La lettre juridique n°212 du 27 avril 2006 : Droit financier

[Textes] Loi n° 2006-387 du 31 mars 2006 relative aux offres publiques d'acquisition : des "options" françaises (1) (4ème partie)

Réf. : Loi n° 2006-387 du 31 mars 2006, relative aux offres publiques d'acquisition (N° Lexbase : L9533HHK)

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N7386AKR

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[Textes] Loi n° 2006-387 du 31 mars 2006 relative aux offres publiques d'acquisition : des "options" françaises (1) (4ème partie). Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3208281-textes-loi-n-2006387-du-31-mars-2006-relative-aux-offres-publiques-dacquisition-des-options-francais
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le 07 Octobre 2010

Déposé au Sénat le 22 septembre 2005 par le ministre de l'Economie et des Finances, le projet de loi relatif aux offres publiques d'acquisition a été définitivement adopté par la Haute assemblée le 23 mars 2006 (2). Malgré ces six mois de discussions et de maturation, nécessitées par trois lectures parlementaires, la France se place ainsi en tête des pays européens dans la course à la transposition de la Directive du 21 avril 2004 (3), dont l'échéance ultime était fixée au 20 mai 2006. Des esprits retors expliqueront qu'il s'agissait d'une course à ne pas gagner et que, dans le jeu de stratégie normative auquel la transposition des textes communautaires tend à s'apparenter, un positionnement précoce crée un risque de désavantage compétitif. L'argument prend une force particulière en présence d'une Directive d'harmonisation dégradée, qui concède aux Etats destinataires des marges de manoeuvre considérables sur des aspects pour le moins déterminants de l'ouverture des marchés nationaux des capitaux et du contrôle. On veut parler ici des fameuses options ouvertes par l'article 12 de la Directive en matière de défense anti-OPA, dont l'exercice, en raison de leur complexité, confine à la partie d'échecs -et d'échec !- communautaire (4). La France a, malgré cela, préféré à toute autre, l'option de la clarté et de la constance, choisissant de ne jamais revenir sur l'équilibre général défini initialement par le rapport du "groupe de travail Lepetit" (5), au risque de s'exposer par là à certains reproches. Il est vrai que la force de celui-ci résidait dans ce qu'il puisait largement à l'existant et emportait peu de bouleversements au plan du droit. Une inclination naturelle au familier en quelque sorte, observable ailleurs en Europe (6) (cf. Loi n° 2006-387 du 31 mars 2006 relative aux offres publiques d'acquisition : des "options françaises (première partie) N° Lexbase : N7263AK9, (deuxième partie) N° Lexbase : N7294AKD et (troisiéme partie) N° Lexbase : N7295AKE). II - Transposition partielle, mais sans réciprocité, de l'article 11 de la Directive

Tandis que l'article 9 de la Directive cherche à assurer une certaine neutralité de l'action des dirigeants d'une société cible, l'article 11 se préoccupe, lui, de la neutralisation de certaines restrictions statutaires ou conventionnelles au transfert des titres de la société visée et à l'exercice des droits de vote qui y sont attachés, susceptibles d'arrêter ou d'entraver la marche d'un initiateur. Il liste, à cet effet, un ensemble de "règles de forçage" ("breakthrough rules"), qui déclarent de telles restrictions, suspendues ou inopposables à l'auteur d'une offre publique (7), sous réserve d'une "indemnisation équitable" des préjudices susceptibles d'en résulter.

L'étendue de son champ d'application, l'incertitude de ses termes et la radicalité de certains de ses effets ne sont point pour garantir à la disposition communautaire le plus grand succès auprès des Etats membres. Ils portent, au contraire, ces derniers à recourir massivement à l'option de "non-transposition" ouverte par l'article 12 de la Directive. Au dernier pointage, seuls trois Etats membres auraient manifesté leur intention de rendre obligatoires les dispositions de l'article 11 : la Grèce, la Lettonie et la Lituanie. L'usage par la France de cette faculté, exprimée dans la loi du 31 mars 2006, ne saurait, dès lors, surprendre, recommandé ab initio par le rapport préparatoire du "groupe de travail Lepetit".

