La lettre juridique n°178 du 28 juillet 2005 : Entreprises en difficulté

[Textes] La réforme des procédures collectives : commentaire de la loi de sauvegarde des entreprises (2ème partie)

Réf. : Loi du 26 juillet 2005, n° 2005-845, de sauvegarde des entreprises (N° Lexbase : L0828HDZ)

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N6495AKR

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le 07 Octobre 2010

(cf. La réforme des procédures collectives : commentaire de la loi de sauvegarde des entreprises (1ère partie N° Lexbase : N6990AIQ) ; (3ème partie N° Lexbase : N6499AKW) ; et )
II - Procédure de sauvegarde

27 - Le législateur, autorise le débiteur, et lui seul, à se placer sous la sauvegarde de la justice s'il rencontre des "difficultés, qu'il n'est pas en mesure de surmonter, de nature à le conduire à la cessation des paiements". Le débiteur n'est pas encore en état de cessation des paiements, mais, si aucune mesure n'est prise, il le sera mécaniquement, par le seul écoulement du temps. Cette faculté de se placer sous la sauvegarde de la justice doit permettre de traiter les difficultés dès qu'elles apparaissent, sans attendre une situation plus préoccupante. La sauvegarde n'est pas applicable à une entreprise en état de cessation de paiements.

28 - La sauvegarde commence par une période d'observation. Le chef d'entreprise n'est jamais dessaisi de l'administration de ses droits. C'est l'une des idées clés de la sauvegarde, qui tend à responsabiliser, par la confiance, le dirigeant. L'administrateur n'aura ici qu'une mission de surveillance ou d'assistance alors que, dans le redressement judiciaire, la mission de surveillance n'existe plus, seule étant possible les missions d'assistance ou de représentation. En deçà de certains seuils fixés par décret, le tribunal pourra décider de ne pas nommer d'administrateur.

Le jugement ouvre une période d'observation d'une durée maximale de six mois, qui peut être renouvelée une fois par décision motivée à la demande de l'administrateur , du débiteur ou du ministère public. Elle peut, en outre, être exceptionnellement prolongée à la demande du ministère public par décision motivée du tribunal pour une durée fixée par décret en Conseil d'Etat.

La procédure de sauvegarde est une véritable procédure collective avec tous ses attributs classiques : soumission des créanciers antérieurs à une discipline collective avec arrêt des poursuites individuelles et obligation corrélative de déclarer les créances au passif, interdiction des paiements des créances antérieures, arrêt du cours des intérêts et des inscriptions. Le transfert de l'essentiel des règles du redressement judiciaire à la procédure de sauvegarde est suffisamment démonstratif pour que cette procédure s'analyse en un "redressement judiciaire anticipé" (18). A cet égard, cependant, par rapport au redressement judiciaire de la loi de 1985, il y a des différences majeures. L'entreprise en sauvegarde n'est pas à vendre, aucun plan de cession n'est envisageable. La procédure de licenciement de droit commun devra ici être respectée, contrairement aux solutions retenues en matière de redressement judiciaire.

29 - La procédure de sauvegarde est à deux vitesses. Il y a une procédure de droit commun qui emprunte la quasi-totalité de ses règles au plan de continuation, tant au stade de l'élaboration, qu'à celui de son exécution. La seule nouveauté à signaler est la consultation des créanciers non par le représentant des créanciers, mais par l'administrateur judiciaire. Mais, il existe également une procédure spécifique pour les grandes entreprises, les seuils en chiffres d'affaires et en nombre de salariés devant être fixés par décret (C. com., art. L. 626-29, al. 1). Dès lors que l'entreprise dépasse l'un des deux seuils alternatifs fixés par décret, des comités de créanciers doivent impérativement être constitués pour l'élaboration du plan de sauvegarde.

Sur demande de l'administrateur judiciaire ou du chef d'entreprise, présentée par requête au juge commissaire, les entreprises n'atteignant pas les seuils fixés par décret seront néanmoins accessibles à la procédure de sauvegarde avec instauration de comité de créanciers (C. com., art.L. 626-29, al. 2), si leurs comptes sont approuvés par un commissaire aux comptes ou établis par un expert-comptable. Malgré la présentation des textes qui laisse apparaître la procédure de sauvegarde avec comité de créanciers comme exceptionnelle, il a été dit, compte tenu de la passerelle possible, que "la création des comités de créanciers devrait constituer désormais la règle, l'absence desdits comités l'exception" (19).

