La lettre juridique n°170 du 2 juin 2005 : Fiscalité des entreprises

[Jurisprudence] La déduction de TVA annulable par rétroactivité de la loi

Réf. : CJCE, 26 avril 2005, aff. C-376/02, Stichting "Goed Wonen" c/ Staatssecretaris van Financiën (N° Lexbase : A0027DIT)

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par Yolande Sérandour, Professeur à la Faculté de droit de Rennes, Directrice du Master de Droit Fiscal des Affaires de Rennes et du département Droit fiscal du CDA

le 07 Octobre 2010

La crainte de voir se multiplier les montages destinés à récupérer de la TVA avant l'adoption d'une loi destinée à les combattre justifie t'elle une dérogation aux principes communautaires de sécurité juridique et de confiance légitime ? La loi doit-elle absolument ne disposer que pour l'avenir ou peut-on, en droit communautaire de la TVA, tolérer, exceptionnellement, la rétroactivité ? Le droit français admet qu'il soit dérogé à l'article 2 du Code civil (N° Lexbase : L2227AB4) car ce dernier n'a pas valeur constitutionnelle. Sans doute de manière plus restrictive, mais néanmoins de façon très ferme, la CJCE accepte également que la loi nouvelle puisse disposer pour le passé.
Le 26 avril 2005, la grande chambre de la CJCE a en effet dit pour droit que :

"Les principes de la protection de la confiance légitime et de la sécurité juridique ne s'opposent pas à ce qu'un Etat membre, à titre exceptionnel, et afin d'éviter que soient utilisés à grande échelle, pendant le processus législatif, des montages financiers destinés à minimiser la charge de la taxe sur la valeur ajoutée contre lesquels une loi de modification vise précisément à lutter, donne à cette loi un effet rétroactif, lorsque, dans des circonstances telles que celles de l'affaire au principal, les opérateurs économiques effectuant des opérations économiques telles que celles visées par la loi ont été avertis de la prochaine adoption de cette loi et de l'effet rétroactif envisagé de manière telle qu'ils soient en mesure de comprendre les conséquences de la modification législative envisagée pour les opérations qu'ils pratiquent.

Lorsque cette loi exonère une opération économique sur un bien immeuble auparavant soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, elle peut avoir pour effet d'annuler la régularisation de la taxe sur la valeur ajoutée intervenue en raison de l'exercice, au moment de l'affectation d'un immeuble à l'opération considérée à ce moment comme taxée, d'un droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée sur la livraison de ce bien immeuble".

La longueur de ce dispositif laisse deviner un contexte dont les difficultés méritent étude (1) avant de s'attacher à la solution (2).

1. Le contexte

En l'espèce, le contexte factuel explique la difficulté à dire le sens du contexte textuel.

1.1. Contexte factuel

Afin de lutter contre les montages financiers en matière immobilière, les Pays-Bas ont modifié, le 18 décembre 1995, leurs règles d'application de la TVA. Comme en France, l'usufruit portant sur un immeuble appartient, aux Pays-Bas, à la catégorie des droits réels immobiliers (C. civ., art. 526 N° Lexbase : L3100ABG). Ce pays avait, avant la réforme en cause, conformément à l'article 5 § 3-b de la 6ème directive-TVA (N° Lexbase : L9279AU9) décidé de considérer comme biens corporels les droits réels donnant à leur titulaire un pouvoir d'utilisation sur des biens immeubles. En sorte que la TVA supportée lors de la construction ou de l'acquisition d'un immeuble pouvait s'imputer sur la TVA exigible à raison de la constitution d'un droit réel immobilier. La modification du 18 décembre 1995 a introduit une exception à cette qualification et a eu pour effet d'assimiler la constitution d'un droit d'usufruit à une location d'immeuble lorsque la rémunération de ce droit, majorée de la taxe sur le chiffre d'affaires est inférieure à la valeur économique du bien. La location immobilière pouvant, selon le choix de chaque Etat membre être exonérée de TVA, avec ou sans option (6ème directive-TVA, art. 13 B-b et C), la taxe ayant grevé l'acquisition d'un immeuble ou de droits assimilés n'est pas récupérable en cas d'affectation de l'immeuble à une activité de location exonérée de TVA. La réforme du 18 décembre 1995 est entrée en vigueur le 29 décembre 1995, avec effet rétroactif dès le 31 mars 1995 à 18 heures, date et heure auxquelles le contenu de la future loi a été annoncé par voie de communiqué de presse, réitéré le 3 avril 1995.

