La lettre juridique n°179 du 1 septembre 2005 : Emploi

[Textes] Fiche n° 1 : Le contrat nouvelles embauches, mode d'emploi

Réf. : Ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005, n° 2005-893, relative au contrat de travail "nouvelles embauches" (N° Lexbase : L0758HBP)

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par Stéphanie Martin-Cuenot, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

le 07 Octobre 2010

L'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005 est venue instituer, dans les entreprises de 20 salariés et moins, une nouvelle forme de contrat de travail à durée indéterminée (ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005, relative au contrat de travail nouvelles embauches N° Lexbase : L0758HBP). Les causes de ce nouveau contrat trouvent leur source dans un constat : les petites entreprises n'embauchaient pas ou peu par peur d'avoir des difficultés à se séparer ensuite de leurs employés et ce, même si leur plan de charge le leur aurait permis. Ce nouveau contrat est un contrat de travail à durée indéterminée, dérogatoire au droit commun de la rupture pour les premiers 24 mois de sa conclusion. La rupture est ici théoriquement facilitée, à condition toutefois d'éviter les pièges laissés par les textes. Force est de constater que ces derniers sont aussi pervers que nombreux... L'ordonnance vient notamment assouplir les règles du licenciement en instituant une période de consolidation d'emploi au cours de laquelle les parties restent libres de rompre le contrat comme elles l'entendent, sous réserve d'un formalisme minimum et du respect d'un délai de préavis. Evolution ou rétrogradation ? La question se pose lorsque l'on s'aperçoit que la légitimité de la rupture sera garantie par la théorie de l'abus de droit qui dominait avant la loi du 13 juillet 1973, fondatrice du droit du licenciement. La critique trouve un autre écho eu égard à la situation dans laquelle ce contrat vient placer le salarié. On voit, en effet, immédiatement, le problème principal du dispositif : la précarisation de la situation du salarié, non seulement dans son emploi, mais encore dans sa vie personnelle comme, par exemple, pour accéder à un logement : quel bailleur pourrait accepter de louer son bien à un salarié sous "période d'essai" ?

Entré en vigueur le 4 août 2005, ce nouveau contrat devrait pourtant, à n'en pas douter, se développer...

1. Champ d'application

Ce nouveau contrat est applicable en France métropolitaine ainsi que dans les Dom. Il s'applique également à Mayotte, mais son application reste différée au jour de la publication de l'agrément de l'accord de l'indemnisation du chômage (Code local, art. 327-1).

  • Employeurs concernés

Tous les employeurs employant 20 salariés et moins peuvent, depuis le 4 août 2005, conclure un contrat nouvelles embauches. Il faut et il suffit qu'ils relèvent du champ d'application de l'article L. 131-2 du Code du travail (N° Lexbase : L6963G9R). Singulièrement, le dispositif est applicable aux entreprises qui entrent dans le champ d'application du droit des conventions et accords collectifs de travail.

Les employeurs particuliers employant une assistante maternelle agréée et les employés de maison se sont vus expressément exclure du dispositif en raison du régime spécifique applicable à ces catégories de salariés.

Presque toutes les entreprises de 20 salariés au plus seront donc éligibles à ce nouveau contrat. L'ordonnance est venue préciser les modalités de prise en compte de cet effectif.

  • Détermination de l'effectif de l'entreprise

L'effectif de 20 salariés s'apprécie dans le cadre de l'entreprise. Ceci exclut donc la conclusion de contrats nouvelles embauches dans les établissements appartenant à des entreprises ayant un seuil d'effectif supérieur.

L'article 1, alinéa 1er, de l'ordonnance vient préciser que la condition d'effectif doit s'apprécier compte tenu des règles de calcul des effectifs fixées par l'article L. 620-10 du Code du travail (N° Lexbase : L7732HBY). Singulièrement, les salariés de moins de 26 ans et embauchés à compter du 22 juin 2005 ne seront pas pris en compte pour la détermination du seuil de 20 salariés.

  • Emplois concernés

Le contrat nouvelles embauches a une vocation générale à s'appliquer à tout nouveau contrat de travail conclu à compter du 4 août 2005. Le dispositif ainsi verrouillé, aucune requalification de contrat à durée indéterminée conclu avant cette date ne pourra être opérée.

L'article 1er, alinéa 2, de l'ordonnance vient néanmoins expressément exclure du dispositif les emplois mentionnés à l'article L. 122-1-1, 3° du Code du travail (N° Lexbase : L9607GQU). Singulièrement, un contrat nouvelles embauches ne pourra pas être conclu pour pourvoir "un emploi à caractère saisonnier ou pour lequel il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois".