30 - Dans les procédures avec comités de créanciers, il appartient à l'administrateur judiciaire de constituer deux comités de créanciers, et cela dans les 30 jours de l'ouverture de la procédure collective. Dans le premier comité, se trouvent les établissements de crédit, au sens de l'article L. 511-1 du Code monétaire et financier ([LXB=L9477DYN ]). Dans le second comité, sont placés les principaux fournisseurs de biens ou de services de l'entreprise. Est un principal fournisseur celui qui détient une créance au moins égale à 5 % des créances des fournisseurs. Les petits créanciers fournisseurs peuvent être sollicités par l'administrateur pour faire partie des comités ; mais ils peuvent refuser.

31 - Dans les soixante jours de la constitution des comités, lors de l'ouverture de la procédure, le chef d'entreprise doit consulter les comités de créanciers. A la demande du débiteur ou de l'administrateur, le juge commissaire peut accorder un renouvellement de ce délai, une seule fois (C. com., art. L. 626-30, al. 2). Après discussion avec le débiteur et l'administrateur judiciaire les comités se prononcent sur ce projet, le cas échéant modifié, au plus tard dans un délai de trente jours , non prorogeable (20), après la transmission des propositions du débiteur.

32 - La décision est prise par chaque comité à une double majorité. Il faut qu 'il y ait, d'abord, une majorité absolue de créanciers. Est exigée, ensuite, une majorité qualifiée en montant de créances, représentant au moins les deux tiers du montant des créances tel qu'il a été indiqué par le débiteur et certifié par son commissaire aux comptes ou, lorsqu'il n'en a pas été désigné, établi par son expert-comptable .

La loi de la majorité s'imposera aux créanciers, membres des comités, qui n'auront pas accepté les propositions du débiteur.

33 - Le vote favorable des deux comités créanciers aux propositions contenues dans le projet de plan ne suffira cependant pas à l'adoption de celui-ci. En effet, le tribunal devra vérifier que les intérêts des créanciers sont suffisamment protégés (C. com., art. L. 626-31). Il s'agit là des créanciers membres des comités qui n 'auraient pas accepté les propositions de plan (21) et qui se les verraient nécessairement imposées en cas d'adoption du plan. Mais il s'agit aussi des créanciers hors comité .

34 - En l'absence de propositions acceptées par les deux comités, dans les délais fixés par le plan, la procédure classique d'adoption du plan de sauvegarde sera respectée .

35 - Parallèlement à la consultation des comités, les créanciers hors comités, dont les créanciers sociaux et fiscaux, sont consultés individuellement. La loi transforme les créanciers publics en partenaires de l'entreprise. Les administrations financières peuvent remettre l'ensemble des impôts directs, mais non des impôts indirects perçus au profit de l'Etat et des collectivités territoriales ainsi que des produits divers du budget de l'Etat dus par le débiteur.

Le périmètre des remises de dettes sociales sera fixé par décret, car des négociations avec les partenaires sociaux s'imposent, notamment, sur la question du maintien des droits sociaux des salariés, alors que les cotisations sont remisées (22).

Les remises ne seront accordées par les créanciers publics que dans la mesure où les autres créanciers consentiront des efforts. Le texte de l'article L. 626-4-1 du Code de commerce énonce en ce sens que ces remises seront faites "concomitamment à l'effort consenti par d'autres créanciers". Il est clair, au regard des travaux parlementaires, que les efforts consentis par les créanciers publics n'auront pas à être strictement alignés sur ceux des créanciers privés (23).

36 - Pour faciliter l'exécution du plan, la loi nouvelle prévoit une suspension automatique de l'interdiction d'émettre des chèques, là où la loi antérieure prévoyait la faculté pour le tribunal, saisi par le débiteur, de suspendre l'interdiction.

