La lettre juridique n°179 du 1 septembre 2005 : Confiance et modernisation de l'économie

[Textes] Fiche n° 1 : Simplification de l'accès au marché et renforcement de la confiance des investisseurs : commentaire du titre IV de la loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l'économie (seconde partie)

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[Textes] Fiche n° 1 : Simplification de l'accès au marché et renforcement de la confiance des investisseurs : commentaire du titre IV de la loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l'économie (seconde partie). Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3207536-textes-fiche-n-1-simplification-de-lacces-au-marche-et-renforcement-de-la-confiance-des-investisseur
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le 07 Octobre 2010

La sécheresse de l'été n'atteint visiblement pas les sources du droit des affaires, lesquelles trouvent, au contraire, en cette saison, à jaillir d'abondance. L'art de la légifération estivale n'en est, certes, pas à ses débuts et les dernières années n'ont pas failli à la tradition : 2004 nous avait gâté d'une ordonnance (1) et 2003 de deux lois jumelles aoûtiennes dont le souvenir est encore vivace (2). L'élan se poursuit et s'amplifie en 2005, qui restera incontestablement un grand cru pour la sous-catégorie de nomophiles amateurs concernée. Prises dans les "100 jours pour convaincre" du Gouvernement, issues de la débâcle du référendum européen, pas moins de quatre lois d'importance pour les entreprises ont été adoptées entre le 20 juillet et le 2 août ; la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ; la loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l'économie (CME) (3) ; la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises (4)), si l'on veut bien laisser de côté l'ordonnance n° 2005-861 du 28 juillet 2005 relative à l'établissement des comptes consolidés des entreprises d'assurance et des établissements de crédit (N° Lexbase : L8519HB7) (5) et les ordonnances en matière d'emploi ou les décrets n° 2005-1006 (N° Lexbase : L8144HBA) et 2005-1007 (N° Lexbase : L8145HBB) du 23 août 2005 sur la partie réglementaire du Code monétaire et financier (cf. première partie N° Lexbase : N7913AIW).


II - Renforcement de la confiance des investisseurs

Si le chapitre II de la loi CME comporte, au regard de son intitulé, des dispositions insolites, telle la ratification de l'ordonnance n° 2005-171 du 24 février 2005 simplifiant les procédures de constitution et de réalisation des contrats de garantie financière (art. 31, I) (N° Lexbase : L0259G84), qui relève au mieux de la sécurité juridique, il renferme de nombreuses mesures tendant à manoeuvrer, pour les élever, les leviers classiques de la confiance des investisseurs, à savoir la transparence (A), l'équité (B) et l'intégrité (C) du marché.

A - La transparence du marché

Quatre séries de mesures sont à mettre, ici, à l'actif de la nouvelle loi. Elles apparaissent d'importance inégale et répartissent le fardeau informationnel apporté entre différentes catégories de personnes.

1) L'article 29 de la loi CME, tout d'abord, se préoccupe d'encadrer l'activité des personnes se livrant à titre professionnel à des "recommandations d'investissement" destinées au public et portant sur un émetteur dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé. Sont, à la fois, visées la production et la diffusion de telles recommandations, dont la définition figurera dans un décret en Conseil d'Etat.

A titre général, la loi se contente d'habiliter l'AMF à fixer par son règlement général les obligations pesant sur ces producteurs ou diffuseurs professionnels de recommandations d'investissement (C. mon. fin., art. L. 621-7, IX N° Lexbase : L1933HB9), au premier rang desquels figurent les analystes financiers, afin que celles-ci présentent les qualités de transparence et d'équité requises par la directive "abus de marché", dont la transposition était jusque-là en souffrance.

Elle réserve, cependant, pour des raisons tenant au respect de la liberté de la presse et de la communication, le cas des professionnels de la presse écrite et de l'audiovisuel, soumis à un dispositif spécifique, moins contraignant et dominé par un principe d'auto-régulation (C. mon. fin., art. L. 621-31 et s. N° Lexbase : L7986HBE).

2) Les articles 27 et 32 de la loi CME renforcent, quant à eux, les obligations d'information pesant sur les émetteurs dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé.