Plus intéressante, en revanche, est la position intermédiaire dans laquelle la réforme place notre pays. De fait, suivant d'ailleurs en cela les recommandations issues du groupe de travail, l'option de "non-transposition" ne se trouve que partiellement exercée. Elle n'est mise à profit que pour écarter les dispositions de l'article 11 qui auraient le plus juré avec notre droit positif, en raison, notamment, de l'atteinte portée à la liberté contractuelle. En revanche, se montrant, là encore, soucieux de procéder à une transposition sans bouleversement, à droit quasi-constant en quelque sorte, le législateur français, adoptant ce biais national, rend obligatoires les prescriptions de l'article 11 déjà présentes, sinon toujours consacrées juridiquement, en droit français et dont certaines avaient, parfois, même inspiré le législateur communautaire. Quant à la règle d'indemnisation équitable, elle se trouve dans la loi nouvelle, comme dans les travaux qui l'ont préparée, totalement passée sous silence.

Ce choix d'une transposition différenciée des règles énoncées à l'article 11 ne va pas sans soulever quelques difficultés d'ordre juridique. On observe, tout d'abord, qu'elle paraît s'effectuer contre la lettre du texte communautaire. Cette option supplémentaire de désolidarisation des paragraphes de l'article 11 pourra néanmoins se recommander du caractère minimal de l'harmonisation engagée par la Directive.

Le confort communautaire relatif de cette solution explique, ensuite, la prudence de notre législateur, qui a choisi de ne pas en dérouler jusqu'au bout la logique et préféré, en particulier, ne pas faire usage, ici, de la réserve de réciprocité (8). Contre l'avis du Sénat, favorable à l'application de la réciprocité pour les dispositions de l'article 11 appliquées facultativement par les sociétés françaises, le Gouvernement, approuvé par l'Assemblée nationale, a exclu cette "réciprocité à la carte", indiquant que "la Directive, en ne prévoyant que l'application par les sociétés de 'l'article 11' en tant que tel, ne prévoit pas le cas d'une clause de réciprocité sur une partie de cet article" (9). À "l'argument qui consiste à dire qu'une société appliquant l'article 11 serait injustement privée de la réciprocité", il est répondu qu'"aucune société n'est obligée d'appliquer cet article", et qu'un tel choix demeurerait de toute façon réversible (10). Pareille réponse ne saurait, par définition, présenter une quelconque valeur s'agissant des dispositions de l'article 11 rendues obligatoires...

Nonobstant cette mise à l'écart de la réserve de réciprocité, le dispositif issu de la transposition de l'article 11 demeure empreint d'une certaine complexité. Celle-ci tient, non seulement au couplage de dispositions impératives et supplétives, mais aussi à la diversité, dans l'espace et dans le temps, des restrictions poursuivies.

Compte tenu de l'importance particulière qu'il revêt en la matière, le critère chronologique sert de point d'articulation naturel à la présentation de ces "règles de forçage", que la loi du 31 mars 2006 inscrit aux articles L. 233-34 (N° Lexbase : L1386HI8) à L. 233-40 (N° Lexbase : L1392HIE) du Code de commerce. Comparée à celle décrite au sujet de l'article 9, cette articulation révèle, en l'occurrence, une certaine spécificité dans la mesure où elle conduit à distinguer entre le "forçage" réalisé en cours d'offre publique (A) et celui auquel il est possible de procéder, une fois constatée la réussite de cette offre (B).

A - Le "forçage" à cours d'offre

Les règles de neutralisation des restrictions au transfert de titres et au droit de vote en cours d'offre sont régies par les nouveaux articles L. 233-34 à L. 233-37 (N° Lexbase : L1389HIB) du Code de commerce, qui renferment pour les sociétés cibles une mesure obligatoire (1) et trois mesures optionnelles (2).

1 - Une mesure de neutralisation obligatoire

Cette mesure impérative résulte de l'article L. 233-34 de Code de commerce, portant transposition de l'article 11 § 2, alinéa 1er de la Directive. Protectrice du droit individuel des actionnaires de la société cible de répondre à l'offre publique qui leur est adressée contre des tentatives de frustrations sociales, elle s'y trouve énoncée en ces termes : "sauf lorsqu'elles résultent d'une obligation législative, les clauses des statuts d'une société dont des actions sont admises à la négociation sur un marché réglementé prévoyant des restrictions statutaires au transfert d'actions de la société sont inopposables à l'auteur d'une offre publique pour les titres qui lui seraient apportés dans le cadre de son offre".

La novation juridique paraît relativement limitée dans la mesure où le texte est directement inspiré de l'actuel article 231-6 du règlement général AMF (11), le renvoi redondant aux statuts en moins. Le "groupe de travail Lepetit" (12), comme les travaux parlementaires, avec une adresse juridique inégale, n'ont pas manqué d'insister sur cet emprunt à l'existant.