La loi nouvelle confie au commissaire à l'exécution du plan la mission de répartir les dividendes du plan. En cas de non-paiement, les créanciers ne disposent plus individuellement de la possibilité d'agir en exécution forcée des dividendes du plan . Ils ne peuvent que s'adresser au commissaire à l'exécution du plan qui agira à cette fin contre le débiteur.

La loi nouvelle (C. com., art. L. 626-25, al. 3) reprend à son compte la création prétorienne de la Cour de cassation qui autorise le commissaire à l'exécution du plan à engager des actions en responsabilité contre des tiers. Le commissaire à l 'exécution du plan devient ainsi légalement un organe de défense de l'intérêt collectif des créanciers, continuant en cela la mission du mandataire judiciaire.

A - Modification du plan de sauvegarde

37 - La modification du plan ne sera pas toujours possible. Si elle reste envisageable lorsque le plan n'aura pas été adopté à la suite d'un vote favorable des comités de créanciers, en revanche, la modification du plan devient impossible si le plan a été arrêté après vote favorable des comités de créanciers (C. com., art. L. 626 -31, al. 2). Cette dérogation à la possibilité de modification du plan est justifiée par la considération que le "plan arrêté par les comités de créanciers devrait être, par principe, plus favorable au débiteur que ne l'est le plan arrêté dans les conditions de droit commun" (24).

B - Inexécution du plan

38 - Si la cessation des paiements n'est pas constatée, le tribunal conserve, comme sous l'empire de la législation antérieure, lorsqu'il était confronté à une demande de résolution du plan de continuation, sa liberté d'appréciation. Il "peut", énonce le texte (C. com., art. L. 626-27-I, al. 1), prononcer la résolution du plan. Cette appréciation sera fonction de la gravité du manquement constaté. Pas plus que par le passé, il n'est distingué selon le type d'engagements inexécutés. Il pourra donc s'agir d'engagements financiers, tels que le non-paiement de dividendes du plan, mais encore d'engagements sociaux, stratégiques, économiques ou juridiques (25). Lorsque la cessation des paiements du débiteur est constatée au cours de l'exécution du plan , le tribunal est lié et doit prononcer la résolution (C. com., art. L. 626-27-I, al . 2) et la liquidation judiciaire.

C - Clôture du plan de sauvegarde.

47 - Sous l'empire de la législation antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises , la fin du plan de continuation n'était pas officialisée par une décision de justice . Il n'y avait pas clôture des opérations de plan. Innovant, l'article 626-28 du Code de commerce prévoit que "quand il est établi que les engagements énoncés dans le plan ou décidés par le tribunal ont été tenus, le tribunal [...] constate que l'exécution du plan est achevée". Il est ainsi prévu une clôture des opérations du plan de sauvegarde .

L'absence de clôture du plan de continuation, sous l'empire de la législation antérieure , privait le chef d'entreprise des moyens légaux de faire disparaître, dans les registres du greffe, au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers, la mention de l'existence d'un plan en cours, préjudiciable à l'image de l'entreprise (26).

III - Redressement judiciaire

48 - La sauvegarde emprunte l'essentiel de ses règles au redressement judiciaire de la législation antérieure. Par effet réflexe, les règles de la sauvegarde sont déclarées applicables au redressement judiciaire. Contentons nous, en conséquence , d'indiquer les règles spécifiques au redressement judiciaire ainsi que les règles nouvelles du redressement judiciaire par rapport à la législation antérieure.

L'ouverture du redressement judiciaire suppose l'état de cessation des paiements . La distinction régime général et régime simplifié est formellement supprimée. En revanche, la désignation d'un administrateur judiciaire, comme par le passé, est obligatoire à partir de seuils qui seront précisés par décret. Si un administrateur est nommé, il aura soit une mission d'assistance soit une mission de représentation . La mission de surveillance disparaît.

La loi a consacré législativement la possibilité de clôture de la procédure de redressement judiciaire par extinction du passif. En ce sens, l'article L. 631-16 , alinéa 1, prévoit que, à tout moment de la période d'observation, le tribunal peut mettre fin à celle-ci s'il apparaît que le débiteur dispose des sommes suffisantes pour désintéresser les créanciers et acquitter les dettes et frais afférents à la procédure.