Le premier article, de portée modeste, cherche à améliorer la transparence des opérations de rachat d'actions, en exigeant des sociétés qui y procèdent à établir annuellement un rapport spécial destiné à informer l'assemblée générale des actionnaires "de la réalisation des opérations d'achat d'actions qu'elle a autorisées et précise en particulier, pour chacune des finalités, le nombre et le prix des actions ainsi acquises, le volume des actions utilisées pour ces finalités, ainsi que les éventuelles réallocations à d'autres finalités dont elles ont fait l'objet" (C. com., art. L. 225-209, al. 2 N° Lexbase : L3762HBX).

Témoin de la relative suspicion que ces opérations inspirent, tant au plan communautaire que national, on relève au passage, et plus substantiellement, l'introduction, à la suite d'un amendement parlementaire pourtant repoussé lors de la discussion de la loi d'adaptation n° 2005-811 du 20 juillet dernier, d'un plafond, fixé à 5 % du capital, du "nombre d'actions acquises par la société en vue de leur conservation et de leur remise ultérieure en paiement ou en échange dans le cadre d'une opération de fusion, de scission ou d'apport". Disposition applicable aux programmes de rachat soumis à l'approbation des assemblées générales se tenant à compter du 1er janvier 2006 (C. com., art. L. 225-209, al. 5).

Plus ambitieux, l'article 32, occupant plus de deux pages au Journal officiel, vient principalement redéfinir les obligations d'informations périodiques des émetteurs d'instruments financiers admis aux négociations sur un marché réglementé, en application de la directive "prospectus" et surtout de la directive "transparence" (28). L'ensemble du dispositif est ainsi refondu dans le moule communautaire. Le contenu et le champ personnel d'application des obligations d'information sont révisés, de même que le système de supervision par les autorités nationales compétentes.

- S'agissant des informations à publier et à déposer auprès de l'AMF, figurent celles qui marquent les temps forts de la vie financière des émetteurs cotés en France, à savoir le "rapport financier annuel" (C. mon. fin., art. L. 451-1-2, I N° Lexbase : L8027HBW), le "rapport financier semestriel" (C. mon. fin., art. L. 451-1-2, III) et "l'information financière trimestrielle" (C. mon. fin., art. L. 451-1-2, IV).

- Le rapport financier annuel est dû dans les quatre mois qui suivent la clôture de l'exercice. Il est tenu à la disposition du public pendant cinq ans, selon des modalités prévues par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers, et comprend : "les comptes annuels, les comptes consolidés le cas échéant, un rapport de gestion, une déclaration des personnes physiques qui assument la responsabilité de ces documents et le rapport des commissaires aux comptes ou des contrôleurs légaux ou statutaires sur les comptes précités".

Y sont à présent soumis, par la loi : "les émetteurs français dont des titres de capital, ou des titres de créance dont la valeur nominale est inférieure à 1 000 [euros] et qui ne sont pas des instruments du marché monétaire, au sens de la directive 2004/39/CE du Parlement et du Conseil, du 21 avril 2004, précitée, dont l'échéance est inférieure à douze mois, sont admis aux négociations sur un marché réglementé d'un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen" (C. mon. fin., art. L. 451-1-2, I).

Liberté de choix de l'autorité de supervision oblige, le règlement général de l'AMF devra, en outre, préciser les cas d'extension à d'autres émetteurs, à savoir : les émetteurs français dont certains titres (notamment des titres donnant accès au capital, titres de créance dont la valeur nominale est supérieure ou égale à 1 000 euros) (29) sont admis aux négociations sur un marché réglementé d'un Etat membre de l'EEE ; les émetteurs étrangers dont les mêmes titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé français ; ou encore les émetteurs étrangers hors EEE dont les mêmes titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé d'un Etat relevant de l'EEE (C. mon. fin., art. L. 451-1-2, II et VIII).

- Le rapport financier semestriel, auquel émetteurs sus désignés sont tenus, doit être diffusé dans les deux mois qui suivent la fin du premier semestre de l'exercice. Il "comprend des comptes condensés pour le semestre écoulé, présentés sous forme consolidée le cas échéant, un rapport semestriel d'activité, une déclaration des personnes physiques qui assument la responsabilité de ces documents et le rapport des commissaires aux comptes ou des contrôleurs légaux ou statutaires sur l'examen limité des comptes précités".