On ne saurait, pour autant, mésestimer les deux principaux apports de la réforme. Le premier, formel, tient à l'élévation de la solution au niveau législatif. Juste rang, au regard de la distribution constitutionnelle des normes juridiques, pour cette diminutio de la liberté de stipulation statutaire, une telle consécration législative, a-t-on indiqué, "tend à mettre fin à l'insécurité juridique qui pourrait résulter du caractère purement réglementaire de ce texte" (13).

Le second apport, substantiel, réside dans l'élargissement du champ de la neutralisation, qui recouvre désormais, conformément au texte communautaire, l'ensemble des "restrictions statutaires" au transfert d'actions, alors que l'article 231-6 du règlement général AMF visait exclusivement, au moins dans sa lettre, les "clauses d'agrément". A la vérité, l'utilité de ce dernier était devenue incertaine depuis que l'ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004 portant réforme du droit des valeurs mobilières émises par les sociétés commerciales (14), ratifiée par l'article 78 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit (15), avait prohibé l'insertion d'une clause d'agrément dans les statuts d'une société dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé (16). Même élargie, cette inopposabilité est, de toute façon, appelée à n'avoir plus qu'un domaine d'application résiduel compte tenu du respect de l'exigence de libre négociabilité qui conditionne aujourd'hui l'admission des valeurs mobilières aux négociations sur un marché réglementé (17).

2 - Trois mesures de neutralisation optionnelle

La première de ces mesures concerne les restrictions conventionnelles au transfert d'actions, dont la neutralisation au profit de l'auteur d'une offre publique, loin d'être de droit, comme c'est le cas pour les clauses de nature statutaire, ne peut, ici, provenir que d'une option exercée par la société concernée. Enoncé au nouvel article L. 233-35 du Code de commerce (N° Lexbase : L1387HI9), le mécanisme y est ainsi décrit : "les statuts d'une société dont des actions sont admises à la négociation sur un marché réglementé peuvent prévoir que les effets de toute clause d'une convention conclue après le 21 avril 2004 prévoyant des restrictions au transfert d'actions de la société sont inopposables à l'auteur de l'offre, en période d'offre publique".

L'inopposabilité à un offrant de toute clause restrictive au transfert d'actions, telle que posée à l'article 11 § 2, alinéa 2, de la Directive, constituait à l'évidence une solution drastique, qui ne correspondait pas à l'état du droit boursier français, lequel, on le sait, se contente de paralyser les pactes indûment tenus secrets ou de nature à entraver significativement le libre jeu de la concurrence entre initiateurs. On comprend qu'elle ait pu dissuader le législateur de lui conférer une valeur autre que facultative.

La concession imposée d'une telle option n'en apporte pas moins son lot de perturbations juridiques. La moindre n'est pas la reconnaissance d'une possibilité originale d'immixtion des sociétés cotées dans les conventions intéressant leurs actions. Au nom de la bonne cause économique, celle du libre jeu du marché du contrôle, ces sociétés se voient habilitées par la loi à interdire statutairement l'opposabilité à l'auteur de l'offre, et donc à limiter l'efficacité, des pactes extra-statutaires, à objet ou non défensif, entravant la libre circulation des actions. Ce nouvel exemple d'emprise de la décision collective sur le droit individuel ne se réalise pas sans dommage pour la liberté contractuelle et la sécurité juridique. On s'interroge, par exemple, faute de définition de la notion de "restriction" (18), sur le domaine matériel de l'inopposabilité et sur la portée de la condition tirée de ce que les conventions visées doivent "prévoir" de telles restrictions, à l'instar des clauses d'inaliénabilité ou de non-acquisition, de filtrage (clauses d'agrément), de rééquilibrage ou de reclassement des participations (préemption ou préférence), ou encore de sortie (19). On se demande également s'il faut déduire de l'option ouverte par la loi que tout contractant, parce qu'informé d'un tel risque, ne saurait en principe se plaindre d'une amputation de l'effet obligatoire d'un pacte auquel il serait partie, suite à la décision prise par l'AGE de l'émetteur. La tentation pourrait être grande pour des actionnaires de référence -voire la société elle-même, dans la mesure où elle serait partie à un pacte- d'utiliser une telle résolution pour se délier d'engagements devenus gênants.

