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le 23 Octobre 2014
A- Le rappel des dispositions déjà intervenues
Deux textes, d'inégale importance, sont venus compléter récemment le Code général des collectivités territoriales, l'un sur le référendum local, l'autre sur la consultation des électeurs :
- la loi organique n° 2003-705 du 1er août 2003, relative au référendum local (N° Lexbase : L6331G9D), qui a introduit, notamment, les actuels articles L.O. 1112-1 et suivants du code précité (N° Lexbase : L1866GUN) et qui concerne la procédure référendaire ;
- le titre VII ("Participation des électeurs et évaluation des politiques locales" (3)) de la loi n ° 2004-809 du 13 août 2004, relative aux libertés et responsabilités locales (N° Lexbase : L0835GT4) qui a complété les textes antérieurs sur les procédures de consultations locales.
Le décret d'application modifiant la partie réglementaire du même code pour l'adapter à ces modifications législatives date du 4 mai 2005 (décret n° 2005-433 du 4 mai 2005, pris pour l'application de la loi organique n° 2003-705 du 1er août 2003 relative au référendum local N° Lexbase : L4039G84). Ce dernier vient d'être complété par deux décrets, à savoir :
- le décret n° 2005-1551 du 6 décembre 2005, relatif à la consultation des électeurs (N° Lexbase : L4974HDL) ;
- le décret n° 2005-1611 du 20 décembre 2005, pris pour l'application du statut d'autonomie de la Polynésie française (N° Lexbase : L0148HE9), et dont le titre V (articles 18 à 31) est consacré au référendum local.
B- L'articulation logique de ces dispositions
La chronologie des textes doit être analysée en fonction de critères, non-seulement de fond, mais de forme. La loi organique précitée du 1er août 2003 s'inscrit dans le droit fil de la révision constitutionnelle et institue une procédure de référendum local, lancée à l'initiative d'une collectivité locale, susceptible de revêtir un caractère décisionnel et encadrée par des dispositions législatives de nature exclusivement organique.
La consultation, dépourvue de tout aspect décisionnel, se réfère à une formule plus large et plus souple, qui existait déjà antérieurement. C'est pourquoi le législateur s'est contenté d'en aligner la procédure sur celle du référendum local et d'en étendre les bénéficiaires par la loi du 13 août 2004. Certes, un même texte, le décret du 4 mai 2005, porte application de l'une et l'autre lois. Mais les deux procédures ne doivent pas être confondues en dépit de leur ressemblance.
En effet, comme le prévoit la loi, la consultation peut avoir un autre fait générateur extérieur aux assemblées locales. C'est ce cas que le décret du 6 décembre 2005 précise, dans une partie de ses dispositions (4), sans bouleverser l'économie générale du droit antérieur, puisque la disposition nouvelle se borne à un renvoi général au droit existant.
Au demeurant, le législateur a veillé soigneusement à garantir la liberté d'action des élus. A aucun moment, ceux-ci ne peuvent être juridiquement contraints d'agir. Sous réserve de précisions de procédure (nombre d'électeurs, texte, fréquence de saisine, etc.), la seule contrainte qui résulte des textes est l'obligation d'inscription à l'ordre du jour de l'assemblée délibérante compétente pour connaître du projet de texte qui serait soumis aux électeurs.
La consultation peut en rester à ce stade quand l'assemblée délibérante n'accorde aucune suite concrète à l'initiative, si ce n'est d'en débattre en séance.
Si elle donne une suite favorable au projet de texte, la procédure fonctionne comme une appropriation de la démarche par la collectivité et on retrouve le scénario procédural déjà fixé dans le droit existant antérieur.
C- Les consultations dans les regroupements de communes
Une ambiguïté pouvait subsister à l'origine sur la question des diverses structures regroupant les communes apparues ces dernières années et étendues assez massivement après la promulgation de la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999, relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale (N° Lexbase : L1827ASH) (5). A ce jour, il existe plus de 2 500 établissements publics de cette nature sur l'ensemble du territoire national (6). L'application de la procédure consultative de droit commun a été étendue à l'intercommunalité par la loi du 13 août 2004 (7).
