La lettre juridique n°185 du 13 octobre 2005 : Droit financier

[Jurisprudence] Affaire Hyparlo : l'ADAM croque... l'AMF

Réf. : Cour d'appel de Paris, 1ère ch., sect. H, 13 septembre 2005, n° 2005/04058, ADAM c/ Hyparlo (N° Lexbase : A4372DK7)

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le 07 Octobre 2010

L'affaire Hyparlo qui a, une fois encore, permis de mettre en avant une action de l'Association des actionnaires minoritaires (ADAM) contre une société cotée, nous donne l'occasion d'assister à un des premiers recours important en matière d'offre publique. La cour d'appel de Paris vient, le 13 septembre dernier, de censurer une décision de l'Autorité des Marchés Financiers (l'AMF) en annulant une autorisation de dérogation à l'obligation de dépôt d'une offre publique et ce, dans des termes qui invitent à s'interroger sur les rapports qu'entretiendront, à l'avenir, la nouvelle autorité et le juge d'appel. En effet, cette dérogation, accordée par l'AMF sous l'égide du droit boursier (I), a été annulée par la cour d'appel pour des motifs liés, selon elle, à une mauvaise appréciation de la notion de changement de contrôle, sur des bases textuelles qui relèvent davantage du droit des sociétés (II). I - Une dérogation à l'obligation d'offre publique fondée sur le droit boursier

L'affaire ADAM contre Hyparlo a pour origine un recours contre une décision de l'AMF en date du 16 février 2005, décision permettant à la société précitée de déroger au principe d'obligation de dépôt d'un offre publique, à la suite d'une modification de son contrôle (A). La cour d'appel de Paris a ainsi rendu sa décision en appréciant la décision de l'AMF, cette dernière ayant à apprécier si la modification substantielle d'un concert (B) justifiait, ou non, l'obligation de déposer une offre publique.

A - La modification du contrôle de la société Hyparlo

La société défenderesse, la société Hyparlo, dont les actions sont admises aux négociations sur l'Eurolist d'Euronext Paris sur actions, exploite, dans le cadre d'un contrat de franchise, 16 hypermarchés à l'enseigne Carrefour, en France et en Roumanie. Originellement, cette société était contrôlée par les membres de la famille Arlaud (le groupe familial Arlaud dans l'arrêt) via deux holdings (sociétés Hofidis et Arlco) détenant 57,8 % du capital et 67,2 % des droits de vote de la SA Hyparlo. Le "groupe familial" et la société Carrefour (Carrefour) agissaient de concert vis-à-vis de la société défenderesse, en vertu d'un pacte d'actionnaire en date du 1er janvier 1999, Carrefour détenant dans la société en cause 20 % du capital et 20,8 % des droits de vote.

Le 24 décembre 2004, le groupe familial Arlaud et la société Carrefour concluent un "protocole d'accord" afin de renforcer leur action de concert, sans toutefois, du moins selon les mentions portées dans l'accord, en modifier l'équilibre antérieur.

C'est ainsi que les holdings Hofidis et Arlco furent fusionnées, constituant une SAS dénommée Hofidis II. La société Carrefour, par ailleurs, apporte à Hofidis II sa participation dans la société Bearbull, société tête de groupe des activités de la défenderesse en Roumanie. Carrefour achète, en outre, des actions à la famille Arlaud. A la suite de ces opérations, la Société Hofidis II est détenue à parité, en capital et en droit de vote, par Carrefour et ses partenaires.

Par ailleurs, dans ce protocole, Carrefour s'engage irrévocablement à acquérir, à compter du 1er janvier 2012, les actions d'Hofidis II détenues par la famille Arlaud, à un prix déterminé par un expert financier, à défaut d'un accord entre les parties. Au cas de cessation des fonctions des dirigeants d'Hofidis II, le terme prévu au 1er janvier 2012 sera anticipé à la date de cessation des fonctions.

