La lettre juridique n°212 du 27 avril 2006 : Impôts locaux

[Le point sur...] Modalités d'application et actualité de l'article 1518 B du CGI relatif à la valeur locative plancher

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[Le point sur...] Modalités d'application et actualité de l'article 1518 B du CGI relatif à la valeur locative plancher. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3208283-le-point-sur-modalites-dapplication-et-actualite-de-larticle-1518-b-du-cgi-relatif-a-la-valeur-locat
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le 07 Octobre 2010

La valeur locative retenue dans la base d'imposition à la taxe foncière sur les propriétés bâties et à la taxe professionnelle est, pour certains biens, déterminée à partir de leur prix de revient. Cette valeur locative se trouve, donc, modifiée, lorsque ces biens sont cédés à un autre redevable. Afin de limiter les pertes de ressources fiscales pouvant, ainsi, résulter pour les collectivités locales des opérations de restructuration d'entreprises (1), les dispositions de l'article 1518 B du CGI prévoient que la valeur locative obtenue après application des règles de droit commun pour les immobilisations acquises à la suite d'apports, de scissions, de fusions de sociétés ou de cessions d'établissements ne peut être inférieure à un certain seuil habituellement qualifié de "valeur locative plancher" (2). Les dispositions de l'article 87 de la loi de finances 2006 (n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 N° Lexbase : L6429HET) ont apporté une modification à ce seuil pour le cas où les opérations de restructuration interviennent au sein d'un groupe de sociétés et aménagent les règles spécifiques applicables en cas de reprise des actifs d'une entreprise en difficulté (3). 1. Présentation du dispositif de la valeur locative plancher

1.1. L'origine du dispositif

Le mécanisme de la valeur locative plancher a, d'abord, été institué pour les immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière par l'article 16-2° de la loi du 29 juillet 1975, instituant la taxe professionnelle, et codifié au 1er alinéa de l'article 1499 A du CGI relatif à la taxe foncière.

Compte tenu de l'article 324 AE de l'annexe III au CGI , qui renvoie à l'article 38 quinquies de la même annexe , le prix de revient est toujours la valeur d'apport, que celui-ci ait été réalisé à la valeur nette comptable ou à la valeur réelle.

Dans les deux cas, pour les biens passibles d'une taxe foncière, quel que soit le mode d'évaluation retenu, le système du plancher fonctionne et il impose de comparer la nouvelle valeur locative, déterminée par la valeur d'apport et le minimum fixé par le législateur, par application d'un coefficient inférieur à 1 à la valeur locative avant l'opération.

Le système du plancher a, ensuite, été étendu, par l'article 19, VI de la loi n° 80-10 du 10 janvier 1980, aux immobilisations non passibles d'une taxe foncière et codifié à l'article 1518 B du CGI . Le législateur a, ainsi, étendu ce système, en particulier, aux biens désignés au 3° de l'article 1469 du CGI .

1.2. Le mécanisme de la valeur locative plancher

Les dispositions de l'article 1518 B du CGI, dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur des dispositions de l'article 87 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005, prévoient que la valeur locative des immobilisations corporelles acquises à la suite d'apports, de scissions, de fusions de sociétés ou de cessions d'établissements ne peut être inférieure :

  • aux 2/3 de la valeur locative retenue l'année précédant l'opération pour les opérations réalisées entre le 1er janvier 1976 et le 31 décembre 1988 ;
  • à 85 % ou aux 2/3 de cette même valeur locative, selon que les bases d'imposition de l'établissement représentaient, l'année précédant l'opération, plus ou moins de 20 % (4) des bases de taxe professionnelle de la commune d'implantation, pour les opérations réalisées entre le 1er janvier 1989 et le 31 décembre 1991 ;
  • à 80 % de la valeur locative retenue avant l'opération pour les opérations réalisées depuis le 1er janvier 1992. Par exception, pour les opérations réalisées depuis le 1er janvier 2005, en cas de reprise d'immobilisations d'une entreprise en redressement judiciaire, ce seuil est ramené à 50 % pendant la procédure et les deux années suivant la clôture de celle-ci.