L'élaboration du plan obéit aux règles de la sauvegarde. La consultation individuelle des créanciers est l'oeuvre de l'administrateur, non du représentant des créanciers . Les comités de créanciers seront constitués dans les conditions de la sauvegarde . Les créanciers publics pourront faire des remises en principal. La modification du plan ne sera possible que s'il n'a pas été arrêté avec l'instauration de comités de créanciers. Le plan sera résolu dans les conditions de la sauvegarde et la résolution produira les mêmes effets. Le plan pourra faire l'objet d'une clôture.

49 - Dans la version originale du projet de loi, l'idée avait été avancée de déplacer en phase liquidative la possibilité d'arrêter un plan de cession. Au cours de la discussion parlementaire, la solution a été partiellement repensée pour tenir compte des objections formulées par les professionnels administrateurs judiciaires. Finalement , l'arrêté d'un plan de cession demeure possible en phase de redressement. En ce cas , le plus souvent, après arrêté du plan, une liquidation judiciaire sera prononcée pour réaliser les actifs résiduels du débiteur. Il s'agit d'une véritable liquidation judiciaire résiduelle qui n'existe pas dans la législation antérieure. Mais, est également envisageable l'arrêté d'un plan de cession en situation de liquidation judiciaire. En cette phase, la nomination d'un administrateur judiciaire est possible .

Le décret devra adapter les modalités de publicité sur l'entreprise dont la cession est envisagée, en fonction de la taille de l'entreprise et de la nature des biens à vendre.

Des précisions ont été apportées sur la notion de tiers susceptibles de présenter des offres de cession. Les contrôleurs perdent ce droit. En outre, il est fait interdiction aux personnes ne pouvant présenter d'offres de cession d'acquérir dans les cinq années suivant la cession tout ou partie des biens dépendant de la liquidation, directement ou indirectement, ainsi que d'acquérir des parts ou actions de toute société ayant dans son patrimoine directement ou indirectement tout ou partie de ces biens. Ainsi , sont évitées les conventions de portage que l'on rencontre en pratique. En revanche , le tribunal peut autoriser la cession à l'une des personnes interdites de présentation d'offres, à l'exception des contrôleurs, par un jugement spécialement motivé, après avoir recueilli l'avis du ministère public et demandé celui des contrôleurs.

Les offres doivent être rédigées avec plus de précision que par le passé, spécialement sur les aspects financiers : l'offre doit indiquer la qualité des apporteurs de capitaux et, le cas échéant, de leurs garants. Si l'offre propose un recours à l'emprunt, elle doit en préciser les conditions, en particulier de durée.

Le tribunal retient l'offre qui permet dans les meilleures conditions d'assurer le plus durablement l'emploi attaché à l'ensemble cédé, le paiement des créanciers et qui présente les meilleures garanties d'exécution. La présence du ministère public est exigée à partir de seuils en chiffre d'affaires ou en nombre de salariés, que fixera le décret.

Dans le redressement judiciaire, les compétences se répartissent comme suit : l 'administrateur judiciaire est chargé de recueillir les offres de reprise, de préparer le plan, d'informer le tribunal, de notifier les licenciements et de passer l'ensemble des actes nécessaires à la cession ; le mandataire judiciaire est chargé de donner son avis jusqu'à la cession, puis d'en recevoir le prix afin de procéder à sa répartition entre les créanciers en fonction de leur rang. Cela se justifie pleinement par le caractère liquidatif de la cession, qui implique la réalisation d'actifs du débiteur (27). Afin d'éviter toute ambiguïté sur cette répartition des rôles, il est précisé que l'administrateur reste en fonction pour passer les actes nécessaires à la réalisation de la cession.

A défaut d'administrateur, en cas de plan de cession arrêté en liquidation, le liquidateur prépare le plan, passe les actes nécessaires à sa réalisation, en reçoit et en distribue le prix. En présence d'un administrateur, la répartition des tâches , telle qu'elle existe en redressement judiciaire, s'applique.

Pour le surplus, les règles anciennes subsistent, notamment, la cession judiciaire des contrats, la fixation par le tribunal d'une quote-part du prix de cession ou encore transfert de la charge des sûretés grevant les biens cédés.