Seule la procédure consultative est possible pour les regroupements intercommunaux. Ils ne constituent nullement des collectivités territoriales au sens de l'article 72 de la Constitution (N° Lexbase : L0904AHX). Les dispositions qui les encadrent ne sont pas de nature organique et la procédure dont ils ont l'initiative ne revêt, pour eux, aucun caractère contraignant.
Le décret du 6 décembre 2005, dans son article 3, étend à l'intercommunalité les dispositions réglementaires applicables aux collectivités supra-communales. Dans les faits, sous réserve des appellations et des compétences d'attribution dévolues à chaque assemblée délibérante, la procédure consultative à l'initiative, par exemple, d'une communauté de communes ne diffère pas de celle lancée à l'initiative d'un conseil général.
Le point qui mérite d'être signalé est l'articulation avec les maires des communes membres du regroupement. En effet, l'initiative de la consultation revient, non-seulement à une fraction des membres de l'assemblée ou à un nombre suffisant d'électeurs, comme dans le droit commun, mais aussi, le cas échéant, à l'ensemble des maires des communes membres du regroupement intercommunal.
D- Les règles propres à la Polynésie française
Le statut de la Polynésie française est maintenant fixé par la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004, portant statut d'autonomie de la Polynésie française (N° Lexbase : L1574DPY), complétée par la loi n° 2004-193 du même jour, complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française (N° Lexbase : L1575DPZ). Cette loi organique comporte un volet sur le référendum local (8). Rappelons que le Conseil constitutionnel s'est interrogé sur l'extension possible outre-mer de la loi organique du 1er août 2003 (9). Il résulte de son analyse que si le référendum local pouvait concerner la Polynésie française, collectivité visée au titre XII de la Constitution, il ne pouvait pas être étendu à la Nouvelle-Calédonie, dont le statut est redevable du titre XIII. Il n'y a donc pas de texte jumeau concernant la Nouvelle-Calédonie à attendre sur cette question.
Compte-tenu des règles de procédure propres à la Polynésie française, le décret du 20 décembre 2005 transpose à l'archipel la procédure référendaire et consultative en vigueur en métropole. D'ailleurs, une partie seulement de ce texte (le titre V (10)) concerne le référendum local.
Si l'ensemble du dispositif est maintenant bien établi, peut-on en esquisser un premier bilan sommaire ?
II. Une esquisse de bilan possible ?
A- La complexité actuelle du dispositif d'ensemble
Le premier point qui saute aux yeux est la tonalité très procédurale de l'ensemble. Certes, les raisons ne manquent pas, la plupart très légitimes. En vertu de l'article 3 de la Constitution (N° Lexbase : L1289A9M), le peuple français exerce sa souveraineté, soit par le référendum, soit par des conseils élus.
Si l'on donne au référendum sa qualification de national, c'est-à-dire à l'initiative du Président de la République (11), on se situe assez loin du référendum d'initiative populaire tel que le pratiquent les citoyens suisses. Si on lui donne sa qualification de local, les textes contribuent à un certain rapprochement des deux démarches. Mais l'on voit bien de quel poids pèse la seconde branche de l'affirmation "soit par des conseils élus". En l'occurrence, s'agissant du référendum local, on peut presque renverser l'ordre des termes : les électeurs s'expriment essentiellement par des conseils élus, accessoirement par une votation directe.
On a privilégié, par souci de réalisme, l'articulation autour de la mairie. L'impression première est que la procédure est adaptée surtout aux grandes communes. Celles-ci auront, en effet, une grande latitude dans l'initiative d'un scrutin dont le maire sera à la fois le promoteur et l'organisateur. On voit bien comment la même opération se complique s'il s'agit d'une collectivité recouvrant un territoire plus grand (département ou région) ou un regroupement intercommunal. Certes, la loi prévoit une mise en demeure du maire par le préfet, mais les risques de conflit entre autorités élues ne sont pas à écarter.