- Quant à l'information trimestrielle, maintenue bien que non requise par la directive "transparence", elle ne s'impose aux émetteurs précités qu'à la condition que leurs "titres de capital" soient admis à la négociations sur un marché réglementé. Due dans les 45 jours qui suivent la fin des premier et troisième trimestres de leur exercice, elle comporte : "1° Une explication des opérations et événements importants qui ont eu lieu pendant la période considérée et une explication de leur incidence sur la situation financière de l'émetteur et des entités qu'il contrôle ; 2° Une description générale de la situation financière et des résultats de l'émetteur et des entités qu'il contrôle pendant la période considérée ; 3° Le montant net par branche d'activité du chiffre d'affaires du trimestre écoulé et, le cas échéant, de chacun des trimestres précédents de l'exercice en cours et de l'ensemble de cet exercice, ainsi que l'indication des chiffres d'affaires correspondants de l'exercice précédent. Ce montant est établi individuellement ou, le cas échéant, de façon consolidée".- A ces devoirs de publicité traditionnels, bien que réévalués et appelés à être précisés par le règlement général AMF (C. mon. fin., art. L. 451-1-2, V et VII), s'ajoutent deux nouvelles obligations de communication d'origine communautaire.

- La première obligation, issue de la directive "prospectus", consiste à exiger des émetteurs dont les instruments financiers (à l'exception de ceux qui ne s'adressent pas au grand public, comme les titres de créance d'une valeur nominale supérieure à 50 000 euros) sont admis au négociations sur un marché réglementé de l'EEE et dont l'AMF est l'autorité d'origine, au sens des dispositions relatives à l'approbation du prospectus, qu'ils déposent auprès de l'AMF, après la publication de leurs comptes annuels, "un document qui contient ou mentionne toutes les informations qu'ils ont publiées ou rendues publiques au cours des douze derniers mois dans l'Espace économique européen ou un pays tiers pour satisfaire à leurs obligations législatives ou réglementaires en matière d'instruments financiers, d'émetteurs d'instruments financiers et de marchés d'instruments financiers" (C. mon. fin., art. L. 451-1-1 N° Lexbase : L8026HBU).- La seconde obligation, issue, elle, de la directive "transparence", impose aux émetteurs soumis à l'obligation de publier un rapport financier annuel de communiquer à l'AMF, ainsi qu'aux personnes qui gèrent des marchés réglementés de l'EEE sur lesquels leurs titres sont admis aux négociations, "tout projet de modification de leurs statuts", dans un délai fixé par le règlement général de l'AMF (C. mon. fin., art . L. 451-1-2, VI).- Conformément au principe communautaire du superviseur unique, il incombe à l'AMF de s'assurer du respect des publications prévues par les dispositions législatives et réglementaires par les émetteurs mentionnés à l'article L. 451-1-2 Code monétaire et financier, quand bien même leurs titres seraient admis en tout ou partie sur un marché étranger (C. mon. fin., art. L. 621-18 N° Lexbase : L1942HBK). L'Autorité vérifie les informations publiées, dispose d'un droit de communication, peut ordonner des publications rectificatives et porter des observations à la connaissance du public.

La portée de ce principe d'exclusivité mérite, cependant, d'être relativisée. D'une part, afin d'éviter "l'apparition d'un phénomène d'aléa moral" (30) lié à la "dé-territorialisation" de la compétence de l'AMF, celle-ci veille à ce que les émetteurs étrangers non soumis aux obligations définies à l'article L. 451-1-2, mais dont les titres mentionnés aux I et II du même article sont admis aux négociations uniquement sur un marché réglementé français, publient l'information réglementée au sens de la directive "transparence". D'autre part, à l'égard des émetteurs dont elle n'est pas l'autorité de supervision, l'AMF est, néanmoins, autorisée à prendre des mesures conservatoires au cas où elle constaterait une violation par ces derniers des obligations d'information énoncées aux articles L. 451-1-1 et L. 451-2 du Code monétaire et financier. Enfin, les possibilités de coopération internationale de l'AMF, dont dépend largement l'efficacité de son action compte tenu de l'internationalisation des marchés, sont élargies aux "entités" auxquelles ses homologues étrangers auraient délégué le contrôle de ces obligations d'information, à l'exemple de ce qui se fait en Grande-Bretagne, au Danemark, en Allemagne ou en Suède.

Afin de laisser à l'AMF le temps d'adapter son règlement général et aux entreprises de se préparer à leurs nouvelles obligations, l'entrée en vigueur des principales dispositions de l'article 32 de la loi CME est reportée au 20 janvier 2007, coïncidant ainsi avec la date limite de transposition de la directive "transparence".

