La lettre juridique n°206 du 16 mars 2006 : Internet - Bulletin d'actualités n° 2

[Panorama] Bulletin d'actualités Clifford Chance - Département Communication Média & Technologies - Février 2006 (2ème partie)

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le 07 Octobre 2010




Tous les mois, Marc d'Haultfoeuille, avocat associé chez Clifford Chance, vous propose de retrouver l'actualité juridique en matière de Communication Média & Technologies (cf. Bulletin d'actualité Clifford Chance - Département Communication Média & Technologies - Février 2006 (1ère partie) N° Lexbase : N5579AKT).

VI - Médias
  • Dans un arrêt du 29 novembre 2005, la Cour de cassation se prononce sur l'interprétation d'une convention conclue entre une association de perception et de répartition de droits et les câblo-opérateurs (Cass. civ. 1, 29 novembre 2005, n° 03-17.543, Association nationale de gestion des oeuvres audiovisuelles (ANGOA) c/ Société France télécom cable, FS-D N° Lexbase : A8414DL9).

Faits :

L'Association nationale de gestion des oeuvres audiovisuelles (ANGOA) réclamait à la société France Télécom câble le paiement de redevances pour la retransmission sur ses réseaux câblés d'émissions contenues dans les programmes de plusieurs chaînes étrangères non francophones au titre d'un contrat conclu le 30 décembre 1993. L'ANGOA fondait sa demande sur le fondement de l'article 2.2 dudit contrat stipulant que "les gestionnaires de droits autorisent l'exploitant à retransmettre dans la limite des zones frontalières et en extension territoriale, les oeuvres audiovisuelles sur lesquelles ils détiennent ou représentent les droits de retransmission et qui sont contenues dans les programmes des chaînes de télédiffuseurs étrangers non francophones télédiffusées par voie hertzienne terrestre au sol en un point au moins du territoire français dans et en dehors des zones frontalières ou de réception directe".

L'ANGOA a assigné la société France Télécom câble en paiement. L'ANGOA a été déboutée en appel au motif que l'article 2.2 devait s'interpréter au regard du préambule du contrat excluant du mandat de l'ANGOA les oeuvres diffusées par satellite. La cour d'appel de Paris en a ainsi conclu que cet article ne pouvait s'appliquer aux retransmissions litigieuses dès lors que les chaînes avaient été captées par voie satellitaire et non hertzienne avant d'être retransmises par câble aux abonnées.

L'ANGOA se pourvoit en cassation.

Décision :

La Cour de cassation casse l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris, au visa de l'article 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC).

Selon la Haute juridiction, l'exigence de mandat particulier prévu par le préambule ne s'applique qu'aux oeuvres diffusées par satellite et non pas aux oeuvres dont le signal a été capté par voie satellitaire et diffusé par voie hertzienne comme dans le cas d'espèce.

Commentaire :

Dans cet arrêt, la Cour de cassation se montre assez favorable à l'égard de l'association de perception et de répartition des droits en donnant une interprétation restrictive de la convention qu'elle a conclue avec le câblo-opérateur. Ainsi, est-il clairement établi que la diffusion d'oeuvre par satellite ne peut comprendre le mode de capture de son signal.

Il peut paraître étonnant que la Cour de cassation se permette d'intervenir dans l'interprétation d'un contrat, dès lors que l'interprétation des contrats, question de fait, relève de la compétence des juges du fond.

Cependant, de jurisprudence constante, la Cour de cassation, juge du droit, peut contrôler la qualification et la dénaturation des contrats.

L'arrêt d'espèce est une bonne illustration de l'intervention de la Cour de cassation pour dénaturation d'un contrat. Par dénaturation du contrat, il faut entendre une modification par le juge d'une clause claire, précise et sans ambiguïté ou une interprétation d'une clause ambiguë qui écarte l'application des clauses claires. En effet, la Cour de cassation a sanctionné l'analyse des juges du fond au visa de l'article 1134 du Code civil selon lequel "les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites". La Haute juridiction a ainsi procédé à un contrôle de la dénaturation sans le préciser clairement.