Par acte notarié du 28 avril 1995, l'association Goed Wonen (GW) a créé la fondation GW. Le même jour, elle a constitué en faveur de cette fondation un droit d'usufruit d'une durée de dix ans portant sur trois complexes de logements, pour une contrepartie inférieure au prix de revient de ceux-ci. Une partie des logements était encore en construction. Jusqu'à cette date, l'association GW n'avait pas déduit la taxe facturée par les constructeurs. Sur sa déclaration de chiffre d'affaires afférente à la période du 1er avril 1995 au 30 juin 1995, l'association GW a déclaré en TVA déductible la TVA ayant grevé les travaux de construction des logements concernés et, en TVA exigible, la TVA facturée à la fondation GW lors de la constitution de l'usufruit. La première somme étant supérieure à la seconde, l'imputation de la TVA déductible sur la TVA exigible a permis de dégager un crédit de TVA remboursé par le trésor public néerlandais. Se ravisant, l'administration fiscale néerlandaise a contesté la déduction ainsi réalisée au motif que la réforme en date du 18 décembre 1995 faisait perdre, rétroactivement, à l'association GW le droit de récupérer la TVA. Si, en temps réel, la TVA était exigible lors de la constitution de l'usufruit, le 28 avril 1995, elle ne l'était plus, après l'adoption ultérieure de la loi rétroactive assimilant la constitution de droits réels immobiliers à la location exonérée de TVA à partir du 31 mars 1995 à 18 heures.

Devenue la fondation Stichting Goed Wonen, l'ex-redevable a contesté l'assimilation de l'octroi d'un droit d'usufruit à une location exonérée de TVA. Saisie, la CJCE a considéré comme non contraire à la 6ème directive-TVA la modification néerlandaise. Les Pays-Bas pouvaient subordonner la qualification de "livraison de biens" pour les opérations de constitution, de transfert, de modification, d'abandon ou de résiliation de droits réels grevant des biens immeubles à la condition que la somme payée en contrepartie de telles opérations, augmentée du montant de la taxe sur le chiffre d'affaires soit au moins égale à la valeur économique du bien immeuble sur lequel portent de tels droits (CJCE, 4 octobre 2001, aff. C-326/99, Stichting "Goed Wonen" c/ Staatssecretaris van Financiën N° Lexbase : A4485AWZ). La même réforme ne heurtait pas plus le droit communautaire en assimilant à l'affermage et à la location de biens immeubles la constitution, pour une durée convenue et contre rémunération, d'un droit réel conférant à son titulaire un pouvoir d'utilisation sur un bien immeuble tel que le droit d'usufruit en cause.

Estimant sans doute n'avoir perdu qu'une bataille, la Stichting Goed Wonen a contesté la rétroactivité de la réforme néerlandaise lui ayant fait perdre la déduction de la TVA supportée sur les travaux de construction par simple changement de qualification de l'opération à laquelle avaient été affectés les immeubles récemment édifiés. Il est vrai que l'arrêt de la CJCE, en date du 8 juin 2000 l'y encourageait en modifiant, apparemment, le contexte textuel (CJCE, 8 juin 2000, aff. C-396/98, Grundstückgemeinschaft Schlossstrasse GbR c/ Finanzamt Paderborn N° Lexbase : A1801AWM).

1.2. Contexte textuel

Par l'arrêt précité, la CJCE a dit pour droit que "l'article 17 de la 6ème directive [...] doit être interprété en ce sens que le droit, pour un assujetti, de déduire la taxe sur la valeur ajoutée acquittée sur des biens ou services qui lui ont été fournis en vue de réaliser certaines opérations de location reste acquis lorsqu'une modification législative postérieure à la fourniture de ces biens ou de ces services mais antérieure au début desdites opérations prive cet assujetti du droit de renoncer à l'exonération de celles-ci [...]". Cela signifie que les frais engagés dans l'intention de les affecter à des opérations imposables autorisent la déduction de la TVA supportée, nonobstant une modification législative transformant les opérations initialement imposables en opérations exonérées, même si lesdites opérations n'avaient pas eu lieu avant la réforme. Ce serait tromper la confiance légitime des contribuables dans la législation et heurter le principe général de sécurité juridique (CJCE, 6 avril 1962, aff. C-13/61, Kledingverkoopbedrijf de Geus en Uitdenbogerd c/ Robert Bosch GmbH et Maatschappij tot voortzetting van de zaken der Firma Willem van Rijn N° Lexbase : A5604AU4) que de priver de son droit à déduction celui qui, au moment de leur engagement était animé de l'intention d'affecter des dépenses à des opérations imposables.

