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N2228AKQ
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par Yolande Sérandour, Professeur à la Faculté de droit de Rennes, Directrice du Master de Droit Fiscal des Affaires de Rennes et du département Droit fiscal du CDA
le 07 Octobre 2010
1 - Champ d'application matériel
Un Etat membre de l'Union européenne ayant fait usage de la faculté d'accorder à ses contribuables le droit, prévu à l'article 13, C, de la sixième directive-TVA (N° Lexbase : L9279AU9), d'opter pour la taxation de l'affermage et de la location de biens immeubles peut, d'une part, subordonner la taxation de ces opérations à l'obtention préalable d'un agrément de la part de l'administration fiscale et, d'autre part, n'en tirer les conséquences sur le droit à déduction que pour l'avenir. Selon la Cour de Luxembourg : "Les dispositions de l'article 13, C, premier alinéa, sous a), et second alinéa, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme, ne s'opposent pas à ce qu'un Etat membre ayant fait usage de la faculté d'accorder à ses assujettis le droit d'opter pour la taxation des opérations d'affermage et de location de biens immeubles adopte une réglementation qui fait dépendre la déduction intégrale de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée en amont de l'obtention d'un agrément préalable, non rétroactif, de la part de l'administration fiscale".
(Sur le sujet, lire : DF 2005, n° 6, comm. 182 ; RJF 12/04, n° 1292. Adde, Yolande Sérandour, L'imposition à la TVA sur option et l'agrément préalable, Lexbase Hebdo n° 149, du jeudi 6 janvier 2005 - édition fiscale [LXB=N 4152ABE]).
La réduction de prix accordée aux membres du personnel d'un hôtel sur la consommation de repas sur les lieux de travail n'entraîne pas application du régime des prestations à soi-même. La CJCE considère, en effet, que "que les articles 2, 5, paragraphe 6, et 6, paragraphe 2, sous b), de la sixième directive-TVA doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation nationale qui considère comme le prélèvement d'un bien ou la prestation de services pour des besoins privés des opérations pour lesquelles une contrepartie réelle est acquittée même si cette contrepartie est inférieure au prix de revient du bien ou du service fourni" (§ 30).
(Sur le sujet, lire : DF 2005, n° 23, comm. 463 ; RJF 4/05, n° 417 ; Adde, Yolande Sérandour, La fourniture de repas moyennant une contrepartie inférieure au prix de revient n'est pas une livraison ou un service à soi-même, Lexbase Hebdo n° 153, du 3 février 2005 - édition fiscale N° Lexbase : N4492ABY).
Un Etat membre de l'Union européenne ne peut pas suspendre l'application d'une exonération de TVA à la licéité de l'activité concurrentielle exercée. L'organisateur de jeux illicites peut échapper à une règle interne en opposant son incompatibilité avec la sixième directive-TVA.
La CJCE affirme que "1) L'article 13, B, sous f), de la sixième directive 77/388 /CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme, doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une législation nationale qui prévoit que l'exploitation de tous les jeux et appareils de jeux de hasard est exonérée de la TVA lorsqu'elle est effectuée dans des casinos publics agréés, alors que l'exercice de cette même activité par des opérateurs autres que les exploitants de tels casinos ne bénéficie pas de cette exonération. 2) L'article 13, B, sous f), de la sixième directive 77/388 a un effet direct, en ce sens qu'il peut être invoqué par un exploitant de jeux ou d'appareils de jeux de hasard devant les juridictions nationales pour écarter l'application des règles de droit interne incompatibles avec cette disposition".
(Sur le sujet, lire : DF 2005, n° 12, comm. 315, note T. Georgopoulos ; RJF 5/05, n° 440 ; Adde, Yolande Sérandour, Illicéité et TVA : ne pas confondre fiscalité et prophylaxie, Lexbase Hebdo n° 157, du 3 mars 2005 - édition fiscale N° Lexbase : A7506DG4).
Offrir aux propriétaires de bateaux la possibilité, moyennant contrepartie, d'utiliser une partie délimitée d'un port ou d'un terrain constitue une activité immobilière soumise à la TVA. Le 3 mars 2005, le juge communautaire a dit pour droit que :
"1) L'article 13, B, sous b), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme, telle que modifiée par la directive 92/111/CEE du Conseil, du 14 décembre 1992, doit être interprété en ce sens que la notion de location de biens immeubles englobe la location d'emplacements prévus pour l'amarrage de bateaux sur l'eau, ainsi que d'emplacements pour l'entreposage de ces bateaux à terre dans l'aire portuaire.