Rien n'a toutefois été prévu pour les salariés antérieurement embauchés sous contrat de travail à durée déterminée. Ces derniers pourront-ils user de la faculté -que leur reconnaît désormais le législateur- de rompre le contrat de travail à durée déterminée pour conclure un contrat nouvelles embauches (C. trav., art. L. 122-3-8, alinéa 2 N° Lexbase : L5457AC4) ?

A priori tout semble aller en ce sens. La lettre de l'article L. 122-3-8, alinéa 2, dispose, à cet effet, par dérogation à l'alinéa 1er, que le contrat à durée déterminée peut être rompu à l'initiative du salarié lorsque "celui-ci justifie d'une embauche pour une durée indéterminée". Le contrat nouvelles embauches se présentant comme un contrat de travail à durée indéterminée, aucune distinction ne semble devoir être faite dans ce cas et le salarié reste libre de rompre son contrat à durée déterminée pour conclure le contrat nouvelles embauches qui lui a été proposé.

2. Embauche

  • Egalité des droits

Le salarié sous contrat nouvelles embauches sera entièrement soumis aux prescriptions légales et conventionnelles applicables aux autres salariés de l'entreprise dans laquelle il se trouve embauché. L'employeur devra ainsi respecter les mêmes obligations en matière de Smic ou de minimum conventionnel, les règles relatives aux congés, à la durée du travail...

Une précision s'impose toutefois. En cas de rupture d'un contrat nouvelles embauches au cours des deux premières années, il ne peut être conclu de contrat nouvelles embauches qu'entre même employeur et même salarié avant que ne se soit écoulé un délai de 3 mois à compter du jour de la rupture du précédant contrat.

La seule chose qui distingue ce contrat des autres contrats à durée indéterminée concerne les modalités de rupture. Alors que le contrat de travail à durée indéterminée de droit commun est, sauf exception, entièrement soumis aux règles du licenciement, le contrat nouvelles embauches déroge à ces règles pour les deux premières années de sa constitution.

  • Forme

Le contrat nouvelles embauches est un contrat à durée indéterminée qui peut être conclu à temps complet ou à temps partiel.

Le Gouvernement impose la rédaction d'un écrit (ord. art. 2, alinéa 1). Il n'impose, en revanche, aucune clause obligatoire. Aucune sanction particulière n'est prévue en l'absence d'écrit mais, traditionnellement, dans ce cas, le contrat sera requalifié en contrat de travail à durée indéterminée de droit commun, non soumis à l'exigence de l'écrit. Cette présomption de qualification sera certainement simple, l'employeur pouvant rapporter la preuve, par tous moyens, que les parties entendaient se placer dans le cadre de ces nouvelles dispositions.

Pour entrer dans le champ d'application du contrat nouvelles embauches, le contrat conclu devra ainsi expressément préciser qu'il s'agit d'un contrat nouvelles embauches pris en application de l'ordonnance du 2 août 2005. A défaut, les risques de requalification du contrat en un contrat de travail de droit commun sont grands.

Bien que découlant de cette nouvelle forme d'emploi, il ne sera pas inutile de préciser les modalités et conditions entourant la rupture de ce type de contrat. La prudence recommande ainsi d'indiquer expressément que, pendant les deux premières années, la rupture du contrat de travail ne sera pas soumise au droit commun du licenciement, mais pourra être menée dans les conditions prévues à l'article 2 de l'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005. Le contrat peut, également, préciser qu'à l'expiration des 2 ans, la rupture du contrat est soumise aux règles du droit commun du licenciement légal et conventionnel.

Lorsque le contrat est à temps partiel, l'employeur ne doit pas oublier qu'il reste, dans la forme, soumis au droit commun. Il devra, ainsi, insérer dans le contrat conclu les mentions obligatoires prescrites par l'article L. 212-4-3 du Code du travail (N° Lexbase : L7888HBR).

Dans la mesure où le législateur n'a pas précisé de mention obligatoire, il y a lieu de considérer que les mentions traditionnelles figurant dans les contrats de travail devront se retrouver ici. Une question se pose alors : est-il possible de faire figurer dans un contrat nouvelles embauches une période d'essai ? Le contrat nouvelles embauches est traditionnellement présenté comme un contrat de travail assorti d'une "période d'essai" de 2 ans, mais cette période n'est pas à proprement parler une période d'essai. L'employeur a, en outre, tout intérêt à insérer une période d'essai puisque, dans cette hypothèse, il se trouve dégagé de son obligation de verser au salarié l'indemnité de 8 % prévue en cas de rupture du contrat nouvelles embauches au cours des deux premières années. Dans la mesure où cette faculté n'a pas été interdite par le législateur, rien ne s'oppose à l'insertion d'une période d'essai dans le contrat du salarié.