Les statuts d'Hofidis II prévoient, enfin, la nomination de MM. Pardi et Arlaud comme président et directeur général jusqu'au 31 décembre 2011. Un conseil de surveillance de 6 à 12 est constitué, avec une parité de représentation entre le groupe familial Arlaud et Carrefour. Ce conseil de surveillance ne pourra, valablement, délibérer qu'à la moitié de ses membres, le conseil devant statuer, en outre, à la majorité qualifiée des 2/3.

En dehors de ces stipulations, qui ne font que matérialiser l'intensité du partenariat, il en est d'autres plus spécifiques qui confèrent un avantage significatif à la société Carrefour. Il est, en effet, prévu l'attribution d'un droit de vote double à cette société sur une fraction (dites actions B) de sa participation dans Hofidis II, soit à l'échéance du 31 décembre 2001, soit dans les deux cas de figure suivants :

- le président ou le directeur général cessent leurs fonctions ;
- la direction générale a pris une décision relevant de l'article 10.3 (b) des statuts, décision sur laquelle de conseil de surveillance n'aurait pas donné un avis positif.

C'est le jeu de ces clauses, assez complexe, qui, précisément, va susciter ultérieurement des questions quant à l'appréciation du contrôle. Cependant, le changement programmé ne pose, apparemment, aucun problème à l'époque puisque les accords susmentionnés entrent en vigueur le 14 janvier 2005.

L'AMF, de son coté, est informée de l'existence du pacte d'actionnaires, en respect des dispositions de l'article L. 233-11 du Code de commerce (N° Lexbase : L6314AIP) qui prévoit, pour les sociétés cotées, une information obligatoire pour toute clause d'une convention prévoyant des conditions préférentielles de cession ou d'acquisition d'actions et portant sur au moins 0,5 % du capital et des droits de vote (1).

Il demeure, qu'en principe, cette modification du concert fait encourir -sous réserve de dérogation qui ne manqueront pas d'être invoquées-, l'obligation de déposer une offre publique. A ce titre, les conseils de la société Carrefour font valoir, pour convaincre l'AMF, que les modifications précitées ne doivent pas entraîner de dépôt d'une offre. La société Carrefour, par cet intermédiaire, souligne, notamment, que "la prédominance d'un concertiste sur un autre ne se réduit pas à la simple constatation d'un niveau de participation et que l'AMF peut prendre en compte des éléments extérieurs à la simple pesée comparative des pourcentages de capital ou de droits de vote". Elle ajoute "que c'était donc dans les statuts d'Hofidis II qu'il convenait d'analyser le poids relatif de chacun des concertistes". En l'espèce, la famille Arlaud et Carrefour se trouvaient temporairement à égalité au sein de cette structure.

Les conseils de la société carrefour demandaient donc à l'AMF, dans une lettre du 19 janvier 2005, de constater, sur le fondement des articles 234-6 1° ([LXB=L5398G8G ]) et 234-3 (N° Lexbase : L5395G8C) de son règlement général, que les membres du concert n'étaient pas tenus de déposer un projet d'offre publique sur les titres de la société défenderesse.

L'AMF fera droit à cette demande par une décision 205C0262 en date du 16 février 2005 (N° Lexbase : L2064HCG), au motif que :

- les statuts d'Hofidis II prévoient que les représentants légaux de la SAS sont choisis au sein de la famille Arlaud de façon irrévocable, sauf prise de contrôle par la société Carrefour ;
- la direction et la gestion effective du groupe continueront d'être assurées par les membres de cette famille, les organes sociaux demeurant inchangés. Cette prédominance familiale demeurera inchangée tant que Carrefour ne deviendra pas l'actionnaire majoritaire, seule situation pouvant déboucher sur l'application des textes conduisant au dépôt d'une offre publique sur les titres d'Hyparlo. Quant à l'évolution du concert, il s'inscrit dans le cadre d'un partenariat commercial, entre Carrefour et le groupe familial, partenariat qui est, par ailleurs, matérialisé par un contrat de franchise.

