Il y a peu (voir notre éditorial du 4 janvier dernier,
ISF : l'insoutenable légèreté de l'être), nous évoquions une décision de la Cour de cassation visant à écarter les créances de revenu sur un compte d'auteur du régime de l'impôt de solidarité, alors que, dans le même temps, les députés approuvaient deux amendements au projet de loi relatif au droit d'auteur et aux droits voisins, qui, peu ou prou, légalisaient les échanges de fichiers sur les réseaux de
peer to peer. Force est de constater que ces prises de position, la première tendant à ne pas brimer la création artistique en lui évitant les fourches caudines de l'ISF, la seconde annonçant une libéralisation des échanges de fichiers, libéralisation considérée comme liberticide, pour les professionnels de la création, purent sembler téléologiquement contradictoires. Dans le même sens, surprenante peut paraître une décision rendue par la Cour suprême, le 8 février dernier, rappelant qu'"
une exploitation sous forme de compilations avec des oeuvres d'autres interprètes étant de nature à en altérer le sens, ne pouvait relever de l'appréciation exclusive du cessionnaire et requérait une autorisation spéciale de l'artiste". Autrement dit, le cessionnaire d'une oeuvre n'est pas libre de son exploitation, le droit moral de son auteur perdure, au travers de toutes les chaînes de cession. Cette décision est surprenante, disions-nous, mais pas sur le fond, car elle consacre traditionnellement le droit d'auteur. Mais, il peut paraître juste incongru qu'un artiste si prompt à chanter la liberté, sous toutes ses coutures, et condamnant souvent l'ordre moral, n'évoque son droit (moral) pour rappeler que le respect dû à l'interprétation de l'artiste interdit toute altération ou dénaturation, encadrant ainsi la liberté d'exploitation de son oeuvre. "
Fermez vos grilles fermez vos cages, la liberté" serait-elle en voyage ? "
Ah monsieur d'Ormesson", vous aviez peut être raison, "
un air de liberté/[tout compte fait]
Flottait sur Saïgon/Avant que cette ville s'appelle Ville Ho-Chi-Minh". "Q
uand on n'interdira plus mes chansons /Je serai bon à jeter sous les ponts" : interdire l'exploitation abusive de ses chansons et éviter les ponts ; on n'est jamais mieux servi que par soi-même. Mais du libertaire au liberticide, "
le poète a toujours raison/Qui voit plus haut que l'horizon/Et le futur est son royaume" ; futur orchestré, nous l'espérons tous, par le régime des
creative commons qui permettra enfin d'autoriser à l'avance le public ou les professionnels à effectuer certaines utilisations d'une oeuvre selon les conditions exprimées par l'auteur, pour une plus grande lisibilité des droits attachés à une oeuvre. L'auteur pourra choisir, explicitement, que son oeuvre pourra, ou non, être modifiée, pourra, ou non, faire l'objet d'une exploitation commerciale, etc. Mais, d'ores et déjà, la création a les honneurs du débat parlementaire, comme ceux du pouvoir judiciaire, puisque les mesures fiscales inscrites au sein des dernières lois de finances, en faveur du développement de la création en France ne peuvent passer inaperçues. Les éditions juridiques Lexbase vous invitent à lire cette semaine, le commentaire de
Stéphanie Martin-Cuenot, Ater à l'Université Montesquieu Bordeaux IV,
La protection équilibrée du droit moral de l'artiste interprète. Par ailleurs, afin de faire le point sur les dernières mesures fiscales d'encouragement à la création, Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose de lire l'article de
Ludovic Julié, Avocat au Barreau de Paris, Chargé d'enseignement à l'Université d'Evry-Val-d'Essonne.
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