Réf. : Cass. civ. 3, 22 février 2006, n° 05-12.032, Mme Louise Stives c/ Société Agencement général du bois (AG Bois), FS-P+B+I (N° Lexbase : A1446DNU)
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par Julien Prigent, Avocat à la cour d'appel de Paris
le 07 Octobre 2010
Les juges du fond avaient, en effet, condamné le propriétaire à régler aux sous-locataires une certaine somme au titre de la réfection du circuit électrique et de la réparation du chauffage radiant à titre de dommages et intérêts.
Ces dommages, dont les locataires demandaient la réparation, avaient eu pour origine le soulèvement de la couverture des lieux à la suite de la tempête du 26 décembre 1999, soulèvement qui avait entraîné des inondations et détruit le circuit électrique et le chauffage radiant.
Le principe même de la mise en jeu de la responsabilité du bailleur n'a fait l'objet d'aucune discussion dans l'arrêt rapporté.
La cour d'appel avait retenu un manquement à "l'obligation de délivrance d'un lieu normalement couvert". Toutefois, elle avait relevé que le bailleur était tenu aux termes du bail "d'assurer la permanence du couvert [...] la charge des travaux des articles 605 et 606 lui incombant". Cette précision pouvait laisser également penser qu'était en cause l'obligation d'entretien telle qu'elle avait été stipulée par les parties. Il est vrai que ces deux catégories d'obligations ont en commun d'incomber au bailleur pendant toute la durée du bail. Ce qui est une évidence quant à l'obligation d'entretien, le bailleur étant tenu de "faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que locatives" (C. civ., art. 1720 N° Lexbase : L1842ABT), l'était moins pour l'obligation de délivrance (C. civ., art. 1719 N° Lexbase : L1841ABS) dont il était possible de penser qu'elle épuisait ses effets lors de l'entrée en possession des lieux. Cependant, la Cour de cassation confère un caractère permanent à cette obligation (voir, par exemple, Cass. civ. 3, 1er juin 2005, n° 04-12.200, FS-P+B N° Lexbase : A5185DIU). Par ailleurs, les dégradations d'un local qui peuvent s'analyser en un manquement du bailleur à son obligation d'entretien peuvent être telles qu'elles empêchent le preneur de pouvoir jouir de la chose louée. L'arrêt rapporté, qui ne vise d'ailleurs aucun texte en particulier, en est une illustration.
Le caractère de force majeure de la tempête ne suscitait également guère de doute (voir par exemple, parmi de nombreux arrêts en ce sens, Cass. civ. 3, 11 mai 1994, n° 92-16.201, Compagnie Gan c/ M. Le Garrec et autres N° Lexbase : A7074ABM).
Les débats, en ce qui concerne l'action en réparation des preneurs, ont porté sur la possibilité pour le bailleur de s'exonérer définitivement ou non de sa responsabilité.
La force majeure permet en effet au débiteur de s'exonérer de sa responsabilité du fait du manquement à l'une de ses obligations contractuelles et fait obstacle en conséquence à ce qu'il soit condamné au paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par ce manquement (C. civ., art. 1147 [LXB= L1249ABU] et 1148 [LXB= L1248ABT]).
Cependant, et c'est la précision intéressante opérée par l'arrêt rapporté, le caractère exonératoire de la force majeure ne sera que temporaire si l'empêchement qu'elle constitue est momentané. Plus précisément, la Cour de cassation affirme, d'une manière abstraite, conférant à la solution qu'elle énonce une portée générale, que "la force majeure n'exonère le débiteur que pour le temps où elle l'empêche de donner ou de faire ce à quoi il s'est obligé".
La Cour de cassation avait déjà affirmé que "en cas d'impossibilité momentanée d'exécution d'une obligation, le débiteur n'est pas libéré, cette exécution étant seulement suspendue jusqu'au moment ou l'impossibilité vient à cesser" (Cass. civ. 1, 24 février 1981, n° 79-12.710, M. Etienne B. c/ Mme Simone S. N° Lexbase : A5243DNI, Bull. civ. I, n° 65). Si elle n'avait pas, dans cette décision, employé le terme "force majeure", elle avait visé l'article 1148 du Code civil qui dispose que "il n'y a lieu à aucuns dommages et intérêts lorsque, par suite d'une force majeure ou d'un cas fortuit, le débiteur a été empêché de donner ou de faire ce à quoi il était obligé, ou a fait ce qui lui était interdit" (N° Lexbase : L1249ABU). La doctrine, pour l'essentiel, ainsi que la jurisprudence s'accordant pour assimiler le cas fortuit à la force majeure, au sens de ces dispositions (Saint-Pau J.-C., Juris-Cl. Civil code, art. 1146 à 1155, fasc. 11-30, n° 7), il y a lieu de conclure que l'arrêt commenté réitère la solution.
La solution doit être approuvée. S'il paraît en effet justifié de ne pas tenir le bailleur pour responsable d'un manquement à l'une ou à certaines de ses obligations essentielles en raison d'un cas de force majeure, par définition, extérieur, imprévisible et, à tout le moins irrésistible, il est également justifié de limiter cette exonération au temps qui lui est nécessaire pour remédier à ce manquement, à condition, évidemment, que la force majeure aie cessé de constituer un empêchement.
Il appartient donc au bailleur d'être extrêmement diligent et d'effectuer rapidement les réparations nécessaires. Ce temps ne saurait être un temps de raison, celui du coup de vent par exemple, et le caractère exonératoire de la force majeure devrait être maintenu pendant la durée des travaux.
Sous cet angle, la solution ne paraît pas trop sévère pour le bailleur. Il y sera, en outre, dérogé en cas de destruction totale ou partielle de la chose louée puisqu'en matière de bail, les dispositions de l'articles 1722 du Code civil (N° Lexbase : L1844ABW) devront s'appliquer. Ces dernières prévoient que si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail sera résilié de plein droit et que si elle n'est détruite qu'en partie, le preneur pourra demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail, sans aucun dédommagement dans l'un et l'autre cas. Le tout, même en ce qui concerne la force majeure, sous réserve des stipulations contractuelles contraires.
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