La lettre juridique n°206 du 16 mars 2006 : Fiscalité des particuliers

[Jurisprudence] Donation : prise en charge des droits par le donateur

Réf. : Cass. com., 28 février 2006, n° 03-12.310, M. Jean-Philippe Fremont c/ Directeur général des impôts, FS-P+B+I+R (N° Lexbase : A2159DNB)

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par Daniel Faucher, Consultant au CRIDON de Paris

le 07 Octobre 2010

Si la prise en charge des droits de donation par le donateur ne constitue pas une libéralité supplémentaire à ajouter à la libéralité principale pour la liquidation de l'impôt, ni à rapporter à la succession du donateur, c'est à la condition que cette prise en charge résulte, soit des termes de l'acte de donation, soit d'un paiement direct ou encore du versement du montant correspondant sur le compte du donateur à l'étude du notaire rédacteur. Il en va autrement, et cette prise en charge est une donation complémentaire taxable, lorsqu'elle résulte d'un acte postérieur à la donation. Telle est la solution retenue récemment par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 28 février 2006. 1. Doctrine relative à la prise en charge des droits

L'administration admet que, lorsque le donateur prend en charge, au lieu et place du donataire, les droits résultant d'une donation consentie par lui, cette stipulation ne constitue pas une donation indirecte taxable (Réponse Geoffroy, JO Sénat, 8 octobre 1975, p. 2835). Qui plus est, elle n'exige pas une stipulation expresse en ce sens. L'absence de taxation n'est pas contestée si l'acte de donation ne comporte aucune précision relative au paiement des droits par le donateur, celui-ci se contentant de créditer son compte à l'étude du notaire rédacteur du montant des droits (Réponse Du Luart, JO Sénat, 10 décembre 1987, p. 1936). Cette doctrine n'est que la conséquence de l'article 1712 du CGI , selon lequel les droits des actes civils emportant translation de propriété de meubles ou d'immeubles sont supportés par les nouveaux possesseurs, lorsqu'il n'a pas été stipulé de dispositions contraires dans les actes. Ainsi, le donateur peut, conventionnellement, prendre en charge les droits de donation.

2. Conséquences fiscales

2.1. Lors de la transmission à titre gratuit

La prise en charge par le donateur des droits et frais de donation ne donne pas lieu à taxation. On ne saurait voir dans cette clause une libéralité supplémentaire à ajouter à la libéralité principale pour la liquidation de l'impôt. Tel est la doctrine exprimée dans les réponses ministérielles "Geoffroy" et "Du Luart". Les donataires, qui n'étaient plus tenus légalement d'acquitter l'impôt, n'ont, en effet, reçu aucun avantage particulier. Mais cette doctrine ne peut être invoquée que si les droits sont mis expressément à la charge du donateur ou en cas de paiement spontané en l'absence de toute clause concernant ce paiement. En revanche, le paiement par le donateur, alors que l'acte met de façon explicite cette dette à la charge des donataires constitue un paiement pour autrui. Par suite, lors du décès du donateur, sa succession doit comprendre à l'actif une créance (Cass. com., 3 juin 2003, n° 01-12.711, F-D N° Lexbase : A9343C78). De même, comme vient de le préciser la Cour de cassation, la doctrine favorable ne peut être invoquée, lorsque la prise en charge résulte d'un acte postérieur à l'acte de donation. Un tel acte ne pouvant, comme le prétendaient les parties, présenter le caractère d'un simple acte rectificatif, alors qu'il devait être analysé comme une donation complémentaire. On sait que les erreurs rectifiables ne peuvent être que des erreurs matérielles portant sur la désignation d'une des parties ou d'un bien, voire sur le prix. En effet, un acte rectificatif n'a pour objectif que d'assurer la concordance du fichier immobilier et du cadastre avec les énonciations de l'acte déposé.

2.2. Lors du décès du donateur

Ne conduisant pas, selon la doctrine administrative, à une perception supplémentaire au moment de la donation elle-même, la prise en charge ne saurait donner lieu à application des dispositions de l'article 784 du CGI lors du décès du donateur. On sait que cette disposition impose de rapporter à la succession les donations antérieures pour le calcul des droits de mutation dus sur une nouvelle transmission à titre gratuit entre les mêmes personnes. Elle conduit, lorsque cela n'a pas été le cas, à la taxation des donations rapportées. Au cas particulier, une décision du tribunal de grande instance de Paris a décidé que, les donateurs s'étant libérés de leur propre dette, il ne pouvait être fait application de l'article 784 du CGI (TGI Paris, 2ème ch., 30 avril 1990, n° 13.201/89, décision contre laquelle l'administration fiscale ne s'est pas pourvue en cassation). Cette solution, fiscale, présente, cependant, certaines limites. En effet, s'il était envisagé lors des opérations de liquidations de la succession, au plan civil, de tenir compte de ce paiement, puisqu'il ne peut être nié que le donateur s'est appauvri et que le donataire s'est enrichi, n'ayant pas eu à supporter les droits, ce qui caractérise les éléments constitutifs d'une donation, l'administration fiscale pourrait tenter de tirer argument de l'intégration de la prise en charge des droits par le donateur dans les opérations de liquidation. On sait que cette dernière n'hésite pas à s'appuyer sur les analyses effectuées sur le plan civil pour déceler de la matière taxable. Tel est le cas, par exemple, de l'avantage conféré à un héritier par le défunt sous la forme d'une occupation gratuite d'un immeuble lui appartenant. La Haute juridiction ayant décidé que cette donation "de fruits" devait être rapportée à la succession du propriétaire sur le fondement de l'article 843 du Code civil (N° Lexbase : L3484ABN) (Cass. civ., 1ère ch., 14 janvier 1997, n° 94-16.813, Mme Katz c/ consorts Knoll N° Lexbase : A9935ABL), l'administration s'est emparée de cette décision pour en exiger le rappel fiscal sur le fondement de l'article 784 du CGI. Ainsi, il pourrait en être de même dans l'hypothèse où des héritiers entendraient tenir compte du paiement par le défunt des droits dus au titre d'une donation effectuée au profit de l'un d'entre eux, et ce, afin de rétablir l'égalité.

2.3. Etendue de la prise en charge

Si l'administration admet qu'un donateur puisse prendre en charge les droits afférents à une donation, même sans clause expresse, il en va autrement des droits supplémentaires dus en cas de contrôle de valeur. En effet, le seul fait, pour le donateur, d'acquitter les droits sans que cette mention ne figure dans l'acte n'implique pas qu'il ait entendu supporter les éventuels droits complémentaires dus en cas de contrôle. Ainsi, les donataires, en cas de décès du donateur, ne peuvent faire figurer en passif de succession le montant de redressements exigés au titre de la donation après le décès (Cass. com., 12 novembre 1996, n° 94-20.095, M. Flammarion c/ Directeur général des impôts N° Lexbase : A2548ABY). Bien entendu, si la prise en charge est explicite, l'accessoire suivant le principal, il devrait être admis que le donateur, ayant pris l'engagement de payer les droits initiaux, supporte le paiement des droits supplémentaires. Cependant, il ne faut pas négliger le risque que peut engendrer une clause trop explicite comme celle dans laquelle le donateur prendrait à sa charge le paiement des doits dus, ainsi que ceux qui découleraient d'une insuffisance de valeur. Une telle formulation pourrait être interprétée par le service de l'enregistrement comme un indice d'une valeur déclarée inférieure à la valeur de marché, valeur qui, en principe, sert d'assiette aux droits de donation.

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