2) L'article 13, B, sous b), point 2, de la sixième directive 77/388, telle que modifiée par la directive 92/111, doit être interprété en ce sens que la notion de "véhicules" englobe les bateaux".
(Sur le sujet, lire : DF 2005, n° 24, comm. 477 ; RJF 5/05, n° 517. Adde, Yolande Sérandour, L'amarrage et l'hivernage des bateaux soumis au régime du stationnement des véhicules, Lexbase Hebdo n° 161, du 31 mars 2005 - édition fiscale N° Lexbase : A1775DH9).
La fourniture de prestations d'assistance sociale dans le but de réaliser des bénéfices n'est pas incompatible avec la reconnaissance de la qualité d'organisme à caractère social. Il s'ensuit que l'exonération en résultant exclut l'exercice de tout droit à déduction de la TVA ayant grevé les prix de revient.
La CJCE ne tire aucune incompatibilité de la recherche et de la répartition de profits. Elle décide que :
"1) Le terme "charitable" figurant dans la version anglaise de l'article 13, A, paragraphe 1, sous g) et h), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme, constitue une notion autonome du droit communautaire qui doit être interprétée en tenant compte de l'ensemble des versions linguistiques de ladite directive.
2) La notion d'"organismes reconnus comme ayant un caractère social par l'Etat membre concerné" mentionnée à l'article 13, A, paragraphe 1, sous g) et h), de la sixième directive 77/388 n'exclut pas des entités privées poursuivant un but lucratif.
3) Il appartient à la juridiction nationale de déterminer, au vu, notamment, des principes d'égalité de traitement et de neutralité fiscale, et en tenant compte du contenu des prestations de services en cause, ainsi que des conditions de leur exercice, si la reconnaissance, en tant qu'organisme ayant un caractère social aux fins des exonérations prévues à l'article 13, A, paragraphe 1, sous g) et h), de la sixième directive 77/388, d'une entité privée qui poursuit un but lucratif et, partant, ne possède pas le statut de "charity" en vertu du droit interne excède le pouvoir d'appréciation accordé par ces dispositions aux Etats membres aux fins d'une telle reconnaissance".
(Sur le sujet, lire : DF 2005, n° 38, p. 1417; RJF 8-9/05, n° 984 ; Adde, Yolande Sérandour, Profits et social sont eurocompatibles selon la CJCE, Lexbase Hebdo n° 175, du 7 juillet 2005 - édition fiscale N° Lexbase : N6142AIC).
Un Etat membre de l'Union européenne ne peut pas assimiler le vol à une livraison taxable, nonobstant l'autorisation d'exiger la TVA avant la vente, en l'occurrence dès l'acquittement des droits d'accises. Selon le juge communautaire :
"1) Le vol de marchandises ne constitue pas une "livraison de biens à titre onéreux" au sens de l'article 2 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme, et ne peut donc, en tant que tel, être soumis à la taxe sur la valeur ajoutée. La circonstance que des marchandises, comme celles en cause au principal, sont soumises à un droit d'accises n'a pas d'incidence sur cette analyse.
2) L'autorisation de mettre en oeuvre des mesures facilitant le contrôle de la perception de la taxe sur la valeur ajoutée, accordée à un Etat membre sur le fondement de l'article 27, paragraphe 5, de la sixième directive 77/388, n'habilite pas cet Etat à soumettre à cette taxe d'autres opérations que celles énoncées à l 'article 2 de cette directive. Une telle autorisation ne peut donc donner de base légale à une réglementation nationale soumettant à la taxe sur la valeur ajoutée le vol de marchandises dans un entrepôt fiscal".
(Sur le sujet, lire Yolande Sérandour, Vol et TVA, Lexbase Hebdo n° 182, du 22 septembre 2005 - édition fiscale [LXB=NA1686DKN]).