Cet effet perturbateur se trouve, néanmoins, doublement atténué. D'abord, par l'interdiction, d'origine communautaire, de prendre en considération les clauses de conventions conclues avant le 21 avril 2004, lesquelles demeurent donc pleinement efficaces à l'encontre de l'initiateur de l'offre ; étant précisé que la date d'adoption de la Directive a été préférée à celle de son entrée en vigueur afin d'éviter tout "effet d'aubaine" (20). Observons, à cet égard, qu'en dépit de l'attachement du droit communautaire au principe de sécurité juridique, l'article 11 § 2, alinéa 2, de la Directive paraissait aller au-delà pour admettre, sans considération de date, l'inopposabilité à l'auteur de l'offre de "toutes les restrictions au transfert de titres prévues dans des accords contractuels entre la société visée et des détenteurs de titres de cette société". Il convient, ensuite, de tenir compte de la nature juridique de la neutralisation opérée, qui s'analyse, littéralement en tous cas, comme une inopposabilité relative, dépourvue de tout autre effet "suspensif", si bien que l'effet obligatoire interne des pactes devrait être préservé, au moins au plan de la responsabilité contractuelle. Il est vrai que la certitude de la solution avait pu être mise en doute, en raison des termes "supprimés ou suspendus" préférés par le considérant 19) de la Directive (21) ; doute auquel participe l'institution, à l'article 11 § 5 de la Directive, d'un mécanisme spécifique d'indemnisation équitable en cas de suppression des droits sur la base des paragraphes 2, 3 ou 4 de l'article 11 et /ou de l'article 12, "pour toute perte enregistrée par les détenteurs de ces droits".

Les deux autres mesures optionnelles empruntent, elles, au mécanisme de la suspension temporaire. Il était difficile, à vrai dire, de leur étendre le mécanisme de l'inopposabilité relative, compte tenu de leur objet propre. Celui-ci consiste, en l'occurrence, à neutraliser les restrictions statutaires et conventionnelles à l'exercice des droits de vote dans les assemblées générales d'une société cible appelées à se prononcer, en période d'offre publique, sur des moyens de défense.

Suivant la distinction opérée par l'article 11 § 3, alinéas 1 et 2, de la Directive, mais dans une présentation curieusement inversée, les nouveaux articles L. 233-36 (N° Lexbase : L1388HIA) et L. 233-37 (N° Lexbase : L1389HIB) du Code de commerce disposent ainsi que "les statuts d'une société dont des actions sont admises à la négociation sur un marché réglementé peuvent prévoir que les effets de toute clause d'une convention conclue après le 21 avril 2004 prévoyant des restrictions à l'exercice des droits de vote attachés à des actions de la société sont suspendus en période d'offre publique visant la société lors des assemblées réunies aux fins d'adopter ou d'autoriser toute mesure susceptible de faire échouer l'offre.
Les statuts d'une société dont des actions sont admises à la négociation sur un marché réglementé peuvent prévoir que les effets des restrictions statutaires à l'exercice des droits de vote attachés à des actions de la société sont suspendus en période d'offre publique visant la société lors des assemblées réunies aux fins d'adopter ou d'autoriser toute mesure susceptible de faire échouer l'offre".

L'exercice d'une telle option, on le voit, amoindrirait l'efficacité des stipulations statutaires ou conventionnelles et déjouerait les prévisions des intéressés, dans des conditions analogues à celles évoquées en matière de transfert d'actions. Si spécificité il y a, elle tient évidemment à la nature et aux effets politiques de cette suspension volontaire. De fait, la désactivation des entraves à l'exercice du droit de vote dans les assemblées générales de la société cible réunies en cours d'offre, en application de l'article L. 233-32 du Code de commerce (N° Lexbase : L1384HI4), a pour objet, et est censée avoir pour effet, d'injecter une dose supplémentaire de démocratie actionnariale dans le processus de décision social "à chaud", fondée sur une association plus étroite du capital et du pouvoir. Ce raidissement momentané du principe de proportionnalité participerait ainsi à la réallocation du pouvoir social en période d'offre et conférerait aux résolutions, éventuellement adoptées dans ce cadre, une légitimité accrue. Il risque, aussi, de produire quelques effets moins attendus, en termes, notamment, de franchissements de seuils...