1.3. Les opérations concernées

Les opérations, à l'occasion desquelles l'article 1518 B du CGI est susceptible de s'appliquer, sont les opérations d'apports, de scissions, de fusions de sociétés, ainsi que les cessions d'établissements.

Par cession d'établissement, il convient d'entendre, conformément aux dispositions de l'article 310 HA, alinéa 6, de l'annexe II au CGI , deux types de cessions.

Il peut, d'abord, s'agir de la cession d'une installation utilisée par une entreprise en un lieu déterminé. Cependant, la cession de locaux nus ne peut être regardée comme une cession d'établissement au sens de l'article 1518 B du CGI (5).

Il peut, ensuite, s'agir de la cession d'une unité de production intégrée dans un ensemble industriel ou commercial, lorsque celle-ci peut faire l'objet d'une exploitation autonome. En cas de cession d'un établissement muni de tous ses moyens d'exploitation, l'article 1518 B s'applique, donc, à tous les biens meubles ou immeubles, ainsi, vendus.

1.4. Les immobilisations concernées

Les dispositions de l'article 1518 B du CGI s'appliquent, en principe, à toutes les immobilisations corporelles (terrains, constructions, matériels, équipements, biens mobiliers, etc.), quel que soit leur usage (industriel, commercial ou non commercial).

- En pratique, deux types d'immobilisations sont concernés. Le premier type d'immobilisations comprend les immobilisations, dont la valeur locative peut être modifiée lors de leur cession, c'est-à-dire les immobilisations corporelles non passibles d'une taxe foncière (matériels, équipements, biens mobiliers, etc.) lorsque leur valeur locative est évaluée à partir de leur prix de revient (matériels ne faisant pas l'objet d'une location).

Le second type d'immobilisations comprend les immobilisations passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties dans deux cas seulement. Le premier cas concerne les immobilisations, qui sont évaluées d'après leur prix de revient pour l'ancien et pour le nouveau propriétaire. Il en est ainsi lorsqu'il s'agit d'immobilisations industrielles et que l'ancien et le nouveau propriétaire sont soumis aux obligations définies à l'article 53 A du CGI (contribuables imposés d'après le bénéfice réel). Le second cas concerne les immobilisations industrielles dont la cession entraîne un changement de la méthode d'évaluation. Il en est ainsi lorsque l'évaluation d'après le prix de revient n'est retenue qu'à l'égard de l'ancien ou du nouveau propriétaire.

- L'article 1518 B du CGI vise les seules immobilisations corporelles qui sont directement concernées par l'opération d'apport, de scission, de fusion de sociétés ou par la cession d'établissement et dont la valeur locative était imposée au moment de l'opération, à la taxe foncière sur les propriétés bâties et/ou à la taxe professionnelle selon le cas (6).

Il s'agit, en fait, d'écarter l'interprétation selon laquelle les dispositions de l'article 1518 B du CGI ne permettraient pas de taxer les immobilisations acquises ou créées postérieurement à l'opération tant que la valeur locative de l'ensemble des immobilisations de l'établissement restait inférieure à la valeur locative plancher.

Sont, donc, seules visées par les dispositions de l'article 1518 B du CGI les immobilisations, qui sont directement concernées par les opérations visées à cet article (c'est-à-dire celles qui ont fait l'objet d'un transfert de propriété dans l'acte d'apport, de fusion, de scission ou de cession) et dont la valeur locative a été retenue au titre de l'année précédant l'opération, ce qui signifie que leur valeur locative doit avoir été imposée à la taxe professionnelle ou à la taxe foncière au titre de l'année précédant l'opération (7).