2 - Champ d'application territorial
La qualification d'un échange économique revêt une grande importance en matière de TVA. En dépendent, l'éventuelle exonération, le taux applicable, la date d'exigibilité et, ainsi que l'illustre l'arrêt "Levob", l'assiette et la territorialité de la TVA. Selon la Cour de Luxembourg :
"1) L'article 2, paragraphe 1, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme, doit être interprété en ce sens que, lorsque deux ou plusieurs éléments ou actes fournis par un assujetti à un consommateur, envisagé comme un consommateur moyen, sont si étroitement liés qu'ils forment objectivement, sur un plan économique, un tout dont la dissociation revêtirait un caractère artificiel, l'ensemble de ces éléments ou de ces actes constitue une prestation unique aux fins de l'application de la taxe sur la valeur ajoutée.
2) Tel est le cas d'une opération par laquelle un assujetti fournit à un consommateur un logiciel standard précédemment développé et commercialisé, enregistré sur un support, ainsi que l'adaptation subséquente de ce logiciel aux besoins spécifiques de cet acquéreur, même moyennant paiement de prix distincts.
3) L'article 6, paragraphe 1, de la sixième directive 77/388 doit être interprété en ce sens qu'une prestation unique telle que celle visée au point 2 du présent dispositif doit être qualifiée de "prestation de services" lorsqu'il apparaît que l'adaptation en cause n'est ni mineure ni accessoire, mais qu'elle revêt au contraire un caractère prédominant ; il en est, notamment, ainsi lorsque, au vu d'éléments tels que son ampleur, son coût ou sa durée, cette adaptation revêt une importance décisive aux fins de permettre l'utilisation d'un logiciel sur mesure par l'acquéreur.
4) L'article 9, paragraphe 2, sous e), troisième tiret, de la sixième directive 77/388 doit être interprété en ce sens qu'il s'applique à une prestation de services unique telle que celle visée au point 3 du présent dispositif, rendue à un assujetti établi dans la Communauté, mais en dehors du pays du prestataire".
Un logiciel standard peut devenir un logiciel spécifique. Cette transformation retentit sur la désignation du pays d'imposition.
(Sur le sujet, lire Yolande Sérandour, Le logiciel, bien ou service au regard de la TVA ?, Lexbase Hebdo n° 192, du 1er décembre 2005 - édition fiscale N° Lexbase : N1371AKY).
Il suffit de commercer lors d'une halte avec ou sans formalités de débarquement hors de l'Union européenne pour échapper à la TVA du pays de départ du voyage situé sur le territoire d'un Etat membre. Il est vrai que l'article 8 § 1-c de la sixième directive-TVA exclut la TVA du pays de départ en cas d'escale. Selon la CJCE, la réponse dépend de la question de savoir si les voyageurs peuvent ou non quitter temporairement le moyen de transport. Elle dit en effet pour droit que :
"Les arrêts effectués par un bateau dans des ports de pays tiers, au cours desquels les voyageurs peuvent quitter le bateau, même pour une courte période, constituent des "escales en dehors de la Communauté" au sens de l'article 8, paragraphe 1, sous c), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme, dans sa version résultant de la directive 92/111/CEE du Conseil, du 14 décembre 1992, modifiant la directive 77/388 et portant mesures de simplification en matière de taxe sur la valeur ajoutée".
(Sur le sujet, lire Yolande Sérandour, L'escale chasse la TVA, Lexbase Hebdo n° 186, du 20 octobre 2005 - édition fiscale N° Lexbase : N9694AIU).
2 - Exigibilité de la TVA
L'organisateur de parties de pêche, exploitant d'étangs, de buvettes et de parcs d'attractions, qui offre la possibilité de pêcher les truites qu'il a vendues après les avoir déverser dans ses petits étangs bénéficie du taux réduit sur la vente des poissons. Le Conseil d'Etat considère que "la vente au poids ou à la pièce des truites déversées dans les petits étangs pour être pêchées par les clients ; que, dès lors que les clients ont acquis ces truites à des tarifs identiques à ceux pratiqués pour la vente directe, cette activité doit être regardée non comme une prestation de services, mais comme la vente de produits de la pisciculture au sens des dispositions de l'article 278 bis précité du code général des impôts ".
(Sur le sujet, lire : DF 2005, n° 25, comm. 486, concl. S. Verclytte ; RJF 7/05, n° 679 ; Adde, Yolande Sérandour, La truite, l'étang et le taux de TVA, Lexbase Hebdo n° 168, du 19 mai 2005 - édition fiscale N° Lexbase : N4342AIN).