La portée de ce sursaut d'égalité géométrique entre actionnaires ne doit cependant pas être surestimée. Elle souffre des limites assignées à la notion de "restriction à l'exercice du droit de vote". Celle-ci, pas plus que la restriction au transfert d'actions, n'est véritablement définie par les nouveaux textes. L'on se réfèrera utilement, là aussi, au périmètre de la déclaration annuelle relative à la structure capitalistique et politique des sociétés cotées, tracé à l'article 10 § 1 f) de la Directive, qui désigne, en particulier, "des limitations du droit de vote pour les détenteurs d'un certain pourcentage ou d'un certain nombre de votes", autrement dit des clauses de plafonnement des droits de vote, mais aussi "des délais imposés pour l'exercice du droit de vote ou des systèmes où, avec la coopération de la société, les droits financiers attachés aux titres sont séparés de la détention des titres" (22).

En revanche, et contrairement aux préconisations du Groupe d'experts de haut niveau en droit des sociétés (23), certaines entorses au principe de proportionnalité ont été placées en dehors du champ de la neutralisation. Ainsi, ne comptent pas au nombre des restrictions au droit de vote susceptibles d'être suspendues, celles qui se trouvent, selon les termes de l'article 11 § 6 de la Directive, "compensées par des avantages pécuniaires spécifiques". Ce qui est le cas, notamment, des actions privilégiées sans droit de vote. Si l'exclusion n'est pas explicitement transposée en droit français, le renvoi à "l'exercice des droits de vote attachés à des actions" laisse entendre que sont seules considérées les actions ayant le droit de vote, tout en suscitant un doute sur le traitement de certaines catégories d'actions de préférence. De même, l'article 10 § 7 de la Directive épargne-t-il les actions spécifiques et autres restrictions de droit public. Enfin, si l'article 10 § 3, alinéa 3, de la Directive dispose que "les titres à droit de vote multiple ne donnent droit chacun qu'à une voix à l'assemblée générale des actionnaires qui arrête des mesures de défense, quelles qu'elles soient, conformément à l'article 9", la définition étroite des "titres à droit de vote multiple", entendus comme des "titres inclus dans une catégorie séparée et distincte et conférant chacun plus d'une voix" (24), permet de préserver de cette égalisation politique les actions à droit de vote double existant en droit français, dont on s'accorde, aujourd'hui, à penser qu'elles ne constituent pas à proprement parler une catégorie d'actions (25).

Alain Pietrancosta
Professeur à l'Université Paris I (Panthéon-Sorbonne)
Directeur du Master Droit financier
Centre de Recherches en Droit financier

Pour la cinquième partie de cet article, lire (N° Lexbase : N7390AKW).


