La lettre juridique n°206 du 16 mars 2006 : Marchés publics

[Textes] Réforme du Code des marchés publics : la procédure des enchères électroniques

Réf. : Projet de Code des marchés publics, version n° 3

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par Chrystel Farnoux, conseiller juridique à la Chambre de Commerce et d'Industrie de l'Essonne

le 07 Octobre 2010

La procédure des enchères électroniques est issue de la réglementation européenne et plus particulièrement de la Directive 2004/18 CE du Parlement européen et du Conseil en date du 11 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (N° Lexbase : L1896DYU). Définition

L'enchère électronique est définie par les dispositions communautaires précitées comme "un processus interactif selon un dispositif électronique de présentation de nouveaux prix revus à la baisse et/ou de nouvelles valeurs portant sur certains éléments des offres, qui intervient après une première évaluation complète des offres, permettant que leur classement puisse être effectué sur la base d'un traitement automatique".

Le projet de Code des marchés publics en cours d'adoption (version n° 3), dans son article 54, simplifie la définition en précisant qu'il s'agit d'une "procédure de sélection des offres réalisée par voie électronique, permettant aux candidats de réviser leur prix à la baisse et de modifier la valeur de certains autres éléments quantifiables de leur offre".

Ce dispositif permet, donc, à la personne publique de demander aux soumissionnaires la présentation de nouveaux prix à la baisse, dérogeant ainsi à l'intangibilité des offres remises dans le cadre des procédures d'appel d'offres classiques.

Champ d'application

L'objet du marché

Le projet de Code des marchés publics en cours d'adoption vient restreindre les dispositions prévues par la Directive 2004/18 précitée. En effet, contrairement à cette dernière, il n'autorise le recours à la procédure que pour l'acquisition de fournitures, contrairement à la Directive qui permettait que ladite procédure soit également mise en oeuvre pour les marchés de services et de travaux. Il convient, cependant, de souligner que le champ d'application des enchères électroniques s'est quelque peu étendu dans la mesure où il n'est plus seulement limité, comme sous l'égide du Code des marchés publics de 2004, aux fournitures courantes. Cette notion de "fournitures courantes" avait été précisée par le décret n° 2001-846 du 18 septembre 2001, pris en application du 3° de l'article 56 du Code des marchés publics et relatif aux enchères électroniques (N° Lexbase : L7930DNZ). Il s'agit "des fournitures pour lesquelles la personne publique n'impose pas de spécifications techniques qui lui soient propres".

Ainsi, si la version actuellement à l'étude devait être maintenue en l'état, le recours à cette procédure serait envisageable pour tout type de marché de fournitures que celles-ci soient courantes, ou non. Cependant, il convient de souligner que la Directive précitée indique que les spécifications doivent pouvoir être établies de manière précise, réservant la procédure, du moins en pratique, à des achats récurrents.

La procédure de passation

Les dispositions de la Directive européenne précitée disposent que l'enchère électronique peut être utilisée que la procédure de passation soit ouverte, restreinte ou négociée. Le projet de code ne précisant rien en la matière, il semble, donc, qu'aucune limite ne soit posée à cet égard.

Le montant estimé du marché

Le projet de Code des marchés publics fixe un plancher en dessous duquel le recours à la procédure ne sera pas possible. Le seuil plancher est celui au-delà duquel les règles européennes s'appliquent à savoir, 135 000 euros HT pour l'Etat et 210 000 euros HT pour les collectivités territoriales.

Les éléments de l'offre pouvant faire l'objet d'une enchère électronique

Conformément aux dispositions européennes et nationales précitées, peuvent faire l'objet d'enchères, les seuls éléments de l'offre pouvant être exprimés en chiffre ou en pourcentage, c'est-à-dire les éléments quantifiables. Il s'agit, donc, d'éléments susceptibles de faire l'objet d'une évaluation automatique par des moyens électroniques, sans que le pouvoir adjudicateur n'ait à apporter d'appréciation.

Principes généraux

Certains principes doivent être respectés lors de la mise en oeuvre d'une enchère électronique. Il s'agit, tout d'abord, des principes fondamentaux de la commande publique, rappelés à l'article 1er du projet de code, que sont la liberté d'accès à la commande publique, l'égalité de traitement des candidats et la transparence des procédures. Rappelons, en effet, que le respect desdits principes permet d'assurer l'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics.

En outre, la Directive européenne et le projet de code précisent que le recours à cette procédure ne doit pas être abusif et ne doit pas servir à empêcher la concurrence ou à modifier, en cours de procédure, l'objet du marché.

Au-delà de ces principes fondamentaux, le pouvoir adjudicateur devra respecter des obligations plus spécifiques à la procédure ici analysée. Il convient donc de les énumérer :

- interdiction de divulguer, pendant la procédure, le nom des participants à l'enchère ;
- obligation de mettre en oeuvre toute mesure propre à assurer la sécurité et la confidentialité des informations portant sur les candidatures et les offres. A cet effet, ces informations devront n'être accessibles, à compter de la date limite de remise des offres, qu'aux personnes dûment habilitées par le représentant de la personne publique ;
- nécessité de mettre en place un réseau informatique accessible à tous les candidats et qui ne soit pas discriminatoire, comme rappelé, notamment, par le décret précité n° 2001-846 du 18 septembre 2001. Il convient de préciser que les frais d'accès au réseau sont à la charge des participants (décret précité).