IV - La liquidation judiciaire

A - Prononcé et effets de la liquidation judiciaire

50 - La loi nouvelle, tenant compte de l'importance quantitative des liquidations judiciaires, et spécialement des liquidations judiciaires immédiates, adopte un dispositif propre à la liquidation judiciaire.

Alors que le texte antérieur visait deux critères, la cessation de l'activité ou le redressement manifestement impossible, le texte nouveau (C. com., art. L. 640 -1, al. 1) se contente de viser le redressement manifestement impossible. En réalité , les critères ne s'en trouvent pas modifiés car, si l'activité a cessé, le redressement est manifestement impossible.

Les objectifs de la liquidation judiciaire sont précisés. Elle est destinée à mettre fin à l'activité de l'entreprise ou à réaliser le patrimoine du débiteur par une cession globale ou séparée de ses droits et de ses biens.

51 - Alors que la législation antérieure restait muette sur la question, l'article L. 641-9-III nouveau prévoit l'interdiction pour le débiteur, personne physique, d 'exercer, au cours de la liquidation judiciaire, l'une des activités qui aurait rendu applicable la liquidation judiciaire. S'il désire exercer une activité professionnelle , il doit être salarié. Son salaire, sous réserve de la fraction insaisissable sera évidemment saisissable par le liquidateur, mais aussi par les créanciers postérieurs ayant le droit d'être payés à l'échéance. Cette disposition n'est pas présentée comme une sanction, mais plutôt comme une mesure de protection du débiteur (28). En effet , le principe d'unité du patrimoine interdisant l'ouverture de deux procédures collectives , en cas de difficultés rencontrées dans l'exercice de la seconde activité, l'intéressé ne pourrait pas bénéficier d'une protection accordée par la procédure collective (29).

52 - La loi nouvelle, pour tenir compte de l'importance des difficultés procédurales liées à la perte de qualité du dirigeant social, par l'effet du prononcé de la liquidation judiciaire, pose une règle nouvelle, qui se veut simplificatrice, en faisant preuve , selon l'une des caractéristiques du texte, d'un grand pragmatisme. En ce sens, l 'article L. 641-9-II, alinéa 1, du code énonce que "lorsque le débiteur est une personne morale, les dirigeants sociaux en fonction lors du prononcé de la liquidation judiciaire le demeurent sauf disposition contraire des statuts ou décision de l'assemblée générale". Le texte (al. 2) prend le soin de préciser que "le siège social est réputé fixé au domicile du représentant légal de l'entreprise ou du mandataire désigné". Cette précision permet de déterminer le lieu de notification des actes qui intéressent les droits du débiteur non soumis au dessaisissement, spécialement ses droits propres .

53 - La loi nouvelle prévoit un nouveau cas de maintien de l'activité en liquidation judiciaire : l'hypothèse où serait envisageable une cession totale ou partielle de l'entreprise (C. com., art. L. 641-10, al. 1). La solution est justifiée par la possibilité d'arrêter un plan de cession, en liquidation judiciaire.

Les solutions sont globalement reprises par la loi nouvelle. Il appartient, par principe, au liquidateur d'assurer l'administration de l'entreprise. C'est le liquidateur qui peut exiger l'exécution des contrats en cours ou encore procéder aux licenciements . Par dérogation, lorsque le nombre de salariés où le chiffre d'affaires est supérieur à des seuils fixés par décret ou, en cas de nécessité, le tribunal désigne un administrateur judiciaire pour administrer l'entreprise.

B - Réalisation des actifs

54 - La loi nouvelle pose une obligation de publicité préalable avant toute cession d'entreprise ou réalisations d'actifs. Bien qu'il s'agisse a priori d'une question de nature réglementaire, son importance a justifié que certains principes soient posés dans la loi, afin d'encadrer la rédaction du décret (30).

55 - La vente de gré à gré des immeubles et celle des meubles n'est plus ordonnée par le juge-commissaire, mais seulement autorisée, contrairement à la vente aux enchères qui, quant à elle, est ordonnée. Cette substitution terminologique a pour objet d 'écarter la jurisprudence qui considère que la vente de gré à gré est parfaite dès la décision du juge-commissaire ordonnant la cession. Désormais, pour les ventes d'immeubles ou de meubles, seul l'acte de vente emportera perfection de la vente (31).