Contestant cette analyse, l'ADAM intente un recours, le 28 février 2005, demandant à la cour d'appel de Paris d'annuler la décision de l'AMF et, notamment, de contraindre la Société Hyparlo à déposer un projet d'offre publique.

B - Modification substantielle du concert et autorisation de dérogation au dépôt d'une offre publique

La cour d'appel avait, dans cette affaire, à se prononcer sur d'autres points concernant, en particulier, la recevabilité de certains recours intentés hors délais, par un associé minoritaire et l'irrégularité supposée de la procédure suivie devant l'AMF. Il n'est, cependant, que sur l'analyse de l'accord entre les actionnaires que cette affaire présente un intérêt ; intérêt majeur s'il en est, puisque l'arrêt vient, dans une certaine mesure, encadrer de façon plus restrictive les dérogations au principe de dépôt d'une offre publique.

A ce titre, les textes visés, dont l'ADAM contestait l'interprétation, étaient respectivement -selon la décision- les articles L. 233-11 du Code de commerce (N° Lexbase : L6314AIP), et 234-6 1° et 234-3 2° du règlement général de l'AMF.

C'est sur ce fondement, suggéré dans leur mémoire par les conseils de la société Carrefour, que l'AMF devait conclure, après analyse de la teneur du nouveau pacte d'actionnaire : "qu'il n'y [avait] pas matière à déposer, en l'état, un projet d 'offre publique sur la base des dispositions réglementaires invoquées par les requérants".

Sur ce point, ces textes établissent, dans l'ordre de présentation choisi par l'autorité :

- s'agissant, d'abord, de l'article 234-6 1° du règlement général ; que l'AMF peut constater qu'il n'y a pas matière à déposer un projet d'offre publique lorsque les personnes, qui viennent à déclarer agir de concert, le font avec "un ou plusieurs actionnaires qui détenaient déjà, seul ou de concert, la majorité du capital ou des droits de vote de la société, à condition que ceux-ci demeurent prédominants". L 'article ajoute, également, que tant que l'équilibre des participations respectives au sein d'un concert n'est pas significativement modifié, par référence à la situation constatée lors de la déclaration initiale, il n'y a pas lieu à offre publique.

A l'évidence, ce qui était souligné, par les conseils de la société Carrefour, était l'absence de modification substantielle de la majorité du capital et des droits de vote de la société visée, puisque, dans la nouvelle organisation des participations, la société Hyparlo demeurait contrôlée par le groupe familial, ce dernier demeurant ainsi "prédominant" en apparence. Il convient, d'ailleurs, sur ce point, de préciser que l'AMF, (mais cette remarque ne figure pas dans les motifs de la cour d'appel) avait cru bon de souligner, dans sa décision, qu'elle retenait, en partie, cette solution parce que "la famille Arlaud [conservait] la majorité des sièges au conseil de surveillance, compte tenu de la voix prépondérante attribuée à son Président issu de la famille Arlaud en cas de partage des voix [...]".

Toutefois, le texte précédent visant exclusivement le "concert", cette solution ne préfigurait pas de l'appréciation du "contrôle". Il convenait donc d'appliquer, ensuite, l'article 234-3 2° du règlement général qui prévoit que : "lorsque plus du tiers du capital ou des droits de vote d'une société dont les titres de capital sont admis sur un marché réglementé est détenu par une autre société et constitue une part essentielle de ses actifs, l'obligation de déposer une offre publique s 'applique quand : [...] 2° Un groupe de personnes agissant de concert vient à prendre le contrôle de la société détentrice au sens des textes applicables à cette dernière, sauf si l'une ou plusieurs d'entre elles disposaient déjà de ce contrôle et demeurent prédominantes".

C'est, pour les motifs déjà évoqués, à propos du concert que, selon l'AMF, il était -en définitive- possible de déroger à l'obligation de dépôt d'une offre publique.