(1) L'article paraîtra, avec l'aimable autorisation de Lexbase, dans le premier numéro de la Revue trimestrielle de droit financier/Corporate Finance and Capital Markets Law Review, en mai prochain.
(2) Journal officiel du 1er avril 2006, p. 4882.
(3) Directive 2004/25 du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, concernant les offres publiques d'acquisition (N° Lexbase : L2413DYZ).
(4) V. A. Pietrancosta, La directive européenne sur les offres publiques d'acquisition enfin adoptée !, RD banc. et fin. septembre-octobre 2004, p. 338 ; M. Haschke-Dournaux, L'adoption de la directive européenne relative aux offres publiques d'acquisition, LPA, 26 avril 2004, n° 83, p. 7 ; F. Peltier et F. Martin-Laprade, Directive 2004/25/CE du 21 avril 2004 relative aux OPA ou l'encadrement par le droit communautaire du changement de contrôle d'une société cotée, Bull. Joly Bourse 2004, p. 610 ; A. Couret, La fin d'une trop longue saga : l'adoption de la 13e directive en matière de droit des sociétés concernant les offres publiques d'acquisition, Mélanges Béguin, Litec 2005, p. 195 ; P. Servan-Schreiber, W. Grumberg, Défenses anti-OPA, Adoption de la directive européenne sur les OPA et enjeux pour les entreprises françaises, JCP éd. E, n° 44, p. 1774 ; T. Granier, La directive concernant les offres publiques d'acquisition, Europe, n° 11, nov. 2004 ; Reforming Company and Takeover Law in Europe, edited by G. Ferrarini, K. J. Hopt, J. Winter, E. Wymeersch, Oxford University Press, 2004 ; S. V. Simpson, L. Corte, The Future Direction of Takeover Regulation In Europe, 1520 PLI/Corp 759, Practising Law Institute, December, 2005.
(5) Rapport du groupe de travail sur la transposition de la Directive concernant les offres publiques d'acquisition, J.-F. Lepetit, 27 juin 2005.
(6) V. e.g. pour la Grande-Bretagne, Implementation of the EU Directive on Takeover Bids Guidance on changes to the rules on company takeovers, Department of Trade and Industry, march 2006.
(7) V. not. J.-C. Coates, Ownership, Takeovers and EU Law : How Contestable Should EU Corporations Be ?, in Reforming Company and Takeover Law in Europe, op. cit. p. 677 ; P. Mülbert, Make It or Break It : The Break-Through Rule as a Break-Through for the European Takeover Directive ?, ibid. p. 711.
(8) Pour une opinion contraire, v. Ph. Marini, rapport fait au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur le projet de loi relatif aux offres publiques d'acquisition, Sénat, 1ère lecture, Annexe au procès-verbal de la séance du 13 octobre 2005, n° 20, p. 14. 
(9) V. H. Novelli, rapport fait au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan, Assemblée nationale, 1ère lecture, n° 2750, Document mis en distribution le 15 décembre 2005.
(10) La décision sociale n'est soumise qu'à notification à l'AMF, chargée d'en assurer la publicité, v. C. com., art. L. 233-40.
(11) Règlement général AMF, version du 30 décembre 2005, art. 231-6 : "Sauf quand elle résulte d'une obligation législative, aucune clause d'agrément statutaire d'une société visée ne peut être opposée à l'initiateur d'une offre publique pour les titres qui lui seraient apportés dans le cadre de son offre".
(12) Rapport préc. p. 9.
(13) F.-N. Buffet, avis fait au nom de la commission des lois, Sénat, 1ère lecture, déposé le 18 octobre 2005, n° 24.
(14) Ordonnance n° 2004-604, du 24 juin 2004, portant réforme du régime des valeurs mobilières émises par les sociétés commerciales et extension à l'outre-mer de dispositions ayant modifié la législation commerciale (N° Lexbase : L5052DZ7).
(15) Loi n° 2004-1343, du 9 décembre 2004, de simplification du droit (N° Lexbase : L4734GUU).
(16) C. com., art. L. 228-23 (N° Lexbase : L8378GQD). 
(17) V. l'article 46 de la Directive 2001/34/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 mai 2001 concernant l'admission de valeurs mobilières à la cote officielle et l'information à publier sur ces valeurs, JOCE, 6 juillet 2001, L 184/1 (N° Lexbase : L8094AUC), et l'article 40 § 1 de la Directive 2004/39/CE du 21 avril 2004 (Directive 2004/39 du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004, concernant les marchés d'instruments financiers N° Lexbase : L2056DYS, modifiant les Directives 85/611/CEE N° Lexbase : L9653AU3 et 93/6/CEE du Conseil N° Lexbase : L7474AUD et la Directive 2000/12/CE du Parlement européen et du Conseil N° Lexbase : L8003AUX et abrogeant la Directive 93/22/CEE du Conseil N° Lexbase : L7726AUP) ; adde, les Règles de marché harmonisées d'Euronext, Livre I, art. 6605.
(18) Rappr. l'article 10 § 1 de la Directive OPA (Directive 2004/25 du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, concernant les offres publiques d'acquisition N° Lexbase : L2413DYZ), qui prévoit la publication par les sociétés cotées de : "b) toute restriction au transfert de titres, telle que des limitations à la possession de titres ou la nécessité d'obtenir une autorisation de la société ou d'autres détenteurs de titres, sans préjudice de l'article 46 de la directive 2001/34/CE" (comp. C. com., art. L. 225-100-3 N° Lexbase : L1416HIB) ; g) des "accords entre actionnaires, qui sont connus de la société et peuvent entraîner des restrictions au transfert de titres [...], au sens de la directive 2001/34/CE", cette dernière, relative à l'admission de valeurs mobilières à la cote officielle et l'information à publier sur ces valeurs, n'évoquant à titre d'exemple que les clauses d'agrément. Voir, en revanche, l'exclusion par l'article 11 § 7 de la Directive OPA, des restrictions de type "golden shares".
(20) Comp. l'article 10 § 1 g) précité de la Directive OPA, imposant la publication des accords qui "peuvent entraîner des restrictions au transfert de titres".
(21) F.-N. Buffet, avis préc.
(22) Comp. C. com., art. L. 225-100-3.
(23) Rapport préc. p. 30 et s.
(24) Directive 2004/25, du 21 avril 2004, art. 2 § 1 g).
(25) En ce sens, rapport Lepetit, préc. p. 8 ; V. Ph. Marini, rapport préc. n° 20 ; H. Novelli, rapport préc. n° 2750 ; X. de Roux, avis présenté au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, Assemblée Nationale, n° 2727, enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 7 décembre 2005.

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