VII - Noms de domaine

  • Dans une décision du 13 décembre 2005, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a jugé qu'un nom de domaine ne peut contrefaire une marque déposée antérieurement et désignant des services de communication télématique que dans la mesure où le site y afférant propose des produits ou services identiques ou similaires à ceux de la marque (Cass. com., 13 décembre 2005, n° 04-10.143, FS-P+B+I+R N° Lexbase : A9534DLP).

Faits :

La société Le Tourisme Moderne est titulaire du nom de domaine "locatour.fr" ainsi que de deux marques Locatour, l'une ayant été déposée pour désigner des services d'agences de voyage, et l'autre pour des services de communication télématique (classe 38).

La société Soficar, intervenant dans le domaine de la gestion de portefeuille de participation, a enregistré le nom de domaine "locatour.com", mais ne l'exploite pas.

La société Le Tourisme Moderne a alors intenté une action en contrefaçon et en concurrence déloyale, à l'encontre de la société Soficar.

Décision :

Sur le fondement des articles L. 713-1 (N° Lexbase : L3728ADG), L. 713-2 (N° Lexbase : L3729ADH) et L. 713-3 (N° Lexbase : L3730ADI) du Code de la propriété intellectuelle, la Cour de Cassation casse l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris.

Elle rejette la contrefaçon de la marque par le nom de domaine au motif qu'"un nom de domaine ne peut contrefaire par reproduction ou par imitation une marque antérieure, peu important que celle-ci soit déposée en classe 38, pour désigner des services de communication télématique, que si les produits et services offerts sur ce site sont soit identiques, soit similaires à ceux visés dans l'enregistrement de la marque et de nature à entraîner un risque de confusion dans l'esprit du public".

Commentaire :

Cette décision est particulièrement intéressante puisque la Cour de cassation se prononce, pour la première fois, sur l'intérêt ou non de déposer une marque en classe 38 afin de protéger une marque contre tout usage sur internet.

Ainsi, confirmant, notamment, des décisions rendues précédemment par certains juges du fond (voir, notamment, CA de Versailles du 22 novembre 2001, SA Zebank c/ 123 Multimédia N° Lexbase : A5275DNP), la Cour de cassation juge qu'il convient de comparer les produits et services désignés dans le dépôt de la marque avec le contenu des sites internet, afin d'apprécier l'identité ou la similitude des produits ou services et de constater l'existence d'éventuels actes de contrefaçon. La désignation de produits ou services de la classe 38 ne protègerait donc la marque qu'à l'encontre de dépôts d'un nom de domaine exploité pour un site proposant au public des produits ou services de relevant de cette classe 38 (communication télématique par exemple).

Cette décision ne semble, cependant, pas résoudre la question de la protection des marques face à un nom de domaine inactif. Une interprétation stricte de l'arrêt de la Cour de cassation n'autoriserait donc le titulaire d'une marque souhaitant s'opposer au dépôt d'un nom de domaine postérieur qu'à intenter une action en concurrence déloyale ou en parasitisme. Notons que des juges du fond avaient été saisis de cette question et avaient jugé que la réservation d'un nom de domaine pour désigner un site inexploité constituait un acte de contrefaçon de la marque dès lors que l'adoption de ce nom de domaine était susceptible d'engendrer un risque de confusion dans l'esprit du public, qui pensait accéder au site de la société titulaire de la marque antérieure (voir par exemple tribunal de grande instance de Paris du 5 juillet 2002, EGG et autres c/ SARL EGG au Carré).

VIII - Télécommunications

  • Le décret portant sur les modalités de mise en oeuvre de la portabilité des numéros fixes et mobiles a été pris le 27 janvier et publié au Journal officiel le 28 janvier 2006 (décret n° 2006-82, 27 janvier 2006, relatif à la conservation du numéro prévue par l'article L. 44 du Code des postes et des communications électroniques N° Lexbase : L5020HGZ).