Enfin, d'autres règles devront être respectées, comme précisé ci-dessous (cf. procédure).

Etablissement du cahier des charges

Le cahier des charges devra, notamment, comporter les mentions suivantes :

- éléments de l'offre qui feront l'objet de l'enchère électronique (éléments obligatoirement quantifiables pouvant être exprimés en chiffre ou en pourcentage) ;
- limites éventuelles des valeurs qui pourront être présentées ;
- informations qui seront mises à disposition des participants lors de l'enchère, modalités et moment de cette mise à disposition ;
- conditions dans lesquelles les participants à l'enchère pourront renchérir et, éventuellement, écarts minimaux entre les offres ;
- toute information permettant d'expliquer la procédure mise en oeuvre ainsi que son déroulement (notamment, différentes phases de l'enchère, durée de l'enchère -le cas échéant par phase-, rappel des obligations de chacun, conditions et modalités d'invitation à participer, durée de validité des offres remises, modalités de clôture, modalités d'attribution).

Procédure

La procédure d'enchères électroniques n'est pas une procédure à part entière mais permet simplement la mise en oeuvre de modalités particulières de négociation et d'attribution. Ainsi, certaines phases de la consultation ne comportent aucune originalité, du moins dans leur forme. Il s'agit plus particulièrement des phases amont (lancement de la publicité et réception des offres) et aval (attribution et notification du marché). Concernant plus spécialement l'attribution, celle-ci se fera, en effet, selon les règles prévues par l'article 53 du projet de code.

Il convient donc de s'arrêter, plus longuement, sur le déroulement de la procédure de passation.

Après avoir reçu les offres, le pouvoir adjudicateur effectuera une première évaluation afin de pouvoir, le cas échéant, éliminer les offres non conformes. Même si aucune spécificité n'est ici à souligner, rappelons qu'une offre considérée comme non conforme ne pourra à aucun moment être retenue. Ainsi, son auteur ne pourra participer à l'enchère sans que le principe d'égalité entre les candidats ne soit affecté.

En outre, un premier classement pourra être fait au regard des éléments de l'offre non quantifiables et qui ne feront donc pas l'objet de l'enchère.

Il convient de préciser que les candidats se devront d'indiquer au représentant de la personne publique l'identité de la personne ayant le pouvoir d'engager la société et de proposer des offres dans le cadre de l'enchère. Les procédures permettant de vérifier cette identité devront être mises en place par lesdits candidats.

Les candidats ayant remis une offre conforme au sens de l'article 53.I précité participeront à l'enchère. Ces derniers y sont invités par voie électronique. Cette invitation comprendra :

- le cas échéant, les résultats de la première évaluation (hypothèse où les offres ne sont pas jugées sur le seul critère du prix) ;
- la date et l'heure de début de l'enchère, sachant qu'un délai minimum de deux jours doit être neutralisé afin de permettre aux candidats de prendre connaissance de l'invitation et de se préparer à l'enchère ;
- la formule mathématique qui permettra le reclassement automatique des offres au fur et à mesure des nouveaux prix ou nouvelles valeurs présentés par les participants. Ladite formule devra intégrer la pondération des critères qui ont été indiqués dans l'avis d'appel public à la concurrence ou dans le règlement de consultation. En cas de variante, la formule mathématique applicable devra également être indiquée ;
- le cas échéant, les fourchettes de prix (et/ou autre) exprimées par une valeur déterminée ;
- si le pouvoir adjudicateur l'a prévu, le nombre des participants à l'enchère ;
- le cas échéant, les différentes phases de l'enchère ;
- la date et l'heure auxquelles l'enchère sera clôturée ou les faits générateurs (absence de nouvelles propositions, fin du déroulement prévu) et modalités de sa clôture ;
- toute information relative au dispositif électronique utilisé ainsi qu'aux modalités et spécifications techniques de connexion au site.

Lors du déroulement de l'enchère, les participants pourront suivre en temps réel leur classement au fur et à mesure des nouvelles propositions de prix (ou autre élément quantifiable). Si le cahier des charges l'avait prévu, lesdits participants pourront être informés des prix et/ou valeurs proposés par les autres candidats. En outre, ils sont informés instantanément de leur classement ou du résultat de la meilleure offre.

La personne publique clôture ensuite l'enchère selon l'une des modalités suivantes :

- aux date et heure précisées dans l'invitation à participer ;
- lorsqu'elle ne reçoit plus de nouvelles offres en respectant les modalités de clôture prévues par ladite invitation ;
- lorsque le déroulement prévu dans l'invitation arrive à sa fin : l'ensemble des phases d'enchère a eu lieu.

Il convient, ici, d'insister sur l'intangibilité des dernières offres remises avant la clôture de l'enchère.

La procédure d'enchères électroniques commence à être utilisée par les acheteurs publics. Le retour d'expérience paraît plutôt positif, notamment, d'un point de vue financier. En effet, il semble que les économies soient loin d'être négligeables. En outre, d'un point de vue purement concurrentiel, le nombre d'offres reçues ne semble pas inférieur à celui généralement obtenu dans le cadre de procédures plus classiques (cf. cas de la ville de Charleville-Mezières, ministère de l'Education nationale...).

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