3) Le long article 33 de la loi CME réécrit, pour sa part, pour les élever à la hauteur des exigences de la directive "transparence", les dispositions du Code de commerce imposant aux actionnaires significatifs des sociétés cotées de déclarer leurs franchissements de seuils en capital ou en droits de vote. Les nouveautés sont nombreuses (31), parmi lesquelles méritent d'être signalées :

- une (nième) rectification du champ d'application du dispositif, désormais réservé aux actions "admises aux négociations sur un marché réglementé ou sur un marché d'instruments financiers admettant aux négociations des actions pouvant être inscrites en compte chez un intermédiaire habilité dans les conditions prévues par l'article L. 211-4 du code monétaire et financier" (C. com., art. L. 233-7 N° Lexbase : L3890HBP). La formulation retenue confirme l'inclusion des actions nominatives opérée par la loi de simplification du droit du 9 décembre 2004, qui était venue faire sauter la restriction ("titres de capital au porteur") introduite par l'article 51 de l'ordonnance du 24 juin 2004 sur les valeurs mobilières ; reste qu'entre le 27 juin et le 11 décembre 2004, des seuils ont pu être franchis en toute opacité, ce qui explique le mécanisme de régularisation prévu à l'article 33, V, de la loi CME. L'actualisation a surtout pour avantage de permettre l'intégration de marchés organisés du type Alternext ;- l'apparition de trois nouveaux seuils donnant lieu à déclaration : les deux premiers -trois vingtième et quart- imposés par la directive "transparence" ; le dernier -95 %-, correspondant au seuil de déclenchement d'une offre ou d'une demande publique de retrait ;- l'extension des cas d'assimilation aux actions ou droits de vote possédés par la personne tenue à déclaration (C. com., art. L. 233-9). Il convient, d'abord, de prendre en compte l'effet indirect de l'élargissement de la définition générale du contrôle posée à l'article L. 233-3 (32), en application de la directive "transparence", tempéré par l'édiction d'exemptions spécifiques lorsqu'en dépit du contrôle, l'indépendance du titulaire des actions est juridiquement garantie et imposée (OPCVM, gestion de portefeuille pour compte de tiers) (C. com., art. L. 233-9, II). Il importe, ensuite et plus directement, de relever l'introduction de quatre nouvelles hypothèses d'assimilation, fondées sur l'influence sur la gestion de l'entreprise susceptible d'être exercée au moyen : d'un usufruit, d'accords de cession temporaire sur actions ou droits de vote, d'un dépôt d'actions et de procurations ;- l'établissement de dispenses, totale ou partielle, d'obligations de déclaration là, précisément, où l'acquisition (ou la cession) des participations ne semble avoir ni pour objet ni pour effet d'exercer une influence sur la stratégie de l'entreprise, comme c'est le cas, par exemple, des actions acquises dans le cadre d'activités post-marché ou de tenue de marché (C. com., art. L. 233-7, IV et V) ;- enfin, côté dénominateur cette fois, la mensualisation de l'obligation pour l'émetteur d'actions admises aux négociations sur un marché réglementé, de publier le nombre total de droits de vote et d'actions composant son capital, en cas de variations significatives (C. com., art. L. 233-8, II N° Lexbase : L3891HBQ).

B - L'équité du marché du contrôle

L'obligation pour toute personne acquérant, en droit ou en fait, le contrôle d'une société cotée de proposer simultanément, et au prix estimé de ce contrôle, l'acquisition de la totalité des titres composant ou donnant accès au capital social se situe, on le sait, au coeur de la protection patrimoniale des investisseurs minoritaires édictée au nom de l'égalité -ou plutôt de l'équité- boursière (33) (C. mon. fin., art. L. 433-3). Ceux-ci se réjouiront, par conséquent, du double élargissement du domaine d'application de cette contrainte d'acquisition réalisé par l'article 34 de la loi CME.