En l'espèce, se posait la question de savoir si la Stichting Goed Wonen avait été rétroactivement privée d'un droit à déduction et plus précisément, si elle avait engagé des travaux de construction immobilière en vue de les affecter réellement à des opérations imposables. La réponse apparaissait a priori négative dans la mesure où la Stichting Goed Wonen était initialement animée de l'intention d'affecter les dépenses de construction à des locations exonérées de TVA c'est-à-dire à des opérations excluant toute déduction définitive.

Cependant, la 6ème directive-TVA invite à une autre analyse juridique des faits. Le système des livraisons à soi-même (art. 5 § 7) permettait à la Stichting Goed Wonen de récupérer la TVA sur les travaux de constructions dès leur engagement puis de soumettre à la TVA l'affectation des immeubles édifiés à la location exonérée. L'exigibilité de la TVA sur la livraison à soi-même aurait confirmé l'affectation à des opérations imposables ouvrant droit à déduction. Néanmoins, le droit néerlandais permet aux sociétés de construction de logements d'éviter les LASM immobilières taxables en ne récupérant pas la TVA ayant grevé les travaux de construction. Après avoir utilisé cette simplification légale, la Stichting Goed Wonen aurait pu, sans la réforme rétroactive, demander une régularisation en sa faveur dans la mesure où la constitution de l'usufruit était qualifiée de livraison taxable. In fine, les travaux se seraient trouvés affectés à une opération imposable justifiant l'imputation de la TVA d'amont sur la TVA d'aval. La CJCE devait dire si la réforme néerlandaise privait un contribuable d'un droit acquis à déduction de la TVA né d'une régularisation annulée rétroactivement et ce, contrairement aux principes de sécurité juridique et de confiance légitime. Le juge communautaire utilise une argumentation plus complexe pour apporter sa solution.

2. La solution

Au point 26 de l'arrêt commenté, la CJCE rappelle que "le régime des déductions vise à soulager entièrement l'entrepreneur du poids de la TVA, due ou acquittée, dans le cadre de toutes ses activités économiques. Le système commun de la TVA garantit, par conséquent, la parfaite neutralité quant à la charge fiscale de toutes les activités économiques, quels que soient les buts ou les résultats de ces activités, à condition que lesdites activités soient elles-mêmes soumises à la TVA (CJCE, 21 septembre 1988, aff. C-50/87, Commission des Communautés européennes c/ République française, point 15 N° Lexbase : A7265AHK)". Encore faut-il que la déduction ait été acquise avant la réforme supprimant légalement un droit à déduction par l'exonération des opérations auxquelles étaient destinées des dépenses. En l'espèce, l'affaire "Goed Wonen" diffère de l'affaire "Schlossstrasse". La CJCE refuse la rétroactivité d'une loi si elle prive un assujetti d'un droit à déduction exercé avant la date d'effet rétroactif de la réforme fustigée. Or, tel n'était pas le cas de la Stichting Goed Wonen. La Cour de Luxembourg souligne que "la requérante au principal n'a procédé à la déduction de la TVA acquittée sur la livraison du bien que le 28 avril 1995, certes, avant l'adoption de la loi de modification, le 18 décembre 1995, mais après que celle-ci eut pris effet, le 31 mars 1995, conformément à la décision du législateur national de lui accorder expressément un effet rétroactif" (§ 28).

En conséquence, la question ne portait pas sur la privation d'un droit à déduction acquis au sens de l'article 17 de la 6ème directive-TVA. De même, la suppression d'une régularisation fondée sur l'article 20 de la 6ème directive-TVA ne soulevait aucun débat car ladite régularisation présuppose la naissance d'un droit au regard de l'article 17, en l'espèce non concerné (§ 30).