C - Liquidation judiciaire simplifiée

56 - L'une des innovations majeures de la réforme tient à la création d'une liquidation judiciaire simplifiée. Cette procédure pourrait être appliquée à environ la moitié des entreprises faisant l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire (32). L 'idée est ici d'adapter à la faible importance de l'actif exclusivement mobilier au demeurant facile à réaliser, et pour des entreprises de petite taille, une procédure de liquidation permettant dans un délai raisonnable de réaliser l'actif, de payer les créanciers et de mettre fin à l'activité du débiteur afin de lui permettre d 'exercer à nouveau sa capacité d'entreprendre, si le tribunal n'estime pas nécessaire de prononcer à son encontre une mesure emportant interdiction de gérer (33).

Il y a place à liquidation judiciaire simplifiée sous trois conditions négatives cumulatives : l'absence d'immeuble à réaliser, le non-dépassement d'un certain nombre de salariés, le non-dépassement d'un certain chiffre d'affaires, ces deux derniers critères devant être précisés par décret. En cas de réouverture de la procédure de liquidation judiciaire, s'il ne subsiste au titre des actifs recouvrés qu'une somme d'argent, il y a place à utilisation de la liquidation judiciaire simplifiée, indépendamment de la taille de l'entreprise.

Si la procédure de liquidation est immédiate, le tribunal ne sera pas nécessairement en mesure de savoir si ces critères existent ou non. C'est pourquoi l'article L. 641 -2, alinéa 1, prévoit que le liquidateur devra établir un rapport dans le mois du prononcé de la liquidation judiciaire, afin que le tribunal puisse statuer.

Lorsque les critères d'application de la procédure de liquidation judiciaire simplifiée seront réunis, le tribunal pourra décider d'appliquer cette procédure. Elle présente des intérêts notables pour le débiteur, qui pourra reprendre plus rapidement une activité indépendante, mais aussi pour ses créanciers, qui obtiendront plus rapidement les fonds, du fait de l'accélération des procédures de répartitions induites par l'accélération des procédures de réalisations d'actifs.

Cependant, si une complication surgit, qui peut tenir, par exemple, à l'existence d'un contentieux en cours, ou à des actifs difficiles à recouvrer pour l'entreprise débitrice, les délais de clôture ne pourront plus être tenus. C'est pourquoi le législateur a prévu une possibilité de passerelle entre le régime de la liquidation judiciaire simplifié et celui de la liquidation judiciaire générale.

57 - Dans la liquidation judiciaire du régime général, le juge-commissaire ordonne la vente aux enchères publiques ou autorise la vente de gré à gré des biens meubles . Dans la liquidation judiciaire simplifiée, l'intervention du juge-commissaire n 'est plus requise pour la vente des meubles. C'est le liquidateur qui procède aux ventes de gré à gré ou aux enchères publiques dans les trois mois de la publication du jugement de liquidation judiciaire au Bodacc (C. com. art. L. 644-2, al. 1). A l'issue du délai de trois mois, les biens non encore vendus sont obligatoirement réalisés aux enchères publiques (C. com. art. L. 644-2, al. 2). Il n'y avait, en l'état du texte adopté à l'Assemblée nationale, aucun contrôle juridictionnel sur les ventes, ce qui était curieux au regard de l'évolution générale de la matière . La commission des lois du Sénat (34), tenant compte de cette critique (35), a proposé un amendement qui a été adopté obligeant le tribunal à déterminer les biens qui seront susceptibles d'être vendus de gré à gré dans le délai de trois mois du prononcé de la liquidation judiciaire.

58 - La vérification des créances est très allégée en liquidation judiciaire simplifiée . Plutôt qu'une dispense de vérification des créances, il s'agit d'une obligation limitée de vérification des créances. Il ne sera procédé à la vérification que des seules créances susceptibles de venir en rang utile dans les répartitions. Cependant , les créances salariales doivent obligatoirement être vérifiées.