D'abord, concernant les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé, un nouveau cas d'offre publique obligatoire est inscrit à l 'article L. 433-3, IV, du Code monétaire et financier. Tel qu'on le comprend, son mécanisme consiste à subordonner la recevabilité d'une OPA-E, volontaire ou obligatoire, lancée sur une société cotée sur un marché réglementé français à la démonstration qu'une OPA-E "irrévocable", légalement ou le cas échéant contractuellement, et "loyale", autrement dit, ayant des chances raisonnables d'aboutir, est ou sera initiée sur les titres de chaque société, française ou étrangère, cotés sur un marché réglementé français ou étranger, et détenus à plus d'un tiers par la première société visée, dès lors qu'ils constituent de celle-ci un "actif essentiel". Ainsi exclut-il, par exemple, qu'une société mère puisse faire l'objet d'une offre publique indépendamment de ses filiales stratégiques, au prétexte notamment de leur cotation à l'étranger. Ce cas d'offre publique obligatoire sera opérationnel lorsque les conditions en auront été fixées par le règlement général de l'AMF.

L'article L. 433-3 s'enrichit ensuite d'un paragraphe III, autorisant l'AMF à prévoir dans son règlement général l'application des règles de la garantie de cours "aux instruments financiers négociés sur tout marché d'instruments financiers ne constituant pas un marché réglementé, lorsque la personne qui gère ce marché en fait la demande". L'idée consiste, autrement dit, à étendre la garantie de cours, consacrée de longue date sur les marchés réglementés, aux marchés simplement "organisés", à l'instar d'Alternext, dont on souhaite, en même temps que la souplesse, garantir l'équité. Non sans un certain intérêt, on relève une fois de plus que cette contrainte ne s'impose qu'à la requête de l'entreprise de marché. S'agissant d'Alternext, dont le cadre juridique se dessine peu à peu, nul doute que cette requête sera formulée par Euronext, qui impose déjà une telle contrainte dans les conditions d'admission de sa nouvelle plate-forme électronique (34).

C - L'intégrité du marché

La crédibilité de la protection des investisseurs reposant largement sur l'efficacité du dispositif répressif, le législateur se préoccupe, pour finir, de réorganiser le droit français des manquements administratifs, sacrifiant par là aux obligations communautaires issues de la directive "abus de marché", mais aussi, dans une moindre mesure cependant, des délits pénaux. Au nombre des changements notables apportés par l'article 30 de la loi CME, on retiendra :

- la rationalisation de la répartition des domaines respectifs des délits pénaux et des manquements administratifs : les premiers, plus sévèrement réprimés, réservés aux agissements sur les marchés réglementés (35) ; les seconds, sanctionnés par l'AMF, étendus à l'ensemble des titres émis par une personne faisant APE ou dont les titres sont cotés sur un marché d'instruments financiers, réglementé ou non (C. mon. fin., art. L. 621-14 N° Lexbase : L6267DIX et L. 621-15 N° Lexbase : L8010HBB) ;

- le déplacement du délit pénal de diffusion d'informations fausses ou trompeuses de l'article L. 465-1 à l'article L. 465-2, réprimant la manipulation de cours, conformément à la définition qu'en retient la directive "abus de marché" ;

- l'objectivation des manquements administratifs, avec, toutefois, un sort particulier fait au délit d'initié (C. mon. fin., art. L. 621-14 et L. 621-15) ;- la possibilité de sanctionner administrativement la simple tentative de délit d'initié (C. mon. fin., art. L. 621-15) ;

- la nouvelle délimitation de la compétence territoriale de l'AMF, laquelle peut désormais, en application du double critère retenu par la directive "abus de marché", faire usage de son pouvoir de sanction :

  • à titre principal, à l'encontre de tout auteur d'un manquement/opérations d'initié (ou tentatives) ; manipulations de cours ; diffusion d'une fausse information, ou tout autre manquement "de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs et au bon fonctionnement du marché" -accompli en France ou à l'étranger dès lors qu'il intéresse des instruments financiers émis par une personne ou une entité faisant APE ou admis à la négociation sur un marché français- (C. mon. fin., art. L. 621-14, I, al. 1er et L. 621-15, II, c) ;
  • à titre secondaire, et de manière plus restrictive, à l'encontre de tout auteur d'un manquement (opérations d'initié ; manipulation de cours ; diffusion d'une fausse information), accompli en France, dès lors qu'il concerne un instrument financier admis aux négociations sur un marché réglementé d'un autre Etat membre de la Communauté européenne ou de l'EEE (C. mon. fin., art. L. 621-14, I, dern. al. et L. 621-15, II, d).