On peut, toutefois, observer que le souci de ne léser aucune compétence légalement protégée aboutit à installer, un peu partout, des garde-fous, et, donc, des possibilités de recours contentieux, là encore légitimes, mais qui feront la joie des procéduriers. En particulier, la délibération ou, d'une manière plus générale, la décision qui résulterait d'un référendum ainsi organisé ne revêt aucune garantie de légalité supplémentaire.
B- La complexité à venir du fait du droit applicable
Le droit du référendum local, encadré par des dispositions de valeur organique, renvoie le plus possible aux dispositions de droit commun du Code électoral. Cette façon de procéder est louable. Elle souligne, en effet, que l'organisation d'un tel scrutin s'opère matériellement dans des conditions habituelles parfaitement connues ou assimilées des élus locaux et des électeurs. Mais ce système de renvoi recèle un piège que les collectivités ne verront peut-être pas immédiatement. En effet, ces règles sont récentes et ne font pas apparaître encore de discordance majeure entre règles spécifiques de valeur organique et dispositions de droit commun.
Dans des domaines voisins, un dispositif de renvoi comparable, de la loi organique à la loi simple, conduit à actualiser périodiquement le texte organique, faute de quoi les dispositions législatives du Code électoral ne seraient pas applicables dans leur texte le plus récent mais dans celui de la date de promulgation de la dernière modification à valeur organique.
Si l'on prend pour exemple le cas de l'élection présidentielle, régie, elle aussi, par un texte de nature organique (12) modifié en 2001 (13), les dispositions du Code électoral auxquelles elle renvoie sont applicables en leur état figé au 6 février 2001, c'est-à-dire, par exemple, sans l'acquis des réformes de 2003 (14) portant sur de nombreuses procédures en matière électorale, dont le vote par procuration. A cet effet, le Gouvernement vient de déposer sur le bureau de l'Assemblée nationale un projet de loi organique actualisant le texte en vigueur.
A l'avenir, il faudra prévoir une mesure d'adaptation générale de ce type pour les référendums locaux, sinon, dans quelques années, il sera juridiquement périlleux d'organiser un référendum sans disposer non-seulement d'un Code électoral complet, mais d'une édition à jour de la bonne année de référence. Le raisonnement se complique d'autant pour les parties communes entre le référendum local et la consultation, puisque, pour cette dernière, c'est la loi simple qui renvoie à des dispositions organiques.
C- Les complexités de calendrier
Dans un souci, au demeurant parfaitement louable, de ne pas mélanger les enjeux électoraux, le calendrier qui encadre la procédure référendaire restreint sensiblement la période ouverte légalement pour l'organisation d'un tel scrutin lorsque se succèdent les périodes électorales. On peut, ainsi, prendre l'exemple du calendrier électoral des années 2007 et 2008, maintenant établi définitivement par le législateur (15).
Les règles d'interdiction prévues par la loi (16) sont les suivantes :
1°) il n'y a pas de procédure référendaire ou consultative dans le semestre précédant le mois au cours duquel il doit être procédé, soit au renouvellement général, soit au renouvellement d'une série des membres des assemblées délibérantes compétentes, ce qui vise au premier chef les élections municipales et cantonales de mars 2008.
L'interdiction prend effet à compter du 1er septembre 2007, mais seulement pour des procédures lancées par les communes ou les départements. Une région organisant un référendum local ne serait pas atteinte par cette période d'interdiction, mais par la suivante.
2°) il n'y a pas davantage de telle procédure dans la période électorale qui précède une élection au suffrage universel. Dans ce cas, l'interdiction porte seulement sur un délai de quelques semaines, dont la durée exacte est chaque fois fixée par une disposition spécifique à chaque nature d'élection.
