La lettre juridique n°218 du 8 juin 2006 : Urbanisme

[Textes] Les modalités d'application de la loi littoral définies par une circulaire du 14 mars 2006

Réf. : Circulaire du ministre des Transports, de l'Equipement, du Tourisme et de la Mer du 14 mars 2006, n° D06002619, relative à l'application de la loi littoral (N° Lexbase : L5778HIT)

Lecture: 6 min

N8330AKQ

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Textes] Les modalités d'application de la loi littoral définies par une circulaire du 14 mars 2006. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3208379-texteslesmodalitesdapplicationdelaloilittoraldefiniesparunecirculairedu14mars2006
Copier

le 07 Octobre 2010

Par une circulaire du 14 mars 2006 publiée récemment, le ministre des Transports, de l'Equipement, du Tourisme et de la Mer précise aux préfets certaines modalités d'application de la loi littoral. Il rappelle les finalités et l'enjeu d'une telle législation et apporte une définition unifiée de certaines notions clés. 1. La protection du littoral

L'équilibre entre impératifs de protection et nécessités de développement
Les dispositions relatives à la protection du littoral, instituées par la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986, relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral modifiée (N° Lexbase : L7941AG9), ont pour objectifs d'orienter et limiter l'urbanisation dans les zones littorales, de protéger les espaces remarquables, les espaces boisés les plus significatifs, de gérer l'implantation des nouvelles routes et terrains de camping et de caravanage et de permettre l'affectation prioritaire du littoral au public. Sont concernées trois catégories de communes : celles riveraines des mers et océans, des étangs salés et des plans d'eau intérieurs d'une superficie supérieure à 1 000 hectares ; les communes riveraines des estuaires et deltas (liste à l'article R. 321-1 du Code de l'environnement N° Lexbase : L5577HB8) ; certaines communes proches des précédentes et qui en font la demande au préfet. Les documents d'urbanisme locaux doivent être compatibles avec de telles dispositions.

La nécessité de clarifications
Vingt ans après, les enjeux de gestion économe de l'espace et d'équilibre entre développement et préservation restent pleinement d'actualité. Cependant, le caractère général ou imprécis de certaines dispositions, le retard dans la publication de décrets d'application, parfois incomplets, ont mené à des interprétations jurisprudentielles. Des parlementaires ont saisi le Gouvernement de l'exaspération des maires (2) et du retard dans la publication d'une circulaire qui était prévue avant l'été 2005.

La circulaire du 14 mars 2006 vient éclairer les problèmes posés par l'urbanisation dans les communes riveraines de la mer ; une précédente circulaire du 15 septembre 2005 (2) portait sur le traitement des espaces remarquables. Le ministre des Transports, de l'Equipement, du Tourisme et de la Mer annonce la prochaine parution d'une plaquette destinée aux élus. Elle devrait les aider dans leur démarche d'aménagement et de planification. La dernière circulaire appelle l'attention sur la médiocre prise en compte de la loi littoral par un certain nombre de documents d'urbanisme anciens, d'où un risque d'insécurité juridique grave.

La rareté de schémas directeurs sur le littoral explique en partie les difficultés. L'analyse du développement et de la protection devrait se faire à une échelle pertinente par l'élaboration de schémas de cohérence territoriale (SCOT). Certaines opérations d'aménagements pourraient être autorisées dans le cadre d'un SCOT, équilibrant protection et environnement, alors qu'elles n'auraient pas un caractère limité au seul niveau du plan local d'urbanisme. La circulaire doit contribuer à mettre fin à des situations paradoxales : terrain déclaré constructible par le POS, certificat d'urbanisme positif, mais refus du permis de construire pour contrariété avec la loi littoral par les services de la DDE qui instruisent les demandes.

2. Les apports de la circulaire

Les notions "espaces proches du rivage", "extension d'urbanisation", "hameaux nouveaux", ainsi que la différence entre "urbanisation nouvelle" et "construction nouvelle" doivent être précisées afin que leur interprétation ne diffère pas d'un département ou d'une région à l'autre. Les documents départementaux d'application de la loi littoral (DDAL), établis dans certains départements par les services de l'Etat sont dépourvus de valeur juridique et n'ont pas à être notifiés aux communes même dans le cadre de l'élaboration de futurs SCOT.

Espaces proches du rivage
La totalité du territoire des communes littorales se trouve régie par la loi littoral. Leur développement n'est pas interdit mais particulièrement encadré. Dans les espaces proches du rivage, l'extension de l'urbanisation doit être limitée et l'opération d'aménagement conforme avec le SCOT. En l'absence de SCOT, un PLU peut permettre cette opération si elle est justifiée par la configuration particulière des lieux ou la nécessité d'accueil d'activités exigeant la proximité immédiate de l'eau. Hors ces cas, les extensions d'urbanisation doivent être réalisées après délibération spécifique du conseil municipal, après avis de la commission départementale compétente en matière de nature, de paysage et de sites et avec l'accord du préfet.

Dans les autres espaces, l'urbanisation n'est pas limitée mais doit s'effectuer en continuité de l'urbanisation existant. Se trouve ainsi posée une distinction fondamentale. Il appartient aux collectivités, dans le cadre du SCOT ou du PLU de procéder à une délimitation qui permet de protéger les espaces les plus proches d'une côte sans interdire l'urbanisation "rétro littorale". Le seul critère de la distance du rivage n'est pas suffisant mais doit s'intégrer dans une approche géographique concrète (3).