III - Déductibilité de la TVA
1 - Droit à déduction
La cessation d'entreprise ne fait pas perdre à son exploitant le droit de déduire la TVA ayant légitimement grevé les frais supportés après la survenance de cet événement. La CJCE dit pour droit que "l'article 4, paragraphes 1 à 3, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme, telle que modifiée par la directive 95/7/CE du Conseil, du 10 avril 1995, doit être interprété en ce sens qu'une personne qui a cessé une activité commerciale, mais qui continue de payer le loyer et les charges afférents au local ayant servi pour cette activité, en raison du fait que le contrat de location contient une clause de non-résiliation, est considérée comme un assujetti au sens de cet article et peut déduire la TVA sur les montants ainsi acquittés, pour autant qu'il existe un lien direct et immédiat entre les paiements effectués et l'activité commerciale et que l'absence d'intention frauduleuse ou abusive est établie".
(Sur le sujet, lire : DF 2005, n° 25, comm. 487 ; RJF 5/05, n° 519 ; Adde Yolande Sérandour, Cessation d'activité et déduction de la TVA, Lexbase Hebdo n° 164, du 21 avril 2005 - édition fiscale N° Lexbase : A1773DH7).
Les dépenses à caractère mixte, pour partie professionnelle et pour une autre personnelle, engagées par des époux en qualité d'indivisaires, sans indication de la répartition sur les factures : ni de la quote-part de chacun, ni du pourcentage d'affectation professionnelle ouvrent droit à déduction de la TVA en proportion de l'affectation professionnelle réelle. La CJCE tient pour droit que : "[...] une personne, qui acquiert ou fait construire une maison aux fins de l'habiter avec sa famille, agit en qualité d'assujetti et bénéficie, donc, du droit à déduction en application de l'article 17 de la sixième directive 77/388, dans la mesure où elle utilise une pièce de cet immeuble comme bureau pour les besoins de l'exercice, fût-ce à titre accessoire, d'une activité économique au sens des articles 2 et 4 de la même directive et qu'elle affecte cette partie de l'immeuble au patrimoine de son entreprise ;
- lorsqu'une communauté résultant d'un mariage, qui n'est pas dotée de la personnalité juridique et n'exerce pas elle-même une activité économique au sens de la sixième directive 77/388, passe commande d'un bien d'investissement, les copropriétaires formant ladite communauté doivent être considérés comme bénéficiaires de l'opération pour les besoins de l'application de cette directive ;
- lorsque deux époux en communauté du fait de leur mariage acquièrent un bien d'investissement dont une partie est utilisée à des fins professionnelles de façon exclusive par l'un des époux copropriétaires, celui-ci bénéficie du droit à déduction pour la totalité de la taxe sur la valeur ajoutée en amont ayant grevé la part du bien qu'il utilise pour les besoins de son entrepris, pour autant que le montant déduit n'excède pas les limites de la quote-part que l'assujetti détient dans la copropriété dudit bien ;
- les articles 18, paragraphe 1, sous a), et 22, paragraphe 3, de la sixième directive 77/388 n'exigent pas que, pour pouvoir exercer le droit à déduction dans des circonstances telles que celles en cause au principal, l'assujetti dispose d'une facture établie à son nom et faisant apparaître les fractions du prix et de la taxe sur la valeur ajoutée correspondant à sa quote-part dans la copropriété. Une facture délivrée indistinctement aux époux en copropriété et sans mention d'une telle ventilation est suffisante à cet effet".
(Sur le sujet, lire DF 2005, n° 46, comm. 735 ; RJF 8-9/05, n° 986 ; Yolande Sérandour, Epoux indivisaires et déduction de la TVA, Lexbase Hebdo n° 166, du 5 mai 2005 - édition fiscale N° Lexbase : A9457DHQ).
Une société peut déduire la TVA qu'elle a acquittée sur des prestations liées à l'émission d'actions car ces dépenses font partie de ses frais généraux, du moins si elle exerce une activité soumise à la TVA. Selon la CJCE :
"1) Une émission d'actions nouvelles ne constitue pas une opération relevant du champ d'application de l'article 2, point 1, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme, telle que modifiée par la directive 95/7/CE du Conseil, du 10 avril 1995.
2) L'article 17, paragraphes 1 et 2, de la sixième directive 77/388, telle que modifiée par la directive 95/7, ouvre droit à déduction de l'intégralité de la taxe sur la valeur ajoutée grevant les dépenses exposées par un assujetti pour les différentes prestations qu'il a acquises dans le cadre d'une émission d'actions dans la mesure où l'intégralité des opérations effectuées par cet assujetti dans le cadre de son activité économique constitue des opérations taxées".