1.5. Les immobilisations exclues du champ d'application de la valeur locative plancher

Restent en dehors du champ d'application de l'article 1518 B du CGI les biens acquis ou construits l'année de l'opération (année N) et, le cas échéant, l'année précédente (année N-1) et antépénultième (année N-2) en ce qui concerne la taxe professionnelle (8), de même que les immobilisations en cours d'exonération temporaire l'année de l'opération (année N-1) (9).

1.6. La règle de la valeur locative plancher s'applique distinctement pour les terrains, constructions, équipements et biens mobiliers

Pour les opérations réalisées depuis 1993, la règle de la valeur locative plancher s'applique distinctement pour chacune des catégories d'immobilisations suivantes : terrains, constructions, équipements et biens mobiliers. Le deuxième alinéa de l'article 73 de la loi 92-1476 du 30 décembre 1992 précise, en effet, que cette comparaison doit être effectuée distinctement pour ces trois catégories d'immobilisations. Cet article confirme, mais pour les seules opérations intervenues à compter de 1993, la doctrine administrative (10), le nombre de catégories d'immobilisations étant, toutefois, ramené à 3 au lieu de 4.

Concrètement, lorsque le prix d'acquisition est un prix global, il y a lieu de le ventiler entre les différentes catégories d'immobilisations, soit à partir des renseignements fournis dans l'acte, soit proportionnellement au prix de revient indiqué, pour chacune des catégories de biens, dans les documents comptables ou fiscaux du redevable (11).

1.7. La valeur locative plancher doit être revalorisée chaque année

La valeur locative plancher retenue en application de l'article 1518 B du CGI doit être revalorisée chaque année par application des coefficients de majoration forfaitaire prévus à l'article 1518 bis du CGI (12). L'application des coefficients prévus à l'article 1518 bis du CGI est, en effet, de portée générale et s'applique à toutes les valeurs locatives retenues comme base d'imposition à la taxe foncière, quelles que soient leurs modalités de calcul  (13).

Qu'elle soit calculée à partir de leur valeur d'apport ou de cession, ou bien dans les conditions prévues à l'article 1518 B du CGI, la valeur locative des immobilisations passibles d'une taxe foncière acquises à la suite d'apports, de scissions, de fusions de sociétés ou de cessions d'établissements est majorée des seuls coefficients de majoration forfaitaires fixés à l'article 1518 bis du CGI, dont la date de référence est postérieure à la date de la mutation.

2. Les modifications apportées par les dispositions de l'article 87 de la loi de finances pour 2006

2.1. Le cas des opérations réalisées au sein d'un groupe

Les dispositions de l'article 87 de la loi de finances pour 2006 instituent une valeur locative plancher spécifique pour les opérations réalisées entre sociétés membres d'un groupe. Elles prévoient que la valeur locative des immobilisations corporelles acquises à la suite d'apports, de scissions, de fusions de sociétés ou de cessions d'établissements ne peut être inférieure à 90 % de son montant avant l'opération (au lieu de 80 % dans le cas général), lorsque cette opération est réalisée entre sociétés membres d'un groupe au sens de l'article 223 A du CGI , c'est-à-dire d'un groupe fiscalement intégré.

Ces dispositions s'appliquent aux opérations réalisées à compter du 1er janvier 2006.

2.2. La reprise des actifs d'une entreprise en difficulté

Dans sa rédaction actuelle, l'article 1518 B du CGI prévoit que, pour les opérations réalisées à compter du 1er janvier 2005, la valeur locative des immobilisations corporelles reprises à une entreprise faisant l'objet d'une procédure de redressement judiciaire conformément à l'article L. 621-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L4127HBH) ne peut être inférieure à 50 % de son montant avant l'opération (au lieu de 80 % dans le cas général), pendant la procédure et dans les deux années suivant la clôture de celle-ci.