Corrélativement, l'AMF pourra utiliser son pouvoir d'injonction à l'étranger, s'agissant des manquements intéressant des titres émis ou admis sur le marché français ; et en France, pour les manquements y commis, définis plus restrictivement, concernant les titres admis à la négociation sur un marché réglementé d'un autre Etat membre (C. mon. fin., art. L. 621-14, I) ;

- pour terminer, la clarification de l'incrimination et des sanctions des abus de marché susceptibles d'être prononcées par l'AMF à l'encontre des membres des professions réglementées (C. mon. fin., art. L. 621-15, II, c) et d) et III).

Alain Pietrancosta
Agrégé des Facultés de DroitProfesseur à l'Université Paris I (Panthéon-Sorbonne)


(1) Ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004, portant réforme du régime des valeurs mobilières émises par les sociétés commerciales et extension à l'outre-mer de dispositions ayant modifié la législation commerciale (N° Lexbase : L5052DZ7).
(2) Loi n° 2003-706, 1er août 2003, de sécurité financière (N° Lexbase : L3556BLB) ; Loi n° 2003-721, 1er août 2003, pour l'initiative économique (N° Lexbase : L3557BLC).
(3) J.O. du 27 juillet 2005, p. 12160.
(4) J.O. n° 179 du 3 août 2005 p. 12639.
(5) J.O n° 175 du 29 juillet 2005 p. 12356.
(6) V. OCDE, Principes directeurs de l'OCDE pour la qualité et la performance de la réglementation, 2005 ; à l'échelle européenne, v. Plan d'action "simplifier et améliorer l'environnement réglementaire".
(7) V. N. Gunningham et P. Grabosky, Smart Regulation, Clarendon Press, Oxford, 1998.
(8) Directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 sur les opérations d'initiés et les manipulations de marché (abus de marché), RD bancaire et financier, mars-avril 2003, p 115 et juillet-août 2004, p. 262, chron. A. Pietrancosta ; Banque et droit 2003, n° 87, p. 38 et n° 89, p. 34, obs. H. de Vauplane et J.-J. Daigre ; Droit des sociétés, août 2003, p. 29, obs. T. Bonneau.
(9) Directive 2003/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant le prospectus à publier en cas d'offre au public de valeurs mobilières ou en vue de l'admission de valeurs mobilières à la négociation ; directive dont la transposition devait intervenir au 1er juillet 2005 et qu'est venu préciser le Règlement (CE) n° 809/2004 de la Commission du 29 avril 2004 (N° Lexbase : L2155DYH) mettant en oeuvre la directive n° 2003/71/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les informations contenues dans les prospectus, la structure des prospectus, l'inclusion d'informations par référence, la publication des prospectus et la diffusion des communications à caractère promotionnel. V. A. Pietrancosta, Directive prospectus et mesures d'application, chron. RD bancaire et financier, juillet-août 2004, p. 266 ; The public offering of securities concept in the new prospectus directive, in G. Ferrarini and E. Wymeersch (eds.), Investor Protection and Capital Markets Integration in Europe, à paraître, 2005 ; B. François, Vers une nouvelle définition de l'appel public à l'épargne, D. 2004, p. 1652 ; I. Le Gris et M.-L. Ossa-Daza, Objectifs et enjeux de la directive n° 2003/71/CE du 4 novembre 2003 concernant le prospectus à publier en cas d'offre au public de valeurs mobilières ou en vue de l'admission de valeurs mobilières aux négociations, Bull. Joly Bourse, 2005 § 1 p. 5.
(10) Directive n° 2004/109 du 15 décembre 2004 sur l'harmonisation des obligations de transparence concernant l'information au sujet des émetteurs dont les valeurs mobilières sont admises à la négociation sur un marché réglementé ; v. RD bancaire et financier, mars-avril 2005, p. 41, chron. A. Pietrancosta.
(11) Pour celle-ci, voir surtout la loi n° 2005-811 du 20 juill. 2005, précitée.
(12) Directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 concernant les marchés d'instruments financiers (N° Lexbase : L2056DYS), modifiant les directives 85/611/CEE (N° Lexbase : L9653AU3) et 93/6/CEE (N° Lexbase : L7474AUD) du Conseil et la directive 2000/12/CE du Parlement européen et du Conseil (N° Lexbase : L8003AUX) et abrogeant la directive 93/22/CEE du Conseil (N° Lexbase : L7726AUP).