(Sur ce sujet, lire : RJF 8-9/05, n° 982 ; Adde, Yolande Sérandour, La déductibilité de la TVA ayant grevé les frais d'émission d'actions, Lexbase Hebdo n° 172, du 16 juin 2005 - édition fiscale N° Lexbase : A3969DIT).
En cas d'utilisation mixte d'un moyen d'exploitation, un Etat membre ne peut simplifier la gestion fiscale d'un tel bien en excluant définitivement de l'actif professionnel la fraction correspondant à l'usage privé, nonobstant l'existence de cette exclusion avant l'entrée en vigueur de la sixième directive-TVA.
La CJCE dit pour droit que : "Les articles 6, paragraphe 2, et 17, paragraphes 2 et 6, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme, telle que modifiée par la directive 95/7/CE du Conseil, du 10 avril 1995, doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une législation nationale telle que celle en cause au principal, adoptée avant l'entrée en vigueur de cette directive, qui ne permet pas à un assujetti d'affecter à son entreprise la totalité d'un bien d'investissement utilisé en partie pour les besoins de l'entreprise et en partie à des fins étrangères à celle-ci et, le cas échéant, de déduire intégralement et immédiatement la taxe sur la valeur ajoutée due sur l'acquisition d'un tel bien".
(Sur le sujet, lire : DF 2005, n° 38, comm. 618 ; Adde, Yolande Sérandour, La non taxation de l'usage privé d'un bien ne justifie pas l'exclusion partielle du système de la TVA, Lexbase Hebdo, n° 180, du 8 septembre 2005 - édition fiscale [LXB=N A1685DK]).
Une subvention ne peut diminuer la TVA déductible de l'assujetti redevable de la TVA sur toutes ses activités dans le champ d'application de la TVA. En cas d'exercice d'activités exonérées, un Etat membre ne peut prévoir un régime de limitation de la TVA déductible plus favorable que celui prévu par la sixième directive-TVA. La CJCE tient pour droit que :
"En prévoyant un prorata de déduction de la taxe sur la valeur ajoutée supportée par les assujettis n'effectuant que des opérations taxées et en instaurant une règle particulière limitant la déductibilité de la TVA afférente à l'achat de biens ou de services financés au moyen de subventions, le Royaume d'Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du droit communautaire et, notamment, des articles 17, paragraphes 2 et 5, et 19 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme, telle que modifiée par la directive 95/7/CE du Conseil, du 10 avril 1995".
"En instaurant une règle particulière limitant la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à l'achat de biens d'équipement en raison du fait qu'ils ont été financés au moyen de subventions, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du droit communautaire et, notamment, des articles 17 et 19 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme, telle que modifiée par la directive 95/7/CE du Conseil, du 10 avril 1995".
(Sur le sujet, lire : DF 2005, n° 49, p. 1921, Etude M. Guichard et W. Stemmer ; Adde, Yolande Sérandour, Subvention d'équipement et TVA, Lexbase Hebdo n° 189, du 10 novembre 2005 - édition fiscale N° Lexbase : A6729DKG).
2 - Révision des déductions
La crainte de voir se multiplier les montages destinés à récupérer de la TVA avant l'adoption d'une loi destinée à les combattre justifie une dérogation aux principes communautaires de sécurité juridique et de confiance légitime. La loi interne peut disposer pour l'avenir et, exceptionnellement, être rétroactive. Comme le droit français, mais de manière plus restrictive, la CJCE accepte que la loi nouvelle puisse disposer pour le passé. Le 26 avril 2005, la grande Chambre de la CJCE a, en effet, dit pour droit que :
"Les principes de la protection de la confiance légitime et de la sécurité juridique ne s'opposent pas à ce qu'un Etat membre, à titre exceptionnel, et afin d'éviter que soient utilisés à grande échelle, pendant le processus législatif, des montages financiers destinés à minimiser la charge de la taxe sur la valeur ajoutée contre lesquels une loi de modification vise précisément à lutter, donne à cette loi un effet rétroactif, lorsque, dans des circonstances telles que celles de l'affaire au principal, les opérateurs économiques effectuant des opérations économiques telles que celles visées par la loi ont été avertis de la prochaine adoption de cette loi et de l'effet rétroactif envisagé de manière telle qu'ils soient en mesure de comprendre les conséquences de la modification législative envisagée pour les opérations qu'ils pratiquent.