Les dispositions de l'article 87 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 modifient ces règles, pour ce qui concerne les opérations réalisées depuis le 1er janvier 2006. Elles prévoient que la valeur locative plancher de 50 % s'applique pour les opérations de reprise d'immobilisations prévue par un plan de cession ou comprises dans une cession d'actifs en sauvegarde, en redressement ou en liquidation judiciaire, jusqu'à la deuxième année suivant celle du jugement ordonnant la cession ou autorisant la cession d'actifs en cours de période d'observation.

Ces dispositions tiennent compte de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises (N° Lexbase : L5150HGT) qui institue, notamment, une procédure de sauvegarde des entreprises et élargissent le champ d'application de la valeur locative plancher de 50 % aux actifs cédés dans le cadre d'une procédure de liquidation judiciaire. Par ailleurs, elles modifient le décompte de la période d'application de ce régime dérogatoire en se référant au jugement ordonnant la cession et non plus au jugement de clôture de la procédure.

Il résulte, en outre, du présent article que ces règles particulières ne s'appliquent pas en présence d'opérations réalisées entre sociétés membres d'un groupe intégré, la valeur locative plancher restant dans ce cas fixée à 90 %.

3. La compatibilité du mécanisme de la valeur locative plancher avec les dispositions de l'article 1469 du CGI : l'avis du 28 octobre 2005

Par un avis du 28 octobre 2005 (CE, avis, 9° et 10° s-s., 28 octobre 2005, n° 279961, SA Camif Catalogues c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A2811DLP), le Conseil d'Etat a répondu à la question que lui avait posée le tribunal administratif de Lille et qui était de savoir quelles étaient les écritures comptables "normales" auxquelles il y avait lieu de se référer pour les besoins de l'application de l'article 310 HF de l'annexe II au CGI (15), en cas d'immobilisations apportées à leur valeur comptable.

1.1. Le Conseil d'Etat relie la notion de "prix de revient" qui figure à l'article 310 HF de l'annexe II au CGI, à la notion de "valeur d'origine" mentionnée à l'article 38 quinquies de l'annexe III au CGI (16)

L'avis du Conseil d'Etat combine ces deux articles en liant le texte spécifique à la taxe professionnelle à celui qui énonce la règle comptable. Il aligne ainsi, par ailleurs, le régime des immobilisations visées au 3° de l'article 1469 du CGI sur celui qui s'applique à celles soumises aux 1° et 2° du même article (biens passibles d'une taxe foncière et biens amortis sur plus de trente ans) pour lesquels l'article 324 AE de l'annexe III au CGI indique expressément que leur "prix de revient" est la "valeur d'origine pour laquelle les immobilisations doivent être inscrites au bilan en conformité de l'article 38 quinquies de la présente annexe". Le Conseil d'Etat interprète, donc, les dispositions de l'article 310 HF de l'annexe II au CGI comme conçues pour raccrocher les valeurs locatives aux valeurs comptables.

2.2. Dans le cas d'une fusion réalisée à la valeur comptable, le prix de revient des immobilisations apportées n'est pas la valeur d'origine des immobilisations dans les comptes de la société apporteuse (17), mais la valeur nette comptable ayant le caractère de valeur d'apport pour la société recevant ces immobilisations

La formulation retenue par le Conseil d'Etat invalide la position adoptée par l'administration, selon laquelle il convenait, en cas d'opération réalisée à la valeur comptable, de revenir à la valeur d'origine constatée dans les écritures de l'entité apporteuse. Cette position aboutissait à cette conséquence surprenante que, pour déterminer le "prix de revient" de la bénéficiaire de l'apport, il était nécessaire de remonter au "prix d'origine" acquitté par l'apporteuse. La rédaction de l'avis marque, donc, bien que le "prix de revient", pour la bénéficiaire d'un apport, ne saurait être, contrairement à ce que faisait valoir l'administration, identique au "prix de revient" de l'apporteuse, avant l'opération. Les opérations de fusion et assimilées sont l'occasion d'une réestimation des immobilisations et la position de l'administration conduisait à ignorer cette réévaluation, ainsi que la réalité de l'opération, attestée par le traité d'apport, selon lequel le mode de valorisation était la valeur nette comptable.