Le texte précise, de surcroît, comme s'il fallait clarifier l'interprétation de ce qui précède, que : "tant que l'équilibre des participations respectives au sein d'un concert n'est pas significativement modifié par référence à la situation constatée lors de la déclaration initiale, il n'y a pas lieu à offre publique".

On remarquera, sur la forme, la similitude de rédaction entre les articles 234-6 1° et 234-3 2° du règlement général de l'AMF, mais sur le fond, s'agissant du raisonnement de l'AMF et de la cour d'appel, il fallait bien invoquer les deux textes en dépit de leur redondance, afin d'examiner la situation du concert et la situation du contrôle. Dans un souci de sécurité, et en raison du doute pesant sur le maintien de "l'équilibre" précité, il paraissait ainsi nécessaire de faire jouer les deux séries de dérogations. Au plan de la technique juridique, on ne peut, donc, que souligner la solidité des fondements sur lesquels l'AMF, puis la cour d'appel, ont bâti leur motivation.

II - Le maintien de l'obligation de déposer une offre publique fondée sur la notion de changement de contrôle

Le raisonnement de la cour d'appel de Paris diffère quelque peu de celui que l'AMF avait retenu. La cour examine, notamment, à travers l'analyse des statuts la réalité de l'exercice du contrôle (A), ce qui conduit a estimer que le changement de pouvoir justifiait le dépôt obligatoire d'une offre (B).

A - La recherche par la cour de "l'exercice" du contrôle

La décision de l'AMF paraît, de la sorte, suffisamment étayée, aussi bien en fait qu'en droit. En effet, les modifications introduites dans le pacte initial n'aboutissaient pas à un changement de pouvoir significatif au sein de la société, du moins, pas avant le changement programmé de majorité. C'est, toutefois, l'organisation de ce changement qui fait surgir un problème juridique. Les transformations futures sont programmées avec un telle précision et de telles sécurités pour le futur majoritaire que la situation à l'issue de la modification du pacte ne saurait apparaître que transitoire largement orientée vers une prise de contrôle de Carrefour ou, en tout cas, différente quant à la forme et au fond.

A l'examen, l'équilibre de l'actionnariat apparaît ainsi particulièrement fragile puisque, par le jeu de deux clauses, celle qui permet l'exercice d'un droit de vote double par Carrefour en cas de départ des dirigeants et celle qui attribue le même droit en cas d'actes du directoire non avalisé par le conseil de surveillance ; les dirigeants voient leurs décisions subordonnées à la position de Carrefour. La situation, en soi, n'est pas choquante dans une logique où les acteurs du concert sont a égalité au sein de la société. Il n'en demeure pas moins, que les requérants font valoir que ce nouvel équilibre est à l'origine d'une évolution du pouvoir qui justifie le dépôt d'une offre publique. C'est pour cette raison qu'ils attaquent la décision de dérogation de l'AMF.

Le raisonnement de la cour d'appel va ainsi porter, essentiellement, sur l'analyse de la prédominance supposée de l'ancien minoritaire. En effet, alors que l'AMF, suivant en cela les conclusions des conseils de la société Carrefour, relève essentiellement que le groupe familial avait gardé le contrôle sur les décisions et demeurait majoritaire sinon égalitaire au sein de la nouvelle structure, la cour se livre a un examen approfondi des statuts de la nouvelle holding afin de déterminer la façon dont le contrôle de la société Hypralo est véritablement exercé.

La cour, tout d'abord, rappelle que si l'AMF dispose du pouvoir d'appréciation des conditions de dérogation à l'obligation du dépôt d'une offre publique, que si ce pouvoir emporte celui de rechercher si les anciens majoritaires conservaient un pouvoir prédominant, cette "prédominance" doit être "constatée dans l'exercice du contrôle de la société concernée".