Ainsi, pour la prochaine élection présidentielle, cette période précède de 15 jours le premier tour de scrutin et couvre presque entièrement l'intervalle séparant les deux tours (17). La date de l'élection se situant entre la mi-avril et le début mai 2007, la période d'interdiction couvre à peu près le mois d'avril et le début de mai.
Pour les élections législatives en juin 2007, celles-ci auront lieu avant la fin de mandat de l'actuelle législature à la mi-juin 2007 (18). La période électorale visée, un peu plus longue (3 semaines (19)), court globalement de la mi-mai à la mi-juin 2007.
En résumé, si l'année 2006 est entièrement disponible pour de telles initiatives locales, par contraste, en 2007, les créneaux utilisables seront très étroits :
- le premier trimestre 2007 est entièrement libre, comme l'année qui le précède ;
- le deuxième trimestre est presque entièrement interdit ;
- les deux mois suivants sont possibles, quoique peu propices du fait des congés des électeurs ;
- les quatre derniers mois sont, à nouveau, interdits.
La période disponible ne reprend qu'au deuxième trimestre 2008.
Tel qu'il est, le dispositif paraît largement opérationnel pour les collectivités et groupements intéressés. Rencontrera-t-il un réel succès ? C'est une autre question. Il dépendra des initiatives des élus, certes, mais aussi de l'intérêt qu'y prendront les électeurs. Il n'est pas sûr que les habitudes et les usages n'en disposent autrement. L'une des causes de déceptions pourrait résider dans la complexité des textes susceptible d'engendrer un contentieux, en définitive, assez formaliste, de nature à décourager les meilleures volontés. Ce serait dommage pour des textes qui représentent une innovation réelle dans la démocratie de proximité !
Guy Prunier
Chargé de mission au Conseil constitutionnel
(1) Loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003, relative à l'organisation décentralisée de la République (N° Lexbase : L8035BB9).
(2) Cf. Le référendum local, G. Prunier, Revue Lexbase de Droit Public, n°1 du 15 septembre 2005 (N° Lexbase : N7997AIZ).
(3) Cf. ses articles 122 à 129.
(4) Décret précité, article 2, créant l'article R. 1112-18 du CGCT (N° Lexbase : L3192HGC).
(5) Cette loi a profondément remanié les articles L. 5112-1 et suivants du CGCT.
(6) Source : ministère de l'Intérieur.
(7) Cf. son article 122 modifiant, notamment, l'article L. 5211-49 du CGCT (N° Lexbase : L1941GUG).
(8) Cf. son article 159.
(9) Cons. const., décision n° 2003-482 DC du 30 juillet 2003, loi organique relative au référendum local (N° Lexbase : A0371DIL).
(10) Cf. articles 18 à 31 du décret.
(11) Constitution, articles 11 (N° Lexbase : L1268A9T) et 89 (N° Lexbase : L1354A9Z).
(12) Loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962, relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel (N° Lexbase : L5341AGW).
(13) Loi organique n° 2001-100 du 5 mars 2001, modifiant la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel (N° Lexbase : L1180AR7).
(14) Ordonnance n° 2003-1165 du 8 décembre 2003, portant simplifications administratives en matière électorale (N° Lexbase : L1589DPK).
(15) Loi n° 2005-1563 du 15 décembre 2005, prorogeant d'un an le mandat des conseils municipaux et généraux renouvelables en 2007 (N° Lexbase : L5279HDU).
(16) CGCT, article L.O. 1112-6 (N° Lexbase : L1871GUT).
(17) Décret n° 2001-213 du 8 mars 2001, portant application de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel (N° Lexbase : L1198AS8), article 10.
(18) Code électoral, article L.O. 121 (N° Lexbase : L7609AIN).
(19) Code électoral, article L. 164 (N° Lexbase : L2536AA8).
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