Contenu :

Le décret n° 2006-82 du 27 janvier 2006, publié au Journal officiel le 28 janvier 2006, définit les modalités de la mise en oeuvre de la portabilité des numéros de téléphonie fixes et mobiles, c'est-à-dire de la possibilité pour un abonné à des services de téléphonie fixe ou mobile de conserver son numéro tout en changeant d'opérateur.

Aux termes de l'article 1er du décret, l'abonné pourra demander la conservation de son numéro à l'opérateur auprès duquel il souscrit un nouveau contrat (l'opérateur receveur). Cette demande vaudra demande de résiliation du contrat auprès de son ancien opérateur à partir duquel le numéro est porté (l'opérateur donneur).

Le délai de portage, comprenant le délai nécessaire à l'obtention par l'opérateur receveur des éléments permettant le traitement de la demande d'abonnement et la demande de conservation du numéro de l'abonné ainsi que le portage effectif du numéro, ne pourra excéder 10 jours calendaires, sauf demande expresse de l'abonné. De plus, ce délai ne pourra courir qu'à compter de l'expiration de tout autre délai légal de rétractation ou de renonciation dont l'abonné pourrait bénéficier en application du Code de la consommation.

Le portage effectif du numéro vaut résiliation du contrat liant l'opérateur donneur à l'abonné.

L'opérateur receveur devra informer du portage du numéro l'opérateur à qui, conformément aux dispositions du plan national de numérotation, a été attribué le numéro objet de la demande de conservation du numéro (l'opérateur attributaire). Ce dernier devra faire droit aux demandes raisonnables des opérateurs receveurs concernant la mise à disposition et la transmission des numéros portés dont il est l'attributaire ainsi que l'identification des exploitants de réseau ouvert au public ouvrant l'interconnexion pour ces numéros.

L'article 2 du décret précise les dates d'entrée en vigueur du décret en fonction des types de numéros. Ainsi, en ce qui concerne les numéros non géographiques mobiles, ces dispositions entreront en vigueur le 1er avril 2006 dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Guyane, le 1er janvier 2007 en métropole et le 1er juillet 2007 dans les départements de la Réunion et des collectivités de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon. Enfin, ces dispositions s'appliqueront aux numéros géographiques et non géographiques fixes à partir du 1er avril 2007.

Commentaire :

La portabilité des numéros sera effective en France à compter du 1er janvier 2007.

Une décision de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) est attendue afin de préciser les modalités d'application de l'article 1er relatives, notamment, à l'information des abonnés, aux obligations de qualité de service en matière de portage et le délai maximum d'interruption du service et aux délais de transmission entre les opérateurs des informations nécessaires au traitement de la demande de l'abonné.

Notons que, dans un avis en date du 8 décembre 2005 concernant le projet de décret, l'ARCEP considérait la date d'entrée en vigueur de ces dispositions, le 1er janvier 2007, pour les numéros mobiles en métropole comme "ambitieuse". En effet, la date prévue correspond à une période de l'année au cours de laquelle les systèmes d'information et les réseaux de distribution sont indisponibles à toute évolution majeure en raison de la forte activité commerciale suscitée par les fêtes de fin d'années. De plus, la transition entre le système actuel de portabilité et le système prévu par le décret devrait avoir pour conséquence, selon l'ARCEP, l'impossibilité de réaliser des portages sur une période de deux à trois semaines.

Par ailleurs, l'ARCEP soulignait que le décret devrait être interprété en ce sens que le délai de portage de dix jours entraîne la résiliation du contrat avec l'opérateur donneur dans ce même délai de dix jours. L'opérateur donneur ne pourra pas réclamer le paiement des sommes dues au titre d'un préavis de résiliation de deux mois, par exemple.

Marc d'Haultfoeuille
Avocat associé
Département Communication Média & Technologies
Cabinet Clifford Chance

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