Ainsi, les juges relèvent, qu'en l'espèce, l'article 9.2 des statuts de la société Hofidis II prévoit que le président et le directeur général doivent recueillir l'accord préalable du conseil de surveillance pour toute une série d'actes, y compris toute cession ou acquisition d'actions de la société défenderesse, leur filiale, toute acquisition ou cession d'actif supérieure à 100 000, "l'octroi de tous concours financier", de toute sûreté, de tout recours à l'emprunt ou la délivrance de toute garantie y compris des lettres de confort.

La cour d'appel insiste, ensuite, sur la situation de subordination des dirigeants vis-à-vis du conseil de surveillance. En effet, l'article 10.3 (b) des statuts de la société Hofidis II stipule que le conseil de surveillance donne son avis sur le sens du vote que doit adopter la société s'agissant de sa filiale Hyparlo. Or, il convient, pour apprécier la portée de cette stipulation en apparence anodine -et notamment en référence au terme "d'avis"- de la rapprocher de l'article 13.2 des statuts. Ce dernier établit, en effet, -et sa teneur a déjà été soulignée- que la société Carrefour obtient un vote double pour ses actions B si la direction générale prend une décision en matière de vote "sur laquelle le conseil de surveillance n'aura pas donné un avis positif".

B - La modification du contrôle entraîne obligation de dépôt d'une offre publique

En vertu de ce rapprochement textuel, la cour d'appel s'estime fondée à affirmer que les limitations ainsi apportées aux pouvoirs des dirigeants de la société Hofidis II quant à la gestion de sa participation avaient "pour objet et pour effet" de donner un pouvoir de co-décision à la société Carrefour. La cour ajoute, d'ailleurs, que, compte tenu du fait qu'elle s'exerçait dans une holding, cette gestion constituait "l'objet même" de la société nouvellement créée, ce qui accentue les conséquences de ce changement de contrôle.

L'argument de Carrefour, pour contrer cette affirmation apparaiît, en revanche, maladroit. Il tendait à démontrer qu'en contrepartie de ce pouvoir, les dirigeants de Hofidis II pouvaient briser indirectement cet équilibre en ne se conformant pas à l'avis du conseil de surveillance. Ce rejet de l'avis donnant, ipso facto, droit de vote double sur les actions B à la société partenaire, la famille Arlaud aurait pu contraindre son partenaire, de la sorte, à déposer une offre publique. Ainsi, si l'on suit le raisonnement de la société Carrefour, le groupe familial pouvait mettre fin à la situation à tout moment, indirectement, puisque, par leur simple opposition, ils perdaient immédiatement le contrôle. Piètre logique, à notre sens, que celle qui était ici invoquée, puisqu'elle n'aboutissait qu'à souligner que, dans les faits, aucun actionnaire ne pouvait s'opposer au groupe de distribution. Au surplus, le juge relèvera que la société Carrefour pouvait envisager le coût d'une OPA et que de nombreux documents démontraient sa volonté de faire entrer à terme la société Hypralo dans son groupe.

La Cour en conclut que les personnes agissant de concert contrôlaient, conjointement, la société Hofidis II sans aucune prédominance du groupe familial Arlaud. Dés lors, le changement de contrôle, devenu "conjoint", ne permettait plus l'octroi d'une dérogation, justification suffisante pour annuler la décision de l'AMF.

Pour conclure, quelques remarques s'imposent, s'agissant de cet arrêt. D'abord sur la technique utilisée : c'est, en effet, en soulignant indirectement les prérogatives de l'AMF que la cour d'appel censure sa décision en mentionnant qu'elle analyse le concert et le contrôle mais non la dérogation. La décision en elle-même n'augure donc pas d'un changement dans l'appréciation des critères de dérogation et ne relève pas, en définitive, d'une problématique de pur droit boursier. Le problème et, en effet, traité par le juge sur le terrain du droit des sociétés. Avec quelque recul toutefois, on s'aperçoit que les questions sont tellement liées que la dissociation de ces deux domaines est artificielle. On peut surtout voir dans l'argumentation le souci du juge de souligner qu'il ménage, autant que faire se peut, les compétences de l'AMF.