En revanche, il fallait discuter de l'annulation rétroactive d'une régularisation par remboursement de TVA au regard des principes communautaires de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime. D'application générale, tant aux institutions de l'Union européenne (CJCE, 14 mai 1975, aff. C-74/74, Comptoir national technique agricole (CNTA) SA c/ Commission des Communautés européennes N° Lexbase : A6989AUE) qu'aux Etats membres dans la mise en oeuvre des règles communautaires (CJCE, 29 avril 2004, aff. C-487/01 et C-02, Gemeente Leusden et Holin Groepc/ Staatssecretaris van Financiën N° Lexbase : A9952DB9), ces principes communautaires supportent néanmoins des dérogations exceptionnelles. Depuis plus de 25 ans, la CJCE considère que "si, en règle générale, le principe de sécurité juridique s'oppose à ce que la portée dans le temps d'un acte communautaire voit son point de départ fixé à une date antérieure à sa publication, il peut en être autrement, à titre exceptionnel, lorsqu'un but d'intérêt général l'exige et lorsque la confiance légitime des intéressés est dûment respectée" (CJCE, 25 janvier 1979, aff. C-98/78, A. Racke c/ Hauptzollamt Mainz N° Lexbase : A5728AUP ; CJCE, 25 janvier 1979, aff. C-99/78, Weingut Gustav Decker KG c/ Hauptzollamt Landau, § 8 N° Lexbase : A6949AUW ; CJCE, 30 septembre 1982, aff. C-108/81, G.R. Amylum c/ Conseil des Communautés européennes, § 4 N° Lexbase : A6266AUM ; CJCE, 21 février 1991, aff. C-143/88 et C-92/89, Zuckerfabrik Süderdithmarschen AG c/ Hauptzollamt Itzehoe et Zuckerfabrik Soest GmbH contre Hauptzollamt Paderborn, § 49 N° Lexbase : A4510AWX ; CJCE, 11 juillet 1991, aff. C-368/89, Antonio Crispoltoni c/ Fattoria autonoma tabacchi di Città di Castello, § 17 N° Lexbase : A9581AUE ; CJCE, 29 avril 2004, aff. C-487/01 et C-02, Gemeente Leusden et Holin Groepc/ Staatssecretaris van Financiën, précité, § 59 ; CJCE, 26 avril 2005, aff. C-376/02, Stichting "Goed Wonen" c/ Staatssecretaris van Financiën, § 33, ici commenté ; CEDH, 23 octobre 1997, Req. 117/1996/736/933, National & Provincial Building Society, Leeds Permanent Building Society et Yorkshire Building Society c/ Royaume-Uni, § 80 N° Lexbase : A6753AWZ). L'arrêt "Stichting Goed Wonen" étend cette interprétation aux règles internes relevant du droit communautaire (§ 34).

2.1. Dérogation exceptionnelle au principe de sécurité juridique

La rétroactivité de la loi nouvelle présuppose, selon la CJCE, un motif d'intérêt général. Le Gouvernement néerlandais savait, depuis longtemps, que les spécialistes des montages immobiliers optimisaient, à leur profit, les règles de TVA. Ces funambules de la finance prenant la précaution de demeurer dans les limites de la loi, rien ne pouvait justifier une urgence absolue à lutter contre la fraude et les abus par la rétroactivité (6ème directive-TVA, art. 20 § 4, tiret 3, 22 § 8 et 27 § 1). Certes, les recettes fiscales engendrées par la TVA immobilière diminuaient sensiblement, mais pas de manière soudaine et imprévisible. Apparemment, aucune circonstance exceptionnelle ne rendait nécessaire la rétroactivité de la loi destinée à mettre fin à ces montages fiscalement rentables.

Cependant, l'objectif poursuivi par le Gouvernement néerlandais était non seulement de mettre fin à l'optimisation fiscale de la TVA immobilière mais surtout d'éviter de voir se multiplier les montages pendant le processus législatif. A l'évidence, sans rétroactivité, les opérateurs immobiliers se seraient empressés de récupérer la TVA ayant grevé des travaux de construction en soumettant à la TVA la première affectation des immeubles construits. Il faut aussi subodorer le développement considérable des programmes de construction de logements avant l'entrée en vigueur de la loi assimilant la constitution d'usufruit immobilier pour un prix inférieur à la valeur économique du bien à une location exonérée de TVA et sans droit à déduction. Dans de nombreux Etats membres, y compris en France, les lois fiscales supprimant un avantage sont assorties de la rétroactivité afin de prévenir et combattre l'optimisation.