En outre, aucune formalité particulière n'étant prescrite, il reste de ce point de vue soumis aux règles du droit commun. Il devra donc faire l'objet d'une déclaration unique d'embauche.

3. Rupture

3.1. Principe de la rupture libre

L'intérêt du contrat nouvelles embauches réside dans la faculté donnée aux parties de rompre sans justification le contrat de travail avec des formalités simplifiées au cours des deux premières années de sa constitution. Il s'agit donc, de ce point de vue, d'un contrat de travail à durée indéterminée, assorti d'une sorte de période d'essai de 2 ans, même si les règles applicables à la période d'essai semblent désormais plus protectrices du salarié et que la rupture de la période d'essai n'est pas soumise à la formalité de la lettre recommandée.

L'ordonnance soustrait ainsi le contrat nouvelles embauches à l'application des articles L. 122-4 (N° Lexbase : L5554ACP) à L. 122-11 (N° Lexbase : L5561ACX) du Code du travail, L. 122-13 (N° Lexbase : L5564AC3) à L. 122-14-4 (N° Lexbase : L8990G74) du Code du travail et L. 321-1 (N° Lexbase : L8921G7K) à L. 321-17 (N° Lexbase : L8932G7X) du Code du travail. Les règles protectrices du salarié ayant trait à la procédure de licenciement pour motif personnel et à la procédure de licenciement pour motif économique, ainsi que celles relatives à l'indemnisation de cette rupture, ne sont pas applicables pour les deux premières années de conclusion du contrat.

L'employeur qui souhaitera, au cours des deux premières années de conclusion du contrat, rompre le contrat de travail du salarié devra lui notifier la rupture par lettre recommandée avec avis de réception. Ces règles ne sont pas applicables au salarié dont le contrat est rompu pour faute grave ou, simplement, pour un motif disciplinaire. Dans cette hypothèse, il semble que l'employeur reste tenu de mener la procédure disciplinaire, laquelle l'emporte dans la mesure où cette procédure n'a pas été expressément écartée dans le cadre du contrat nouvelles embauches.

Le contenu de la lettre est allégé par rapport au droit commun puisque l'employeur n'est pas tenu d'y faire figurer un quelconque motif.

Ceci ne signifie pas que la rupture puisse avoir lieu sans motif ou pour un motif illicite. Toute rupture intervenue en violation de l'article L. 122-45 du Code du travail (N° Lexbase : L1417G9D) relatif à la discrimination ou de l'article L. 122-25-2 du Code du travail (N° Lexbase : L5495ACI) relatif à la protection de la femme enceinte, reste prohibée. C'est ici l'abus de droit qui permettra au salarié de faire sanctionner, devant le conseil de prud'hommes, l'employeur qui aura rompu sans raison ou pour une raison difficilement avouable.

On retrouve ici les difficultés antérieures au régime mis en place s'agissant des motifs du licenciement et, notamment, l'absence de concours susceptible de guider les juges en charge de déterminer si l'employeur avait ou non le droit de rompre le contrat... On connaît les difficultés de preuve dans ce cas et cela risque, encore une fois, de se retourner contre le salarié, placé dans l'impossibilité de prouver que la rupture est abusive.

Une autre difficulté procède de la durée du délai pour contester la rupture. L'ordonnance donne au salarié 12 mois à compter de l'envoi de la lettre recommandée pour contester la rupture. L'application de ce bref délai est, toutefois, subordonnée à une mention dans la lettre recommandée notifiant la rupture. Le cas échéant, c'est la prescription de droit commun qui devra s'appliquer.

  • Exception des salariés protégés titulaires d'un mandat

Les droits des salariés protégés titulaires d'un mandat syndical ou de représentation sont, en revanche, préservés (ord. art. 2, alinéa 9). Les suppléants voient a priori leur situation se dégrader puisque la lettre de l'article 2, alinéa 9, de l'ordonnance ne vise que les titulaires.

  • Dispositions propres aux salariés embauchés compris dans un licenciement collectif pour motif économique

Les droits des salariés dont le contrat est rompu pour un motif économique restent partiellement protégés. Les salariés embauchés sous contrat nouvelles embauches compris dans un licenciement collectif devront, en effet, être décomptés dans l'effectif de l'entreprise pour la détermination des obligations de l'employeur en matière d'information et de consultation des représentants du personnel.

