La lettre juridique n°207 du 23 mars 2006 : Éditorial

La fusion transfrontalière : nouvel exercice de realpolitik européenne

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La fusion transfrontalière : nouvel exercice de realpolitik européenne. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3208191-lafusiontransfrontalierenouvelexercicedeirealpolitikieuropeenne
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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction

le 27 Mars 2014


Il aura fallu plus de 20 ans pour que les instances européennes adoptent une Directive sur les fusions transfrontalières. Déjà, en 1984 (Journal officiel n° C 023 du 25 janvier 1985 p. 0011), la Commission avait abordé le sujet et émis une proposition de Directive ; proposition enterrée en première classe par le Parlement, pour cause de difficultés épineuses liées à la participation des travailleurs aux organes de décision de l'entreprise. Aussi, jusqu'à l'adoption de la Directive 2005/56, publiée le 25 novembre 2005, rien ne prévoyait au niveau communautaire la possibilité d'opérer une fusion transfrontalière des sociétés commerciales. En pratique, lorsque des opérations de fusion étaient réalisées, elles l'étaient souvent en recourant à des montages complexes, coûteux et ne présentant pas toutes les garanties juridiques. Elles passaient, souvent, par la liquidation des sociétés concernées et la création d'une nouvelle entité. "Cela avait pour résultat que les législations nationales dont relevaient ces entreprises, en général celle du lieu où elles avaient établi leur siège principal, pouvaient constituer d'importants obstacles à ce type d'opération. Les fusions transfrontalières n'étaient possibles que si les sociétés désirant fusionner étaient établies dans des Etats membres connaissant cette institution, et même si cela était le cas, en l'absence d'une réglementation européenne en la matière, ce type d'opération pouvait être très lourd d'un point de vue financier, et les constructions juridiques qu'il impliquait étaient très peu transparentes" (Claudia Marfurt, La Directive sur les fusions transfrontalières : un grand pas en avant franchi en droit communautaire des sociétés, Centre d'études juridiques européennes, 10 mars 2006). La nouvelle Directive s'est appuyée sur les dispositions du statut de la société européenne (SE). Elle s'inscrit dans le cadre du plan d'action pour les services financiers (PASF) et constitue une mesure clé du plan d'action sur la modernisation du droit des sociétés et le renforcement du gouvernement d'entreprise. Désormais, grâce à ce nouvel édifice communautaire, qui constitue un pas important dans les efforts de l'Union pour faire avancer la stratégie de Lisbonne, il est permis d'identifier la loi applicable à chacune des sociétés qui fusionnent. Une fois la nouvelle entité issue de la fusion créée, une seule législation nationale s'applique : celle de l'Etat membre où elle a établi son siège. Le texte ne cherche pas à harmoniser les droits nationaux en la matière, puisque la procédure de fusion transfrontalière demeure soumise, sauf exception, aux dispositions qui régissent, dans chaque Etat membre, les fusions entre sociétés relevant exclusivement de la législation de cet Etat. La Directive prévoit uniquement des dispositions spécifiques et uniformes pour les aspects purement transnationaux de la fusion. Toutefois, pour Jean-Baptiste Lehnof, Maître de conférences à l'ENS-Cachan - Antenne de Bretagne, et Membre du centre de droit financier de l'Université de Paris I (Panthéon-Sorbonne), in Directive sur les fusions transfrontalières : après la Societa Europae, la Fusio Europae, il s'agit d'un texte en demi-teinte, davantage marqué par une realpolitik européenne que par l'innovation juridique. En effet, d'une part, les fusions transfrontalières, en dépit de nombreux obstacles fiscaux, ont déjà été réalisées par les sociétés, qui ont recouru -le plus souvent- à des pratiques sui generis aujourd'hui éprouvées. D'autre part, le nouveau cadre proposé par les instances communautaires souffrirait des mêmes pesanteurs procédurales que celles qui ont été attachées au statut de la SE.

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