Lorsque cette loi exonère une opération économique sur un bien immeuble auparavant soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, elle peut avoir pour effet d'annuler la régularisation de la taxe sur la valeur ajoutée intervenue en raison de l'exercice, au moment de l'affectation d'un immeuble à l'opération considérée à ce moment comme taxée, d'un droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée sur la livraison de ce bien immeuble".
(Sur le sujet, lire DF 2005, n° 22, comm. 447, note T. Georgopoulos ; RJF 8-9/05, n° 989 ; Adde, Yolande Sérandour, La déduction de TVA annulable par rétroactivité de la loi, Lexbase Hebdo, n° 170, du 2 juin 2005 - édition fiscale N° Lexbase : A0027DIT).
Devenir assujetti à la TVA ne donne pas naissance à un droit à déduction devant produire ses effets sur des dépenses engagées avant la réalisation d'opérations dans le champ d'application de la TVA. A cet égard, la CJCE affirme pour droit que "un organisme de droit public qui achète un bien d'investissement en tant qu'autorité publique, au sens de l'article 4, paragraphe 5, premier alinéa, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme, et par conséquent en qualité de non-assujetti, et qui, par la suite, vend ce bien en qualité d'assujetti ne bénéficie pas, dans le cadre de cette vente, d'un droit à régularisation fondé sur l'article 20 de cette directive, en vue d'opérer une déduction de TVA acquittée lors de l'achat dudit bien". La qualité d'assujetti acquise après réalisation d'une dépense n'efface pas l'absence de la qualité d'assujetti lors de son engagement.
(Sur le sujet, lire : RJF 8-9/05, n° 991. Adde, Yolande Sérandour, Pas de régularisation positive de la TVA sans la qualité initiale d'assujetti, Lexbase Hebdo n° 178, du 28 juillet 2005 - édition fiscale [LXB=NA4883DIP]).
IV - En bref
Selon l'article 211 ancien de l'annexe II au CGI, la TVA devenue déductible du fait de la vente ou de l'apport ou de l'exportation se heurtait à un butoir : la TVA exigible ou fictivement exigible sur l'exportation. Des auteurs contestaient ce butoir qu'ils jugeaient non conforme à la sixième directive-TVA. Le décret n° 2005-1285 du 11 octobre 2005 supprime ce butoir.
(Sur le sujet, lire R. Delfaud et O. Cortez, Cessions taxables de biens d'investissement initialement non entièrement détaxés : Le butoir institué par l'article 211, dernier alinéa, de l'annexe II au CGI est-il compatible avec la sixième directive ?, DF 2003, p. 350 ; Pour la compatibilité à CAA Paris, 14 oct. 2004, Sté française d'assurance crédit : RJF 8-9/05, n° 860).
L'article 257-8°,1, a, du CGI exclut des livraisons taxables "les prélèvements effectués pour les besoins de l'entreprise pour donner des cadeaux de faible valeur et les échantillons. Le montant à retenir pour l'imposition des prélèvements correspondant aux cadeaux de faible valeur est fixé par arrêté. Cette limite s'applique par objet et par an pour un même bénéficiaire". Cette limite ne vise expressément que les cadeaux de faible valeur, pas les échantillons et spécimens. L'article 23 N de l'annexe IV au CGI fixe une limite de 31€ TTC, limite portée, par arrêté du 12 octobre 2005, à 60 euros à compter du 1er janvier 2006.
Cette limite fera l'objet d'une réévaluation au 1er janvier 2011, puis tous les cinq ans, proportionnellement à la variation de l'indice mensuel des prix à la consommation, hors tabac, de l'ensemble des ménages. La sixième directive-TVA ne prévoit pas de limite quantitative.
Cette réforme va retentir sur l'application de l'article 238, 1°, de l'annexe II au CGI , lequel dispose "n'est pas déductible la taxe ayant grevé [...] des biens cédés sans rémunération ou moyennant une rémunération très inférieure à leur prix normal [...] sauf quand il s'agit de biens de très faible valeur". L'administration fiscale se réfère à l'article 23 N de l'annexe IV au CGI modifié.
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