La solution retenue par le Conseil d'Etat est, donc, à l'avantage des contribuables. En pratique, elle permet de ne pas défavoriser les opérations réalisées à la valeur comptable pour lesquelles l'administration imposait un retour à la valeur brute, en général supérieure à la valeur d'apport.

3.3. La solution retenue par le Conseil d'Etat a été motivée par le souci de préserver la spécificité du mécanisme de la valeur locative plancher

Les dispositions de l'article 310 HF de l'annexe II au CGI n'ont, en effet, pas pour objet de neutraliser les effets d'une opération de fusion ou assimilée réalisée à la valeur nette comptable sur les bases d'imposition à la taxe professionnelle. Elles sont seulement destinées à relier les règles de détermination des bases de la taxe professionnelle aux règles comptables.

En refusant de lire ces dispositions comme pouvant renvoyer à la valeur d'origine chez la société apporteuse, le Conseil d'Etat a exclu qu'elles puissent avoir un effet neutralisant, c'est-à-dire qu'elles puissent empêcher que des opérations de restructuration apportent aux entreprises l'aubaine d'une réduction de leur charge de taxe professionnelle, ce dans la mesure où le seul but du législateur est de limiter, via le mécanisme de la valeur locative plancher, la réduction des bases résultant de ces opérations.

Le législateur ayant par ces dispositions limité l'impact de la réduction des bases d'imposition pouvant résulter d'opérations de fusion ou assimilées réalisées à la valeur nette comptable, le Conseil d'Etat a, donc, considéré que rien ne justifiait de faire jouer aux dispositions de l'article 310 HF de l'annexe II au CGI un rôle pour lequel elles n'avaient pas été conçues.

De fait, la position adoptée par l'administration conduisait à rendre inapplicable les dispositions de l'article 1518 B du CGI. En effet, la référence, en cas de fusion ou opération assimilée opérée à la valeur nette comptable, à la valeur d'origine figurant au bilan de l'apporteuse conduisait à rendre inapplicable le mécanisme du plancher. Comme l'a relevé le Commissaire du Gouvernement L. Vallée dans ses conclusions sous l'avis précité (18), "le plancher est, en pareil cas, égal aux 4/5ème de 16 % de la valeur d'origine constatée au bilan de l'apporteuse. Si l'on suit la thèse du ministre, la nouvelle valeur locative est constituée par 16 % de cette même valeur d'origine. Or, il est rare que 16 % d'un montant soit inférieur à 80 % de 16 % de ce même montant. Dire, aujourd'hui, qu'en cas d'apport à la valeur nette comptable le prix de revient qui détermine la valeur locative est la valeur d'origine chez l'apporteuse aboutit, donc, à ce que la règle du plancher ne soit jamais applicable dans un tel cas. Vous priveriez, donc, en partie d'effet la précaution expressément prise par le législateur pour limiter la réduction des bases d'imposition pouvant résulter des opérations de fusion ou assimilées".

Ainsi, contrairement à ce qu'il en est en matière d'impôt sur les sociétés, le législateur n'a instauré aucun régime de neutralité des fusions ou opérations assimilées en matière de taxe professionnelle. Il a, donc, seulement entendu limiter la réduction des bases résultant de ces opérations.

En refusant d'interpréter les dispositions de l'article 310 HF de l'annexe II au CGI comme ayant pour objet et pour effet de neutraliser l'impact, sur les bases d'imposition à la taxe professionnelle, d'une fusion réalisée à la valeur nette comptable, le Conseil d'Etat a, dès lors, préservé l'intérêt et la spécificité du mécanisme de la valeur locative plancher prévu par les dispositions de l'article 1518 B du CGI.