Extension de l'urbanisation et construction nouvelle
La notion doit être appréciée selon qu'il s'agit d'étendre l'urbanisation au-delà du tissu urbain existant ou de construire à l'intérieur d'une ville ou d'un village. A l'intérieur des parties actuellement urbanisées des communes, l'édification d'une ou plusieurs constructions ne devrait pas constituer une extension de l'urbanisation. Ce n'est pas le cas lorsque l'opération modifie fondamentalement les caractéristiques d'un quartier (immeuble collectif dans quartier pavillonnaire ou densité nettement supérieure au quartier environnant). La circulaire détaille aussi les figures d'extension en dehors des parties actuellement urbanisées des communes.

L'extension ne peut être autorisée qu'en continuité de l'urbanisation existante ou sous forme de hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. Dans les zones proches du rivage, elle reste strictement limitée. Le caractère limité d'une extension d'urbanisation s'apprécie au regard de l'importance de l'agglomération où se situe l'opération (proportionnalité), le caractère du secteur où elle se situe (proximité d'un secteur naturel ou agricole), le caractère du quartier environnant (urbain et dense prononcé).

Le cadre d'un SCOT permet de mieux apprécier l'équilibre entre les projets d'aménagement et la protection des espaces. La plupart des opérations annulées ne s'inscrivaient pas dans un projet d'ensemble et auraient pu être acceptées dans un cadre plus général (4).

Agglomérations, villages existants et hameaux nouveaux
Ces notions inscrites dans l'article L. 146-4 du Code de l'urbanisme ne sont définies ni par la loi, ni par ses décrets d'application.

Le hameau. La circulaire du 14 mars définit un hameau comme un petit groupe d'habitations (une dizaine ou une quinzaine de constructions au maximum) pouvant comprendre également d'autres constructions, isolé et distinct du bourg ou du village. Il ne comprend pas nécessairement un commerce, un café ou un service public. Inversement, de tels équipements ne suffisent pas à la qualification. Leur taille et leur type dépendent des traditions locales, ce qui exclut toute définition générale. La circulaire renvoie donc aux SCOT, PLU ou carte communale. Un document d'urbanisme peut prévoir un nouvel hameau dans un site vierge ou s'appuyant sur une ou plusieurs constructions existantes s'il est inséré dans les sites et paysages. La construction est aussi possible à l'intérieur ou à la frange d'un hameau existant sans remettre en cause la modestie de sa taille au risque de constituer une extension d'urbanisation qui reste prohibée par l'art. L. 146-4-I du Code de l'urbanisme.

Le village. Il est plus important que le hameau et comprend, ou a compris, des équipements ou lieux collectifs administratifs, cultuels ou commerciaux. Bien qu'appelé localement "village", un regroupement de quelques maisons doit être considéré comme un "hameau" pour l'application de la loi littoral.

L'agglomération. Sont considérées comme agglomération, au sens de l'article L. 146-4-I, les urbanisations d'une taille supérieure ou de nature différente des villages et hameaux. Seraient ainsi concernés : une zone d'activité, un ensemble de maisons d'habitation excédant sensiblement la taille d'un hameau ou d'un village, mais qui n'est pas doté des équipements ou lieux collectifs qui caractérisent habituellement un bourg ou un village. Une ville ou un bourg important constituent, évidemment, une agglomération.

Tant les élus (5) que les associations (6) pour la défense du littoral ne se satisfont pas pleinement d'une telle circulaire. Les définitions apportées restent pour le moins très relatives. La question des constructions dans un hameau, qui était l'une des principales difficultés, reste problématique. La construction d'un hameau nouveau est possible, l'extension d'un hameau existant reste interdite mais des constructions à l'intérieur ou à la frange sont possibles. Nombreux sont ceux qui regrettent les interrogations restant en suspens. Les défenseurs de l'environnement craignent l'ouverture d'une brèche tandis que les élus s'interrogent sur les possibilités de développement et la manière dont les juges prendront en compte la circulaire (7).

Nicolas Wismer
Collaborateur juridique à des associations de collectivités territoriales
Chargé d'enseignement en droit public à l'IEP de Lyon


(1) Rép. min. n° 20896, JOSQ 20 avril 2006, p. 1162 (N° Lexbase : L5779HIU) ; Rép. min. n° 0880S, JOSQ 18 janvier 2006, p. 10 (N° Lexbase : L5783HIZ).
(2) Circulaire UHC/PS1 n° 2005-57 du 15 septembre 2005 (N° Lexbase : L5777HIS), relative aux nouvelles dispositions prévues par le décret n° 2004-310 du 29 mars 2004 relatif aux espaces remarquables du littoral et modifiant le Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L7305E83).
(3) CE 9° et 10° s-s., 3 mai 2004, n° 251534, Mme Barrière (N° Lexbase : A0666DCN).
(4) CE 1° et 6° s-s., 27 juillet 2005, n° 264336, Comité de sauvegarde du port Vauban, Vieille-ville et Antibes-Est (N° Lexbase : A1347DK4).
(5) Associations locales des Maires de France.
(6) Union des associations pour la défense du littoral.
(7) Précisons que la situation d'élu n'est nullement exclusive d'une préoccupation environnementale.

newsid:88330