59 - La loi nouvelle (C. com., art. L. 644-4, al. 1) prévoit utilement l'établissement d'un projet de répartition, calé sur la technique de l'ordre. Le liquidateur devra déposer son projet de répartition au greffe du tribunal qui a ouvert la procédure . Ce dépôt fait l'objet d'une publicité, comme en matière d'ordre. Les créanciers peuvent en prendre connaissance et le contester sous la forme d'une requête en contestation du projet de répartition, qui devra être présentée dans un délai à préciser par le décret. A défaut de contestation ou une fois celle-ci tranchée, le liquidateur procédera aux répartitions. Dans le premier cas, la réparation sera conforme au projet. Dans le second, elle sera conforme à la décision judiciaire rendue à la suite de la contestation (C. com., art. L. 644-4, al. 4).

D - Clôture de la procédure de liquidation judiciaire

60 - L'une des idées forces de la loi nouvelle est d'accélérer la clôture de la procédure. Le but recherché est de "permettre au débiteur d'exercer son droit à un nouveau départ, et par conséquent favoriser l'initiative entrepreneuriale en France" (36). L'article L. 643- 9, alinéa 1, oblige, en ce sens, le tribunal, dans le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire, à fixer le délai au terme duquel la clôture de la procédure devrait être examinée. En outre, l'article L. 643-9, alinéa 1, envisage la possibilité d'une prorogation de ce délai, si la clôture ne peut être prononcée dans le délai imparti. Le tribunal devra statuer par une décision motivée .

Il faut cependant coordonner la volonté d'aller vite en liquidation judiciaire avec la technique de la cession d'entreprise. Il faut donc s'assurer, avant de prononcer la clôture, que le cessionnaire a rempli toutes les obligations souscrites. Dans cette hypothèse, la clôture de la liquidation judiciaire se trouvera nécessairement retardée.

61 - La clôture de la liquidation judiciaire simplifiée pourra intervenir beaucoup plus vite. C'est en ce sens que l'article L. 644-5 du code prévoit que le tribunal sera, par principe, saisi aux fins d'examen de la clôture de la procédure au plus tard un an après l'ouverture de la procédure, sans que le texte ne distingue selon que la procédure a débuté par un redressement ou une liquidation judiciaire. Le tribunal a la possibilité, par un jugement motivé, de prolonger la procédure pour une durée ne pouvant excéder trois mois. Il peut enfin passer de la procédure simplifiée à la procédure normale.

62 - La loi nouvelle maintient le principe d'interdiction des reprises des poursuites individuelles après clôture de la procédure pour insuffisance d'actif. Les articles L. 643-11-I à L. 642-11-IV énoncent les exceptions à ce principe. Reprenant les anciennes , il supprime en revanche le cas du prononcé d'une interdiction de gérer. Il ajoute un cas : celui d'une procédure ouverte en tant que procédure territoriale au sens du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité (N° Lexbase : L6914AUM). Il étend l'hypothèse des créances résultant d'une condamnation pénale, en supprimant le cantonnement aux infractions étrangères à l'activité professionnelle du débiteur.

La reprise des poursuites n'est plus cantonnée aux créanciers dont la créance a été admise au passif. La solution que nous avions proposée a été purement et simplement adoptée par le texte issu de la loi de sauvegarde des entreprises, qui prévoit (C . com., art. L. 643-11-V) que les créanciers dont la créance n'a pas été vérifiée , recouvrent l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur dans les conditions de droit commun (37).

C - Réouverture de la procédure

63 - Sous l'empire de la législation antérieure à la loi nouvelle, la demande de réouverture n'appartient qu'au créancier, antérieur ou postérieur au jugement d'ouverture . Par hypothèse, le liquidateur a cessé ses fonctions. Il n'a donc pas qualité pour solliciter la réouverture. La loi nouvelle a considérablement élargi le droit de saisine. L'article L. 643-13, alinéa 2, prévoit que le tribunal, qui peut se saisir d'office, peut aussi être saisi par le liquidateur précédemment désigné, par le ministère public ou par tout créancier intéressé.

Pierre-Michel Le Corre
Professeur agrégé des Universités
Directeur du Master droit de la banque de la faculté de droit de Toulon
Formateur - Consultant

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