Frédéric Dieu
Commissaire du Gouvernement près le Tribunal administratif de Nice


(1) Ces opérations peuvent, en effet, entraîner des réductions brutales des valeurs locatives après apport ou fusion.
(2) Ces dispositions ont inséré, après le sixième alinéa de l'article 1518 bis du CGI
, trois alinéas, ainsi, rédigés : "pour les opérations mentionnées au premier alinéa réalisées à compter du 1er janvier 2006 et par exception aux dispositions du cinquième alinéa, la valeur locative des immobilisations corporelles ne peut être inférieure à : a. 90 % de son montant avant l'opération pour les opérations entre sociétés membres d'un groupe au sens de l'article 223 A du CGI ; b. Sous réserve des dispositions de l'alinéa précédent, 50 % de son montant avant l'opération pour les opérations de reprise d'immobilisations prévue par un plan de cession ou comprises dans une cession d'actifs en sauvegarde, en redressement ou en liquidation judiciaire, jusqu'à la deuxième année suivant celle du jugement ordonnant la cession ou autorisant la cession d'actifs en cours de période d'observation" .
(4) Pour le calcul de ce pourcentage, les bases de taxe professionnelle à prendre en considération s'entendent non seulement des valeurs locatives, mais aussi des autres éléments entrant dans la composition des bases de taxe professionnelle de l'établissement (fraction des salaires). Lorsque, dans une même commune, plusieurs établissements sont concernés par l'opération d'apport, de scission, de fusion de sociétés ou par l'opération de cession, c'est la totalité des bases d'imposition de ces établissements qui doit être prise en compte, même si ces établissements ne sont pas repris par le même acquéreur. Dans ce cas, le seuil de 85 % s'applique à chacun des acquéreurs. Les bases de taxe professionnelle imposées au profit de la commune ne comprennent pas les bases écrêtées au profit du fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle. Il y a lieu de procéder au calcul commune par commune : une entreprise qui reprend plusieurs établissements peut, donc, avoir des établissements dont les bases seront fixées, selon le cas, à 85 % ou à 66,66 % des bases de l'année précédant l'opération. Dès lors que les bases d'imposition de taxe professionnelle d'un établissement concerné par une opération d'apports, de scissions, de fusions de sociétés ou par une opération de cessions représentent plus de 20 % des bases de taxe professionnelle imposées, l'année précédant l'opération, au profit de la commune, la valeur locative des immobilisations de l'établissement ne peut, en matière de taxe foncière sur les propriétés bâties comme en matière de taxe professionnelle, être inférieure à 85 % de celle retenue l'année précédant l'opération (instruction du 26 avril 1993, BOI n° 6 E-12-93, n° 25 à 27 N° Lexbase : X3228ACK ; Doc. adm. 6 E-2223, 10 septembre 1996, n° 24 à 26).
(5) Cf. CE Contentieux , 5 novembre 1993, n° 65512, Société Hochland Reich Summer and Co c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie (N° Lexbase : A1788ANK), RJF 1993, n° 1563 et, également, CE, 3° et 8° s-s., 28 mai 2004, n° 232285, Société en nom collectif Amendor et Compagnie c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie (N° Lexbase : A5458DDI), RJF 2004, n° 899.
(6) Cf. dispositions de l'article 87 de la loi 91-1322 du 30 décembre 1991.
(7) Cf. CE Contentieux, 24 mai 1989, n° 63846, Ministre du Budget c/ Société "Rhône-Poulenc Industries" (N° Lexbase : A0739AQG ), RJF 1989, n° 846 ; CE Contentieux, 6 juillet 1990, n° 70689, Société "Rhône Poulenc Chimie de base" c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie (N° Lexbase : A4766AQL), RJF 1990, n° 1215.
(8) Lorsque l'opération réalisée l'année N porte sur un établissement créé l'année N-2, seuls les biens acquis l'année de l'opération et l'année précédente restent en dehors du champ d'application de l'article 1518 B du CGI.
