Est-il un domaine plus sensible, au coeur des sociétés industrialisées, que la défaillance des entreprises ? 50 000 cas de procédures collectives seront à recenser, en France, pour la seule année 2005, avec leur cortège de drames humains et de gâchis des ressources d'investissement. Pour autant, doit-on céder aux sirènes de la tragédie grecque ? Si "
la passion fait tout mal", Horace nous invite, pourtant, à dresser le bilan mitigé de 20 ans d'une loi relative au domaine passionnel des procédures collectives. 7 ans pour constater les incuries protectionnistes de la loi de 1985 en faveur des débiteurs et celles de la loi de 1994 tendant au rééquilibrage en faveur des créanciers ; et le législateur de déclarer, aujourd'hui, ce droit inadapté à notre économie. En effet, il se traduisait par un considérable amoindrissement des droits des créanciers, au profit de la recherche à tout prix du sauvetage de la plus grande part des entreprises en difficulté, et par une attention insuffisante portée aux objectifs et au déroulement de la liquidation judiciaire. La loi nouvelle corrige ces défauts et tente, à nouveau, le pari de l'équilibre entre des intérêts antagonistes : le changement dans la continuité. Il s'agit toujours du sauvetage de l'entreprise et des emplois. Mais la méthode change. La sauvegarde de l'entreprise doit être poursuivie par des moyens diversifiés, sans porter d'atteinte excessive aux autres entreprises que sont les créanciers. Pour ce faire, la nouvelle loi permet d'appréhender les difficultés de l'entreprise dès qu'elles deviennent prévisibles, et avant même qu'elles ne se traduisent en trésorerie. Visant des situations différentes, plus ou moins graves, elle comporte des procédures adaptées à ces différences et aux conditions d'ouverture élargies. Par ailleurs, l'efficacité retrouvée des procédures de traitement des difficultés des entreprises conduit à inclure dans leur domaine tous les acteurs économiques et, notamment, les professions libérales. Emprunt d'une longue concertation entre les acteurs économiques et d'une analyse de droit comparé (
chapter 11 américain), la loi de sauvegarde des entreprises publiée le 27 juillet 2005 sera applicable à compter du 1er janvier 2006... le temps qu'un décret d'application vienne éclairer les professionnels sur les zones d'ombre que laisse encore planer, sur le sauvetage des entreprises, cette réforme. "
Processus de destruction créatrice", Joseph Schumpeter nous oblige à réadapter les "vertus intrinsèques" du capitalisme, pour que ces nouvelles procédures collectives servent de tremplin au rétablissement des entreprises en crise. Les éditions juridiques Lexbase vous proposent, dès cette semaine, un commentaire complet de la loi de sauvegarde des entreprises, par
Pierre-Michel Le Corre, Professeur agrégé des Universités, Directeur du Master
Droit de la banque de la faculté de droit de Toulon.
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