d'opérations taxées justifie la déduction de la TVA (arrêt "Fini H", préc.). En résumé, peu importe l'époque d'engagement des dépenses. Dès lors qu'elles se rapportent à des opérations imposables, l'assujetti peut exercer son droit à déduction tel qu'il est organisé par la sixième Directive TVA. Or, en matière de biens durables d'exploitation, l'article 20 susmentionné envisage une déduction partielle prenant en considération la durée de leur affectation aux opérations imposables dans le délai de 5 à 20 ans. Au regard du principe de neutralité, mis en oeuvre par les articles 17 et 20 de la sixième Directive TVA, la Finlande ne pouvait exclure une régularisation positive au motif que l'assujetti n'avait pas respecté le délai d'option fixé par le droit interne. Il ne pouvait pas plus invoquer la clause de gel des exclusions et limitations prévue par l'article 17 § 6, car ce dernier vise la nature des dépenses et non l'affectation ou ses modalités (§ 49 ; CJCE, 5 octobre 1999, aff. C-305/97, Group Ltd c/ Commissioners of Customs & Excise, § 21 à 25 N° Lexbase : A8108ATH : Rec. p. I-6671).

Enfin, à la demande de l'Etat finlandais tendant à l'application des régularisations en faveur des assujettis, c'est-à-dire le remboursement de taxes perçues en violation des règles du droit communautaire pour la seule période postérieure à l'arrêt, la CJCE répond, au point 55 que "ce n'est qu'à titre exceptionnel que la Cour peut, par application d'un principe général de sécurité juridique inhérent à l'ordre juridique communautaire, être amenée à limiter la possibilité pour tout intéressé d'invoquer une disposition qu'elle a interprétée en vue de mettre en cause des relations juridiques établies de bonne foi. Pour qu'une telle limitation puisse être décidée, il est nécessaire que deux critères essentiels soient réunis, à savoir la bonne foi des milieux intéressés et le risque de troubles graves" (voir, notamment, CJCE, 28 septembre 1994, aff. C-57/93, Anna Adriaantje Vroege c/ NCIV Instituut voor Volkshuisvesting BV et Stichting Pensioenfonds NCIV N° Lexbase : A0090AWA : Rec. p. I-4541, point 21 ; et CJCE, 10 janvier 2006, aff. C-402/03, Skov Æg c/ Bilka Lavprisvarehus A/S N° Lexbase : A2043DMM, non encore publié au Recueil, point 51). A cet égard, chacun attend avec intérêt la décision de la CJCE à propos de l'IRAP italien (CJCE, 21 oct. 2005, aff. C-475/03 : Y. Sérandour, L'interdiction du cumul de taxes sur le chiffres d'affaires : quand les Etats membres obtiennent la réouverture des débats, Lexbase hebdo n° 199 du 26 janvier 2006 - édition fiscale N° Lexbase : N3487AKD ; concl. M. F. G. Jacob présentées le 17 mars 2005 ; concl. Mme C. Stix-Hackl présentées le 14 mars 2006).

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