(9) Toutefois, quand bien même ils n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 1518 B du CGI, les biens temporairement exonérés ou non imposés l'année précédant l'opération ont une valeur locative. La valeur locative de ces immobilisations est déterminée dans les conditions de droit commun. Cf. instruction du 26 avril 1993, BOI n° 6 E-12-93 n° 14 à 18 et 34 à 36 (N° Lexbase : X3228ACK)
; Doc. adm. 6 E-2223, du 10 septembre 1996, n° 13 à 17 et 33 à 35.
(10) Cf. instruction du 8 février 1980, BOI n° 6 E-3-80, n° 71 (N° Lexbase : X0700AA8).
(11) Cf. instruction du 26 avril 1993, précitée, BOI n° 6 E-12-93 n° 45 à 48 ; Doc. adm. 6 E-2223, du 10 septembre 1996, n° 44 à 47.
(12) Aux termes de cet article, qui fixe les coefficients de revalorisation pour les années 1981 à 2006, "
dans l'intervalle de deux actualisations prévues par l'article 1518 du CGI, les valeurs locatives foncières sont majorées par application de coefficients forfaitaires fixés par la loi de finances en tenant compte des variations des loyers. Les coefficients prévus au premier alinéa sont fixés : a. Au titre de 1981, à 1,10 pour les propriétés bâties de toute nature et à 1,09 pour les propriétés non bâties ;  [...] y. Au titre de 2005, à 1,018 pour les propriétés non bâties, à 1,018 pour les immeubles industriels ne relevant pas de l'article 1500 du CGI  et pour l'ensemble des autres propriétés bâties. z) Au titre de 2006, à 1,018 pour les propriétés non bâties, à 1,018 pour les immeubles industriels ne relevant pas de l'article 1500 et pour l 'ensemble des autres propriétés bâties".
(13) Cf. instruction du 26 avril 1993, précitée, BOI n° 6 E-12-93, n° 49 ; Doc. adm. 6 E-2223,10 septembre 1996, n° 48.
(14) Aux termes de cet article, "
la valeur locative est déterminée comme suit : 1° Pour les biens passibles d'une taxe foncière, elle est calculée suivant les règles fixées pour l'établissement de cette taxe ; Toutefois, les biens exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties en vertu du 11º de l'article 1382 du CGI sont évalués et imposés dans les mêmes conditions que les biens et équipements mobiliers désignés aux 2º et 3º ; Les immobilisations destinées à la fourniture et à la distribution de l'eau sont exonérées de taxe professionnelle lorsqu'elles sont utilisées pour l'irrigation pour les neuf dixièmes au moins de leur capacité ; Les locaux donnés en location à des redevables de la taxe professionnelle sont imposés au nom du locataire ; toutefois, la valeur locative des entrepôts et magasins généraux n'est retenue que dans les bases d'imposition de l'exploitant de ces entrepôts ou magasins. 2° Les équipements et biens mobiliers dont la durée d'amortissement est au moins égale à trente ans sont évalués suivant les règles applicables aux bâtiments industriels ; toutefois, les lignes, câbles et canalisations extérieurs aux établissements sont exonérés ainsi que leurs supports ; les équipements et biens mobiliers destinés à l'irrigation sont exonérés dans les mêmes conditions qu'au 1°. 3º Pour les autres biens, lorsqu'ils appartiennent au redevable, lui sont concédés ou font l'objet d'un contrat de crédit-bail mobilier, la valeur locative est égale à 16 % du prix de revient".
(15) Aux termes de cet article : "
pour la détermination de la valeur locative qui sert de base à la taxe professionnelle : [...] 2° Le prix de revient des immobilisations est celui qui doit être retenu pour le calcul des amortissements [...]".
(16) Aux termes de cet article, "
les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine. Cette valeur d'origine s'entend : [...] I. Pour les immobilisations apportées à l'entreprise par des tiers, de la valeur d'apport [...]".
(17) Valeur d'origine qui avait constitué un prix de revient pour cette société.
(18) RJF 2006, p. 13.

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