(13) V. l'ensemble des lois précitées.
(14) V. le rapport de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social et au Comité des régions "Construire une Europe entrepreneuriale - Les activités de l'Union en faveur des petites en moyennes entreprises (PME)". Pour la France, cf., en dehors des travaux parlementaires relatifs à la loi préc. du 2 août 2005 en faveur des PME, le rapport dit "Astypalea" du Commissariat général au Plan, Promouvoir un environnement financier favorable au développement de l'entreprise, sous la dir. d'Olivier Passet, Version provisoire du 21 juin 2005. De manière générale, v. C. S. Bradford, Does size matter? An economic analysis of small business exemptions from regulation, 8 J. Small & Emerging Bus. L. 1, Journal of Small and Emerging Business Law, Spring 2004.
(15) V. A. Pietrancosta, Cap sur les valeurs moyennes : la nouvelle cote d'Euronext, RD bancaire et financier, nov.-déc. 2004, n° 6, p. 422-423 ; ANSA, La nouvelle organisation des marchés boursiers : la réforme de la cote, Bull. décembre 2004, p. 1-6 ; J.-J. Daigre, Restructurations des marchés français, Bull. Joly Bourse, 2005/1, p. 83 ; T. Cotty et M. Aubert, La réforme de la cote d'Euronext, Lamy Droit du Financement, Bull. n° 164, juin 2005, p. 1 ; T. Bonneau, Adieu à la Bourse de Paris et au Nouveau Marché : Eurolist est né !, Dr. sociétés, mai 2005, p. 27 ; J.-B. Lenhof, Alternext, marché organisé : vers un nouveau "syndrome du hors cote" ?, Lexbase Hebdo, n° 175  du 7 juillet 2005 - édition Affaires (N° Lexbase : N6336AII).
(16) Pour un exposé complet, v. A. Pietrancosta in Ingénierie financière, Dalloz Action, 2005 (à paraître).
(17) V. le Rapport n° 2342 fait par G. Carrez au nom de la Commission des finances de l'Assemblée nationale, 30 mai 2005.
(18) La loi française a délibérément choisi de n'opérer aucune distinction entre ces instruments, alors que la directive "prospectus" s'était contentée de déclarer son inapplicabilité à de telles opérations, à l'exception de celles portant sur des titres de capital (Dir. n° 2003/71, art. 1er § 2 b), c), d)).
(19) V. P. Marini, Rapport n° 438 (2004-2005), fait au nom de la commission des finances, déposé le 29 juin 2005.
(20) J.O. du 25 août 2005.
(21) V. P. Marini, Rapport n° 438 préc.
(22) V. A. Pietrancosta, Appel public à l'épargne, Dict. Joly Sociétés, n° 44 et s.
(23) C. mon. et fin., art. D. 411-2, mod. décret n° 2005-1007 du 2 août 2005.
(24) Proportion retenue dans la consultation publique lancée par l'AMF.
(25) V. Rapport n° 2342 fait par G. Carrez au nom de la Commission des finances de l'Assemblée nationale, 30 mai 2005.
(26) G. Carrez, Rapport n° 2342 fait au nom de la Commission des finances de l'Assemblée nationale, 30 mai 2005.
(27) V. A. Pietrancosta, Directive prospectus et mesures d'application, chron. RD bancaire et financier, juill.-août 2004, p. 266 et Ingénierie financière, op. cit.
(28) Pour un commentaire, v. RD bancaire et financier, mars-avril 2005, p. 41, chron. A. Pietrancosta.
(29) A noter cependant que les obligations que les obligations prévues à l'article L. 451-1-2 ne s'appliquent pas à certains grands émetteurs publics et plus généralement aux émetteurs dont des titres de créance ont une valeur nominale supérieure ou égale à 50 000 euros et dont aucun autre instrument financier mentionné aux I et II de l'art. L. 451-1-2 n'est admis aux négociations sur un marché réglementé.
(30) G. Carrez, Rapport n° 2342 préc.
(31) V. A. Pietrancosta, in Ingénierie financière, op. cit.
(32) Une société est désormais considérée comme en contrôlant une autre : "4° Lorsqu 'elle est associée ou actionnaire de cette société et dispose du pouvoir de nommer ou de révoquer la majorité des membres des organes d'administration, de direction ou de surveillance de cette société".
(33) V. A. Pietrancosta, in Ingénierie financière, op. cit.
(34) V. Règles d'Alternext, n° 2005-0001, 9 mai 2005, Règle 3.1.
(35) V. à cet égard la restriction apportée au domaine d'application de la manipulation de cours sanctionnée à l'article L. 465-2 du Code monétaire et financier.

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