Réf. : CE, 3° et 8° s-s., 18 mai 2005, n° 259275, SARL Sophie B c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie (N° Lexbase : A3450DIM)
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N4645AIU
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par S. D.
le 07 Octobre 2010
Décision : CE, 3° et 8° s-s., 18 mai 2005, n° 259275, SARL Sophie B c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie (N° Lexbase : A3450DIM)
Rejet : CAA Douai, 3ème ch., 4 juin 2003, n° 02DA00781, SARL Sophie B c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie (N° Lexbase : A4754C9X) Mots-clés : Changement d'activité ou d'objet social ; report en avant des déficits ; activité de vente de vêtements sous différentes enseignes ; changement de localité Textes concernés : CGI, art. 209 (N° Lexbase : L9330G7P) et 221 (N° Lexbase : L9582G7Z) Lien base : |
Faits
1. La société requérante, qui exploitait un commerce d'habillement de prêt-à-porter sous l'enseigne "Benetton", avait interrompu son activité en 1987, puis repris, en 1990, une activité de commerce de détail d'habillement et d'articles de sport sous l'enseigne "Sport 2000" ; 2. A l'issue d'une vérification de comptabilité portant, en matière d'impôt sur les sociétés, sur les exercices clos en 1991 et 1992, le vérificateur avait remis en cause l'imputation sur les bénéfices de ces deux exercices des déficits et amortissements réputés différés des exercices clos en 1987 et 1988, au motif que la société avait changé d'activité. |
Solution
1. Ne constitue pas un changement d'activité réelle l'interruption de l'activité de la vente de vêtements sous une certaine enseigne pendant 31 mois, puis reprise même partiellement, dans une autre localité, sous une autre enseigne ; 2. Annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai. |
Observations
Aux termes des dispositions de l'article 209 du CGI, en cas de déficit subi pendant un exercice, ce déficit est considéré comme une charge de l'exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice. Si ce bénéfice n'est pas suffisant pour que la déduction puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté successivement sur les exercices suivants jusqu'au cinquième exercice qui suit l'exercice déficitaire. La déduction des déficits fiscaux d'exercices antérieurs est, toutefois, subordonnée à la condition dite "de l'identité d'entreprise", selon laquelle le report déficitaire ne peut, en principe, être pratiqué que sur le bénéfice de l'entreprise qui a subi le déficit (instruction du 10 mars 1986, BOI n° 4 A-5-86 N° Lexbase : X0683AAK ; doc. adm. 4 A 6123, du 9 mars 2001). Le respect de cette condition suppose, donc, que la société n'ait ni changé d'objet social ni d'activité réelle. En effet, de tels changements entraînent cessation d'entreprise au plan fiscal (CGI, art. 221-5). Ainsi, l'exercice par une société du droit au report déficitaire est subordonné, notamment, à la condition qu'elle n'ait pas subi, dans son activité réelle, de transformations telles qu'elle ne serait plus, en réalité, la même. La doctrine fiscale, suivie par la jurisprudence des cours administratives, s'est attachée à définir les notions de changements d'objet social ou d'activité réelle. La constatation de changement d'objet social est des plus simples, étant donné que les statuts de toutes sociétés doivent déterminer le contenu de celui-ci. Le changement d'activité d'une société doit, donc, en principe, s'accompagner de la modification de ses statuts. Cette dernière doit être déclarée par la société, dans un délai d'un mois, au service des impôts dont elle relève pour l'assiette de l'IS. Toutefois, pour les sociétés assujetties à l'IS, le changement d'objet social n'emporte de conséquences au regard de cet impôt que s'il s'accompagne d'un changement effectif de l'activité exercée. Le changement d'activité réelle se caractérise par une modification de la nature des opérations réalisées, des biens produits ou des services rendus. Surtout, seul un changement profond d'activité est susceptible d'avoir des conséquences en matière d'impôt sur les sociétés (Doc. adm. 4 A 6123, du 9 mars 2001, n° 30). L'appréciation de la réalité du changement d'activité relève, alors, de l'analyse d'une situation de fait. A cet égard, le changement d'activité réelle d'une entreprise est avéré lorsqu'à l'intérieur d'un même secteur d'activité, une entreprise passe d'un type de métier à un autre. Tel est le cas lorsque l'entreprise, sans changer de secteur d'activité, rend des prestations de nature différente s'adressant à une clientèle distincte et impliquant la mise en oeuvre de moyens d'exploitation nouveaux en personnel et en matériel (CAA Douai, 27 janvier 2004, n° 00DA00808, SA Sidoux c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A5081DBS ; lire Nicolas Bourgeois, La perte du droit au report en avant de déficit en cas de changement profond d'activité, Lexbase Hebdo n° 116, du 15 Avril 2004 - édition fiscale N° Lexbase : N1263ABE). Il y a, également, changement d'activité réelle lorsqu'une société qui cesse ses activités de gestion de ses participations dans diverses sociétés et de prestations administratives au profit de ses filiales, modifie son objet social, absorbe l'une de ses filiales exerçant une activité industrielle et assure alors elle-même l'activité de fabrication et de commercialisation (CAA Nantes, 1ère ch., 30 juin 2000, n° 96NT01323, Ministre de l'Economie et des Finances c/ SA La Fourmi N° Lexbase : A6409BHT). En revanche, ne constitue pas un changement d'activité la prise en location-gérance du fonds de commerce d'un hypermarché par une société holding, dans la mesure où cette dernière avait été créée ad hoc pour reprendre l'activité du fonds de commerce appartenant à la filiale. En outre, la holding avait étendu son objet social à l'exploitation de ce supermarché aussitôt cette opération effectuée (CAA Nantes, 1ère ch., 5 février 2003, n° 99NT01086, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ SA Risldis N° Lexbase : A0148C9D). En l'espèce, la société requérante, qui exploitait à Vernon un commerce de vêtements de prêt-à-porter sous l'enseigne "Benetton", avait cédé en 1987 son droit au bail, sa clientèle, ses immobilisations et son stock. Par ailleurs, après une période d'inactivité de trente et un mois, au cours de laquelle le gérant et la totalité du collège des associés avaient été renouvelés, la société avait repris à Rouen une activité de vente de vêtements, de chaussures et d'articles de sport sous l'enseigne "Sport 2000". Enfin, la société soutenait que l'activité de commerce de détail d'habillement, qu'elle exerçait jusqu'en 1987 à Vernon, représentait une part prépondérante du chiffre d'affaires réalisé, à compter de 1990, dans le cadre de son fonds de commerce situé à Rouen. Pour les juges de la Haute assemblée, l'activité de la société requérante, s'exerçant toujours partiellement dans le domaine du commerce de vêtements, doit être regardé, au regard des faits de l'espèce, comme n'ayant pas subi un changement d'une importance telle qu'il devait être regardé comme emportant cessation de l'entreprise au sens du 5 précité de l'article 221 du CGI. En ce sens, la cour administrative d'appel de Paris avait estimé que l'interruption, en raison de difficultés d'exploitation d'une activité de vente au détail de vêtements durant une période de trois ans pendant laquelle l'entreprise avait exercé l'activité de réalisation d'étalages dans le magasin de vêtements, l'activité initiale ayant été reprise ultérieurement dans une autre localité, ne constitue pas un changement d'activité (CAA Paris, 2ème ch., 7 décembre 1995, n° 95PA00580, Ministre du Budget c/ SARL Mac 2 N° Lexbase : A8711BH4). |
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