Par ailleurs, cette décision s'inscrit incontestablement dans l'évolution du contexte juridique relatif au contrôle et aux offres publiques. Deux points peuvent permettre, à ce sujet, d'expliquer la rigueur de la décision de la cour d'appel. D'une part, les dispositions de la loi Breton du 2 août 2005 qui a ajouté un alinéa 4 à l'article L. 233-3 du Code de commerce (N° Lexbase : L4050HBM). Ce dernier prévoyant, désormais, qu'une société est présumée en contrôler une autre "lorsqu'elle est associée ou actionnaire de cette société et dispose du pouvoir de nommer ou de révoquer la majorité des membres des organes d'administration, de direction ou de surveillance de cette société". Cette disposition ne s'applique naturellement pas à l'espèce commentée mais elle traduit un renforcement de l'encadrement législatif de la notion de contrôle.

La même loi dispose, par ailleurs, dans son article 34 de la possibilité pour l'AMF d'étendre le mécanisme de garantie de cours aux marchés non réglementés, disposition qui traduit une extension du champ d'application du droit des offres (2).

Jean-Baptiste Lenhof
Maître de conférence à l'ENS Cachan - antenne de Bretagne IODE/Rennes I
Membre du centre de recherche de Paris I (Panthéon-Sorbonne)

(1) Article L. 233-11 du Code de commerce (N° Lexbase : L7452DAA) (loi nº 2001-420 du 15 mai 2001, art. 1 N° Lexbase : L8295ASZ ; loi nº 2003-706 du 1 août 2003, art. 46, I, 4º N° Lexbase : L3556BLB). Toute clause d'une convention prévoyant des conditions préférentielles de cession ou d'acquisition d'actions admises aux négociations sur un marché réglementé et portant sur au moins 0,5 % du capital ou des droits de vote de la société qui a émis ces actions doit être transmise dans un délai de cinq jours de bourse à compter de la signature de la convention ou de l'avenant introduisant la clause concernée, à la société et à l'Autorité des marchés financiers. A défaut de transmission, les effets de cette clause sont suspendus, et les parties déliées de leurs engagements, en période d'offre publique. La société et l'Autorité des marchés financiers doivent, également, être informées de la date à laquelle la clause prend fin. Les clauses des conventions conclues avant la date de publication de la loi nº 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques qui n'ont pas été transmises au Conseil des marchés financiers à cette date, doivent lui être transmises, dans les mêmes conditions et avec les mêmes effets que ceux mentionnés au premier alinéa, dans un délai de six mois. Les informationsn mentionnées aux alinéas précédentsn sont portées à la connaissance du public dans les conditions fixées par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers.
(2) L'article L. 433-3 du Code monétaire et financier ([LXb=L8025HBT]) est complété par un III et un IV ainsi rédigés : "III. - L'Autorité des marchés financiers peut prévoir que les règles mentionnées au II sont également applicables, dans des conditions et selon des modalités fixées par son règlement général, aux instruments financiers négociés sur tout marché d'instruments financiers ne constituant pas un marché réglementé, lorsque la personne qui gère ce marché en fait la demande. IV. - Le règlement général de l'Autorité des marchés financiers fixe également les conditions dans lesquelles tout projet d'offre publique déposé conformément aux dispositions de la section 1 du présent chapitre ou de la présente section doit, lorsque l'offre porte sur une société qui détient plus du tiers du capital ou des droits de vote d'une société française ou étrangère dont des titres de capital sont admis aux négociations sur un marché réglementé d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou sur un marché équivalent régi par un droit étranger et qui constitue un actif essentiel de la société détentrice, être accompagné des documents permettant de prouver qu'un projet d'offre publique irrévocable et loyale est ou sera déposé sur l'ensemble du capital de la société contrôlée ou qui constitue un actif essentiel, au plus tard à la date d'ouverture de la première offre publique". 

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