La CJCE se montre très sensible à cette argumentation. Elle souligne en effet que "à cet égard, il ressort de la lecture du communiqué de presse du 31 mars 1995 que l'effet rétroactif de la loi de modification n'était pas motivé par le souci de mettre fin aux montages financiers pratiqués depuis de nombreuses années, mais bien par la crainte que de tels montages soient réalisés à grande échelle entre le moment où il était décidé de procéder à une modification de la loi et celui où ladite modification entrerait en vigueur" (§ 38). Elle poursuit en fixant les conditions de la rétroactivité : " Une telle crainte n'apparaît pas infondée et la prévention de tels montages peut constituer un intérêt général justifiant que, à titre exceptionnel, un Etat membre utilise la technique de l'effet rétroactif de la loi, pour autant que la confiance légitime des assujettis soit dûment respectée. Il appartient toutefois au juge national, qui connaît le mieux les circonstances de l'espèce, d'apprécier si le risque de montages financiers créés pendant ce laps de temps était suffisamment important pour justifier le caractère rétroactif de la loi" (§ 39). Elle précise également le sens du principe de protection de la confiance légitime auquel il est possible de déroger en cas de rétroactivité.

2.2. Dérogation exceptionnelle au principe de protection de la confiance légitime

Le principe de protection de la confiance légitime est inspiré du droit allemand. Il protège les citoyens contre la modification, avec effet immédiat et sans avertissement préalable, des réglementations existantes (CJCE, 14 mai1975, aff. C-74/74, Comptoir national technique agricole (CNTA) SA c/ Commission des Communautés européennes, précité), ainsi que contre la fourniture de renseignements erronés (CJCE, 4 février 1975, aff. C-169/73, Compagnie Continentale France c/ Conseil des Communautés européennes N° Lexbase : A6889AUP adde, F. Hubeau, Le principe de la protection de la confiance légitime dans la jurisprudence de la CJCE, CDE 1983, p.143 ; P. Mengozzi, Evolution de la méthode suivie par la jurisprudence communautaire en matière de protection de la confiance légitime, Rev., marché unique europ., 1997/4, p.13). Certes, les justiciables n'ont pas le droit d'exiger le maintien d'une législation. Cependant, il est interdit de les surprendre. Lorsqu'une autorité communautaire souhaite modifier une réglementation, avec effet rétroactif, elle doit en informer, en temps utile, les destinataires, y compris par télex adressé aux administrations nationales (CJCE, 7 juillet 1976, aff. C-7/76, Société IRCA (Industria romana carni e affini SpA) c/ Amministrazione delle finanze dello Stato N° Lexbase : A7233AUG).

La diffusion de l'existence et du contenu d'un projet supprimant un avantage fiscal de manière rétroactive par un moyen moderne de communication apparaît donc admissible. En l'espèce, le communiqué de presse en date du 31 mars 1995 à 18 heures, date et heure de l'effet rétroactif de la loi réformant la TVA immobilière aux Pays-Bas, réitéré le 3 avril 1995, indiquait clairement le but de cette rétroactivité : lutter contre les montages financiers tels que ceux pratiqués par la Stichting Goed Wonen. Ces communiqués avaient été précédés de débats parlementaires tout aussi explicites.

La CJCE insiste sur la nécessité d'une information préalable, complète et suffisamment compréhensible par les personnes visées par le projet de loi rétroactive. Elle précise que "s'agissant dans l'affaire au principal d'une réglementation nationale, c'est en tenant compte des modalités d'information normalement utilisées par l'Etat membre qui l'a adoptée et des circonstances de l'espèce qu'il y a lieu d'apprécier in concreto si la confiance légitime des opérateurs économiques visés par cette législation a été dûment respectée" (§ 43). Même si l'espèce lui semble ne pas soulevé une réelle difficulté sur ce point, elle préfère s'en remettre au juge interne pour vérifier si les communiqués de presse "étaient suffisamment clairs pour qu'un opérateur économique effectuant des opérations économiques telles que celles visées par la loi soit en mesure de comprendre les conséquences de la modification législative envisagée au niveau des opérations qu'il pratique" (§ 44).

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