3.2. Préavis en cas de rupture à l'initiative de l'employeur

Les parties doivent uniquement respecter un délai de préavis. En l'absence de faute grave ou de force majeure, le salarié dont le contrat est rompu à l'initiative de l'employeur et qui justifie au moins d'un mois de travail dans l'entreprise au jour de la rupture bénéficiera d'un préavis.

Ce préavis est de 2 semaines pour un contrat conclu depuis moins de 6 mois à compter de la présentation de la lettre recommandée. Il est porté au double, soit un mois, pour un contrat conclu depuis au moins 6 mois (donc 6 mois et plus) (ord., art. 2, alinéa 5).

Le salarié qui rompra son contrat ne sera, semble-t-il, tenu au respect d'aucun délai ; rien n'est, en tous cas, prévu dans ce cas...

3.3. Indemnités versées par l'employeur

Lorsque le contrat sera rompu, l'employeur sera tenu de verser au salarié une indemnité égale à 8 % de la rémunération brute due au salarié depuis la conclusion de son contrat (ord., art. 2, alinéa 6). Cette indemnité devra être versée au salarié au plus tard à l'expiration du préavis.

Cette indemnité a la nature de l'indemnité de licenciement et en suit le régime. Elle n'est pas imposable sur le revenu, exclue de l'assiette de la CSG et de la CRDS et n'est pas soumise au paiement des cotisations de sécurité sociale.

En plus de cette indemnité, l'employeur devra verser aux Assedic une contribution de 2 % de la rémunération brute du salarié à compter du début de son contrat de travail, destinée à financer les actions d'accompagnement renforcé du salarié par le service public de l'emploi.

4. Assouplissement des droits à chômage (article 3 de l'ordonnance)

  • Allocation forfaitaire

En cas de rupture du contrat nouvelles embauches avant le délai de 2 ans, l'ordonnance prévoit un dispositif de garantie pour le salarié. Deux situations doivent être distinguées : soit le salarié remplit les conditions pour prétendre aux allocations chômages et il sera indemnisé, soit il ne remplit pas les conditions pour en bénéficier et, dans cette hypothèse, il pourra sous conditions prétendre à une allocation forfaitaire pour une durée limitée.

Cette allocation forfaitaire pourra être attribuée aux salariés involontairement privés d'emploi aptes au travail et justifiant d'une recherche d'emploi. Son montant journalier est de 16,40 euros.

Cette allocation sera versée au salarié qui pourra justifier d'une période d'activité continue de 4 mois en contrat nouvelles embauches mais n'aura pas de référence suffisante pour bénéficier des droits à chômage (ord., art. 3, I, alinéa 1). Le salarié concerné devra alors s'inscrire comme demandeur d'emploi dans les 3 mois suivant la fin du contrat nouvelles embauches, sous peine de se voir écarter du dispositif.

  • Non-cumul avec l'ASS

L'allocation forfaitaire ne peut se cumuler avec l'ASS. Si le demandeur d'emploi a droit à l'ASS à la date de la rupture de son contrat, ses droits sont reportés à la date à laquelle le versement de l'allocation forfaitaire prend fin.

L'allocataire peut toutefois renoncer à l'allocation forfaitaire au profit de l'ASS si cela lui est plus favorable.

  • Accompagnement

Le salarié dont le contrat nouvelles embauches aura été rompu avant la fin de la période de 2 ans bénéficiera d'un accompagnement renforcé comparable au dispositif de la convention de reclassement personnalisé.

L'article 2 in fine de l'ordonnance précise, à ce titre, que le salarié titulaire d'un contrat nouvelles embauches pourra bénéficier d'un congé de formation. Lorsque son contrat de travail aura été rompu au cours de la première année de sa formation, il pourra prétendre à un droit individuel à la formation dans les conditions prévues à l'article L. 931-20-2 du Code du travail (N° Lexbase : L4719DZS).

Ces travailleurs devraient donc, lorsque leur contrat de travail sera rompu, bénéficier de la convention de reclassement personnalisé prévue par l'article L. 321-4-1 du Code du travail (N° Lexbase : L8926G7Q), pour les salariés, embauchés dans les entreprises de 50 salariés et plus, compris dans un licenciement collectif pour motif économique concernant au moins 10 salariés dans une même période de 30 jours. Cette convention de reclassement est, en effet, originairement intégrée au plan de sauvegarde de l'emploi. Force est ici de constater qu'en l'absence de décret, aucun salarié sous contrat nouvelles embauches ne peut encore s'en prévaloir.

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